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Film - Page 11

  • Maddalena (Jerzy Kawalerowicz, 1971)

    **
    Cinquième film de Kawalerowicz, Maddalena ne vaut ni Mère Jeanne des Anges ni Pharaon mais se révèle suffisamment curieux. L'histoire, celle d'une femme aux mœurs légères qui tourmente un jeune prêtre, est une variation érotique et contemporaine autour des figures de Marie Madeleine et du Christ. Cette co-production italiano-yougoslave dans laquelle Ennio Morricone rode un thème qui sera plus tard celui du Professionnel, souffre quelque peu de l'apparence aléatoire de sa construction, bien que le récit se voit bouclé au final. C'est que Kawalerowicz mêle fantasmes et réalité sans s'abstenir d'utiliser à fond les tics modernistes de l'époque : zooms, ralentis, caméras subjectives, plans qui se répètent... Il fait cependant sentir habilement, par les couleurs des habits ou par les dialogues (réels, opposés aux monologues déguisés des autres), le rapprochement de la femme et de l'homme de foi (en train de la perdre) et il signe plusieurs scènes marquantes, centrées sur le désir débordant de son héroïne. Montrée sous toutes les coutures, qu'elle craque d'ailleurs rapidement, Lisa Gastoni est une femme gironde entre deux âges, ce qui fait le principal intérêt du film, son personnage ne finissant ni jugé ni châtié mais au contraire sans doute libéré de l'emprise masculine. 

  • Maniac (William Lustig, 1980)

    **
    Le film "culte" de Lustig (et de Joe Spinell, acteur, scénariste, producteur) carbure sous deux régimes de mise en scène : l'un extérieur, comportemental, documentaire, à distance, sans fioriture, l'autre intérieur, subjectif, immersif, avec effets. Cette alternance accuse encore la répétition déjà imposée par le scénario, suite de meurtres sanglants (dont seul le mode opératoire varie) entrecoupée par des scènes dans l'intimité schizophrénique du tueur. Cela crée du déséquilibre (et quelques lourdeurs) mais aussi, indéniablement, de la tension, puisque ce procédé de renversement du point de vue s'applique aussi aux victimes. On parcourt les coins les plus cools du New York riant des 80's : plage venteuse, métro crado, appartement trop grand, cimetière brumeux... Joe Spinell en impose, notamment avec son corps prenant tout l'écran lors du meurtre de la prostituée, avec la peau de son visage aussi granuleuse que l'image. La débauche gore finale, autodestructrice, a sa logique, seul moyen d'en finir avec un film qui aura refuser jusqu'au bout de donner l'illusion d'une quelconque intervention salvatrice venant de l'extérieur. Insistant, intéressant, stressant.

  • Doctor Sleep (Mike Flanagan, 2019)

    *
    La curiosité pousse à suivre jusqu'au bout, d'autant plus que l'on nous annonce tout à coup, à l'approche du dernier quart, que l'on va revisiter l'Overlook. Mike Flanagan filme sans excès moderniste, préférant des trucages simples et des ressemblances d'acteurs plutôt qu'un recours entier au numérique. C'est sans doute en partie dû au roman de King mais l'une des choses frappantes est la dispersion, la multiplication des pistes, des personnages et des lieux, dans une vaine recherche de complexité, mouvement exactement inverse de celui de Shining, qui partait d'un argument ténu, dans un cadre bien délimité, pour ouvrir sur des abysses. Et notamment sur le thème familial, alors qu'ici, l'assassinat d'un père n'est qu'une péripétie parmi d'autres. Cependant, l'influence se faisant la plus sentir, avant donc le jeu moyennement pertinent de copié-collé final dans l'hôtel, est, avant celle de Kubrick, celle de Lynch, perceptible via la présence de nombreux motifs twinpeaksiens. L'un d'entre eux, le flottement dans l'espace de la méchante de l'histoire, dans la simplicité du merveilleux, donne une scène assez belle. 

  • Au nom du peuple italien (Dino Risi, 1971)

    **
    Un Risi mêlangeant comme souvent rires et grinçements de dents, la balance penchant ici franchement du côté sombre, la noirceur de la vision culminant dans une dernière séquence d'une méchanceté incroyable envers ce peuple italien (à travers des scènes de liesse, de désordre et de bêtise consécutives à une victoire au foot de la squadra azzura sur l'Angleterre). On ne sait pas trop sur quel pied danser, le cinéaste zigzagant entre rigidité et débordements, tentant quelques effets de distanciation bienvenus, notamment pour ses flashbacks, plaçant ses personnages dans des décors au symbolisme appuyé mais efficace (plage jonchée de détritus, palais de justice s'effritant) et bien sûr réunissant les monstres Tognazzi et Gassman. Leurs face-à-face sont les piliers de l'édifice. Ils sont étirés parfois plus que de raison, ce qui fait que le duo/duel bouffe littéralement tout le reste du film, qui essaie pourtant d'exister. Tout du long, Risi semble vouloir donner raison au premier, au juge inflexible et vertueux (et de gauche), et non à l'entrepreneur magouilleur et dépravé (et fasciste). Sans savoir exactement comment, on sent bien qu'à la fin, quelque chose va se retourner ou du moins, brouiller ce net partage.

  • Les Arpenteurs (Michel Soutter, 1972)

    ***
    Des deux filles du film, qui font tourner la tête du personnage principal masculin, l'une est anglaise et l'autre s'appelle Alice. Quant au récit, il est aussi imprévisible que celui de Lewis Carroll. En bien plus réaliste, cependant, bien ancré dans la "vraie vie" (un plan d'ouvriers ici, une séquence avec deux petits garçons là). Libre, plus aventureux encore que James ou pas, ce Soutter semble s'arrêter, repartir, se mettre encore en pause... Souvent, cela reprend grâce à des scènes de dialogues, dans lesquels excellent bien sûr les habitués Bideau et Denis, gracieusement accompagnés cette fois par Marie Dubois. Rarement aura-t-on eu aussi clairement l'impression d'observer des adultes se comportant comme des enfants, adoptant leur liberté de ton et de comportement, n'ayant pas peur de se lancer dans des conversations sans aucun sens apparent, et cherchant constamment à dire, entendre et vivre des histoires, qu'elles soient vraies ou fausses. L'humour, l'obsession sentimentale, la simplicité, pour ne pas dire la pauvreté, apparente, le goût du jeu narratif, tout cela me semble se retrouver plus tard chez Miguel Gomes et certains Roumains. 

  • Benedetta (Paul Verhoeven, 2021)

    °
    Après Elle, Benedetta vient me confirmer que le Verhoeven français produit un cinéma sonnant faux de A à Z, des dialogues aux décors, du casting au scénario. Pire encore que le précédent, celui-ci commet l'erreur fatale d'imposer dès le départ blasphème et subversion, rendant impossible toute réelle progression, l'évolution ne se faisant ensuite que dans l'escalade provocatrice et donc ennuyeuse. Écartant toute idée de secret ou de mystère, ne s'appuyant que sur celle, d'ailleurs mollement convoquée, de doute, le film se cogne à ces murs d'une épaisseur étrangement variable puisque laissant entendre les cris de douleur mais pas ceux de jouissance.

  • Bécassine ! (Bruno Podalydès, 2018)

    ***
    Étonnante réussite que cette adaptation d'une antique BD, qui retourne à son avantage tout ce qui me semble anodin ou agaçant chez le Podalydès "contemporain". La belle simplicité de la mise en scène repose et charme, comme celle des situations et des images, qui ne cherchent pas la composition graphique à outrance malgré le matériau d'origine. Celui-ci justifie en revanche toutes les petites trouvailles mécaniques ou poétiques, ainsi que les décrochages vers l'imaginaire. La distance et la gentillesse habituelles évitent une chute des personnages dans le ridicule total mais par ailleurs, dans ces habits d'un autre temps, les actrices et acteurs peuvent s'en donner à cœur joie sans que se crée un décalage préjudiciable par rapport au reste, le monde décrit étant loin du nôtre. Surtout, par rapport aux autres comédies du cinéaste, le mouvement s'inverse avec bonheur. Ici, pour une fois, pas de tentation nostalgico-recroquevillante pour échapper à la réalité de notre époque, mais au contraire, un passé résolument tourné vers l'avenir, cet élan étant notamment incarné par l'escroc sympathique attiré par les "States", traduit par l'inventivité technique de Bécassine, et parfaitement symbolisé par l'instant d'anachronisme, bref et savoureux, où Podalydès fait du scratch avec le gramophone.

  • Max et les Maximonstres (Spike Jonze, 2009)

    ***
    L'un des meilleurs films pour enfants "récents" parce que Jonze ne filme justement pas spécialement pour les enfants. Si la caméra se rabaisse à hauteur de gamin, la mise en scène ne simplifie jamais, ne mâche pas le travail. La sauvagerie de l'introduction annonce le thème en cueillant à froid, dans un style heurté tout à fait inhabituel pour le genre. Le reste est à l'avenant. Mais c'est aussi la façon de raconter qui s'eloigne de la convention, Jonze sachant rendre son récit imprévisible, et non pas grâce aux classiques rebondissements de conte mais bien par l'étonnant régime narratif qu'il développe. Le film est ainsi proche des réussites de l'animation, où les risques narratifs sont plus souvent pris. Au-delà de l'interprétation du petit acteur et de la gageure d'émouvoir avec des grosses peluches de deux mètres (beau mélange de numérique et de matière), on note encore l'intelligence du scénario, abordant l'enfance sous cet angle sauvage et décrivant un monde à la fois très différent et extrêmement proche de celui du jeune héros lancé ainsi à la fois dans l'évasion et la réflexion. 

  • James ou pas (Michel Soutter, 1970)

    ***
    À partir de trois fois rien, Soutter crée une fiction et, comme c'est souvent le cas avec les Nouveaux Cinémas de l'époque, la création de cette fiction semble se faire sous nos yeux et devient même, de façon détournée, l'un des sujets du film. Dans le cadre le plus réaliste qui soit, dans les alentours de Genève, des personnages vivent, parlent, se déplacent en léger décalage, presque de manière absurde (dans les dialogues, en plus discret et moins mordant, en plus sensible, on pense parfois aux Bertrand Blier qui ne vont pas tarder à venir). Les hommes semblent se la raconter, vouloir générer des fictions. Et celles-ci prennent corps en effet, histoires d'amitié, d'amour ou de flics. Or, au sein de ces histoires, si les femmes paraissent d'abord simples éléments passifs ou objets de désir, elles finissent par orienter la fiction, en se révélant en même temps plus terre à terre, plus honnêtes, moins perdues, plus actives que ces hommes qui désirent avoir la main sur la réalité mais qui laissent finalement tout échapper. 

  • Mandibules (Quentin Dupieux, 2021)

    *
    Comme Dupieux use de sa stratégie habituelle de l'évitement et du non-rythme, il nous force ici à nous confronter à la nullité de jeu des deux gars du Palma Show moulinant leur humour approximatif et débraillé (Lustig, seul, était bien plus performant, car plus cadré, lui et son personnage, dans Au poste !). Réduit à n'offrir que l'étrangeté, elle aussi habituelle, de la mise en images et en son du cinéaste (équilibre et déséquilibre dans un même plan par la disposition du flou et du net dans la profondeur ou par les différences de niveau sonore, via le personnage de la fille handicapée), le film est déjà quasiment foutu quand interviennent enfin de véritables acteurs et actrices (Lochet, Hair, Exarchopoulos) capables de nous sortir, un temps, de l'ennuyeuse et anodine cour de recréation créée autour des deux prétendus comiques.