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Film - Page 9

  • Madres paralelas (Pedro Almodovar, 2021)

    ***
    Nouveau mélodrame féminin pour Almodovar, dans l'esthétique très épurée qu'il a adopté ces dernières années. Le son clair porte dans les décors très simples, les intérieurs sont largement majoritaires, les dialogues et les plans sur les visages particulièrement nombreux. Il s'agit alors pour le cinéaste de donner de la profondeur à cette surface pure (on dirait presque, par moments, des effets de fond bleu dans certains plans rapprochés). Il le fait notamment en déséquilibrant son récit, faussement présenté comme parallèle, du côté de la mère "qui sait" et c'est ce déséquilibre qui procure l'émotion, l'inquiétude, l'angoisse. Tous les éléments dramatiques sont conjugués au passé (même récent), ils en remontent pour créer des répercutions différées, d'où la prédominance de la parole. La fin, l'ouverture des tombes des martyrs du franquisme, trouve dès lors sa justification esthétique (l'aération) et thématique (la présence du passé), tout en continuant à assurer une bienveillance à l'égard de tous les personnages. 

  • City Hall (Frederick Wiseman, 2020)

    ***
    Si la méthode ne varie pas d'un iota, Wiseman, pour une fois, laisse entendre qu'il éprouve une grande sympathie pour son personnage principal, le maire démocrate de Boston Marty Walsh, en passant une grande partie de son film à enregistrer sa parole. Cette parole est relayée par les différents services municipaux, dont le travail nous est présenté pendant plus de 4 heures. C'est une succession de réunions, de cérémonies, de discours, de dialogues. A ce flux s'intègre celui des intermèdes muets et tournés en extérieur, dans la ville, fascinante suite de plans de voies et de bâtiments dans lesquels on n'entre pas si ils ne sont pas gérés par la mairie, ce qui crée un petit jeu de frustration. La parole annonce ou rappelle des actions pour l'égalité des droits de tous les citoyens, de n'importe quelle communauté, dans une démarche à l'opposée de celle de Trump alors en poste. Il n'y a toujours pas grand chose de mieux que le cinéma de Wiseman pour voir l'Amérique. 

  • Nausicaa de la vallée du vent (Hayao Miyazaki, 1984)

    **
    Quelques dialogues sont un peu trop simples et figent les personnages, et une certaine confusion narrative s'installe à mi-course. Mais ce deuxième long de Miyazaki reste très intéressant en tant que film fondateur de style et de thématiques. Le bestiaire inventé frappe déjà, tout comme la création d'un personnage de jeune fille prenant en main son destin. Primordiale et déjà en place elle aussi, la dimension écologique, parfaitement intégrée au merveilleux semble même, en 1984, en avance.

  • Ex Libris : New York Public Library (Frederick Wiseman, 2017)

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    Il ne s'agira pas, on s'en doute, de passer 3h17 dans une salle de lecture. Wiseman profite du vaste réseau que constitue sur New York la bibliothèque municipale, avec ses multiples annexes réparties dans les quartiers, pour donner une nouvelle fois une ampleur insoupçonnée à son œuvre. Il traite le sujet au bon moment, en un temps de bascule qui redéfinit le rôle et les missions de ce type de service public. Ici, le livre n'est qu'un élément parmi d'autres. Le numérique entraîne évidemment des mutations, et interrogations. Mais c'est toute l'action sociale qui est également révélée, d'où l'impressionnant évantail ouvert par le film, des sans-abris des rues adjacentes aux riches administrateurs. Peut-être parce que les orientations culturelles sont montrées à travers plusieurs captations de rencontres, exposés, débats, l'accent est mis, côté administration, sur l'économie (partenariat public-privé) et le rapport avec le pouvoir politique local. On parle donc peu de livres. Wiseman semble cependant garder (ou relayer) un certain optimisme, au fil de séquences sensiblement plus courtes qu'il y a quelques années, sans doute pour en faire entrer un plus grand nombre dans ce panorama qui renseigne de manière passionnante, comme toujours, sur l'Amérique du moment.

  • La Momie sanglante (Seth Holt et Michael Carreras, 1971)

    **
    Adapté d'un roman méconnu de Bram Stocker, le film appartient à la veine des mystères de l'antiquité égyptienne de la Hammer mais la momie aux bandelettes en décomposition a laissé la place au physique intact (à une main près) d'une défunte reine affriolante. A plusieurs reprises, la caméra effleure ce corps magnifique sous lequel on perçoit aisément la respiration de l'actrice, négligence qui sert finalement l'histoire plutôt qu'elle ne la gâche, tout comme le choix de Valerie Leon, dont la beauté étrange et surnaturelle finit par s'accorder à ce double rôle et à cette idée de possession par delà les siècles. La réalisation est due à Holt puis Carreras, après la mort du premier avant la fin du tournage. C'est sans doute en partie pour cela qu'elle apparaît inégale, décousue, tantôt coincée dans ses décors de studio, tantôt complètement folle. Mais finalement, ce côté foutraque, à l'image et dans un récit traversé de retours en arrière fantasmatiques, convoquant lieux et personnages assez nombreux, avec reliques diaboliques et réplique de chambre mortuaire, n'est pas désagréable. 

  • Les Horreurs de Frankenstein (Jimmy Sangster, 1970)

    *
    Pas vraiment un fleuron de la Hammer, ce Horror of Frankenstein qui ne vaut que pour l'interprétation pleine de morgue de Ralph Bates, bientôt Dr Jekyll et sister Hyde, et éventuellement un dénouement cynique (et désinvolte) où seuls le baron et le spectateur sont au courant que le monstre a été fortuitement détruit. Rien de particulier n'est fait par Sangster sur le plan visuel, lumière et espace étant peu exploités. Les deux attraits habituels perdent de leur pouvoir : l'horreur est caoutchouteuse et l'érotisme est trop limité au personnage licencieux de la gouvernante "servant" le fils après le père. Tout cela est bien mécanique, comme le scénario qui réunit laborieusement, six ans après et dans un petit périmètre, cinq ami(e)s d'études et qui oppose paresseusement la grande méchanceté du baron (il décide invariablement de tuer tous ceux qui finissent par le gêner dans son entourage) et la non moins grande naïveté des autres.

  • Ni juge, ni soumise (Yves Hinant et Jean Libon, 2017)

    **
    Dérivé tardif et cinématographique de l'émission Strip-tease dont je ne me rappelle plus si elle générait les mêmes sentiments ambivalents. Indéniablement, le côté rentre-dedans et le fait que l'on y voit des choses que l'on ne peut pas filmer/diffuser en France (à ma connaissance) accroche l'attention (et entraîne vers le voyeurisme). Il y a tout de même ce problème de la mise en scène, de la présence des caméras, des plans de coupe, des séquences de respiration inutiles et dans lesquels la représentation du personnage est inévitable. Les moments de confrontation sont si forts (certains prennent même un peu en traître à cause de la manière brute et trash choisie) qu'ils parviennent à échapper à la sensation de tripatouillage de la réalité mais un doute et une gêne subsistent. 

  • Le Dernier Duel (Ridley Scott, 2021)

    °
    L'ennui total, résultant de l'académisme de la mise en scène (de la photographie sombre à la violence immersive, en passant par la hiérarchisation entre le brouhaha français de la populace figurante et les dialogues anglais des personnages), est seulement évité, au deuxième segment, par la répétition du récit sous un autre angle. Or, cette question de la différence de point de vue est rendue caduque dans le troisième : d'une part, il est présenté comme "la vérité", annule donc les précédents, qui deviennent en conséquence inutiles, et empêche toute réflexion, d'autre part, il relaie moins la vision d'un personnage, celui de la femme violée, qu'il ne déroule un programme, en forçant la moindre scène, le moindre détail à servir le discours voulu, celui du féminisme dénonciateur de la toute puissance et de l'impunité masculines, à rapprocher le moyen-âge d'aujourd'hui. Tant qu'à tenir cette orientation-là, un récit unique aurait épargné du temps et sans doute gagné en finesse.

  • Showgirls (Paul Verhoeven, 1995)

    ***
    Bravo à ceux qui l'ont défendu dès le début. Pour ma part, comme beaucoup, je m'étais trompé en le trouvant mauvais. La mise en scène est fluide et dynamique, le regard honnête. Verhoeven ne triche ni avec le sexe, ni avec le reste, en racontant son histoire, assez classique à la base, d'ascension dans le monde impitoyable du spectacle. Le film doit beaucoup à Elizabeth Berkley. On voit rarement une actrice jouer ainsi, presque toujours un cran au-dessus dans l'intensité ("presque", parce qu'elle sait aussi redescendre), surenchère qui, étrangement, atteint une certaine vérité et même une émotion. D'ailleurs, les traces d'amitié, d'entraide et de bienveillance disséminées dans ce monde à la limite de la déshumanisation préparent logiquement au dénouement, Verhoeven faisant bien de ne pas condamner son personnage. La musique elle-même passe sans problème, allant jusqu'à proposer du Swell, du Bowie, du Siouxsie. Décidément, la carrière américaine de Verhoeven, ce n'est pas rien. Ce n'était pas évident pour moi à l'époque. Dans 20 ans, j'aimerai peut-être la période française. 

  • Charles mort ou vif (Alain Tanner, 1969)

    ***
    Au moment où son entreprise familiale de fabrication de ressorts de montres fête ses 100 ans et où la télévision vient l'interviewer, un petit patron suisse, la cinquantaine, décide de tout laisser tomber et de disparaître du tableau industriel et bourgeois pour vivre autrement. La rencontre avec le journaliste TV est l'occasion d'une première longue introspection. Ensuite, Tanner, et un extraordinaire François Simon, vont remarquablement intégrer au récit ces réflexions quasi-philosophiques sur la vie, les placer dans le nouveau quotidien du personnage et préserver leur naturel (d'autant plus qu'elles ne sont pas assénées mais produites généralement en reponse à des interlocuteurs, d'où un vrai film de rencontres et d'échanges). Ce pas de côté, se dit-on, est un peu plus facile à effectuer dans cette situation de départ socialement confortable. Tanner ne l'oublie pas et ne fait donc pas de son film un programme, montrant, dans une économie des plus modestes et dans une suite de saynètes réalistes, simples, fluides, musicales, honnêtes et émouvantes, une trajectoire possible dans un monde si difficile à réenchanter.