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50s - Page 2

  • Le Courrier de l'or (Budd Boetticher, 1959)

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    Peu réputé, Le Courrier de l'or est bien le maillon faible de la série des Boetticher-Scott. Les transparences utilisées pour la première scène de diligence annoncent involontairement que les décors, assez nombreux, manqueront d'authenticité et le film en général, de profondeur. La faute notamment à un scénario médiocre, à des dialogues lourdingues (particulièrement ceux autour de la guerre civile, de "l'humanité" des ennemis), à l'absence de figure marquante, que ce soit du côté des bons ou des méchants. Dans cette œuvre décousue, même la violence semble édulcorée et la tension ne se fait guère sentir, ce qui rend les dilemmes du personnage scottien cette fois-ci bien peu intéressants, fut-il pris (mais à peine) entre deux femmes de caractère. 

  • L'Aventurier du Texas (Budd Boetticher, 1958)

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    La sécheresse habituelle de Boetticher s'applique ici à un scénario assez dense, du moins dans les relations qu'il tisse entre des personnages principaux au nombre plutôt élevé, éloignant d'ailleurs pendant plusieurs minutes de l'écran, et bien qu'il reste le héros de l'histoire, Randolph Scott. Les retournements de situation y sont incessants, provoquant de savoureux et dynamiques chassés-croisés. L'humour est constant mais la peinture reste finalement assez sombre : une fratrie cherche à garder une petite ville sous sa coupe jusqu'à s'entretuer, les habitants ne font qu'attendre l'heure des pendaisons et les seuls faisant preuve de noblesse et échappant à la corruption ambiante sont, avec le Texan du titre, les deux Mexicains.

  • Le Petit Fugitif (Ray Ashley, Morris Engel & Ruth Orkin, 1953)

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    A sa présentation en 53, le film avait fait sensation auprès de nombreux critiques français, par sa production en marge et par le nouveau naturel qu'il affichait. Il est décevant lorsqu'on le découvre aujourd'hui. Le mode de tournage et l'esthétique n'empêchent pas, à plusieurs moments, l'impression de voir là quelque chose de "fabriqué", particulièrement dans les scènes de dialogues, le montage serré et l'absence de son direct atténuant fortement le naturel en question. De plus, le récit n'est guère passionnant et, encombré d'une musique avec orgue et harmonica assez pénible, tend plutôt à l'attendrissement qu'autre chose. Reste donc seulement la valeur documentaire des images, il est vrai très soignées malgré la modestie des moyens. 

  • L'Homme de l'Arizona (Budd Boetticher, 1957)

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    Le début est plutôt léger, fait de scènes bienveillantes voire même carrément comiques. Pourtant les contre-plongées sur Randolph Scott, légères (au niveau des épaules) ou plus accentuées (dès qu'il est sur son cheval), nous préviennent : celui qui se destine à la simple installation comme fermier sera bientôt entraîné dans un tragique engrenage. Le film se fixe rapidement dans un décor rocailleux qui sied parfaitement à la mise en scène de Boetticher, même si le ton reste changeant, oubliant certes l'humour mais ménageant des pauses intimes au profit des deux otages, Scott et Maureen O'Sullivan. Le scénario donne au premier l'occasion d'élargir sa palette mais contraint un peu la seconde dans un statut plus convenu. Riche de détails parlants et de personnages singuliers, le film n'a pas toujours la même intensité. Ainsi, la sécheresse dont sait faire preuve le cinéaste se signale surtout par éclairs, à travers des séquences d'une rare violence. Un corps à corps finit par un coup de feu sous la machoire et plus tôt, on nous dit que l'ami et le petit garçon ont fini dans le puits. A cette occasion, Boetticher ne fait pas de plan sur ce puits, ni sur le sucre d'orge jeté à terre par le tueur, il lui suffit de montrer, brièvement, le visage interdit de son héros. 

  • C'est arrivé le 20 juillet (Georg Wilhelm Pabst, 1955)

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    Les dix premières minutes sont consacrées aux justifications morales du groupe de putschistes voulant assassiner Hitler, des héros cherchant à mettre fin aux souffrances de l'Europe. Elles sont tout à fait indigestes, presque ridicules, alourdies de surcroît par une voix off didactique. Heureusement, celle-ci ne reviendra qu'à la fin, et les dialogues "psychologiques" vont se faire très rares, ne gâchant qu'une poignée des scènes suivantes. Car dès que l'attentat a lieu, le film devient document, attaché seulement aux faits et gestes, avec une tension assez prenante. L'insistance sur les heures exactes se teinte d'ironie avec l'échec du complot, et toute l'absurdité du système hiérarchique militaire saute aux yeux avec la valse des ordres contradictoires venant des deux côtés. Militaire, le film l'est pleinement, et cette focalisation le sauve (pas de peuple, à peine une épouse de général). Le but initial était de faire des martyrs de ces gradés osant trahir le Führer mais on les regarde aujourd'hui sans pitié (le film est d'ailleurs assez froid) s'illusionner longuement sur ce qu'ils croient être le succès de leur opération, avant d'être fatalement éliminés. 

  • Sept Hommes à abattre (Budd Boetticher, 1956)

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    Le premier Boetticher/Scott, western qui inspira à Bazin un beau et fameux texte dans les Cahiers en 57, est un condensé saisissant. C'est qu'en 74 minutes, générique compris, il donne à voir une épure d'autant plus fantastique qu'elle ne manque jamais de profondeur. La condensation n'est pas une réduction. Déjà parce que l'histoire est commencée lorsque l'on arrive, le drame déclencheur de la vengeance étant seulement évoqué au bout de quelques minutes par une poignée de lignes de dialogues. Boetticher maniant l'ellipse à merveille (jusque dans les duels), il peut faire court. Et s'appuyer sur des personnages ayant vécu et se tenant depuis longtemps dans le décor. Après une progression au rythme d'un chariot, le film se pose dans son dernier tiers dans un canyon. Cet arrêt semble imposé à la fois par le scénario (le héros est blessé) et par la beauté/l'utilité du décor. Et donc par la mise en scène. Celle-ci met en valeur tout du long une histoire remarquablement écrite et enrichie au fur et à mesure, par le tissage de relations fortes (scène du café à quatre dans le chariot d'une tension extraordinaire par la provocation purement verbale de Lee Marvin à l'encontre de Gail Russell, son mari et leur protecteur), par l'apport mésuré des nouveaux personnages et par les surprises réservées. L'opposition de jeu entre Scott et Marvin est particulièrement fertile, la mise en scène de Boetticher s'appliquant à dévoiler, surtout via le second, toute une série de détails gestuels pour aboutir au réalisme nécessaire. Dans cet ordre d'idée, et pour se rendre compte de la richesse de l'épure, il faut voir par exemple la scène du nettoyage des chevaux dans la rivière, au cours de laquelle le cineaste nous montre avec précision les deux hommes frottant leurs montures tout en parlant et alors que l'un d'eux écoute à moitié mais tente d'observer la femme se baignant un peu plus loin.

  • La Vie d'un honnête homme (Sacha Guitry, 1953)

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    Michel Simon est fabuleux dans un double rôle de jumeaux, excellant dans les champs-contrechamps très simples mais suffisamment alertes de Guitry, dans lesquels il se parle à lui-même, tantôt grand bourgeois tantôt pauvre, en ne comptant que sur les habits, la coiffure et évidemment les mots pour faire la distinction. Ces scènes sont troublantes. A la fois on y croit et on pense au jeu d'acteur. Ce balancement caractérise tout le film, voire tout le cinéma de Guitry. Par exemple, dans cette satire de la bourgeoisie (portée notamment, avec Simon, par une étonnante Marguerite Pierry dans le rôle de l'épouse), la façon qu'a le cinéaste de montrer des gestes anodins dans des plans a priori sans fonction narrative précise ou de faire entendre des phrases qui le sont aussi, au milieu de ses dialogues forcément ciselés et spirituels, donne à l'ensemble un ton très original, entre un artifice assumé et une vérité certaine. Le film, imprévisible dans sa progression, d'une longue séquence à une autre, est une comédie, mais très sombre, les touches d'absurde réapparaissant ça et là devenant même surprenantes au fil du temps, nimbant le tout d'un humour très noir. On se frotte les yeux en observant, le temps de la visualisation d'un fantasme du personnage principal, Claude Gensac toute jeune servir calmement ses maîtres en petite culotte et les seins nus, frontalement. Et avec De Funès à côté (en domestique lui aussi, mais habillé) ! Quel étonnant Guitry ! 

  • Bienvenue Mr Marshall (Luis Garcia Berlanga, 1953)

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    La longue présentation, avec la voix off de Fernando Rey, prévient déjà, par son côté ludique (fausses hésitations du narrateur, arrêts sur image démiurgiques), que cette comédie ne se bornera pas à tabler sur le pittoresque. Il est bien présent, et nullement désagréable, mais cette histoire de village espagnol se préparant à l'arrivée de représentants américains dans le cadre du plan Marshall, affiche, en douceur mais efficacement, d'autres ambitions, et signale son originalité, dans un esprit qui fait parfois penser aux Tati de l'époque. Sans perdre de vue l'ancrage social, la fantaisie gagne du terrain, les touches absurdes affleurent, l'ironie devient perceptible (les villageois qui endossent tous des costumes andalous traditionnels pour faire couleur locale) au rythme d'une réalisation précise et vive. Le fantasme américain, avec toutes ses contradictions, est exposé de manière plus fine qu'il n'y paraît. Et lorsque devant les facades noircies des maisons sont installés de beaux panneaux en trompe-l'œil, comme de véritables décors de studio, puis lorsque sont décrits les délirants rêves "américains" de plusieurs personnages, c'est une réflexion sur le cinéma lui-même qui est tranquillement glissée. 

  • Sait-on jamais... (Roger Vadim, 1957)

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    Une bonne surprise que ce film assez inclassable, drame plutôt décontracté, romance absolue et légère à la fois, comédie décalée et dans son temps. Ce qui rend la chose attachante, c'est d'abord le naturel, alors que tout pourrait paraître superficiel, des personnages aux dialogues et, évidemment, la mise en scène. Christian Marquand et Robert Hossein parviennent à élever leur niveau à celui de Françoise Arnoul et Franco Fabrizi. Le caractère international apporte pour une fois une touche agréable, par le mélange réaliste des langues et des accents. L'omniprésence de la musique résonne avec le côté choral et un peu décousu pour donner un film vraiment "jazz". Surtout, Venise est très bien photographiée en teintes hivernales. Ses lieux de passage obligés sont investis intelligemment par Vadim (plans saisissants de la place San Marco envahie par les pigeons ou du cortège funéraire en gondoles) qui fait preuve de beaucoup d'inventivité pour réaliser une œuvre soignée sans paraître trop chichiteuse ou guindée. Très plaisant. 
  • Le Voyage de la peur (Ida Lupino, 1953)

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    Ayant enfin pu découvrir un film d'Ida Lupino cinéaste et l'ayant trouvé remarquable, je m'étonne de voir qu'il est ou qu'il fut considéré par la plupart comme mineur dans sa carrière (Coursodon/Tavernier ou Claude Chabrol, très déçu dans sa note de l'époque pour les Cahiers). Au moins, cela me promet d'autres merveilles... The Hitch-Hiker frappe d'abord par la tension qui le parcourt, cela dès son texte préliminaire, très anxiogène. Le tueur auto-stoppeur présenté est une incarnation marquante du Mal (William Talman, inquiétant). Mais en même temps, Lupino se garde d'aller au-delà du fait divers, dans le sens où elle réalise une œuvre sèche, resserrée et pleine d'éléments factuels, sans digressions. Le fait d'avoir pris pour couple de victimes non pas, justement, un couple "classique" mais deux amis, tous deux mariés et en virée au Mexique, assure une originalité et un éloignement des conventions particulièrement appréciables (j'ignore s'il s'agit d'un changement apporté par Lupino, co-scénariste, au livre original). Bien sûr, même sur la courte durée du film, on perçoit la limite de l'exercice, dans son aspect "terre-à-terre". Il n'empêche que l'alternance de temps forts et de temps faibles est très bien gérée, notamment par l'utilisation intelligente du son, pouvant passer d'une musique angoissante à un silence propice au rendu précis des actions qui ne l'est pas moins. Plusieurs idées de mise en scène se succèdent, dont la meilleure est sans doute le handicap du tueur tourné en terrible avantage : un œil droit qui ne peut pas se fermer, pas même lors du sommeil, laissant ainsi dans le doute les otages.