Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

allemagne - Page 2

  • Machorka-Muff & Non réconciliés

    (Jean-Marie Straub et Danièle Huillet / Allemagne / 1963 & 1965)

    ■■■□ / ■■■□

    machorka.jpgMachorka-Muff est un court-métrage de 16 minutes, le premier film du couple Straub-Huillet. Il est présenté, par un carton, comme "un rêve symboliquement abstrait, pas une histoire". Ce rêve, c'est celui d'Oberst Erich von Machorka-Muff, un général allemand attendant avec impatience la reprise en main du pays par un pouvoir militaire lavé de l'affront de 39-45. Frappent déjà dans ce premier geste cinématographique un art du montage déconcertant, ainsi qu'une organisation extrêmement rigoureuse des plans (y compris pour ce qui est des scènes d'extérieurs, qui ne jurent absolument pas au milieu des autres).

    Plutôt qu'une violente provocation, Straub et Huillet lancent un défi ironique. Quand Godard, trois ans auparavant, fonce bille en tête, se moquant bien de perdre en route certains de ses spectateurs ("Allez vous faire foutre !"), eux semblent avoir au contraire une haute estime de ceux qui reçoivent leur discours. La confiance qu'ils ont dans la capacité de ces derniers à saisir tous les enjeux de leur récit est parfois excessive (certains éléments restent obscurs) mais gratifiante.

    Une absurdité, un humour grinçant et discret, jamais placé au premier plan mais souvent présent, enrobent cette présentation de la journée d'un militaire. Des coupures de journaux posent le contexte, celui d'un appel au réarmement de l'Allemagne, à la réintégration de ses cadres, à l'évacuation d'un passé dans lequel Hitler ferait à peine figure de malencontreux accident, tout cela avec la bénédiction de l'Eglise. Les cinéastes ont fait de leur général un homme parfaitement moderne : un séducteur entre deux âges portant impeccablement le costume et la cravate, se fondant avec aisance dans l'agitation de la rue, comme il évolue au milieu de l'architecture futuriste de son ministère. Le fantastique, voire la science-fiction, ne sont pas loin et Machorka-Muff sonne comme une vigoureuse mise en garde.

    nonreconcilies.jpgLes qualités du premier ouvrage des Straub se retrouvent dans le deuxième, rendues plus évidentes encore par l'élargissement du champ historique considéré et la plus grande durée (Non réconciliés va jusqu'à 49 minutes). Le soin apporté à la forme impressionne là aussi mais, à nouveau, une attention très soutenue est demandée. La compréhension du récit nécessite en effet, à la première vision, un effort certain.

    Les dialogues sont dits par des voix monocordes. Des propos de première importance sont enoncés mais sans émotion visible. En écho, la mise en scène vise l'épure visuelle tout en se rechargeant continuellement de significations. Chaque plan semble vibrer sous l'effet de quelque chose qui le dépasse. C'est la culture ou bien sûr l'Histoire, sujet premier du film. C'est la société qui vit dans le hors-champ du défilé ou qui est captée par un travelling circulaire au bas d'un immeuble.

    Les séquences s'empilent les unes sur les autres et l'on a tendance à oublier, à recouvrir en partie des noms, des images ou des visages. Nos raccords ne se font pas facilement. Cependant, chaque plan est riche de ce qui l'a précédé et malgré le brouillard relatif dans lequel se déroule le récit, l'intérêt ne s'évapore pas. Les personnages sont assez nombreux et, leurs apparitions se limitant parfois à quelques secondes, sont réduits à des figures. Leurs différences de statut n'implique pas une modulation de la mise en scène. Peu importe que leur rôle narratif soit décisif ou pas : du barman au général, tous se trouvent au centre de la représentation. Choix d'égalité, déstabilisant pour le spectateur mais permettant au film d'accéder à une ampleur insoupçonnée.

    S'attachant au parcours d'une famille allemande sur une cinquantaine d'années (des prémices de la première guerre mondiale aux années 60), Non réconciliés propose moins un va-et-vient temporel qu'une progression où se mêlent inextricablement le passé et le présent. La narration se déploie en flash-backs qui y ressemblent si peu, rien ne les distinguant vraiment du reste, du point de vue du style. Seuls un habit, un élément du décor ou une phrase signalent leur nature. Ainsi, le propos du film est idéalement relayé par la mise en scène : 1914 ou 1962, les mêmes peurs et les mêmes dangers guettent l'Allemagne.

    Devant Non réconciliés, on pense au Fritz Lang américain et aux fantômes du muet (cette étrange femme qui répète : "Quel imbécile cet Empereur"), tout en se disant que cet objet assez passionnant, ne serait-ce que dans sa réflexion sur l'Histoire, est éminemment personnel et cohérent. Sa complexité et sa brièveté incitent à le revoir.

  • L'œuf du serpent

    (Ingmar Bergman / Etats-Unis - Allemagne / 1977)

    ■■■□

    oeuf5.jpgL'œuf du serpent (The serpent's egg) titre mal-aimé de la filmographie bergmanienne, est une œuvre impure, soumise à une étonnante série de tiraillements qui nous retiennent de la placer aux côtés des plus grandes mais qui la rendent dans le même temps absolument captivante. Bien que le scénario fut écrit avant l'exil de Suède d'un Bergman poursuivi par l'administration fiscale et traîté sans ménagement par la presse de son pays, le tournage, effectué en Allemagne, sous les auspices généreux du producteur Dino de Laurentiis, permit au cinéaste de faire passer toute l'inquiétude que lui inspirait son déséquilibre mental de l'époque. Jamais il n'avait bénéficié d'un budget aussi conséquent, d'un temps de tournage aussi long et de moyens techniques aussi importants, notamment en termes de décors. En contrepartie, la limite la plus contraignante fut sans doute pour lui de tourner en anglais (et en allemand dans une moindre mesure).

    Pour la première fois, Bergman situe très précisément un récit : exactement entre le 3 et le 11 novembre 1923, soit autour de la tentative de putsch menée par Hitler en Bavière. Chaque journée débute par quelques indications données en voix off et fixant le cadre social et économique désastreux dans lequel était alors plongé la République de Weimar. Cependant, L'œuf du serpent n'a pas grand chose du film historique classique. L'histoire n'est que la toile de fond sur laquelle Bergman peint ses tourments habituels. La reconstitution passe au premier abord pour minutieuse et ornementale mais se révèle être à rebours de l'académisme. S'appuyant moins systématiquement sur les gros plans qu'à l'accoutumée, la mise en scène garde toutefois souvent sa frontalité, renvoyant par exemple le spectacle du cabaret vers sa triste vulgarité et sa mécanique morbide. Dans les intérieurs, l'abondance des luminaires, des rideaux de perles et des miroirs exercent une oppression carcérale. Le grand David Carradine ne cesse de se pencher afin d'éviter les lustres et en vient, à l'occasion, à cogner ses poings contre les murs, pris au piège. Cette surcharge intérieure alterne avec la nudité monochrome des décors extérieurs dégageant les mêmes sensations : contrainte, écrasement, oppression. Dans une perspective expressionniste, Bergman montre comment les décors influent sur les personnages.

    A cette pression architecturale s'ajoute l'absurdité grandissante des événements jalonnant le parcours du héros, Abel Rosenberg. L'homme est ballotté par le cours du récit, il semble vivre constamment entre ivresse et cauchemars, il est soumis à des accès de violence irréels, le monde qui l'entoure devient poreux (il passe sans transition des hôtels de luxe aux appartements sordides, du cabaret au bordel, de l'hôpital à l'église, d'un sombre bureau à un laboratoire immaculé), les lieux qu'il arpente se font labyrinthes (l'accès à l'hôpital, le sous-sol des archives), la paranoïa le terrasse, les autorités le soupçonnent de méfaits dont il n'a pas idée : le développement de thématiques kafkaiennes est évident. Bergman peint un monde terrifiant, traversé d'éclairs de violence froide.

    Le fait historique perd peu à peu de sa véracité pour se charger de fantastique et de mythe : il en va ainsi de la représentation de la politique et de l'antisémitisme. Ce détachement progressif est également dû au passage par le prisme du couple et de tout ce qui y est rattaché chez Bergman, l'altérité, la peur, l'inceste, la religion. Il est étonnant de voir ces thèmes bergmaniens se confronter à une structure historique et plus encore à certains genres cinématographiques. En effet, le récit se drape plus d'une fois des atours de l'enquête policière, voire de ceux de la science-fiction et du film d'horreur. Dans toute la dernière partie du film s'installe par ailleurs un véritable dialogue entre Bergman et un certain cinéma du passé. La stylisation de plus en plus évidente des décors et la mise en scène "à l'ancienne" d'une tentative d'évasion de Rosenberg (mouvements amples et expressifs de Carradine, ruptures de la logique architecturale) semaient les premiers indices d'un retour vers l'expressionnisme allemand. Au final, la découverte d'un dispositif manipulateur à grande échelle, de terribles expériences médicales et de bandes cinématographiques perturbantes nous font soudain réaliser qu'en 1923, l'Allemagne connaissait depuis quelques mois les noms de deux dangereux Docteurs : Caligari et, surtout, Mabuse (celui-là même que poursuivait Gert Froebe dans l'épisode de 1961 et dans le même habit de commissaire de police que l'acteur endosse ici). L'œuf du serpent se termine ainsi par une étrange et puissante illustration de la fameuse thèse du critique Siegried Kracauer qui voyait dans l'expressionnisme la préfiguration du nazisme.

    (Chronique DVD pour Kinok)

  • Clara

    (Helma Sanders-Brahms / Allemagne - France -Hongrie / 2008)

    ■□□□

    Clara.jpgLe triangle amoureux formé par Johannes Brahms et Clara et Robert Schumann : emportée par l'élan du romantisme allemand, Helma Sanders-Brahms (Allemagne mère blafarde) nous conte cette histoire qui lui tient à cœur en ne privilégiant que les temps forts, les scènes signifiantes et les raccourcis dramatiques. Voulant échapper à l'académisme par la raideur du montage (coupes abruptes dans les plans) et l'intensité de l'interprétation (avec caméra mobile en temps de crises), la cinéaste ne fait finalement qu'accuser l'engourdissement de son arrière-plan et souligner le plaquage artificiel sur celui-ci de figures trop lourdement lestés d'affects.

    L'œuvre semble au premier abord laisser toute sa place à la musique, proposant au spectateur de consistants extraits de compositions de Schumann et de Brahms. Ces séquences sont essentiellement des mises en images de spectacles (concerts ou répétitions) et peu sera dit sur le processus de création, ce qui a pour conséquence de faire admirer plus volontiers une performance (de musicien et d'acteur) qu'une vibration intérieure. Dans une démarche simplificatrice, les concerts sont suivis soit d'un tonnerre d'applaudissements glorieux soit d'un silence de mort. Helma Sanders-Brahms dans Clara ne connaît pas la demi-mesure. Elle n'échappe pas à l'un des travers des œuvres aux forts enjeux dramatiques : le "tourner court". Ainsi, la première répétition de l'orchestre de Düsseldorf, nouvellement conduit par Robert Schumann, ne peut que mal se passer et être interrompue au bout de trois minutes par un étourdissement du Maître. Plus tard, un dîner ne peut que se voir écourté, à peine les premières cuillérées de potage portées aux lèvres, à cause de l'ivresse de l'hôte. Cette désagréable impression d'une compression du temps culminera lorsque la mort côtoiera le premier acte d'amour. Avec la même maladresse, un séjour en clinique ne sera évoqué que par une séquence-choc de lobotomie. Amour, musique et folie irriguent le récit mais c'est surtout le caractère cyclothymique, passant d'un extrême à l'autre en un clin d'œil, de Robert Schumann qui contamine le film, entamant sans arrêt sa cohérence interne.

    La nécessité d'une coproduction internationale pousse l'actrice de La vie des autres à donner la réplique à l'acteur fétiche de Patrice Chéreau et à un jeune espoir du cinéma français, pendant que s'affairent des seconds rôles hongrois. Il est donc impossible de parler d'une quelconque version originale. Seulement, nous ne sommes pas dans une fresque pleine de bruit et de fureur mais bien dans une œuvre à l'équilibre fragile, dans laquelle les dialogues sont primordiaux. Or les tons ne coïncident jamais. Les voix doublées sont appliquées et découpent l'espace sonore. Plus préjudiciable encore, leur cohabitation avec les phrasés forcément plus fluides et naturels, puisqu'incarnés réellement à l'écran, de Pascal Greggory et Malick Zidi heurte l'oreille. Focalisée sur un trio d'interprètes fameux, au sein duquel chacun semble jouer une partition différente, la mise en scène en oublie de faire vivre les silhouettes alentour. Les musiciens de l'orchestre ne sont qu'éléments du décor, la vieille cuisinière des Schumann grommelle, soliloque ou pleure, les enfants de la maison récitent distinctement, bien droits.

    Dans le cadre d'une reconstitution historique contrainte à l'économie de moyens et d'effets, Clara échoue régulièrement là où Ne touchez pas la hache de Jacques Rivette nous brûlait il y a peu, de toutes parts. Reconnaissons à la rigueur un certain savoir-faire dans la scénographie, notamment lorsqu'il s'agit de visualiser la valse des désirs entre chaque point du triangle par la mise en place et les déplacements des comédiens, mais passons vite sur le cadre étriqué des rarissimes scènes d'extérieur, sur le réalisme triste et lisse des décors et sur la clarté télévisuelle de la photographie.

    (Chronique cinéma pour Kinok, sortie le 13 mai 2009)

  • Allemagne mère blafarde

    (Helma Sanders-Brahms / Allemagne / 1980)

    ■■■□

    mereblafarde.jpgPlacée sous les auspices de Berthold Brecht, avec ce poème du dramaturge placé en ouverture, Allemagne mère blafarde (Deutschland bleiche mutter) est une oeuvre ample et distanciée. Helma Sanders-Brahms y articule la grande histoire et sa biographie, plus exactement, celle de sa mère, nous faisant passer constamment, dans un étrange va-et-vient, du quotidien au symbolique. A la fin des années 30, Lene rencontre son futur mari, Hans. Celui-ci n'est pas adhérent au parti nazi. Il est donc envoyé parmi les premiers combattants en Pologne. Il traversera ainsi la guerre, passant d'un front à l'autre et ne profitant que de quelques jours de permission de temps à autre. Au cours de l'une d'elle, Anna est conçue. Livrée à elle-même, Lene doit survivre avec sa fille en ville sous les bombardements ou dans les campagnes gelées. La fin de la guerre permet le retour de Hans au foyer mais aussi le début d'un nouvel enfer, conjugal celui-là.

    Trois larges mouvements structurent le film en épousant le regard d'Anna (relai à l'écran d'Helma Sanders-Brahms qui pose ici et là sa voix off). La première partie nous montre, dans une ambiance relativement douce malgré la montée du péril, les premiers moments de bonheur. Ce récit d'avant la naissance fantasme la rencontre amoureuse des parents, tente (en vain) d'imaginer les tendres étreintes. Puis arrive la guerre et ses syncopes, prenant la forme des souvenirs heurtés et partiels de la petite enfance. Enfin, vient la fin des hostilités et le retour d'un père si étranger. Le regard de la petite fille devient plus lucide face au glissement vers une "guerre intérieure" suicidaire. Les niveaux de lecture se multiplient tout le long du film : auto-biographiques, psychanalytiques (les rapports intenses liant une petite fille à sa mère, toutes deux plongées dans la guerre et la déchirure que peut provoquer dans un couple l'arrivée d'une troisième entité), historiques, allégoriques (la Mère, c'est l'Allemagne, la patrie qui a laissé ses fils s'abîmer dans l'impensable) et mythologiques (la poésie, le conte). Devant une telle richesse thématique, il arrive que l'on se sente parfois dépassé, redoutant qu'une signification nous échappe.

    La réflexion passe par la distanciation. Certaines séquences ont un aspect théâtral parfaitement assumé, de par leur ton et le placement des corps dans le cadre. Parfois, l'effet est transcendé en privilégiant les décors naturels mais en les dépeuplant par la même occasion (peu d'acteurs sont finalement à l'écran dans cette fresque et certains jouent même plusieurs rôles). Ce choix d'un léger recul par rapport au réel permet aussi d'accepter les quelques reconstitutions hardiment accolées à de nombreux plans d'archives de villes allemandes dévastées. Ces images aériennes de cités fantômes sont toujours aussi stupéfiantes, plans interminables soutenus par la magnifique partition pour piano de Jurgen Knieper. La bande son est l'un des éléments les plus étonnants du film. Sanders-Brahms orchestre une série de fondus-enchaînés sonores édifiants (les rires de soldats se transforment en discours radiophonique assourdissant), épure (une danse de bal sans musique audible) ou surcharge (le refuge dans une cave lors d'une alerte impressionne par le chevauchement des pistes sonores : explosions, musique, cris). Elle aime déstabiliser. Une séquence s'ouvre au son des bombardements sur le visage de Lene alitée. Est-elle affolée par le danger ? Non, elle est en train d'accoucher. Souvent la vérité du moment ne nous est pas révélée tout de suite.

    La progression narrative se fait par larges segments, prenant parfois l'allure de véritables morceaux de bravoure. Les scènes intimes décrivant les brefs séjours du père retrouvant sa petite famille à l'arrière sont filmées de manière assez minimalistes, provoquant quelques retombées de l'intérêt. En revanche, un très long passage au centre du film voit la mère et sa fille sillonner la campagne (l'oeuvre embrasse d'une certaine façon tout le territoire allemand), faire une halte dans une usine désafectée et finir en ville, le tout sans que la première ne cesse un seul instant son récit d'un terrible conte de Grimm à l'attention de la deuxième (une suspension ne se fait que le temps... d'un viol par deux soldats américains). Le tableau brossé de l'Allemagne de l'après-guerre est glaçant : les nazis se replacent dans l'administration Adenauer, les hommes s'en sont sortis plus ou moins et s'oublient dans l'alcool, les femmes portent les stigmates physiques, vivantes malgré tout, mais muettes dorénavant. Anna sera donc, comme la plupart de ceux de sa génération, mise dans une situation intenable, tenaillée par l'amour pour sa mère et l'envie de demander des comptes à celle qui n'a rien voulu voir d'autre que le rideau baissé de la mercerie tenue par un juif, celle qui ne veut plus rien dire, celle qui tente de repousser des choses qui, de toute manière (un éprouvant arrachage de dents, un refuge aux allures de four crématoire) subsistent à l'état de traces.

    Inégal, très complexe, toujours passionnant, irradié par le visage d'Eva Mattes (Lene) : tel est le film le plus réputé d'Helma Sanders-Brahms, réalisatrice aguerrie du cinéma allemand qui verra sa dernière oeuvre, Clara, distribuée en France au mois d'avril prochain et sur laquelle nous écrirons bientôt.

  • Teza

    (Haile Gerima / Ethiopie - Allemagne / 2008)

    ■■□□

    teza.jpgHaile Gerima traite dans Teza d'un vaste sujet dont on ressent à chaque instant la nécessité, l'auteur ayant porté à bout de bras son projet pendant une dizaine d'années. A travers le parcours sur vingt ans d'un intellectuel exilé, ce sont les soubresauts de toute l'histoire récente de l'Ethiopie que survole Gerima.

    Le film débute dans les années 90, alors qu'Anberber retrouve son village natal, sa mère et son frère aîné. Ce retour est placé sous le signe du traumatisme : le corps est meurtri et l'esprit tourmenté. Les cauchemars et la réalité se mélangent, les anciens accueillent avec circonspection l'enfant du pays devenu étranger, l'armée est partout multipliant les enrôlements forcés, les arrestations et les exécutions sommaires. Pour rendre le malaise du personnage, Gerima nous fait partager ses pensées et a recours à une voix off trop insistante avec ses incessants questionnements ("Qui suis-je ?", "Que vais-je apporter à ma famille ?") et ses vaines tentatives de se remémorer un événement dramatique refoulé. La narration est très embrouillée, intégrant de nombreux flashbacks de l'époque où Anberber était étudiant et militant gauchiste en Allemagne, privilégiant des plans très courts et menant quelques récits parallèles. La confusion est autant narrative qu'esthétique : les moments de tensions sont excessivement stylisés et les scènes de violence sont peu lisibles.

    Lorsqu'une nouvelle couche est ajoutée au mille feuilles avec l'évocation d'une autre période, celle des années 80 et du retour au pays des élites à la suite du renversement du dictateur Haile Selassié (destitué en 1974), on se voit très inquiet, sachant que nous ne nous trouvons qu'à la moitié des 137 minutes du métrage. Pourtant, sans que l'on sache trop pourquoi, Gerima décide à ce moment-là d'abandonner ses labyrinthes spatiaux et temporels pour mener son récit de manière linéaire. Quasiment plus de sauts dans le temps, ni de voix off. Dans cette Addis-Abeba où la junte militaire traque les traîtres à la Révolution socialiste (remarquable séquence de procès politique), il ne s'agit plus de théoriser mais de survivre. Dans l'Allemagne de 1970, l'engagement politique consistait à débattre et à manifester dans les rues de Bonn. Dans l'Ethiopie de 1980, il devient une question de vie ou de mort. Chacun doit choisir : avec ou contre le régime.

    A mi-film, Haile Gerima simplifie donc son propos, faisant entièrement confiance à son scénario. Il peut alors boucler la boucle sans esbrouffe en déroulant les événements chronologiquement. Et enfin l'émotion affleure. Les idées disséminées au début, de manière si arbitraire, trouvent leur place avec justesse et les clichés deviennent évidence : le retrait de la politique et de la guerre, le repli symbolique dans la grotte, la paternité, la reprise du flambeau de l'éducation des jeunes villageois...

    Teza, film aux deux visages, a reçu le Prix du jury à la dernière Mostra de Venise.

    Vu au 19e Festival International du Film d'Histoire de Pessac. Sortie française indéterminée.

  • L'homme perdu

    (Peter Lorre / Allemagne / 1951)

    ■■■□

    hommeperdu.jpgLorsque quelqu'un parle de L'homme perdu (Der verlorene), il en arrive presque toujours à placer un mot sur La nuit du chasseur(ce que n'a pas manqué de faire Patrick Brion dans sa présentation de l'autre soir). La mise en parallèle n'est, il est vrai, pas idiote puisque nous avons là les uniques réalisations de deux acteurs mythiques, tournées à quatre années d'écart. Et si l'on peut dire que le film de Peter Lorre n'atteint pas à la poésie de celui de Charles Laughton, il s'en dégage un même sentiment de singularité.

    La trame de L'homme perdu m'a paru relativement obscure. C'est que, partant des retrouvailles, pour le moins non souhaitées, de deux hommes dans un camp de réfugiés, en Allemagne, à la sortie de la guerre, et construit sur divers flash-backs, le récit semble avancer en prenant de larges virages successifs. On pense d'abord être dans une histoire de vengeance, avant de passer à des problèmes d'espionnage et de finir sur un portrait psychologique de tueur. L'esthétique elle-même cultive cet art de l'entre-deux, mêlant quelques figures expressionnistes (jeux d'ombres, gros plans lumineux) à un ensemble plus réaliste. Les ambiguïtés du scénario et des caractères se prolongent : nous ne sommes pas devant un film en noir et blanc mais devant un film en gris.

    Peter Lorre cinéaste agrège avec sûreté tous ces éléments (vu sa carrière, il a été à bonne école). Tout juste signalerai-je une musique trop envahissante, pointant ostensiblement les tourments de l'âme. Peter Lorre acteur est au-delà de tout éloge, allumant cigarettes sur cigarettes (le film est indiffusable en prime time, trop de tabagisme), ne cessant de parler, affichant des traits tirés, loin de l'image rondouillarde que l'on a souvent en tête, et délestant son personnage de tout aspect comique (quand nombre de ses apparitions à Hollywood véhiculait une forte dimension grotesque).

    L'homme perdu est un beau traité de la désespérance.

  • Mademoiselle Else

    (Paul Czinner / Allemagne / 1929)

    ■■■□

    mademoiselleelse.jpgDécouverte totale que cette Mademoiselle Else (Fräulein Else) dont seul, au générique, le nom de Karl Freund à la photographie ne m'était pas inconnu. Paul Czinner, né austro-hongrois et réalisateur d'une vingtaine d'opus des années 20 aux années 60, signe là un très beau drame mondain, tiré de l'oeuvre d'Arthur Schnitzler (qui n'eut donc à attendre ni Ophuls ni Kubrick pour être adapté brillamment).

    Mademoiselle Elseest bien un film de la fin du muet et participe pleinement à l'effervescence de l'époque : techniques et langage du jeune septième art sont maintenant parfaitement maîtrisés et permettent toutes les expériences, des récits les plus virevoltants aux explorations les plus intimes. C'est vers ce deuxième chemin que s'engouffre Paul Czinner, même si il ne résiste pas à la tentation de se griser de mouvements et de surimpressions dans la première partie, à l'occasion du voyage de son héroïne. Il nous décrit une cellule familiale bourgeoise avec infiniment de précision et d'attention, au fil de longues séquences, pas forcément décisives en terme de récit, mais faisant toujours preuve de dynamisme et d'inventivité. Il dirige également un groupe de comédiens prodigieux, à la retenue et à la justesse confondantes. Nous nous attachons tout d'abord au Dr Thalhof qui, après quelques hasardeux placements en bourse, se retrouve au bord du gouffre et de la prison. Albert Bassermann l'incarne magnifiquement, intériorisant ses émotions, ne laissant parler que ses mains et son regard (la femme de Thalhof s'oppose à lui par le caractère, la comédienne s'oppose, elle, à Bassermann par son jeu très expressif).

    Après une belle séquence, d'une longueur surprenante (dans la continuité, Thalhof tente de sortir avec un revolver dans sa poche, sa femme l'en empêche, il a une attaque, elle l'accompagne jusqu'à son lit, le soigne et le regarde s'endormir), nous quittons la maison pour retrouver Else, la fille, qui profite de vacances aux sports d'hiver, en compagnie de son cousin. Voici donc Elisabeth Bergner, star de l'époque et muse du cinéaste. Trop âgée pour le rôle vous dirons les littéraires. Assez fascinante vous dirai-je, dans le passage de la fille à la femme, se déplaçant en sautillant tout en faisant déjà sentir une fêlure d'adulte. La douloureuse transformation est provoquée par l'annonce par courrier des malheurs paternels et la demande express qui lui est faîte d'aborder le riche Von Dorsday, ami du père, susceptible de prêter l'argent nécessaire. Cet homme, dont Else évite plutôt la compagnie, ne semble pas spécialement pervers ou libidineux (Albert Steinruck, au même niveau que les deux autres). Il apprécie tout simplement la présence d'une belle jeune femme à ses côtés. Le marché qu'il proposera au final à Else n'en est que plus surprenant et déstabilisant : pouvoir la voir nue. Après avoir entendue la proposition inouïe, celle-ci se retrouvera dans sa chambre et sera logiquement filmée, vacillante, face à son miroir... Subtilité et force. Quelques minutes plus tard, le dénouement, terrible, nous fera dire que nous ne sommes décidément pas si loin de Eyes wide shut.

    Dans le deuxième tiers de Mademoiselle Else se trouve une séquence sublime. Premier mouvement : Von Dorsday quitte la salle de restaurant pour faire quelques pas dans le hall. La caméra le précède en un travelling arrière le long du tapis. Else apparaît derrière lui. Elle n'ose pas l'aborder et lui parler de son père. C'est Von Dorsday qui, à partir de maintenant, est au centre et guide le récit, et donc, la caméra. Deuxième mouvement : arrivé au bar, il s'arrête pour discuter. Else doit absolument s'approcher. La caméra est maintenant derrière elle et le travelling se fait vers l'avant, comme pour la pousser. Troisième mouvement : le jeu du chat et de la souris se poursuit. La caméra va alors les chercher tous les deux, en aller-retours panoramiques de l'un à l'autre, pour enfin les réunir dans le cadre, côte à côte. Le plan rapproché peut alors advenir. Les mains se serrent, l'invitation au bal est faîte, la tragédie est en marche...

  • Tartuffe

    (Friedrich Wilhelm Murnau / Allemagne / 1926)

    ■■■□ 

    tartuffe.jpgLorsque l'on s'attend à une simple adaptation par Murnau (et Carl Mayer) de la pièce de Molière, la surprise est de taille. Avec son Tartuffe (Herr Tartüff), le cinéaste allemand offre à la fois le texte et son explication, du moins l'une des leçons que l'on peut en tirer. Un bourgeois, âgé et malade, se fait cajoler par sa gouvernante qui lorgne sur sa fortune. Au moment où le vieillard se décide enfin à écrire au notaire en faveur de celle-ci, son petit-fils, mal-aimé car vivant une vie dissolue de comédien, débarque et s'aperçoit vite du manège. Mis à la porte, il s'adresse soudain à nous (par carton interposé), face à la caméra, pour nous prévenir que les choses ne se passeront pas comme cela. Il revient le lendemain, grimé, et parvient à organiser dans le salon de son grand-père, à l'attention des deux occupants des lieux, la projection d'un film de cinéma, titré Tartuffe. C'est ainsi qu'après vingt minutes, un nouveau film, celui attendu, commence.

    Pendant cette longue introduction, Murnau use d'un certain naturalisme avec ces gros plans de visages ridés, au bord de la grimace, et ces détails triviaux dans les accessoires. La variété des cadrages et la fluidité confondante du montage, font vivre de façon unique ce décor d'appartement bourgeois et éloignent le spectre du théâtre.

    Car au travers de cette adaptation, c'est bien toute la puissance du cinéma qui est convoquée. Et d'abord sa capacité de révélation. Le grand-père finira par ouvrir les yeux (et Murnau insiste sur l'éblouissement provoqué par le retour de la lumière dans la pièce, après le noir de la projection), quand lui aura été contée l'histoire de Tartuffe, le faux dévot qui se fait l'ami du riche et brave Orgon, dans le seul but de le déposséder de sa fortune. Dès lors, nul besoin de s'appesantir. En quelques plans, la gouvernante se retrouve dans la rue et les deux hommes réconciliés. Un dernier carton nous pose la question "Est-on vraiment sûr de la personne qui se trouve à nos côtés ?"

    Mais les mérites du Tartuffede Murnau ne se limitent pas à cet encadrement original. Le récit principal recèle lui aussi mille merveilles. Il est aisé de retrouver d'oeuvre en oeuvre, au fil d'une carrière pourtant multiforme (et courte), des traces de fantastique. On n'y échappe pas ici non plus. L'art du décor y est déjà pour beaucoup. Le château d'Orgon est réduit à l'image à quatre ou cinq pièces, et pourtant, tout y est (voir l'utilisation magistrale  du hall, avec son escalier et les différents paliers). Dans les chambres ou les salons, les reflets et les ombres de l'expressionnisme se mêlent aux jeux théâtraux des rideaux. Le personnage de Tartuffe, surtout, véhicule une inquiétante étrangeté. Son apparition est retardée par Murnau. "Satan est entré dans la maison" prévient la domestique. Plus tard, quand elle lui portera un chandelier, seul un bras passera dans l'entrebâillement de la porte pour le saisir, tel un monstre. Ce Tartuffe qui lorgne vers les décolletés d'Elmire, la femme d'Orgon, serait risible avec son nez constamment collé sur son livre de prières si Emil Jannings, massif et huileux, ne le rendait si malsain.

    Pour faire tomber le masque de Tartuffe et libérer ainsi son mari de son emprise, il faut qu'Elmire tente le diable sous les yeux de son bien-aimé. Sur l'écran, Lil Dagover, comme son personnage, nous a, pendant un moment, bien caché son jeu et sa capacité à éveiller le désir. Troublants, ses abandons (mêmes feints), la révèle à tous : Tartuffe, Orgon et le spectateur. Son remerciement final à Dieu est alors de bien peu de poids après l'avoir vue capable de tant d'ensorcellements et après avoir assisté à une telle charge contre les dévots. Murnau, lui, nous aura mis en garde contre tous les hypocrites et fait comprendre qu'il faut toujours aller voir dessous les choses pour y trouver la vérité, belle (les jambes d'Elmire sous sa robe) ou moche (les semelles crottées de Tartuffe affalé sur son hamac).

  • Tumultes

    (Robert Siodmak / France - Allemagne / 1932)

    □□□□

    tumultes.jpgRalph Schwartz est un bon gars un peu brute, un voyou qui en impose tout en sachant mettre tout le monde dans sa poche par sa gouaille naturelle. Grâce à sa bonne conduite, il sort plus tôt que prévu de taule, où il a passé deux ans comme en colonie de vacances. Il court retrouver sa donzelle Ania. Elle est surprise mais heureuse. Elle pense un peu trop à la bagatelle alors que Ralph doit ouvrir tout son courrier. Elle lui fout du rouge à lèvres sur la joue. Faut pas pousser : Ralph lui en colle une. Quelque chose nous dit qu'elle l'a bien méritée. Les potes qui s'ramènent, ça détend l'atmosphère. Alors qu'on n'attend pas pour mettre au jus Ralph du casse à venir, Ania parle en douce à Gustave, son amant, "photographe d'art" (pour qui elle a posé nue, la garce). Le manège éveille les soupçons de Willy, le jeune garçon (d'une bonne trentaine d'années), que Ralph a été sortir de maison de correction (dette d'honneur). Doit-il tout balancer à son protecteur ? Il ne tient pas longtemps et c'est le drame : Gustave finit éclaté dans la mare. Ralph en colle une autre à Ania, mais cède à nouveau devant ses appâts, avant de s'enfuir pour pas se faire choper par les flics. Mais elle le trahit encore, et doublement même : elle le donne à la police et met le grappin sur Willy. Retour en taule pour Ralph. Il faut qu'il se fasse la malle pour se venger. Le différend se règle à coups de couteau et de poings, entre vrais hommes. Les deux se relèvent tant bien que mal. Ralph laisse volontiers cette grue à Willy, en lui souhaitant bon courage pour les années à venir. Au bon commissaire, il dit qu'il préfère encore la taule à toutes ces saloperies.

    Tumultes (Sturme der Leidenschaftpour les Allemands, selon la pratique de l'époque des doubles versions) est un bien mauvais film de Robert Siodmak, cinéaste cosmopolite par la force des choses (le nazisme le poussa à quitter l'Allemagne pour la France, puis l'Amérique) et auteur inégal parfois capable du meilleur (Les hommes le dimanche, Les tueurs, Les SS frappent la nuit). Ce drame criminel accumule tous les défauts possibles des oeuvres du début du parlant : des personnages univoques, des bons mots popus à chaque phrase, du théâtre, une interprétation appuyée, une profonde misogynie. Le cabotinage est la règle. Charles Boyer, dans le rôle de Ralph, est mauvais comme un pou. Florelle (Ania) lui donne la réplique en jetant de temps en temps quelques rapides coups d'oeil à la caméra (?!?). Une scène de hold-up totalement invraisemblable fait penser à celle du Pigeonalors qu'elle se veut sérieuse. Dans cet océan de clichés sur le petit monde des voyous des faubourgs, on pourrait mettre à l'actif de Siodmak quelques beaux travellings, une bagarre nerveuse filmée de manière expressionniste, une brève tentative de caméra subjective (mais annulée par le plan suivant, des plus banals, nous révélant l'identité du personnage dont on a épousé tout à coup la vision), une fulgurance érotique à la Louise Brooks - GW Pabst (quand Ania offre sa gorge, tête renversée, à Ralph), mais tous ces éléments ne raccordent jamais et accusent le statisme du reste. L'ensemble est d'un ennui à peu près total.

  • Rivers and tides

    (Thomas Riedelsheimer / Allemagne / 2001)

    ■■□□

    599900814.jpgRivers and tides est sous-titré : Andy Goldsworthy, l'oeuvre du temps. Goldsworthy est un artiste britannique du land art, réalisant ses travaux en pleine nature et uniquement à l'aide d'éléments trouvés sur place (bois, pierres, morceaux de glace, végétaux...). Ce documentaire suit patiemment ce sculpteur et constructeur de l'éphémère pendant quelques mois, faisant découvrir son travail et sa pensée. Très demandé par les musées et fondations du monde entier, il ne reste jamais trop longtemps loin de son village écossais et de sa campagne environnante où il ne cesse d'expérimenter. Sa démarche, telle qu'elle est décrite dans le film, se rapproche des jeux de construction de l'enfance où le temps passé à la recherche et à la préparation des composants importe autant que le résultat obtenu. Le documentaire rend compte parfaitement du travail quotidien de Goldsworthy, intercalant aussi une séquence de vie de famille qui semble détonner tout d'abord mais s'intègre finalement bien au tableau. Les réflexions dont nous fait part l'artiste sur sa pratique et ses buts sont du coup parfois superflues et ses propos sur le rapport physique avec la nature finissent par être excessivement théoriques. Intéressante est toutefois son obsession pour le flux des rivières ou l'alternance des saisons. La mise en scène de Thomas Riedelsheimer magnifie les oeuvres, de manière toujours approriée (survol en avion d'un long mur zigzagant en forêt, mouvements fluides au-dessus de cours d'eau ou, dans la plus belle séquence, plans fixes sur un assemblage de pierres que la marée recouvre puis rend intact le lendemain). L'art de Goldsworthy est étonnant, sa compagnie est agréable, ses confidences se font à voix basse, les images qui l'accompagnent sont enveloppantes et à l'écoute des frémissements de la nature : tant de douceur pendant 90 minutes provoquent cependant un petit engourdissement.