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  • L'une chante l'autre pas

    (Agnès Varda / France / 1977)

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    bd053362cb02d58f718f97c9e32343cb.gifLe style des documentaires d'Agnès Varda est très particulier et reconnaissable, donnant presqu'à chaque fois un résultat ludique et émouvant. Celui de ses films de fiction est beaucoup plus difficile à cerner, même si des éléments thématiques reviennent régulièrement (les portraits de femmes, la mort). Au hasard de visions désordonnées, je m'étais agacé à une mélo stylisé (Le bonheur), intéressé sans enthousiasme à un constat social (Sans toit ni loi) ou laissé séduire entièrement par un portrait intime (Jacquot de Nantes). L'une chante l'autre pas, diffusé sur Arte cette semaine, est encore différent esthétiquement, mais il se rapproche par moments du rythme et de l'ambiance de ce petit miracle qu'avait été Cléo de 5 à 7(deuxième film de Varda, réalisé à l'époque bénie des 400 coups et d'A bout de souffle, et peut-être celui des trois que j'emmènerai sur une île déserte, si il y a un lecteur DVD).

    Varda raconte ici les destins croisés de deux femmes, associées aux luttes du féminisme des années 60-70. Les deux protagonistes sont très différentes de caractère, de milieu social et de culture; leur amitié ne sera pourtant jamais entamée. Thérèse Liotard (Suzanne) et Valérie Mairesse (Pomme) sont touchantes, comme souvent les actrices chez Varda. La première partie traite de leur rencontre en 1962, de l'aide financière apportée par l'une à l'autre afin qu'elle avorte clandestinement et du drame commun qui les liera à jamais. Une certaine gravité enveloppe ce segment du film, habituelle pour la cinéaste, mais très prégnante. Peu à peu, la chronique linéaire laisse place à un montage plus musical, à la faveur de l'éloignement mutuel des deux héroïnes qui ne communiquent plus que par lettres. Trois voix-off se superposent alors (celles de Liotard, de Mairesse, et celle de Varda). Des images de natures mortes, de trajets en trains prennent la chronologie à rebours. Le meilleur du film se tient là, dans le récit de la reconstruction de Suzanne, parallèle à l'affirmation de Pomme dans le domaine musical.

    Les retrouvailles, dix ans après ralentissent les correspondances. Moins portée par les voix-off, la dernière partie est plus une collection de vignettes, entrecoupée de scènes musicales. Ces spectacles féministes et hippys (paroles amusantes signées par la cinéaste) font sourire aujourd'hui. Ce qui les sauve, c'est le contrechamp : le public des villages traversés. Varda filme ces paysans et villageois avec son oeil de documentariste unique. Le contraste entre les spectateurs et les musiciens n'est pas là pour faire rire, il montre que chacun doit être regardé avec la même attention, chanteuse pop ou vieux campagnard.

    L'épilogue fait le point sur les deux itinéraires, sur l'avenir des enfants. Le tableau est idyllique, donné comme résultat de luttes individuelles et surtout collectives au sein du mouvement féministe (dont des exemples auront émaillés le récit, du droit à l'avortement au planning familial). Difficile de penser que tout soit aussi facile que cela, mais l'aspect utopique est revendiqué clairement.

  • L'avion

    (Cédric Kahn / France / 2005)

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    1fd7e70f4469a5d3129890c5564503ef.jpgVoici un conte pour enfants, un vrai. Le petit Charly se voit offrir un étrange petit avion par son père aviateur. A la mort de celui-ci, il découvre que l'avion a le pouvoir magique de voler seul. L'armée, employeur du père, s'intéressera de près à cette machine, que Charly tient à garder, convaincu qu'elle l'aidera à retrouver son papa.

    Il faut donc jouer le jeu face à des péripéties pas toujours convaincantes, surtout dans la partie course-poursuite du film. Mais Cédric Kahn ne prend pas son sujet de haut, prenant autant de soin à mettre en images ici que dans ses films "sérieux". Il y a chez lui un désir de fiction particulièrement communicatif, surtout depuis son impressionnant Roberto Succo. En 2004, Feux rouges avait brillamment confirmé ce virage vers le cinéma de genre par rapport à ses trois premiers longs métrages, plus proches de la chronique sociale et affective (Bar des rails, Trop de bonheur, L'ennui, tous trois déjà remarquables). Pour tout cela, Cédric Kahn m'a toujours semblé, avec Desplechin, le cinéaste français le plus intéressant apparu au début des années 90.

    Si L'avion surprend agréablement, c'est pour le choix, si rare en France, du fantastique. Ainsi les séquences où l'avion prend son envol sont assez belles (et rendent discrètement hommage à E.T. l'extra-terrestre lorsque Charly s'accroche à sa machine et s'élève au-dessus du paysage). Cinéaste de l'inquiétude, Kahn filme une campagne et des bâtiments de plus en plus vides, alors que de plus en plus de personnes s'intéressent pourtant à cet avion. Enfin, la grande affaire du film, c'est le deuil. Charly doit apprendre à vivre sans son père. Je défie n'importe quel papa d'un jeune garçon de résister aux scènes finales. Le choix de Vincent Lindon s'avère judicieux, celui-ci faisant exister, dans le peu de séquences où il apparaît au début, son personnage. Et à l'image de son réalisateur, Isabelle Carré, dans le rôle de la mère, va au charbon, énergique, à fleur de peau. A chaque fois comme si sa vie en dépendait, Isabelle Carré peut jouer n'importe quoi. Depuis quelques années, Isabelle Carré est immense.

  • Fureur apache

    (Robert Aldrich / Etats-Unis / 1972)

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    af7455849a6e9103f38f7ef5791575dd.jpgAldrich n'a jamais été un adepte du politiquement correct. La vague de film pro-indiens de la fin des années 60, qui culmina avec Little Big Mand'Arthur Penn, l'a sans doute poussé à réaliser ce western si ambigu. Échappé de sa réserve, l'Apache Ulzana, accompagné de quelques hommes, se lance dans un périple sanglant, s'attaquant aux fermiers de façon particulièrement cruelle. La traque est lancée par un groupe de cavaliers de l'armée, mené par un jeune officier inexpérimenté et deux éclaireurs, un Apache engagé du côté des Blancs et son "beau-frère", le vieillissant McIntosh. C'est au travers de ce trio que sont développées les différentes positions morales face à la violence indienne. Le rendu de cette violence est très appuyé, la cruauté n'étant le fait que des Apaches. Heureusement, les propos de McIntosh relativisent parfois cette vision partiale. Le jeune idéaliste chrétien, quant à lui, se transforme peu à peu en chasseur haineux, s'opposant au fatalisme et à la lucidité de McIntosh. L'ambiguïté politique du film n'est pas levée avec son dénouement (le fait que le conflit vietnamien soit contemporain a aussi son importance). Le cinéma de Robert Aldrich est tout sauf confortable. Enfin, bien sûr, le personnage de McIntosh est interprété par Burt Lancaster, héros 25 ans auparavant de Bronco Apache, autre western (meilleur à mon sens) du même Aldrich.

  • Les clefs de la maison & Le scaphandre et le papillon

    (Gianni Amelio / Italie / 2004 & Julian Schnabel / France / 2007)

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    Consacrer un film à un personnage handicapé est l'une des choses les plus difficiles, les bonnes intentions se transformant vite en récit larmoyant. Les deux dernières réussites me revenant à l'esprit sont My left foot de Jim Sheridan en 1989 et le méconnu film australien de Rolf De Heer Dance me to my song, en 1999. Dans le premier, Daniel Day Lewis incarnait un peintre, ne pouvant se servir uniquement que de son pied pour réaliser ses toiles. Le ton était celui de la chronique réaliste et social à l'anglaise, vigoureuse et acide. Le second, à travers l'histoire passionnelle se nouant entre une handicapée et l'homme qui s'occupe d'elle, frappait par la représentation très frontale, jusque dans les scènes d'amour, des corps.

    537448d017a692584d68595c06db2ea9.jpgAmelio et Schnabel ont choisit eux aussi des voies différentes. Les clefs de la maison, présenté à Venise en 2004, est sorti discrètement ensuite en France. Le cinéaste italien fait à nouveau appel à l'héritage néo-réaliste, comme il l'avait si bien fait avec Les enfants volés en 1992 (bien des points communs caractérisent les deux films, notamment la construction scénaristique). La situation de départ est posée d'emblée : le père rencontre pour la première fois l'enfant handicapé qu'il a abandonné à la naissance, quinze ans auparavant. Ce bouleversement est voulu par l'entourage de l'enfant, qui espère qu'un séjour en Allemagne auprès de ce père inconnu provoquera une évolution bénéfique. Mis à part ces données, très peu d'informations sont données sur les personnages, Amelio faisant confiance à son regard documentaire. La relation père-fils se construit patiemment, au fil des examens et des sorties, sans psychologie, avec peu de dialogues. Les explications arrivent à la moitié du film et l'alourdissent d'un coup. Les confessions sont provoquées par la rencontre entre Gianni, le père (Kim Rossi Stuart), et la mère d'une petite fille hospitalisée (Charlotte Rampling). Bien interprété et photographié (la dernière partie sous les cieux norvégiens), le film souffre d'un déroulement trop habituel : apprentissage mutuel, agacement devant des méthodes médicales jugées inefficaces et fuite vers un ailleurs synonyme de nouvelle sérénité.

    988bcf323cc225c4b9c515363030cdaa.jpgLe scaphandre et le papillon, succès à Cannes et en salles au printemps dernier, est donc l'adaptation du livre autobiographique de Jean-Dominique Bauby. Ce récit, dicté avec les battements de sa paupière par l'écrivain totalement paralysé à la suite d'une attaque, Julian Schnabel le déroule en privilégiant la subjectivité du regard. Toute la première partie du film est en caméra subjective. Nous voyons uniquement ce que voit Bauby, y compris des choses indistingables. D'abord audacieux, ce choix est pourtant remis en cause au fur et à mesure, Schnabel privilégiant de plus en plus, apparemment sans raison véritable, des plans objectifs "normaux". Mathieu Amalric se sort bien de ce rôle difficile, ce qui laisse à penser que Schnabel aurait mieux fait de filmer classiquement depuis le début. Les seconds rôles sont drôles (Patrick Chesnais et Isaak de Bankolé) et les filles sont parfaites (Marie-José Croze, Mathilde Seigner et Anne Consigny). Les notes humoristiques évitent de sombrer dans le pathos, qui guette parfois, associé à une prise de conscience de la futilité de la vie facile d'avant bien convenue. Autre aspect qui aurait gagné à être plus poussé : le mélange de fantasmes et de réalité, produit des divagations de l'esprit de l'écrivain.

  • Tarzan, l'homme-singe

    (W.S. Van Dyke / Etats-Unis / 1932)

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    732a845f1349c174cc82a1ef3c70767b.jpgRevoir ce Tarzan, des années après, c'est replonger dans le cinéma hollywoodien des débuts du parlant. A cet égard, le film est passionnant en tant que symbole de cet art-là : simple, populaire, très "premier degré". Au-delà du jugement, une certaine nostalgie affleure : celle que l'on éprouve en se disant que l'on appartient sans doute à la dernière génération qui aura grandit aussi avec ces films-là. La télévision rejetant dorénavant toute diffusion de film ancien, nul doute que pour le jeune public actuel, Tarzan n'a plus les traits de Johnny Weissmuller ni Robin des Bois ceux d'Errol Flynn.

    Techniquement, le début est très gênant. Transparences et raccords sont grossiers, telle la promenade de Jane et son père devant des tribus africaines. Cet abus d'écrans pour des scènes manifestement tournées en studio, si déroutant, autant broder dessus : cela matérialiserait donc le refus par les occidentaux du contact avec l'autre. Petit à petit, ils prendront conscience et intégreront le même plan que les animaux et les indigènes. Tarzan, lui, se bat avec de vrais fauves, dans le même cadre, et non à distance de fusil, aidé par les coupures du montage, à la façon des explorateurs repoussant l'attaque de leurs radeaux par les hippopotames.

    Signe de l'époque, le racisme sous-jacent apparaît ça et là. Les Noirs sont traités comme des Indiens de western. La charge finale des éléphants sur le village des méchants pygmées, c'est la cavalerie qui arrive. Un dialogue énorme lorsqu'un porteur noir chute dans le vide entre deux explorateurs :

    - Que contenait la malle ?

    - Des médicaments !

    - Pauvre diable...

    - On ne peut plus rien pour lui.

    Mais il reste, en plus du charme du primitivisme et de l'iconographie, la belle séquence centrale de l'enlèvement de Jane. L'impossibilité de l'échange par la parole et la fascination pour le sauvage sont remarquablement rendus. Ces moments de sensualité cristallisent ce fantasme d'une femme pour un corps fort et non civilisé. Pas d'extrapolation ici, revoyez le film : Jane s'offre et veut clairement se faire un homme-singe.

  • Raja

    (Jacques Doillon / France / 2003)

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    d2d1a679166852e27fde589d2babec48.jpgAssez différent des films précédents de son auteur, celui-ci s'avère l'un de ses plus réussis. Le changement radical de paysage (le sud du Maroc) s'est avéré particulièrement fécond pour Doillon (mais pour l'instant sans lendemain, celui-ci ayant apparemment de plus en plus de mal à financer ses projets).

    Le cinéaste, d'habitude tellement porté sur les dialogues, joue avec la barrière entre les langues. Frédéric (Pascal Greggory) est le seul Français que l'on voit à l'écran. Sa situation professionnelle n'est pas définie, tout juste voit-on qu'il est riche et très cultivé. Le personnage est comme déporté du cinéma bavard (je caricature) de Doillon vers une réalité autre, celle du Maghreb d'aujourd'hui. Le plus souvent, son discours n'est pas compris pas ses interlocuteurs arabes, à cause de leur méconnaissance du français, mais surtout à cause des tournures d'esprit trop intellectuelles. Alors Frédéric parle seul ou se permet de dire des horreurs quand il sait que son vis à vis ne le comprend pas. Plutôt comique lors des dialogues avec les deux vieilles servantes, l'effet est plus troublant dans les scènes de séduction de Raja.

    Raja, est la nouvelle employée de la villa. Ils se désirent plus ou moins, mais les rapports sont viciés dès le départ puisque basés sur l'argent. C'est ici que Doillon frappe le plus fort : il constate l'omniprésence de cet argent dans la société gangrenée, autant qu'au sein du couple homme-femme. Et cette perversion est décuplée par choix du lieu de l'action. Cette histoire d'amour au Maroc devient le symbole de toute l'histoire coloniale. Le personnage de Pascal Greggory n'est pas que le porte-parole de l'auteur, il est l'image de l'Occident quand Raja est l'image de l'Afrique exploitée.

    Dit comme cela, on pourrait croire à une thèse. Heureusement, Doillon a un grand sens du casting (les confrontations entre Greggory et les acteurs arabes, tous non-professionnels sont merveilleuses). Il a aussi un don pour le réalisme, celui des gestes, des mouvements. Les corps hésitent, partent, reviennent, souvent dans un même plan. Frédéric et Raja sont comme deux aimants inversés, s'attirant et se détournant au dernier moment, sans jamais pouvoir se toucher vraiment (la scène d'amour, toujours retardée, ne peux donc être que ratée pour les deux). Le cinéaste avait précisé dans un entretien à Positif : "Ce qui se passe à côté des deux personnages importe peu; j'ai travaillé ce que permet le scope, le champ entre Raja et Fred, la distance qui bouge entre eux." Baigné dans la belle lumière du Sud, le film se permet aussi, comme cerise sur le gâteau, une scène étonnante, centrée sur les négociations insensées de Frédéric avec le frère de Raja. Le ton passe des menaces au quasi-vaudeville alors que la caméra lie le tout, d'un personnage à un autre, par de magnifiques travellings dans l'allée. Une autre négociation, tout aussi inattendue et inventive termine le récit de ce film si pessimiste et pourtant si dynamique.

  • TNT (Transmission de Navets Terrifiants) et la juste mesure des choses

    Ce jeudi soir, à 20h50, la chaîne NT1 ne diffusait pas de film de Bergman ou d'Antonioni, mais Le retour des Charlots, réalisé (?) en 1991. Pour contrer ce coup-bas, W9 proposait A nous quatre, Cardinal, toujours avec les Charlots, un classique de 1973. TMC, courageusement, tentait la contre-programmation : Salut l'ami, adieu le trésor, avec Terence Hill et Bud Spencer. Les grands perdants de la soirée se trouvaient alors chez Direct 8, obligés de ne diffuser qu'un téléfilm avec Michel Galabru. Il est vrai qu'ils avaient griller leur plus belle cartouche dimanche dernier en passant On est venu là pour s'éclater, du grand Max Pécas. Pourquoi s'inquiéter du cinéma et de la télévision ? Tout va bien !

    Remarquez, il faut rester de temps en temps devant ces films, juste quelques minutes attentives. Sur l'excellent site imdb, il est possible de donner une note (de 1 à 10) à tous les films que l'on a vu. Au printemps dernier, j'ai commencé à le faire. Un soir, je suis tombé à la télévision sur Comment se faire réformer, de Philippe Clair. Dès le lendemain matin, je suis revenu sur le site, j'ai repris mes listes depuis le début et j'ai relevé les notes de tous les autres films... Car je peux vous dire que quelques minutes de Comment se faire réformer, cela vous fait prendre conscience de la juste mesure des choses.