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2010s - Page 8

  • Au flux et reflux des marées

    kechiche,france,2010s

    D'accord, la première demi-heure de La Vie d'Adèle n'est qu'une mise en place. Si, déjà, l'accumulation de moments sonnent justes, l'emballement tarde quelque peu. Mais l'inquiétude ne pointe pas puisque l'on sait que le film va s'étendre et travailler sur la longueur, qu'Abdellatif Kechiche en a forcément pensé le mouvement en fonction de ces trois heures de projection. Et effectivement, ces premières scènes, en un sens uniquement de situation, s'avèrent nécessaires pour que l'on sente, en un instant, la poussée du décollage, que l'on ait conscience de prendre le dernier virage avant la longue série d'ascensions.

    Ce moment est celui du baiser échangé dans un escalier du lycée, coup de théâtre mais aussi brusque changement de braquet, élévation de l'intensité dans l'effort. A partir de là, le film décolle, et nous, on colle à Adèle, au plus près de son trouble, de ses craintes et de ses désirs. En cyclisme, nous serions dans une étape de montagne où les cols se succèdent, mais passés à la mi-journée, le dernier étant situé assez loin de la ligne d'arrivée. C'est en effet au centre du film que l'on est plongé dans les séquences les plus denses : fête, sexe, liesse... La Vie d'Adèle est pensée en ces termes de montée et de descente, Kechiche faisant et tenant le pari que la tension et l'attention ne retomberont pas dans la dernière ligne droite.

    Ce relief particulier est aussi une conséquence de la construction en deux volets dont le collage bord à bord provoque un effet de miroir. Chaque face réfléchit l'autre, la trajectoire d'Adèle se reflète. Montée et descente, naissance et mort d'un amour, mais aussi passage de l'étudiante à l'enseignante, symétrie d'aventures avec deux hommes. En décentrant l'axe des miroirs, on observe en outre deux confrontations parentales, deux fêtes à la maison, deux expositions... Autre opposition, ou écart, celui de l'âge des deux filles, faible mais rendu très sensible, ce qui n'est pas, au cinéma, si fréquent (on peut dire qu'ici la bouille d'Adèle suffit à prouver sa jeunesse).

    L'opposition est aussi de classe, ce qui nous entraîne, en même temps que sur le terrain du réalisme, sur celui du social. Alors, Kechiche, cinéaste réaliste et social ? Sans doute, mais à sa manière. Disons qu'il s'y intéresse fortement mais autrement, qu'il en passe par là pour attraper autre chose au vol. La façon dont il s'approche de son Adèle impressionne. Il le fait d'abord ponctuellement, insérant ces plans qui en seraient presque, dans les premières minutes, gênants. Puis il l'enserre véritablement, la tient et ne la lâche plus. Dans la très belle séquence du premier échange au bar, le plan qui cadre Adèle littéralement cernée par les lesbiennes, signe magistralement cette emprise. Adèle est toute entière sur l'écran et ne s'éloignera pas avant l'ultime minute. Kechiche vient donc au plus près d'elle, de sa peau, de sa bouche. Un pas de plus et on ne verrait plus rien. Même si nous en avons vu d'autres, les scènes d'amour laissent penser que l'on ne peut pas aller plus loin sur ce plan. Impression faussée, peut-être, et qui sera éventuellement contredite dans quelques mois, qui sait ? Peu importe. En ces instants, on se trouve bien au cœur. Et Kechiche se tient sur la crête.

    On le sait, il filme sa formidable actrice jusqu'à ce qu'il capte quelque chose de rare (je n'oublie pas Léa Seydoux, mais nous sommes bien dans La Vie d'Adèle : tout passe par elle). Il la met en "danger" et regarde. Face aux autres, Adèle (le personnage), semble désirante mais sur la défensive, en attente de quelque chose. Elle n'est pas inactive, au contraire, mais elle prend ce qui vient à elle, avec maladresse parfois, voracité toujours. Comme acculée, elle ne repousse pas, elle ingurgite, elle se nourrit de tout. Elle prend des baffes mais aussi des forces pour plus tard.

    Dans tout ça, dans ce film qui est d'abord, rappelons-le après tout le monde, un grand film d'amour et un saisissant portrait de fille, le social est tour à tour présent (les descriptions sont nettes et précises) et évacué du cadre. Le regard n'est pas porté sur la société directement, il l'est sur Adèle, qui y est intégrée et qui s'y débat. Et quand la passion amoureuse devient le sujet unique du film, l'environnement ne devient plus qu'un fond, une toile qui ne doit pas distraire du spectacle de ces deux visages et de ces deux corps qui s'entremêlent. Dans la seconde partie, les séquences dans l'école maternelle frappent d'une part par la façon dont les collègues restent à l'arrière-plan et d'autre part par la teneur des plans réservés aux enfants, qui véhiculent d'abord le regard d'Adèle avant d'aider à notre compréhension par des liaisons narratives et un assemblage traditionnel. De la même manière, on remarquera que la (deuxième) scène de retrouvailles au café, qui débouche sur un jeu physique douloureux et sexuel, ne dispense pas, contre toute attente, de plan de réaction d'autres clients, pourtant bien présents.

    Tout est donc soumis au flux et aux fluides d'Adèle (ceux sortant de ses yeux, de son nez, de sa bouche et de son sexe). Dans le film, devait alors forcément prendre place une séquence de baignade en mer, là où Adèle se laisse ballotter par les vagues. Le style cinématographique de Kechiche est là, dans ce flux et, surtout, ce reflux qui irriguent tous ses films, qui les caractérisent chacun, des détails à l'ensemble. Il suffit de penser à ces scènes d'engueulades qui, toujours, trouvent à se relancer, qui ne s'épuisent jamais au premier coup. Ces mouvements sous la surface provoquent aussi des remous (d'où le vertige qui nous prend dans les moments les plus incandescents), des superpositions de forces contraires. L'évidence de ces courants est la plus forte lorsque l'oralité est à l'honneur. La fête organisée par Adèle pour Emma et ses amis des Beaux-Arts constitue sans aucun doute, de ce point de vue, l'un des sommets de l'art de d'Abdellatif Kechiche. Porteuses de sens social, les paroles s'y croisent sans jamais coïncider. Cette disjonction est prolongée dans l'image par l'organisation de l'espace en tranches successives, le fond du plan ajoutant une dimension, une toile où est projeté Le Journal d'une fille perdue de Pabst et de Louise Brooks. Projection vivifiant encore le dispositif scénique et gratifiante pour le spectateur. Projection impudique, voire prétentieuse. Passons sans état d'âme : la puissance se dégageant, lorsqu'il est à son meilleur, du cinéma de cet homme-là est si rare par ici.

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  • Coupes franches

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    Devant Blue Jasmine, on commence par apprécier la façon dont sont traités les protagonistes, sans ménagement mais sans mépris, on commence par avancer par à-coups, on commence à préférer des scènes de-ci de-là. Woody Allen y pratique l'alternance en passant, sans s'embarrasser de transitions, d'une époque, celle de la splendeur sociale de Jasmine, à une autre, celle de son déclassement.

    Ici, la vie ne se déroule pas en ruban, elle est ponctuée de coupes. Le but de Woody Allen me semble être, cette fois-ci, de montrer ces coupes franches et comment les gens s'en accommodent. Une large fracture scinde le cœur et l'esprit de l'héroïne mais la réussite du film est d'en disséminer d'autres, en de multiples endroits, plutôt que d'insister sur l'illustration de la principale. La fracture et l'opposition guident la mise en scène, ce qui apporte toute leur justification aux forts contrastes, aux vigoureuses querelles, aux chocs culturels et sociaux.

    La coupe, certains personnages en répètent continuellement les effets, d'autres en tirent bénéfice, en profitent pour faire table rase du passé ou en font carrément un mode de vie au gré de leurs changements d'humeur et de leur instabilité affective. Jasmine, elle, s'y abîme. Sa faille personnelle provoque en elle une tectonique des temps, l'un, passé, finissant par recouvrir l'autre, présent, à son insu.

    Sur le plan narratif, la coupe franche rend imprévisible l'ordonnancement des flashbacks et incertaine la teneur de certains épisodes. Bien qu'étant très précis socialement et très actuel, le film se laisse glisser vers une petite étrangeté, le surgissement de plus en plus brutal des acteurs dans les plans leur donnant un aspect fantomatique, les coups de force du scénario prenant l'allure d'épreuves théâtrales. Dans l'image elle-même se poursuit ce travail, par l'usage du champ-contrechamp et celui du gros plan isolant. Les arrières-plans, flous ou trop idylliques, accusent alors le déséquilibre mental de Jasmine.

    L'attachement aux personnages est une première condition pour trouver bon un Woody Allen. Celle qui en fait un très bon est l'inspiration d'une mise en scène appropriée à son sujet. Ces deux sont ici réunies.

  • Transmission de pensées

    De par son double statut de victime de la folie totalitaire et de cinéaste œuvrant à la résurgence de la mémoire, Rithy Panh était destiné à livrer un jour un film qui s'appuierait sur sa propre expérience et qui contiendrait son propre témoignage. L'Image manquante est ce film, magnifique essai de cinéma autobiographique qui, dans le même mouvement, bouleverse par son récit de l'horreur et stimule par sa réflexion sur les images et la mémoire.

    Panh nous parle de la période khmère telle qu'il l'a vécue de 1975 à 1979, de 11 à 15 ans, celle où, ballotté d'un camp de travail à un autre, il a vu disparaître dans la boue cambodgienne toute sa famille. Histoire forte mais racontée sans aucun pathos, y compris lorsqu'il s'agit d'évoquer les moments les plus douloureux. Histoire, surtout, que le cinéaste tente de mettre en forme.

    Entendons le verbe tenter non comme l'annonce d'un échec quelconque mais comme le signe d'une recherche, visible sur l'écran lui-même, au cours d'un film qui donne l'impression d'une réflexion en train de se faire, de se construire. Fréquemment d'ailleurs, reviennent des inserts sur des mains d'artisans façonnant les figures de terre destinées à illustrer le récit de l'auteur. Ces intermèdes sont mieux que de simples occasions de pause, ils servent à montrer qu'un travail est en cours.

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    La dictature khmère est un trou historique. L'extermination qu'elle a opéré n'est pas sans preuve mais elle est sans image. Les khmers ayant été jusqu'à détruire aussi celles d'avant dans leur fièvre inouïe de table rase du passé, l'image cinématographique cambodgienne n'est plus. Il ne subsiste que de fragiles fragments, essentiellement tirés de la propagande au service de Pol Pot et de l'Angkar, son organisation.

    Privé de ce type de documents ou réduit à en insérer des bribes qui de toute façon, inévitablement, ne disent pas la vérité (un seul, exhumé ici, semble la dire très brièvement), Rithy Panh doit bâtir son œuvre sur autre chose et en passer donc par la représentation pour évoquer son périple. Son choix s'est porté sur l'utilisation de figurines et de décors fabriqués, placés sur des petits plateaux. Ce matériau est aussi rudimentaire qu'il est filmé avec simplicité. Les mouvements de caméra sont discrets, l'animation n'est pas recherchée, la force du tableau immobile se suffit à elle-même. Cette fixité permet de situer clairement les choses tout en laissant le spectateur se concentrer sur le texte et la voix qui le porte. Elle permet d'ancrer dans une réalité tout en s'en affranchissant, notamment par l'apport d'une dimension onirique.

    Pour la victime qui cherche à survivre, l'important est de préserver un noyau dur de liberté dans son esprit compressé. Le maintien de ce petit espace justifie le recours, dans le film, à quelques envolées irréelles, rendues possibles par le choix de représentation. Formidablement, Rithy Panh suit la chronologie des cinq terribles années qu'il passa alors mais laisse aussi par endroits flotter le temps, ce qui lui sert à rendre parfaitement ce sentiment de répétition sans avenir, cette abolition de toute perspective qu'impose le système concentrationnaire.

    Cette recherche du "comment transmettre" fait le prix et la beauté ultimes de L'Image manquante. La juxtaposition d'images différentes, leur projection, leur fusion parfois, qu'elles soient d'archives, qu'elles montrent des figurines ou qu'elles soient tournées, comme volées, au présent, tout ce travail porte ces beaux fruits. Ce dernier type d'images, les plus rares, ne sont pas, par ailleurs, les moins émouvantes : des vagues qui s'abattent sur nous une à une et sans répit, des doigts qui extirpent de minuscules grains de riz, des pieds nus d'enfant qui avancent sur la terre sèche... C'est l'équivalence d'une sensation précise que Rithy Panh recherche dans ces instants. C'est aussi pour lui, l'une des manières de se rapprocher le plus près possible d'une réalité dont la représentation frontale est impensable, impossible. Conscient de cette impossibilité, il a alors inventé ces biais fertiles et fait remonter très puissamment son passé, sa mémoire et sa pensée artistique.

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  • Une Nouvelle très Vague

    L'acteur est un sujet qui m'intéresse généralement assez peu. En réaction peut-être à l'époque de mon adolescence, quand presque tout le cinéma me semblait passer par le charisme de quelques actrices et acteurs suivis le long de leur carrière quels que soient les titres et les réalisateurs, je ne parviens plus vraiment à extraire ce facteur humain des images sur l'écran. D'ailleurs, je ne vois plus depuis longtemps un film "pour" un acteur. S'il m'est arrivé ici ou ailleurs de tenter de décrire l'effet produit sur moi par une interprétation admirable, j'aurais toutes les peines du monde à m'étendre longuement sur le sujet.

    En conséquence, je rechigne toujours à dire ou à écrire : "J'adore celui-ci" ou "Je déteste celle-là". Par exemple, je me fiche pas mal de la star Léa Seydoux. Il se trouve simplement qu'elle est parvenue à m'intéresser, me toucher, me plaire, chez Benoit Jacquot et Ursula Meier. Il se trouve simplement que Les adieux à la reine et L'enfant d'en haut m'ont paru de bons films.

    Mais il y en a une qui m'agace, c'est Greta Gerwig. Je ne l'aime pas. Enfin, je ne l'aime pas "pour le moment". Car je n'aime ni Damsels in distress de Whit Stillman ni Frances Ha de Noah Baumbach, deux films découverts ces derniers temps à quelques jours d'intervalle.

    2010s,baumbach,stillman,comédie2010s,baumbach,stillman,comédieDans l'un comme dans l'autre, la grande affaire serait, nous dit-on, "le corps burlesque" de Greta (et éventuellement de ses partenaires). Greta est danseuse, elle a de grandes jambes et une démarche de "mec bizarre". Et en effet, il lui arrive de tomber et de secouer étrangement les bras à mi-hauteur sur les côtés, comme si elle voulait prendre son envol. C'est tout. Comme il s'agit ici de deux comédies, vous pensiez que nous parlerions de Blake Edwards ou de Jerry lewis ? Non, non. Au niveau du burlesque, nous avons déjà fait le tour.

    Sur les plans esthétique et visuel, Damsels in distress et Frances Ha n'ont pas grand chose à nous apporter, malgré les couleurs chatoyantes de l'un et le noir et blanc mignon de l'autre. Ce sont essentiellement des œuvrettes verbales, verbeuses, bavardes, dans lesquelles les gens parlent pour ne rien dire en accumulant les décalages, les litotes et les sentences teintées d'absurde. Ne s'exprimant jamais au premier degré, ils manquent toujours de nous toucher et de nous attacher.

    Faire apprécier des personnages décalés, voilà une tâche difficile. Et si ce décalage tient lieu de principe de mise en scène, l'exclusion totale du spectateur est le risque encouru. L'agacement pointe rapidement devant ces deux comédies à la fantaisie mollassone et au déficit comique certain, devant ces minauderies artistiques, devant cette gentillesse, devant cette politesse à peine perturbée par quelques saillies verbales graveleuses (autour de la sodomie chez Stillman, du 69 ou de l'homosexualité chez Baumbach) dans une volonté de contre-pied venant quinze ans après les petits dérapages des films de Woody Allen sur les prostituées ou la fellation (Harry dans tous ses états, Maudite Aphrodite...).

    Woody Allen, c'est un peu celui que l'on ne nomme pas dans ces deux films. Référence devenue trop ringarde sans doute. Pourtant, bien des choses renvoient vers son œuvre et poussent finalement à la réévaluer à la hausse, jusqu'à ses films les moins intéressants. Chez Allen au moins, la plupart du temps, le récit se tient, va au-delà d'un assemblage de vignettes, ne compte pas seulement sur la couverture musicale pour trouver son homogénéité et son rythme.

    Plutôt qu'Allen, Stillman et Baumbach préfèrent citer directement Truffaut. Littéralement obsédés par la Nouvelle Vague, ils veulent en retrouver l'insolence et la liberté. Malheureusement, ils n'en récupèrent que l'habillage, l'apparence culturelle, pour transformer ce qu'ils filment en un contemporain vague, un faux présent en train, déjà, de passer. Ainsi, à côté des références aux anciens jeunes turcs français, abondent dans leurs films les moqueries sur les comportements d'aujourd'hui, les rejets de la technologie, les refuges dans les plis douillets des partitions de Georges Delerue, les étagères remplies de disques 33 tours, les fringues vintages et les tournures de phrases désuètes.

    Dans les années 80-90, Jarmusch, Hartley ou Carax payaient eux aussi leur dette envers la Nouvelle Vague mais ils n'en faisaient pas leur camp retranché, leur petite caserne arty à l'écart du monde. Dans Simple Men, pendant la séquence de danse en hommage à Godard, ce n'est pas un Madison que l'on entend, mais Sonic Youth. S'attachant à des jeunes gens, Stillman et Baumbach font en fait des films pour vieux cinéphiles.

    Terminons avec Carax. Je le confesse : moi aussi, depuis un certain jour de 1986, j'ai pu me demander à l'occasion ce que cela donnerait si je filmais, depuis une voiture, ma copine en train de courir le long d'un trottoir, avec le Modern love de David Bowie à fond dans les oreilles. Mais c'était pour abandonner l'idée aussitôt. Baumbach, lui, l'a fait et l'a montré à tout le monde. Grand bien lui fasse...

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  • MEURTRIER, adjectif.

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    Avec Aurora, Cristi Puiu poursuit le travail entamé avec son extraordinaire Mort de Dante Lazarescu, et de façon plus radicale encore. Un travail d'étirement du temps de la fiction. Un travail de dilution de l'événement dans la continuité du réel. Mais parallèlement, par la durée excessive imposée, par le suivi opiniâtre d'un personnage principal que l'on peut donc, malgré sa banalité apparente, qualifier de héros, et enfin par le mouvement que celui-ci provoque ou dans lequel il est entraîné, le cinéaste donne aussi à voir de véritables odyssées modernes.

    A partir d'un matériau brut, "documentaire" pourrait-on avancer (lieux sans attrait particulier, son direct, absence de musique, acteurs amateurs mêlés aux professionnels), le but de Cristi Puiu est de faire naître une fiction, un intérêt narratif, sans en passer par les codes du cinéma dominant, cette démarche se lestant ici d'une forte dimension morale en relation avec la représentation de l'acte meurtrier. Se tenant fermement à distance, usant des caches que le décor peut lui fournir, le cinéaste se garde bien de faire de la violence, inévitable, un spectacle dont on pourrait jouir. Il ne transforme pas non plus ce choix éthique en système esthétique contraignant, ni en tournure manipulatrice (la manière, disons hanekienne, de faire : "l'horreur, je montre bien que je ne la montre pas"). En effet, non seulement ce choix de mise en scène n'est pas systématique mais il se justifie au fur et à mesure que le sentiment de paranoïa ou d'élémentaire prudence (pendant et après les meurtres) est ainsi partagé. De plus, étant irriguée de toute part par les flux de réalité, les plans, le plus souvent longs jusqu'à faire séquence, ne tendent pas une clôture du sens, à l'établissement d'une vérité unique.

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    Si Aurora est si long (181 minutes), c'est notamment parce que l'on y voit le héros faire le double de chemin nécessaire : Cristi Puiu, non content de privilégier ce prosaïsme du style, choisit d'insister sur les hésitations, les tergiversations, les oublis, les vérifications, les retours sur ses pas, autant de manières de nous faire prendre conscience du trouble qui envahit le cerveau de son Viorel (personnage principal que, précision importante, Puiu interprète lui-même).

    Le fleuve, tranquille en surface et tumultueux en profondeur, qu'est le film finit tout de même par dévoiler sur la longueur son organisation d'ensemble. Trois parties, d'égale durée, peuvent être distinguées. La première vaut pour une présentation du milieu et détaille les préparatifs de l'acte, la deuxième montre la réalisation, la troisième les conséquences immédiates. La première partie met à l'épreuve le spectateur impatient, la deuxième le sidère par sa sécheresse et le maintien d'une égalité de traitement, la troisième l'emporte vertigineusement. Rigoureux, en accord avec son projet, Cristi Puiu ne fait pas des meurtres l'acmé de son œuvre. Si ces scènes de violence en sont le pivot, elles n'en sont pas le pic. La dernière partie, celle de l'après est la plus dense et la plus impressionnante. C'est dans celle-ci que Viorel est le plus agissant, où il doit aller le plus à la rencontre d'autrui, où il prend à bras le corps son rapport aux autres. Le prix du film est là, venant au terme de l'effort, en ces moments de confrontations traités en long plans, époustouflants de tension.

    Le final, qui rend Aurora assez proche de POLICIER, adjectif., autre film majeur du nouveau cinéma roumain, tient en une confession qui, bien sûr, dit les choses autrement, donne encore un autre son de cloche par rapport à ce qui s'est déroulé sous nos yeux. Le terrible mystère est irréductible, la nature humaine reste désespérément imprévisible et l'effroyable banalité ne préserve de rien.

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  • Retournements

    Le long plan sur lequel se termine Le Passé (plan qui peut fonctionner comme antidote au poison cinématographique distillé par la scène de l’étouffement dans Amour, l’horreur de Haneke) s’attache aux gestes et déplacements de Tahar Rahim et s’articule en son centre autour d’un arrêt, d’une hésitation et d’un retour sur ses pas. Filmer une volte-face, un aller-retour, une entrée-sortie-rentrée, Asghar Farhadi s’y applique à plusieurs reprises. L’occurrence la plus nette se trouve dans ces ultimes minutes. Les autres sont plus discrètes, jamais forcées, toujours liées à un autre flux, celui de la parole, et leur valeur se révèle ainsi a posteriori, une fois cette dernière scène observée.

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    Ce qui est très beau dans Le Passé (ce passé qui fait se retourner), c’est que ces manières d’agir sont calquées sur le mouvement de la pensée de personnages qui reviennent souvent, dans la continuité des échanges, sur leurs propos les plus durs, s’excusant de les avoir libérés sans précaution. Ces excuses, et les changements de ton qu’elles impliquent, il est finalement rare de les rencontrer ainsi au cinéma, alors que leur présence est tout à fait "réaliste" dans le cadre de films où la parole se déploie largement et véhicule de forts enjeux dramatiques.

    Des dialogues aux attitudes, concernant enfants ou adultes, l’ensemble sonne avec une étonnante justesse. C’est une surprise, presque un miracle, lorsque l’on sait que Farhadi n’avait jamais tourné en France et ne maîtrise pas notre langue. Qu’il soit parvenu à préserver le naturel de son précédent film sans céder le moindre terrain à l’exotisme est assez mystérieux. Le Passé n’a rien à envier à Une séparation. Le challenge de sa mise en œuvre était pourtant beaucoup plus relevé.

    Dans l’un comme dans l’autre film, le récit progresse par effets d’entraînement et par suite de dévoilements. La découverte de secrets, c'est le péché mignon du réalisateur iranien. Forcément, plus Le Passé avance, plus il flirte avec l’idée de coup de force scénaristique. Plus l’heure du générique de fin approche, plus l’on craint que Farhadi ne fasse le tour d’écrou de trop. Mais il s’en sort toujours. Il s’en sort parce que les révélations, les retournements, les réorientations narratives ne bouclent les choses et ne font mine de les expliquer que pour mieux ouvrir sur de nouveaux gouffres. On pourrait dire que chaque personnage a toujours une bonne raison d’agir (d’avoir agi) de telle ou telle façon mais il ne s’agit pas d’exonérer facilement. Chacun peut mal se comporter à un moment donné, avoir la mauvaise réaction (le personnage de Rahim dit d’ailleurs à son môme que certaines choses graves ne peuvent être pardonnées). Seulement, si un geste peut être expliqué, il n’a jamais une seule cause mais plusieurs. Dans l’entrelacs des rapports humains, les raisons sont toujours multiples.

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    Ainsi, les contradictions et les ambiguïtés qui perdurent jusque dans les déblocages des situations, dans les dévoilements des secrets, empêchent à mes yeux de décrire Asghar Farhadi comme un cinéaste manipulateur et un horloger sans âme.

  • L'effleurement

    Cinéaste de l’effleurement, Wong Kar-wai s’efforce de mettre autant en valeur le choc des coups que la grâce des esquives. Dans ce Grandmaster où sont mises sur un pied d’égalité scènes de combat et scènes d’intimité (jusqu’à ce que l’on puisse parler parfois de "l’intimité d’un combat"), même les caresses semblent suspendues, laissant ainsi constamment un espace, minime mais infranchissable, entre deux corps, entre deux épidermes.

    Si le protecteur de Gong Er se bat au sabre, sa lame n’ouvre que des plaies de coton dans les épais habits de ses adversaires. L’arme ne perfore pas. De même, le mobilier, curieux souci des combattants, est brisé bien plus souvent que les os.

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    Pénétrer, toucher même, semblant impossible, il faut trouver des intermédiaires, des substituts, des palliatifs. Une lettre, un bouton, font le lien entre les corps distants et un combat vaut une étreinte. Seul le rêve permet l’entremêlement. En dehors, les êtres ou les objets ne s’attirent que pour mieux se repousser en de somptueuses chorégraphies. Wong Kar-wai est un cinéaste de la surface des choses (mais ses films ne sont superficiels que lorsqu’ils échouent à offrir autre chose qu’un catalogue de jolis détails, lorsqu’ils n’en restent qu’aux idées, sans les relier entre elles ni aux personnages supposés leur donner chair, cf My Blueberry Nights)

    Wong Kar-wai est aussi un cinéaste de la fragmentation. Il escamote la continuité du mouvement et fait sienne la rapidité moderne du montage des films d’action. Que les combats manquent de lisibilité n’est pas un problème : se focaliser sur un détail, le couper du reste, ou ne l’y faire tenir que par la musicalité du rythme ou la texture de l’image, il y a longtemps que le cinéaste est passé maître dans cet exercice. Dès lors, il ne faut pas s’étonner non plus de le voir faire le pari d’une fresque historique à la vision (au sens strict) délibérément limitée. Comme il suffit que l’on sente la vibration qui habite les êtres sous la surface, la simple notation historique laisse deviner tout l’ancrage.

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    Le film, qui se termine dans les fumées d’opium, est, de manière assez évidente, "léonien". Le rapport des personnages à l’espace diffère cependant d’Il était une fois en Amérique au Grandmaster. Chez Leone, nous sommes saisis par les sauts du proche au lointain, du gros plan au plan large, comme par la brutalité du ratage de l’amour. A l’opposé, chez Wong Kar-wai, la fragmentation rend les personnages insituables, dans des décors qui, pourtant, ne semble jamais vraiment changer. De plus, si ces êtres passent à côté de l’amour, ce ratage se fait en glissades gracieuses. Toutefois, entre les deux œuvres, la mélancolie alliée à l’ampleur du geste romanesque, le souffle historique et intime qui traverse, sont (presque) comparables.

    Et comme chez Leone, la question du temps et de son glissement est essentielle. Dans The Grandmaster, les différents temps semblent coulisser comme des panneaux (ou glisser comme les pieds sur le sol, mouillé ou enneigé, pendant les combats). Et sur une échelle moins grande, le film provoque une étrange sensation avec ces ralentis s’étirant en des plans pourtant très courts. Une sorte de double flux se crée, quelque chose qui s’enroule sur lui-même à force de poser la question du regard vers l’arrière ou vers l’avant.

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  • Champ contre champ

    Pour tenter de rassurer sa principale collaboratrice qui s'inquiète du potentiel de scandale se nichant dans certaines réflexions d'Hannah Arendt sur les conseils juifs, le patron du New Yorker, s'apprêtant à publier le travail de la philosophe sur le procès Eichmann, dit : "Mais cela ne représente que dix pages sur trois cents !" Et Margarethe von Trotta de réduire ces dix pages à quatre ou cinq lignes et de passer une heure sur leur retentissement...

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    A partir de mots pesés pour provoquer et ayant donné lieu finalement à des interprétations multiples, dont certaines, certes pas les moins nombreuses, furent excessives et erronées, la cinéaste ne construit son récit, platement pédagogique, que sur un principe d'opposition, sans ambiguïté ni doute. D'un côté, Arendt et ses courageux défenseurs. De l'autre, ceux qui l'attaquent depuis son propre camp, les Juifs bornés qui ne comprennent rien. Entre les deux, rien ni personne.

    Pour faire sentir la force d'une opposition au spectateur lambda, qui demande à être informé et ému mais pas plus, il n'est rien de mieux que le bon vieux champ-contrechamp.

    Un champ-contrechamp, cela peut servir à situer. Dans Hannah Arendt, le procédé sert surtout à nous assigner une place, à nous dire où l'on doit se tenir. Ainsi, nous sommes forcément à côté de Mary, l'amie d'Hannah, lorsqu'elle rabat le caquet des intellectuels de salon dénigrant Arendt. Von Trotta dispose de part et d'autre regards mauvais de la meute et posture féminine fière. La victoire verbale de la femme libre ne tarde pas, et peu importe que les arguments soient aussi bassement personnels des deux côtés. Pour que cette scène soit parfaite, il aurait fallu sans doute la ponctuer d'un coup de pied entre les jambes du salaud.

    Un champ-contrechamp, cela peut servir à montrer quelqu'un en train de réfléchir à l'objet de son étude. Dans Hannah Arendt, la représentation du procès Eichmann, ce sont les images du nazi dans sa cage de verre diffusées sur un moniteur et la philosophe assise en salle de presse qui réagit à ces images. Elle y réagit discrètement. Enfin, discrètement... Il faut quand même que l'on comprenne bien ce qui lui passe par la tête à ces moments-là. On lit donc sur son visage, successivement (et musique à l'appui), la désapprobation devant une faible attaque du procureur, l'intensité de la réflexion naissante à partir d'une réponse déterminante de l'accusé, le sourire ironique face à une défense aberrante de celui-ci...

    Un champ-contrechamp, cela peut servir à émouvoir. Dans Hannah Arendt, le grand final a lieu dans un petit amphithéâtre. Arendt y brise enfin le silence qu'elle s'est imposé jusque là, dans la tempête provoquée par la publication de son texte. Ce sont ses premières paroles publiques, sa première défense. Elle se tient, pugnace, sur l'estrade. Face à elle, se trouvent ses étudiants, jeunes, beaux, silencieux, pénétrés. Est-ce vraiment nécessaire de les convaincre ? On en doute. Dès les premières secondes de la scène, on sait comment elle va finir : tous vont applaudir vivement et seuls les fâcheux, les vieux universitaires qui ont voulu mettre leur brillante collègue à la porte quelques minutes avant, vont quitter piteusement la salle.

    von Trotta,Allemagne,Histoire,2010s

    L'usage simpliste du champ-contrechamp est souvent pointé comme preuve d'académisme ou d'absence de mise en scène. C'est une sorte de cliché critique. Et c'est donc, souvent, une vérité. Que cet usage ait, dans Hannah Arendt, des buts variés ne change rien à l'affaire. Il est un signe, parmi d'autres, de la médiocrité stylistique et narrative d'un banal film de vulgarisation historique, un de plus.

  • Le regard porte

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    Dans Oncle Boonmee, les personnages se retrouvent souvent les uns à côté des autres, fixant un horizon lointain, hors-champ. Weerasethakul en tire un bénéfice plastique certain, la longueur des plans laissant admirer les compositions. Cependant, il demeure impossible de dire que ces personnages prennent la pose. Ils se ménagent seulement des pauses, ce qui n'est pas du tout la même chose. D'ailleurs, s'ils parlent avec peu d'empressement, ils sont loin d'être mutiques et surtout, ils prennent soin de se tourner à chaque fois vers leur interlocuteur. La lenteur du rythme et les positions d'attente "parallèles" ne sont pas les signes d'une quelconque incommunicabilité. Au contraire, la parole circule sans entrave (une différence de langue n'est même pas problématique mais source d'amusement) et sans malentendu, et bien sûr, la communication se fait aussi autrement et "au-delà".

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    L'Oncle Boonmee se souvient donc de ses vies antérieures. Mais leurs manifestations à l'écran ne sont pas provoquées par des récits de celui-ci. C'est plutôt le regard, celui qui porte loin, qui rend possible ces résurgences, ces apparitions, ces matérialisations. Regarder, dans Oncle Boonmee, ne sert pas qu'à percevoir, à distinguer, cela sert à faire advenir les choses. Aussi irrationnelles qu'elles soient, elles naissent de l'attention soutenue. Lorsque les fantômes (ou les hommes-singes) s'approchent, se détachent peu à peu de l'ombre, c'est notre regard qui les fait se mouvoir.

    weerasethakul,thaïlande,2010s

    La beauté du film est là : laisser penser au spectateur que son regard est agissant, qu'il saisit activement les choses dans le cadre. C'est un cinéma de partage, comme le montre la façon dont y apparaissent les fantômes, aux yeux de tous et non du seul Boonmee. Le cadre que l'on scrute est de plus adéquatement et magnifiquement "élargi" par la sensualité des images et du son, et par les ouvertures qui s'y trouvent, qui prolongent et attirent le regard : terrasses, larges fenêtres, passages de grottes.

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    L'importance du regard se signale partout et à tous les niveaux : la princesse veut regarder le porteur, puis interroge son reflet, le fils disparu était parti photographier, les yeux des singes sont les seuls attributs que l'on distingue dans leur sombre masse corporelle, la tante, son neveu et sa nièce sont hypnotisés par la télévision... Mais la grandeur du film est de ne jamais laisser cet élément fondamental venir gêner la réception, de ne jamais le transformer en thème encombrant. Toujours, les scènes d'Oncle Boomee gardent, soit leur ancrage dans le réel, soit leur mystère fantastique...

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    (Une première approche ICI)

  • The Master

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    Filmer alternativement l'intime et le lointain, les charger chacun de la même intensité et décupler celle-ci lors du passage, brutal ou progressif, de l'un à l'autre, voilà la grandeur du cinéma de Paul Thomas Anderson. Pour The Master, il part d'un sujet simple (la rencontre d'un soldat traumatisé par la guerre et d'un guide spirituel développant une secte), d'une histoire anti-spectaculaire, et les ouvre à de multiples possibilités et ambiguïtés par l'ampleur de sa mise en scène.

    Il fait reposer son récit sur deux piliers, deux personnages s'opposant et se complétant, deux personnages (et deux acteurs) qui en imposent. Pour autant, ce récit ne se réduit pas à cet affrontement-attirance. Des espaces sont réservés aux autres, qui enrichissent le tableau et l'éclairent tout autant. Ainsi, par exemple, la femme du "Maître" tire un autre fil : restant dans l'ombre, entravée par une grossesse, elle n'en garde pas moins son pouvoir et se tient comme un maillon essentielle de la chaîne, ininterrompue, de possession, de domination et d'influence.

    Dans The Master se mêlent le poids du réel et le flottement du songe (en point d'orgue : la scène des femmes apparaissant, ou étant véritablement, nues dans le salon) pour mieux créer un monde. La musicalité et la fluidité, caractérisant jusqu'aux sauts temporels et géographiques, rendent cette création possible et le montage, qui laissa aux dires du cinéaste quantité de matériel sur le côté, laisse s'installer en de multiples endroits le doute sur la réalité de l'image admirée.

    L'un des résultats les plus étonnants obtenus par Anderson est l'impression laissée d'un prolongement du grand classicisme hollywoodien à travers une démarche toute moderne, narrativement, esthétiquement (voyez comment sont rendues les années cinquante, sans aucun maniérisme photographique). Peut-être est-ce dû au don extraordinaire du cinéaste pour appréhender l'espace. Un espace qui peut s'ouvrir brutalement, à la faveur du franchissement d'une porte ou d'un collage entre deux plans d'échelle très différentes. Dans ce film, on s'approche et on s'éloigne, on entend des bribes de phrases égarées et des discours performants toujours portés par la singularité des corps, on nous donne du spectacle à partir de ce qui n'en est pas vraiment, on sent un appel d'air, un souffle impressionnant, dans le sillage d'un bateau.

    A mes yeux, Paul Thomas Anderson est devenu en quinze ans le meilleur cinéaste américain, signant avec The Master, de nouveau, une œuvre incroyable.

     

    Et, je vous l'avoue tout de go : faire du premier grand film de 2013 la dernière des "Notes sur quelques films" qui se sont accumulées ici depuis cinq ans et demi est pour moi une tentation si forte que j'aurai du mal à y résister...

     

    THE MASTER de Paul Thomas Anderson (Etats-Unis, 137 min, 2012) ****

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