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Film - Page 9

  • Fargo (Joel et Ethan Coen, 1996)

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    Film sur la bêtise, non pas systématique mais nuancée, graduée, étagée, allant de celle, tordante et dangereuse, prise en charge par Steve Buscemi à celle, virant au pathétique, assumée par William H. Macy. Comme c'est remarquablement écrit, les bifurcations participent aussi à l'enrichissement, tout en surprenant (les deux filles du bar, l'ancien camarade mytho, le témoin interrogé dans la rue). Cette façon de dépeindre les personnages est aussi formidablement prolongée par le traitement de l'espace, comme le prouve la séquence où Buscemi enterre la mallette, se redresse, s'aperçoit qu'avec la longueur de la clôture il ne la retrouvera jamais et plante juste son grattoir rouge dans la neige. Marge, elle, se distingue rapidement, au contraire, par son bon sens, presque un sixième sens tant elle touche juste immédiatement à chaque fois. Frances McDormand est formidable notamment dans ces instants où elle abandonne son sourire bienveillant (devenant presque "normale"), quand elle doit marquer la grande gêne (face à l'ex-copain de classe) ou le brusque énervement (face à Lundegaard qui tergiverse). Marge a donc bien les épaules pour se sortir toute seule de la plongée au cœur du Mal, telle Clarice Starling à la fin du Silence des agneaux.

  • L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (Andrew Dominik, 2007)

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    Très beau film d'Andrew Dominik (rien vu de lui jusque-là), qui s'est donné les moyens de son ambition, avec le casting, la musique de Cave et Ellis, la photographie vraiment sublime de Roger Deakins. Grâce à l'esthétique poussée et à la narration, elliptique ou légèrement déréglée, il surprend constamment à partir d'une histoire connue, réussissant même à intéresser avec cette idée de quasi-suicide, bien rattachée aux autres, l'auto-destruction du gang, la fascination pour les grandes figures, la jalousie, la soif de gloire mêlée à la trouille. Et un traitement également intelligent de la violence, particulièrement évident lors de la séquence où Jesse James s'acharne sur le petit cousin des Ford puis peine à repartir, malade.

  • Jojo Rabbit (Taika Waititi, 2019)

    °
     
    Une comédie sur le nazisme à la manière de Wes Anderson, mais oui, quelle bonne idée !!!
    (Un détail parmi cent. Apprenons à distinguer les bons libérateurs des mauvais libérateurs : les Américains traversent le fond joyeusement et parlent d'ailleurs la même langue que celle utilisée par nos héros berlinois pendant deux heures ; les Russes aboient des ordres incompréhensibles et abattent froidement les soldats allemands y compris le SS le plus sympa)
    (Et le final dansé sur "Heroes" de Bowie, pitié...)

  • Bona (Lino Brocka, 1980)

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    Il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour y entrer totalement, pour me réhabituer au style de Brocka, qui expérimente encore autour d'une base de mélodrame populaire. Au bout d'un moment, la force du personnage de Bona devient celle du film, et inversement, totalement entremêlées. Par ailleurs, Brocka, tout en restant concentré sur l'héroïne et son "couple", parvient à dresser un tableau social d'une richesse incroyable en un film si court (et même ce salaud de petit acteur égoïste garde son humanité). Belle découverte, quelques années après celles de Manille et Insiang.

  • Ah, ça ira ! (Miklos Jancso, 1968)

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    1947, des étudiants des Collèges populaires investissent un établissement catholique pour débattre et rallier les élèves à la cause socialiste, sous le regard de militaires. Face aux refus, ils finissent par user de l'intimidation et de la force, avant d'être recadrés par des membres du parti qui poussent les plus radicaux à quitter l'organisation. Le film est en couleur et musical, chants très nombreux et danses, qui deviennent de plus en plus contraignantes, rondes servant finalement à encercler les opposants. Jancso filme des groupes bien définis, même s'ils peuvent se scinder. Et toujours par la seule mise en scène des mouvements (ici, donc, ceux du ballet), il montre le possible basculement dictatorial et bureaucratique des révolutions, dans un récit bouclé sur lui-même. Il avance loin dans l'allégorie, par conséquent, on cherche absolument le sens, ce à quoi renvoie ce face à face, ce chant, ce discours, ce leader, ce procès, cette exclusion... D'autant plus que les habits et certains slogans ou certaines pratiques appartiennent aux contemporaines années 60 plutôt qu'à l'immédiate après-guerre. Au-delà du tour de force, contrairement aux précédents, les idées me semblent ici trop masquer les personnages, trop les essentialiser.

  • Femmes au bord de la crise de nerfs (Pedro Almodovar, 1988)

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    Comme c'est le film de la consécration internationale, j'étais resté sur l'idée d'un assagissement et d'un lissage, et c'est vrai qu'Almodovar arrondit les angles par rapport aux six premiers. Il n'en est pas moins audacieux, dans l'approche visuelle et dans la narration qui renvoie constamment à d'autres référents (jusqu'à ne faire par exemple de l'amant qu'une sorte de projection venue d'un roman feuilleton). J'avais oublié aussi la dimension très théâtrale de la chose, direction décidément très prisée par les cinéastes des années 80 et pas les plus mauvais. Tout ça m'a laissé un peu à distance et je pense toujours préférer les deux précédents. Mais Carmen Maura, qui apparemment s'est un peu fâchée avec Almodovar à ce moment-là, est assez géniale.

  • Juré N°2 (Clint Eastwood, 2024)

    **
     
    Le cœur du procès m'a paru remarquable : le plaisir d'une exposition des "faits" à travers l'incomplétude des points de vue cinématographiques et surtout les extraordinaires contre-champs sur le visage subtilement changeant de Nicholas Hoult. La partie délibération m'a moins passionné, plus contrainte dans la caractérisation nécessaire des différents jurés.

  • Anora (Sean Baker, 2024)

    **
     
    Je ne sais pas si c'est la manière de Sean Baker (pas vu les précédents) mais cette construction en larges blocs qui se répondent forcément ça me paraît quand même une "assurance pour les grands festivals", genre "plus c'est long, plus on donne la sensation d'un film important". Pourtant, After Hours/Scorsese ça tenait en à peine plus d'1h30, et Good Time/Safdie idem... Là il faut s'enquiller 30 ou 40 premières minutes épuisantes avant d'être surpris et accroché, et encore, certaines séquences fortes de la suite n'auraient peut être pas perdu à être raccourcies. J'aime en tout cas qu'après la présentation de personnages si difficiles à supporter, Baker finisse par leur donner leur chance, que, dans l'ambiance assez violente, il n'en condamne aucun au gros retour de bâton. J'aime bien aussi la façon dont il filme Youri Borissov toujours à côté ou derrière Mikey Madison (même si, comme l'ont relevé certains je crois, cela laisse deviner l'issue).