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  • Valérie au pays des merveilles

    Jires,tchécoslovaquie,70s

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    Valérie est une jolie fille de treize ans. Elle vit avec sa grand mère dans un village où arrivent, en même temps, une troupe de comédiens et une procession de moines. Autour de sa maison rôde un être maléfique surnommé "le Putois" et un jeune homme bienveillant, "l'Aiglon", qui se révèle être le fils du précédent. Le garçon va se charger de protéger Valérie contre tous les hommes ou créatures qui l'entourent et qui ne pensent qu'à abuser d'elle.

    Valérie au pays des merveilles, film d'un Jaromil Jires responsable quelques mois plus tôt d'une belle Plaisanterie, est difficile à décrire tant il suit la logique des rêves et leur emprunte le caractère aventureux de leurs articulations. A aucun moment, et pas plus au début qu'à la fin du récit, nous ne nous sentons arrimés à une quelconque réalité. Nous restons dans le rêve de Valérie. Par conséquent, tout peut advenir et le cinéaste ne se prive pas d'assembler des séries de plans dont la nature est totalement imprévisible.

    Cette esthétique de la surprise incessante est agréable mais peut aussi paraître quelque peu vaine. Le travail sur la forme est constant, chaque plan se voulant puissamment expressif. Les cadrages improbables abondent, comme les jeux de lumière et de caches (le traitement de l'espace est très particulier, l'architecture de la maison de Valérie, par exemple, se faisant presque "mouvante"). Une impression de trop plein se fait jour car les références semblent innombrables (partant des deux plus évidentes, Lewis Carroll et Bram Stoker), les pistes qui s'ouvrent sont mutliples et l'apparence des personnages eux-mêmes peut changer en un instant. La mise en scène de Jires impressionne mais prend le risque de lâcher le spectateur et de le mettre à distance.

    Pour autant, malgré l'onirisme absolu impregnant l'objet, c'est un véritable récit qui se met en place. Si des bifurcations désarçonnent, si des symboles échappent, si des images restent difficiles à définir, une histoire nous est bien contée. C'est celle d'une innocence en péril, d'une virginité menacée. Une lutte est engagée entre le blanc qui caractérise le monde de Valérie et le noir du tentateur maléfique, entre la lumière solaire et la pénombre des caves.

    La beauté virginale est aussi celle de certaines images irisantes que compose le cinéaste. Cependant elle est très loin de ressembler à une quelconque pudibonderie. Valérie est une jeune fille en danger ayant ses propres troubles, ses émois, ses curiosités. Le surgissement de la monstruosité de l'empêche pas d'aller de l'avant et elle ne détourne pas le regard si elle surprend un couple faisant l'amour. L'aventure, qui laisse une large part à l'érotisme, s'apparente au passage vers la sexualité. La dernière séquence illustre d'ailleurs l'accession à un autre état, harmonieux pour tous, y compris ceux que l'on croyait repoussés.

    Dans ce film riche de prolongements, le ballet des nombreux personnages convoqués finit par prendre la forme d'un nœud de vipère familial, ce qui ouvre plus encore à une profonde dimension psychanalytique et donne, sur la durée, une certaine épaisseur à des figures au départ schématiques. Malgré les thèmes périlleux, comme celui de l'inceste, qui apparaissent alors, malgré les agissements sanguinaires des vampires qui le peuplent, ce déroutant Valérie au pays des merveilles reste jusqu'au bout d'une grande douceur. Encore une chose étonnante.

     

    A lire : une chronique DVD enthousiaste signée par un praticien bien connu.

     

    Jires,tchécoslovaquie,70sVALÉRIE AU PAYS DES MERVEILLES (Valerie a tyden divu)

    de Jaromil Jires

    (Tchécoslovaquie / 73 min / 1970)

  • Carlos

    assayas,france,2010s

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    "Au départ, je n'avais pas d'idée. Je n'aime pas la musique qui « fait film » (...). J'ai commencé à faire des essais, en prenant des choses existantes. Ça ne marchait pas : le film rejetait tout ! En désespoir de cause, j'ai apporté une compilation d'une cinquantaine de titres que j'essayais les uns après les autres ! Sans résultat. A un moment donné, à tout hasard, j'ai dit : essayons ça... C'était un morceau des Feelies, un groupe des années 80. Et tout à coup, ça colle ! C'est même assez excitant, ça donne une tension imprévue. J'ai alors décliné leur album sur la totalité du film, très bien. Excepté qu'il n'y a presque plus les Feelies, sauf au début, pour l'arrivée à Beyrouth. On était à la veille de mixer, quand leur éditeur nous a fait part de leurs énormes doutes sur le fait d'être mêlés à un film sur le terrorisme ! On leur a envoyé des extraits, rien à faire. Il a fallu tout démonter... Mais le style était trouvé. Je suis donc allé chercher des morceaux dans la même note." (Olivier Assayas, entretien paru dans Positif en juin 2010)

    A moins d'être un intime d'Olivier Assayas, nous ne saurons donc jamais à quoi aurait ressemblé l'odyssée de son Carlos dopée d'un bout à l'autre par le rock simple et tendu des Feelies. Peut-être cela n'aurait-il rien changé par rapport aux substituts trouvés par le cinéaste, dans la même veine post punk (de New Order à Wire). Mais peut-être aussi qu'une musique issue d'une même source aurait donné une cohérence plus grande encore et que les Crazy rythms de ce grand groupe méconnu (du nom de leur génial premier album de 1980) auraient propulsé plus follement un film(-série) satisfaisant mais un peu sage.

    Il est vrai que des contraintes, Assayas a dû en affronter pour mener à bien son projet dans l'économie télévisuelle qu'il a choisi. Son sujet d'étude posait également bien des problèmes (montrer le charisme du terroriste sans être complaisant, traiter d'affaires encore entre les mains de la justice). La plupart du temps, le cinéaste s'en sort avec les honneurs. La voie priviligiée est celle de la reconstitution au plus près possible des faits avérés. Cela a pour conséquence de freiner les ardeurs, de proposer une suite de scènes essentiellement fonctionnelles, d'empêcher de véritables envolées (pour revenir sur l'insertion de morceaux rock, celle-ci vise à ménager des transitions et des respirations qui, si agréables qu'elles soient, n'entraînent pas, malheureusement, tout le film dans une autre dimension moins factuelle et sont juste à l'origine d'un phénomène de "montée-retombée" un peu frustrant). Cependant, il n'existe pas que des inconvénients à tenir cette prise de position. Etudier ainsi, "froidement", les faits le long du parcours de Carlos et les restituer dans leur chronologie, sans en passer par un traumatisme de jeunesse ni organiser toute sa narration autour d'une fin pathétique qui éclairerait tout, c'est éviter l'écueil du psychologisme et de la construction alambiquée et vaine.

    Pour réussir ce pari, il fallait toutefois proposer une incarnation convaincante, une présence que l'on ne puisse pas remettre en question. Ce qui frappe tout le long du film, c'est la façon dont s'impose le corps de Carlos. Assayas et son acteur, Edgar Ramirez, ont donné vie à un Carlos très sexuel. La vision de sa nudité, la description de son rapport obsessionnel et croisé aux armes et aux femmes et l'affichage d'un machisme se confondant avec l'autoritarisme du chef révolutionnaire donnent une réelle force aux scènes d'intimité. Evidemment, la chute du terroriste coïncide avec l'apparition de problèmes de santé touchant à sa virilité.

    Sur les 5h30 que dure cette "version longue", sans scorie véritable, se font sentir de réguliers changements de rythme. La première des trois parties repose sur de multiples séquences qui passent souvent trop vite, semblent trop brèves, ne gardant le temps que de placer un mot célèbre et de faire intervenir à l'écran une personnalité de l'époque. Le montage obéit aux règles de l'action moderne, avec jump cuts à foison. La deuxième partie me paraît être la meilleure. Assayas, tout en préservant la tension du récit, ralenti le tempo pour détailler la spectaculaire prise d'otage à l'OPEP et filmer des dialogues plus approfondis. La dernière est plus relâchée, moins maîtrisée. Carlos y apparaît ballotté de dictature en dictature, indésirable chez tous ses anciens soutiens d'Europe de l'Est, du Moyen-Orient ou d'Afrique. La traque finale est peu glorieuse, l'épisode au Soudan s'étire.

    Olivier Assayas a couru à perdre haleine après Carlos dans un périple international qu'il a eu le mérite de rendre, malgré sa complexité, tout à fait clair. Sa maîtrise dans la traduction des enjeux politiques est indéniable et on croit sentir parfois sa propre jubilation à être parvenu à jongler ainsi avec les langues et les destinations (le nombre de pays traversés est impressionnant). Il a réussi avec Carlos un bon "film-dossier", expression non péjorative ici, ce genre n'étant pas, selon moi, forcément synonyme de repoussoir cinématographique.

     

    carlos00.jpgCARLOS

    d'Olivier Assayas

    (France - Allemagne / 330 min / 2010)

  • Polisse & L.627

    polisse.jpg

    l627.jpg

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    Voir Polisse et prendre connaissance, au-delà de son succès public, des réactions de la presse, majoritairement très enthousiaste (*), amène à penser, même si l'on ne se sent guère proche des Cassandre annonçant régulièrement sa mort, que le cinéma a perdu la bataille, qu'il a été absorbé, qu'il n'y a plus que l'étiquette qui le distingue de la télévision. A quoi sert le "grand film" de Maïwenn ? Quelle est sa finalité ? Quel point de vue le soutient ? Sa seule utilité, à mon sens, est de permettre la tenue de débats sociologiques à l'issue des projections (celui auquel j'ai assisté était intéressant, bien plus que le film lui-même). Partout où ils sont organisés, probablement, les intervenants ont le même jugement, positif, sur l'authenticité de ce qui est montré à l'écran (une fois exprimées quelques légères réserves concernant la condensation du récit, l'aspect spectaculaire de certains dialogues ou l'adaptation parfois défaillante des propos adressés aux plus jeunes). Mais à quoi bon être authentique si l'on n'a que cela à proposer ? Il suffit, pour s'informer sur le sujet, pour être édifié, de regarder n'importe quel document télévisé sur l'enfance en souffrance. Polisse n'est pas un film, c'est la reconstitution d'un reportage de France 2.

    Une fois ceci établi, se pose alors aussitôt le problème de la représentation et du défilé d'acteurs connus singeant des douleurs d'anonymes. Cette bourgeoise qui pleure sous le feu des questions de l'enquêtrice, ce n'est que Sandrine Kiberlain qui joue la détresse. Cette femme flic qui se fige devant un fœtus posé sur une table d'hopital, ce n'est que Marina Foïs qui fait sa grande scène choc. Cet écart est donc, déjà, trop grand, entre le réel et les figures supposées le débusquer. Il devient parfois abyssal lorsque Maïwenn s'enquiert de désamorcer ce qui serait trop douloureux ou dévalorisant pour l'image de cette police des mineurs. Le regroupement des enfants roms séparés de leurs parents se termine en comédie musicale rieuse, la crise de larmes d'un gamin laissé par sa mère est l'occasion de faire accéder Joey Starr au rang de "grand acteur", la grosse baffe que donne le même Joey soulage tout le monde car elle atteint un notable dégueulasse... Rendre compte d'une réalité complexe, ce n'est pas faire défiler les victimes comme autant de cas, ni coller l'une à l'autre une séquence sur un intégriste et une séquence sur une formidable famille cosmopolite, ni dérouler à la cantine une discussion entre pro- et anti-Sarkozy. Tout cela ne sert qu'à contenter tout le monde (sauf les pédophiles).

    Pour ce qui est de l'énergie (tant vantée depuis la présentation du film à Cannes), Maïwenn pense qu'elle naît de l'entassement dans le cadre et de la caméra portée. Certes, ça bouge mais aucune dynamique cinématographique n'est créée. Si Maïwenn a pour modèle Pialat ou, plus près de nous, Cantet ou Kechiche, qu'en est-il des notions de temps, de flux et d'épuisement du plan ?

    Surtout, sur quoi et comment porte son regard ? L'actrice-réalisatrice s'est réservée le rôle d'une photographe intégrée provisoirement à la brigade (inutile de penser à Depardon, la piste ne mène nulle part). Or, son personnage ne sort pas un mot, ou presque, de tout le film. Cette fille n'est là que, d'une part, pour jouer la love story avec Joey et, d'autre part, pour servir de relai au spectateur découvrant ce monde particulier. Et encore le fait-elle mollement, sans conviction. Ses photos ? Nous n'en verrons aucune. L'absence cruelle de point de vue se ressent également à un autre niveau. La caméra colle tout d'abord aux basques des policiers, puis ce pacte est brisé lorsque sont mis en scène des moments qui sont extérieurs à la vie de l'équipe, des représentations d'abus s'intercalant alors jusqu'au dénouement, ahurissant point d'orgue en montage alterné d'une entreprise perdue d'avance puisque son initiatrice n'avait finalement rien d'autre à dire que "détruire l'enfance, c'est mal" et "le métier de policier est difficile".

    Polisse est un reportage mal dramatisé soumis au nivellement formel et moral télévisuel. L.627 est un film de cinéma. Il y a près de vingt ans de cela, il suscita lui aussi nombre de débats et son authenticité fut également saluée par les policiers. Mais Bertrand Tavernier, lui, ne s'arrêtait pas là. Sur la représentation de la police (et des délinquants) à l'écran, sur la frontière poreuse entre documentaire et fiction, sur la valeur d'une image, le cinéaste exprime des choses que Maïwenn est à cent lieues de laisser percevoir tant son abdication sur la forme est totale.

    Ici aussi le spectateur trouve un relai avec le personnage joué par un excellent Didier Bezace. Mais le respect de ce point de vue est strict et devient clairement celui de Tavernier. L'introduction à un groupe n'a rien d'artificiel : notre homme n'est pas un "bleu", c'est un nom connu dans la police, la première demi-heure étant d'ailleurs consacrée, de façon assez audacieuse sur le plan narratif, à illustrer ses déboires, ses renvois d'une brigade à l'autre, avant qu'il ne se pose à l'endroit attendu. Et cet endroit, il est vu à travers son regard seulement (ajoutons que l'homme est passionné de vidéo et que nous le voyons, à un moment, en mission, s'arrêter de filmer une scène de rue parce que son acte tourne au voyeurisme). Tavernier n'éclaire qu'une intimité, celle de son personnage principal, sans pour autant tout en dire, tout expliquer. Des zones d'ombre subsistent partout, des histoires ne sont pas bouclées.

    La progression dramaturgique est remarquable, ménageant des pauses musicales et s'appuyant sur un découpage judicieux. Le professionnel et l'intime alternent à l'écran et l'un influe sur l'autre souterrainement et non pas lourdement pour fournir des explications faciles à des situations inconfortables (pas d'équivalent chez Tavernier au "fœtus de Marina"). De belle manière ces deux flux se rejoindront dans la dernière scène, ponctuant la montée d'une sensation de pessimisme et de lassitude.

    Les dérives, pour Tavernier, ne tiennent pas seulement au manque de moyens, à la compétition entre les polices et à la pesanteur hiérarchique. Les hommes ne sont pas dédouanés. Chez lui, la complexité et l'ambivalence doivent être dans le plan lui-même et non pas advenir par l'assemblage scolaire de deux séquences opposées. Par exemple, les bons mots, qui encombrent un peu, il est vrai, le début du film (l'argot parlé par les policiers sonne plus ou moins bien selon les acteurs), le cinéaste s'abstient de toujours les mettre en avant, de toujours finir ses plans avec eux. De plus, il laisse ceux qui, assurément, sont navrants. Plus significativement encore, on peut différencier la façon dont Maïwenn court immédiatement vers les moments les plus forts, les plus édifiants, de celle dont Tavernier garde les séquences qui ne font rien avancer dramatiquement et qui n'ont aucune valeur d'exemple. Les scènes d'action (et il y en a plusieurs dans L.627) sont filmés à la bonne distance et ne sont pas "dramatisées" : ce n'est jamais un seul personnage qui en porte la charge, aucun n'est mis ainsi en valeur par un coup de scénario.

    Enfin, disons que filmer la brigade de protection des mineurs est peut-être plus douloureux sur le plan personnel mais bien moins périlleux sur ceux de la morale, du social et du politique, que s'attacher à décrire le travail des stups. Dans Polisse, un sale pédophile friqué se prend une torgnole. Dans L.627, des dealers, noirs et arabes, ne cessent d'encaisser des coups. Maïwenn termine son film avec un beau slogan en image : "Un flic s'éteint. Un enfant renaît." Tavernier, lui, le fait en laissant la route et la ville s'éloigner sous les yeux de son personnage noyé dans la pénombre à l'arrière de son Trafic.

     

    (*) : On appréciera d'autant plus la détonnante sortie de Pierre Murat dans le Télérama de cette semaine, à l'occasion de la sortie de la comédie Intouchables : "Décidément, 2011 risque d'être une sale année pour les fans du cinéma français qui croient encore à la mise en scène. Il y en avait peu dans La guerre est déclarée. Presque pas dans Polisse. Et plus du tout ici. D'accord, on a parfaitement le droit de prôner, désormais, un cinéma où le cinéma n'a plus de raison d'être. Mais alors, il faut se l'avouer et le dire."

     

    polisse00.jpgl62700.jpgPOLISSE

    de Maïwenn Le Besco

    (France / 127 min / 2011)

    L.627

    de Bertrand Tavernier

    (France / 145 min / 1992)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2008)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2008 : Cette année-là, les Cahiers vont saluer et écouter Brian De Palma, Arnaud Desplechin, Ari Folman, Laurent Cantet, Raymond Depardon, Werner Herzog, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Sean Penn (Into the wild), Hou Hsiao-hsien et Juliette Binoche (Le voyage du ballon rouge), Sandrine Bonnaire (Elle s'appelle Sabine), Garin Nugroho (Opera Jawa), Jerzy Skolimowski (Quatre nuits avec Anna), Bertrand Bonello (De la guerre), Jean-Pierre et Luc Dardenne (Le silence de Lorna), Béla Tarr (L'homme de Londres), Ramin Bahrani (Chop shop), Steve McQueen (Hunger), James Gray (Two lovers), Jeanne Moreau et Louis Garrel. Ils publient des textes sur le cinéma américain contemporain, l'état du cinéma français (le Club des 13, les Etats Généraux), le cinéma muet, les fictions documentaires, la représentation de la guerre, Johan van der Keuken, Shirley Clarke, Jim McBride, Kiju Yoshida, Chris Marker, Mario Monicelli, Howard Hawks, Werner Schroeter, Youssef Chahine, Manny Farber, Shinji Aoyama, Jia Zhangke et Dino Risi (par Luc Moullet).
    Dans Positif, les entretiens sont menés avec Tim Burton, Paul Thomas Anderson, Garin Nugroho, Michel Gondry, Arnaud Desplechin, les frères Dardenne, Mike Leigh, Laurent Cantet, Raymond Depardon, Steve McQueen, James Gray, Clint Eastwood, Agnès Varda, Valeria Bruni-Tedeschi (Actrices), Noémie Lvovsky (Faut que ça danse !), Matthias Glasner (Le libre arbitre), Andreï Zviaguintsev (Le bannissement), Erick Zonca (Julia), Lætitia Masson (Coupable), Peter Greenaway (La ronde de nuit), Ken Burns (The War), Aditya Assarat (Wonderful town), Jaime Rosales (La soledad), Matteo Garrone (Gomorra), Hong Sangsoo (Woman on the beach et Night and day), Eric Khoo (My magic), Marco Bechis (La terre des hommes rouges), François Dupeyron (Aide-toi, le ciel t'aidera) et Paul Laverty. Autres préoccupations de la revue en ce temps-là : le cinéma israélien, Yasuzo Masumura, Pierre Zucca, Alain Resnais, Lech Kowalski, Federico Fellini, Kiju Yoshida, Sean Penn, Edward Yang (par Olivier Assayas), Georges Méliès, Kenji Mizoguchi (par Victor Erice), Jean-Patrick Manchette, Woody Allen, Scarlett Johansson, Leni Riefenstahl, Mitchell Leisen, John Boorman, le muet français, Lola Montès d'Ophuls. Enfin, les dossiers sont consacrés à Joel et Ethan Coen, Henry King, Michelangelo Antonioni, Sydney Pollack, Jean Gabin et Werner Herzog, au zoom, au rock, au polar asiatique (de Johnnie To à Park Chan-wook), au sublime à l'écran et aux présidents américains au cinéma.
     

    Janvier : No country for old men (Joel et Ethan Coen, Cahiers du Cinéma n°630) /vs/ No country for old men (Joel et Ethan Coen, Positif n°563)

    Février : Redacted (Brian De Palma, C631) /vs/ Sweeney Todd (Tim Burton, P564)

    Mars : There will be blood (Paul Thomas Anderson, C632) /vs/ There will be blood (Paul Thomas Anderson, P565)

    Avril : Le premier venu (Jacques Doillon, C633) /vs/ Shine a light (Martin Scorsese, P566)

    Mai : Un conte de Noël (Arnaud Desplechin, C634) /vs/ Infernal affairs (Andrew Law et Alan Mak, P567)

    Juin : Valse avec Bachir (Ari Folman, C635) /vs/ Diary of the dead (George A. Romero, P568)

    Eté : Louis Garrel (C636) /vs/ Michelangelo Antonioni (P569-570)

    Septembre : Entre les murs (Laurent Cantet, C637) /vs/ Be happy (Mike Leigh, P571)

    Octobre : Profils paysans : La vie moderne (Raymond Depardon, C638) /vs/ Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, P572)

    Novembre : Peau d'âne (Jacques Demy, C639) /vs/ L'échange (Clint Eastwood, P573)

    Décembre : Wodaabe, les bergers du soleil (Werner Herzog) & Je veux voir (Joana Hadjithomas et Khalil Joreige) (C640) /vs/ Les plages d'Agnès (Agnès Varda, P574) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Si je cherche la trace de mes dix favoris de l'année, j'en trouve six chez les Cahiers (Coen, Anderson, Desplechin, Folman, Cantet, Depardon) et seulement trois chez Positif (Allen en plus des Coen et d'Anderson). En mettant côte à côte Demy et Antonioni, en avouant que le Doillon m'est inconnu, comme les deux films de décembre choisis par les Cahiers, et même en réaffirmant mon rejet total de Redacted, je vois la revue de Frodon-Burdeau assurer et celle de Ciment marquer le pas, ses choix se portant essentiellement sur des habitués de la maison en petite (Eastwood, Scorsese) ou en très mauvaise (Burton, Romero, Leigh, Varda) forme. Allez, pour 2008 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • We need to talk about Kevin

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    Eva, femme heureuse avec son mari, met au monde un enfant qui s'avère pour elle, dès la naissance, ingérable, au point qu'un sentiment de haine apparaisse et perdure entre les deux jusqu'à la fin de l'adolescence de ce dénommé Kevin, bientôt responsable d'un acte de violence effroyable.

    We need to talk about Kevin est un film inconfortable et excessif centré sur le thème fort de l'enfantement d'un monstre. Son traitement passe par un biais particulier, celui du lien, et repose sur un parti pris, le refus de la psychologie et de la leçon de morale, ces deux options impliquant des choix de mise en scène précis.

    Elle n'arrive pas à aimer son fils et il déteste sa mère. Eva, celle dont nous épousons le point de vue durant tout le film, regarde son Kevin grandir, horrifiée mais sans pouvoir jamais s'en détacher. Elle sent la force du lien indéfectible existant entre eux deux et voit trop bien la part d'elle-même qui se retrouve dans l'autre (au-delà de la crédibilité basique, trouver un jeune homme ressemblant véritablement à Tilda Swinton était donc primordial). Cette notion d'attachement, Lynne Ramsay la fait également sienne pour trouver le système narratif et l'esthétique de son film. La cinéaste lie en effet ses plans les uns aux autres par de multiples trouvailles de raccords. Toujours, des couleurs, des postures, des lumières ou des ambiances sonores sont là pour nous entraîner vers le plan suivant. Ces liaisons servent aussi à faire tenir debout un récit dont la chronologique est totalement chamboulée. C'est plastiquement que le film s'ordonne et tout maniériste qu'il soit, il trouve par là sa cohérence.

    En décrivant l'évolution (la non-évolution) de ce rapport filial sans chercher à donner aucune explication psychologique à cette faillite, Lynne Ramsay se place au-delà du réalisme. Elle nous envoie ses images comme si elles sortaient directement du cerveau de son héroïne, en désordre mais tendant vers un dramatique point aveugle. Le récit est soumis à l'état mental d'Eva et il se fait parallèlement très symbolique. Ce choix est risqué : nous en sommes réduits à observer deux blocs de caractère qui se font face. Eva est prise dans un glacis et Kevin est le mal incarné. Leur caractère n'évolue pas. Ce n'est pas tant un problème de crédibilité qui se pose alors qu'un problème de rythme (les scènes se répètent) et de dramaturgie (les réactions sont largement prévisibles, seule leur ampleur change). Le grand mélange initial se transforme, progressivement, en un fil narratif plus net et sans surprise.

    Lynne Ramsay propose une mise en scène hyper-expressive, effectue un extraordinaire travail sur le son. Musiques et bruits sont parfois mixés très haut, ce qui crée un décalage étonnant, pas seulement, fort heureusement, destiné à véhiculer de l'ironie. We need to talk about Kevin est un film clinique et assez barré. Tant de maniérisme pour raconter cette sombre histoire peut agacer ou ennuyer par endroits. Tout cela fait de ce troisième essai de la cinéaste, après Ratcatcher (1999) et Le voyage de Morvern Callar (2002), peut être le plus abouti plastiquement mais pas le plus passionnant. Il est regrettable, notamment, qu'il nous laisse sur un final raté, dont le but est de faire apparaître, enfin, l'Humain. L'esquisse du thème du pardon ressemble alors à un passage en force, à une concession rassurante, voire au surgissement d'un politiquement correct qui était pourtant vigoureusement ignoré jusque là.

     

    weneedtotalkaboutkevin00.jpgWE NEED TO TALK ABOUT KEVIN

    de Lynne Ramsay

    (Royaume-Uni - Etats-Unis / 110 min / 2011)