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Film - Page 36

  • A bout de course

    lumet,etats-unis,80s

    Présenté au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac

     

    Une chronique familiale faite de joies et de peines, partant d'un fond politique et brassant émois adolescents, amours impossibles, résistances face à l'émancipation, difficulté de la séparation, éloge de la différence, le tout dans un crescendo émotionnel : voilà un programme pas forcément engageant, sentant la convention tire-larmes à plein nez. Pourtant, à chaque instant, A bout de course est miraculeux.

    Danny Pope ressemble à un adolescent ordinaire : il fréquente le collège, joue au base-ball, se déplace à vélo, vit avec son petit frère espiègle et ses parents. Sauf que ceux-ci ont perpétré, alors que Danny n'avait que deux ans, un attentat contre un laboratoire produisant du napalm utilisé au Vietnam. Cette famille est donc en fuite, recherchée depuis quinze ans par le FBI. La normalité n'est qu'apparente. Leur vie c'est la cavale, les noms d'emprunt, les départs précipités à la moindre alerte, les sauts d'une ville à l'autre.

    L'action se situe au milieu des années quatre-vingt. Le passé tient essentiellement dans une scène, peut-être la seule qui soit maladroite, la seule qui apparaisse comme une concession (à la faveur de la lecture d'un journal, Danny explique les raisons de leur fuite à son frère). Ailleurs, ce passé reste sous-jacent, la trace n'émergeant qu'au gré de quelques événements. Fort heureusement, aucun flashback ne vient l'illustrer. Au milieu du film, un passage organisant la confrontation entre le père, la mère et un ancien partenaire activiste peut laisser croire que la lourdeur explicative, le poids du thème vont finir par l'emporter. Mais la fin de la séquence arrive avec un mouvement de caméra menant à l'escalier jouxtant la pièce où (se) débattait la mère : Danny était en fait là, écoutant, sans un mot, sans un geste. Cette simple ponctuation repousse aussitôt l'ombre du didactisme, enrichit la scène et même, la retourne, la justifie.

    La mise en scène de Lumet semble toucher à la perfection, en termes d'échelle et de tempo. Le cinéaste sait bien que le partage d'une émotion ne nécessite pas de rester coller aux yeux embués des personnages, que tout est affaire de dosage et de variations. Dans de nombreuses séquences, on note le plaisir du plan long et éloigné avant le retour à la proximité. Ainsi, les séquences de flirt entre Danny et sa copine Lorna, dans les bois ou au bord de l'eau, offrent de magnifiques instants grâce aux passages du loin au proche qu'elles proposent. La très belle tenue d'autres séquences difficiles, telles celles de classe et d'audition, est également dûe à cet équilibre de la mise en scène.

    Le tempo, quant à lui, reste globalement le même tout du long, Lumet refusant les accélérations artificielles et les coups au cœur factices. Cela n'empêche ni les courses ni les angoisses mais on en reste au rythme de la chronique.

    Et on épouse le point de vue des enfants, essentiellement, bien sûr, celui de Danny. De cette hauteur et à cette distance, le tableau sur la famille apparaît d'une justesse incroyable, au point que l'on peine à trouver dans le cinéma américain qui lui est plus ou moins contemporain une réussite sur ce plan aussi incontestable. Sans doute l'une des forces du film est de dérouler la chronique ordinaire d'une famille qui ne l'est pas du tout (et pour déclencher le ressort dramatique à partir de ce particularisme, il faut un élément tout aussi exceptionnel : ce sera la révélation du talent musical de Danny). Mais l'adolescent a des problèmes d'adolescent, le couple est secoué par les tensions habituelles de couple, le grand père a une réaction de grand père... Exemple parmi d'autres, le petit frère de dix ans paraît vraiment les avoir. Il en a exactement le comportement, les postures, les réflexions, Lumet sachant lui donner le temps et l'espace qu'il lui faut, sans tricherie. La pose, l'affectation n'ont pas cours et ne laissent pas s'approcher trop près les éventuelles réminiscences d'autres jeunesses en marge et en révolte. Dans le rôle de Danny, River Phoenix ne s'encombre pas du fantôme de James Dean. A l'image d'un film pleinement dans son époque mais aussi un peu à côté, il joue merveilleusement de sa présence-absence au monde.

    Mise en scène attentive, écriture fine et interprétation hors pair concourent à créer des séquences d'intimité familiale d'un naturel stupéfiant et d'une intensité rare. La description au ras du quotidien de la fuite rend les liens évidents, jusque sur le plan physique, comme le montrent ces gestes de tendresse semblant attrapés au vol, semblant presque échapper aux personnages. Dans une scène, un personnage n'est pas dur ou aimant, sympathique ou désagréable, et nous n'avons pas, de l'une à l'autre, un mouvement de balancier indiquant successivement les états émotionnels à épouser. Il n'y a qu'à voir la façon dont le cinéaste use des variations pour les trois moments forts qui jalonnent le dernier tiers : un aveu accompagné en champs-contrechamps de plus en plus rapprochés, des retrouvailles fille-père en face-à-face très serré, un adieu d'amoureux en long plan cadrant les profils. Et que dire du final, dans lequel l'intransigeance paternelle ne peut être que brisée et renversée d'un coup ? Cette cassure qui bouleverse, tant elle surprend malgré le fait qu'elle était espérée.

    Par tous revu à la hausse lors d'une reprise en 2009, vingt ans après un premier accueil plutôt discret, A bout de course est l'un des plus beaux films du cinéma américain des années quatre-vingt et sans doute le meilleur de son auteur.

     

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    lumet,etats-unis,80sÁ BOUT DE COURSE (Running on empty)

    de Sidney Lumet

    (Etats-Unis / 116 min / 1988)

  • 1974, une partie de campagne

    depardon,france,documentaire,70s,2000s

    Présenté au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac

    L'histoire de 1974, une partie de campagne (dont le premier titre était 50,81%) est connue. Cette année-là, Raymond Depardon filme Valéry Giscard D'Estaing, à sa demande, pendant la campagne pour l'élection présidentielle. Voyant le résultat, ce dernier refuse la sortie en salles (il se justifiera plus tard, de façon peu convaincante, en avançant que le film n'y était pas destiné). Le blocage dura jusqu'en 2002.

    De cette campagne, Depardon a tiré une série d'impressions, des sensations, quelques piques. Loin de faire un compte-rendu, il a fractionné, coupé, monté, éludé (le titre le dit astucieusement : nous avons là une portion). Il a rendu la course effrénée des rendez-vous, des réunions et des meetings, le tout ayant l'apparence d'un mélange. Un mélange des discours, notamment. A ceux-ci ne sont en effet jamais accordés une durée, un cadre, une mise en perspective qui les rendraient intelligibles. Par conséquent, le programme du candidat n'est aucunement présenté. La machinerie politique, Depardon, en adepte du cinéma-direct, préfère l'aborder en montrant les à-côtés, les petits faits, les bribes. Les grandes réunions publiques sont filmées, la plupart du temps, de derrière la tribune, avec donc Giscard de dos. Peut-être doit-on chercher par ici les raisons du refus giscardien concernant l'exploitation en salles. Ici, dans l'escamotage de son discours, plutôt que dans la captation de détails de comportement pouvant toucher au ridicule, comme la manie du coup de peigne.

    Ce qui frappe dans ces images de 74, c'est le désir absolu du candidat d'incarner la nouveauté. Giscard se veut moderne et cherche une nouvelle façon de faire de la politique : il mène une campagne à "l'américaine", dynamique, rythmée, en lien constant avec les médias, en collaboration avec une armée de consultants. Et à cette organisation doit prendre part le documentariste, supposé rendre compte de l'histoire en marche comme le fit Robert Drew au début des années soixante quand il filma John F. Kennedy dans son fameux Primary. Bien sûr, le dévoilement qu'impose le pacte n'est pas sans risque et Giscard le sait pertinemment. Sur ce point, les quelques coups d'œil qu'il peut lancer à la caméra juste après avoir lâché une vacherie sur un adversaire ou un allié en disent long et sont assez savoureux, donnant presque à entendre : "Voilà, c'est dit, c'est enregistré, tant pis, on verra bien plus tard...". Toutefois, il est sinon étrange du moins piquant de voir que cette modernité est revendiquée au cours d'une campagne pendant laquelle, entre les deux tours, Giscard décide de faire le moins de vagues possibles, d'être le candidat qui rassure les français, quasiment de "ne rien faire" afin de ne pas commettre l'erreur qui lui coûterait la victoire tendant ses bras.

    Intégré à ce programme, Depardon cherche (et trouve) bien sûr son espace de liberté. Sa position, il l'assume. Esthétiquement d'abord : des éclairages violents sont braqués sur le candidat lorsqu'il conduit sa DS ou lorsqu'il rentre à son domicile tard dans la nuit et la façon dont il est filmé à son appartement ministériel, dans l'attente des résultats, passant sans cesse du salon au balcon, permet à la fois l'observation des faits et gestes et la prise de conscience de la "fabrication", de la "mise en scène" qu'il organise pour le cinéaste. On remarque également que Depardon place régulièrement dans son champ la presse et les photographes, créant un étonnant effet de miroir et semblant même parfois désarçonner, par sa position, ces derniers (six ans plus tard, notre homme réalisera Reporters). Ainsi, la vision est en quelque sorte circulaire ; parcellaire, l'ensemble paraît pourtant complet.

    La projection à laquelle j'ai assisté fut un peu pénible. Les personnes dans le public ne venaient pas voir le film pour les mêmes raisons. Certains venaient y retrouver une époque et des têtes disparues, et revoir Giscard. Pour s'en moquer le plus souvent, pour réagir d'un air entendu à la moindre réplique un peu tranchante sur l'air, ironique, de "Il est vraiment fort" ou "C'est tout lui ça". Comme si le film était une charge, et une charge faite aujourd'hui. Or, bien que les attitudes risibles soient nombreuses et que le masque ne puisse s'empêcher de tomber pour révéler l'homme hautain et avide, il me semble que l'on peut se garder de s'esclaffer devant ces manières de monarque éclairé (et je me demande à quoi aurait ressemblé et comment serait reçu aujourd'hui le film s'il avait pris pour objet un homme de gauche). Car à bien y regarder une question se pose, à mon sens, dans cette Partie de campagne. Pour insister tellement sur les caméras et les appareils photo, Depardon doit tout de même nous glisser par là que si ce cirque politique et ce point de basculement médiatique sont bien relayés par les journalistes, derrière l'objectif, il n'y a pas que le reporter, il y a aussi notre regard à nous. Les responsabilités de la dérive du politique au médiatique ne seraient donc peut-être pas toutes regroupées d'un seul côté du pupitre ?

     

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    depardon,france,documentaire,70s,2000s1974, UNE PARTIE DE CAMPAGNE (ou 50,81%)

    de Raymond Depardon

    (France / 90 min / 1974-2002)

  • La classe ouvrière va au paradis

    laclasseouvriere.jpg

    Présenté au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac

    Prenons une séquence de ce célèbre film d'Elio Petri, celle de la baise dans la petite Fiat de l'ouvrier Massa, le héros, qui déflore là une jeune collègue de travail. L'inconfort des postures y est souligné par une caméra scotchée aux visages grimaçant et aux corps morcelés. Le déshabillage est difficile, les jambes et les bras se cognent, la montée est laborieuse. La longueur insistante de la séquence ainsi que la logorrhée masculine, les commentaires incessants que suscite chez le mâle le moindre geste, accentuent le grotesque de la situation mais surtout, épuisent le spectateur. Le découpage, qui ne s'embarrasse pas, bien au contraire, de mouvements aléatoires de caméra et de raccords insignifiants, achève de rendre tout cela informe.

    La classe ouvrière va au paradis, qui obtint en 1972 une demi-palme d'or à Cannes (l'autre moitié allant à L'Affaire Mattei de Francesco Rosi), est, sur toute sa longueur, à l'image de cette séquence. Criant le discours confus de son metteur en scène, Gian Maria trucule à Volonté (le mégaphone est un objet important dans le récit et l'univers de l'usine qui est arpenté pousse les voix à s'élever sans cesse). Eructant sur toute la surface de l'écran, il bouffe toutes les scènes passant à sa portée, le visage en sueur. S'appuyant une nouvelle fois sur cet ogre, Elio Petri veut réaliser un film comique, ironique, pamphlétaire, qui renvoie dos à dos toutes les parties : patrons, petits chefs, syndicalistes, étudiants gauchistes... Personne n'échappe au bruyant jeu de massacre. Tout le monde baigne dans la médiocrité et la laideur. Dans cette caricature, les changements de cap ne peuvent se faire qu'à la suite de revirements brutaux : c'est la perte d'un doigt lors d'un accident sur son outil de travail qui fait passer Massa du rôle de stakhanoviste lêche-cul à celui de leader de la contestation sociale.

    Si il y a un intérêt à voir aujourd'hui La classe ouvrière va au paradis, disons qu'il se trouve dans la façon dont l'œuvre nous fait sentir combien la société italienne des années soixante-dix était sous tension. L'abrutissement que provoque le travail à la chaîne y est également rendu avec force, par l'intermédiaire de la bande sonore saturée et de la partition d'Ennio Morricone, tantôt martiale, tantôt angoissante, tantôt westernisante. Sous ces coups de butoirs stylistiques, l'usine devient le lieu (carcéral, comme l'indiquent toutes ces grilles et les appels à la liberté des manifestants au-dehors) d'un combat intense et sans merci.

    Mais le film avance comme un bulldozer sans conducteur, cogne comme un marteau-piqueur sans manœuvre. Une agitation sans but, sinon sans objet, le caractérise. De même qu'une mise en scène assez étouffante. Sortant de la projection essoré, on se demande tout de même comment cette équipe avait pu pondre deux ans auparavant une Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon aussi passionnante en comparaison (et, dans notre souvenir, aussi maîtrisée).

     

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    laclasseouvriere00.jpgLA CLASSE OUVRIÈRE VA AU PARADIS (La classe operaia va in paradiso)

    d'Elio Petri

    (Italie / 125 min / 1971)

  • Taking off

    forman,etats-unis,comédie,70s

    Présenté au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac

    Taking off est un trait d'union. Premier film que Forman réalise aux Etats-Unis, il se trouve être dans sa forme en parfait équilibre entre les deux manières du cinéaste, la tchèque, d'apparence plus libre et plus quotidienne, et l'américaine, plus serrée sur le plan narratif et plus ambitieuse dans ses sujets (la globalité de la filmographie, une fois réunie, étant absolument passionnante).

    Ici, le cadre est américain, ô combien : il s'agit de celui d'une ville, de ses jeunes hippies et de leurs bourgeois de parents. Mais le ton reste tchèque. L'histoire tient en quelques lignes. L'adolescente Jeannie Tyne participe à un concours de chant, y rencontre un jeune homme et part quelques jours avec lui. Pendant ce temps, sa mère et son père s'inquiètent, la recherchent dans les bars de la ville, adhèrent à une association de parents ayant de la même façon "perdus" leurs enfants rebelles, tentent de la comprendre en fumant des joints et en se laissant entraîner dans une sorte de strip poker.

    Forman débarquant de l'étranger, on pouvait craindre une approche superficielle et pleine de clichés de la jeunesse américaine de 1970. Son regard n'étant pas dénué d'ironie, on pouvait également redouter une vaste moquerie. Mais rien de tout cela ne transparaît dans Taking off. Si le cinéaste et son ami Jean-Claude Carrière souhaitaient au départ plonger dans l'univers hippie, ils en sont revenus rapidement, trouvant que le plus intéressant se trouvait du côté des parents. L'angle ainsi légèrement modifié a permis de trouver la bonne distance. Forman peut s'amuser de ce qu'il voit mais n'est jamais méprisant, qu'il se place d'un côté ou de l'autre de la barrière générationnelle.

    Le concours de chant, monté en parallèle et s'entremêlant avec la recherche des adultes, prend toute la première partie, semble même durer tout le long du film tant la mise à scène de Forman opère de chevauchements, de dilatations, tant elle se développe sur un rythme musical (la musique serait l'une des seules liaisons encore possibles entre les deux générations, c'est en tout cas la musique qui fait tenir ensemble le plus fermement, d'un plan à l'autre, les deux univers filmés ici). Ce concours est l'occasion d'une galerie de portraits, muets ou chantés, plus ou moins brefs, ingrats et touchants. Les jeunes de Taking off sont peu loquaces et, comme le montre le dernier et indéchiffrable regard que lance Jeannie à son père (et à la caméra), gardent leur mystère. Forman, à l'inverse des parents du film, ne cherche pas l'explication sociologique et semble faire ainsi la présentation la plus juste possible.

    Un trait d'union, c'est aussi ce que cherchent à redessiner les parents désemparés. Brutalement d'abord, puis plus posément, dans une tentative de compréhension du phénomène par un mimétisme maladroit et entravé. Mais le fossé générationnel est trop large. Seule la mise en scène de Forman le comble, par ses enjambements, ses effets de miroir, son attention égale, ses méthodes partagées. Liberté est laissée aux acteurs et aux personnages, comme aux apprentis-chanteurs pris sur le vif par la caméra. Elle permet d'obtenir notamment des scènes d'ivresse parmi les meilleures jamais réalisées (fait plus notable encore que la (trop ?) fameuse séquence d'initiation au cannabis). Balançant entre le désordre organique peu ragoûtant, l'abolition grisante des repères, le pathétique gestuel et le sublime burlesque, elles comptent parmi les nombreux exemples d'abandon du corps que propose le film. Abandon jusqu'au ridicule mais assumé et non avilissant, un ridicule "vrai" et vivant. Dans ce registre, Forman a poussé avec bonheur Lynn Carlin (l'un des beaux visages du Faces de Cassavetes) et surtout Buck Henry, en père génialement à côté de la plaque.

    Si le désenchantement pointe dans cette enquête irrésolue sur la jeunesse, l'humour persiste, se déploie même franchement, faisant de Taking off, non seulement un stimulant témoignage sur l'époque mais aussi une excellente comédie.

     

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    forman,etats-unis,comédie,70sTAKING OFF

    de Milos Forman

    (Etats-Unis / 93 min / 1971)

  • No

    no.jpg

    Présenté en avant-première au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac.
    Sortie en salles prévue en avril 2013.

    No est le quatrième film du Chilien Pablo Larrain. Il est à nouveau consacré à des événements ayant eu lieu sous la dictature de Pinochet. Cette fois, il suit, à travers le parcours de l'un de ses principaux artisans, le déroulement de la campagne du "Non" au Général, précédant le vote, en 1988, pour le referendum qui décida finalement du départ de ce dernier.

    No impressionne moins que Santiago 73, post mortem mais reste intéressant et possède une singularité indéniable. En effet, comme il fallait s'y attendre, sa forme est audacieuse car l'image, du début à la fin, a la même texture que les bandes vidéos de l'époque, les années quatre-vingt. Nous avons donc un format presque carré, télévisuel, une définition faible et l'apparition de légères déformations des lignes caractéristiques de ce support. La caméra est très mobile et très proche des visages. Hormis deux petites respirations musicales s'appuyant sur une sortie en skate board et une réunion en bord de mer, ce qui est présenté à nos yeux a peu d'attrait esthétique.

    De ce parti-pris, Pablo Larrain tire un double bénéfice. Premièrement, soumise à ce traitement, la reconstitution est facilitée et rendue plus crédible. Deuxièmement, cela permet l'intégration harmonieuse des nombreuses images d'archives collectées. De ce point de vue, le travail de Larrain et de son équipe est bluffant. Si je ne me trompe, les véritables clips de campagne des deux camps ont été insérés. Mieux, on nous en montre l'envers, la réalisation. Interviennent également, dans la continuité du document et de la fiction, quelques importants protagonistes de l'époque, en passant "magiquement" d'un écran à l'autre.

    Toutefois, au-delà de la technique, Larrain a été quelque peu piégé par son sujet, et peut-être également par le choix, pour le rôle principal, de la vedette Gael Garcia Bernal. No n'échappe pas au didactisme. Comme la campagne du "Non" est menée pour pousser les gens à voter, le film fait tout pour être compris comme il faut. Comme exemple, on peut citer cette réplique du héros, lors de la première soirée télévisée, au moment où le premier clip pour le "Oui" succède au premier clip pour le "Non" : "Ce qu'il va se passer maintenant est très important !" L'acteur, par ailleurs, semble tirer l'ensemble vers une dimension plus romanesque, plus accessible. Son personnage de publicitaire a une trajectoire attendue, d'un certain désengagement à la prise de conscience, tandis que les oppositions autour de lui sont très franches (son patron prend en charge la campagne du "Oui", son ex-femme reste une activiste).

    Pour autant, Larrain, ne caresse pas vraiment dans le sens du poil et, même dans une œuvre moins radicale comme celle-ci, diffuse un certain malaise. L'ironie parcourt le récit, notamment à travers ces clips, terriblement ringards, baignant dans cette affreuse esthétique des années quatre-vingt (reprise, donc, entièrement à son compte par le cinéaste). De plus, en prenant pour héros un publicitaire, il montre une "fabrication". S'affichent là crûment les "services" que la publicité rend au combat politique, si juste soit-il : le mensonge des images, l'orientation des masses, le refus de la nuance, la réduction au slogan... Les images de la violence dictatoriale doivent être dynamisées, esthétisées, ou, au pire, écartées au profit des sourires et de la joie, fut-elle artificielle. Si l'alliance des publicitaires et des militants y est questionnée dans quelques débats préliminaires et si l'engagement des premiers n'est pas dépourvu de courage, No n'en reste pas moins désespérant par sa façon de montrer la falsification du réel à l'œuvre dans le but d'atteindre le plus grand nombre. Et de fait, la démarche est validée puisqu'elle provoque la chute de la dictature. Pas dupe, Larrain, clôt son film sur des images d'allégresse mais y glisse tout de même une pointe amère.

    No est un étrange croisement entre Goodbye Lenin et Pater, entre Good night and good luck et L'autobiographie de Nicolae Ceausescu, entre quelques thrillers politiques des années soixante-dix. Il n'atteint pas toujours ces réussites mais, au moins pour ses choix formels, nous fera garder un œil sur son auteur.

     

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    No00.jpgNO

    de Pablo Larrain

    (Chili - France - Etats-Unis / 118 min / 2012)

  • Tout va bien

    godard,gorin,france,70s

    Présenté au 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac

    Godard, qui avait brutalement viré à l'extrême-gauche, co-réalise en 1972, à nouveau avec Jean-Pierre Gorin, Tout va bien, film qui, sans abandonner la radicalité politique et esthétique épousée aux alentours de 68, bénéficie de moyens plus confortables que les précédents et de la présence de deux stars à son générique.

    Une nouvelle fois, l'œuvre fait mine de se faire devant nous. Des chèques sont signés pour chaque corps de métier, deux vedettes sont engagées, une histoire est inventée... Cette mise en place est commentée par deux voix off, celle d'un homme et celle d'une femme, qui dialoguent moins qu'elles nous apostrophent. Tout de suite, on voit qu'on n'est pas là pour transiger.

    Cela se sait jusque dans les files d'attente devant l'entrée de la salle : "Tu verras, ce n'est pas du tout du cinéma classique, mais au moins, on peut dire que Godard sait toujours capter son époque !" Et l'époque, alors, n'est pas tendre. Tout va bien sera donc peu aimable.

    Dans une usine d'alimentation se retrouvent séquestrés par quelques employés en colère non seulement le patron mais aussi la journaliste venue rencontrer celui-ci et son mari l'accompagnant pour l'occasion, un cinéaste ne tournant plus que des publicités. La journaliste, c'est Jane Fonda. Le cinéaste, c'est Yves Montand. En tant qu'acteurs, Godard n'en fait quasiment rien, ne les ayant convoqués que pour leur apport naturel, leur "persona". Dans les séquences de confessions des personnages se mêlent ainsi indistinctement les éléments du scénario et le passé des acteurs, leurs convictions politiques, leurs façons d'envisager leur métier dans une optique "révolutionnaire" ou "combattante".

    Si la deuxième partie du film est plus intime, recentrée sur leurs rapports, il reste difficile de les trouver remarquables. Quoi qu'il en soit, autour d'eux, tous les autres sont unanimement mauvais. C'est que la partie "séquestration" prend la forme d'un petit théâtre brechtien. La lutte sociale, ponctuée de chants révoltés, est décrite dans des vues en coupe de l'usine où plusieurs pièces sont montrées en même temps à coup de lents travellings et de plans-séquences. Les mouvements des groupes réglés sommairement alternent avec les interventions fièvreuses des ouvriers parlant les yeux dans la caméra. L'intérêt est aussi limité que la vision est tranchée : les gauchistes sont là pour ridiculiser les patrons et les larbins de la CGT.

    Passée l'agitation, le débat se positionne provisoirement au sein du couple. De la crise interne ressort une chose : pour avancer, il est nécessaire que chaque être devienne "l'historien de lui-même", qu'il applique régulièrement son droit d'inventaire. L'aspiration de Godard à la clarté est réelle et louable mais elle passe par trop de confusion, à l'image d'un incompréhensible monologue de Jane Fonda. Sa recherche est peut-être, à ce moment-là, celle d'un gauchisme "pur". C'est en tout cas chez lui une constante : tenter de tirer des idées fortes d'un magma incontrôlable et illisible. Avec Tout va bien, il échoue complètement.

    La valeur esthétique elle-même est médiocre. La France était moche en 1972 et le film nous le rappelle sans peine. Le montage est beaucoup moins spectaculaire qu'en d'autres godardiennes occasions. Tout juste avons-nous droit à quelques reprises de plans et à une poignée de désynchronisations image-son. L'heure est surtout au plan-séquence, démonstratif, laborieux. Le dernier d'importance est proprement insupportable, morne va-et-vient le long des caisses d'un supermarché envahi par un groupe de militants révolutionnaires, une sorte de Grand bazar sans les Charlots.

    Si on ne doute pas de la sincérité de Godard et si on sait que son virage a aussi produit de beaux fruits, on comprend aisément que ce type de réalisation grotesque ait, à l'époque, suscité des ricanements dans des milieux plus anciennement ancrés à gauche.

     

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    godard,gorin,france,70sTOUT VA BIEN

    de Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin

    (France - Italie / 95 min / 1972)

  • Les lignes de Wellington

    Jusqu'au 26 novembre se déroule le 23e Festival International du Film d'Histoire de Pessac. Avant de me lancer réellement, la semaine prochaine, dans une série de notes consacrées aux films que j'ai pu et que je pourrai encore y voir jusqu'à ce lundi, je vous propose d'ores et déjà ces quelques lignes sur le film de Valeria Sarmiento, présenté en avant-première au début de la manifestation et sorti entre-temps dans les salles.

    sarmiento,portugal,histoire,2010s

    En 1810, Masséna et ses troupes napoléoniennes livrent bataille à Buçaco contre l'armée portugaise aidée des Britanniques du Duc de Wellington. Celui-ci a fait bâtir, afin de protéger Lisbonne, des fortifications imprenables partant de la ville de Torres Vedras. Le repli de ses hommes et des soldats portugais derrière ces lignes, qui provoque également l'exode des civils soumis aux exactions des Français, devient l'enjeu du conflit. La manœuvre entraînera finalement la retraite de Masséna.

    Valeria Sarmiento concrétise le dernier projet de son mari Raul Ruiz en réalisant ce film romanesque possédant de nombreux points communs avec les Mystères de Lisbonne, à commencer par la présence du même scénariste, Carlos Saboga.

    Les lignes de Wellington (ou Les lignes de Torres Vedras du titre portugais) est un film qui s'organise entièrement autour de cette notion de linéarité. Les lignes de défense sont le but à atteindre, au bout d'un trajet que la cinéaste va décrire en une suite de lents et vastes panoramiques latéraux balayant les chemins encombrés de personnes déplacées et de colonnes de soldats. Ces mouvements de foule au rythme de la marche se déploient dans le format très allongé de l'écran.

    La linéarité se retrouve pareillement sur le plan narratif. L'abondance de personnages (la fresque en convoque un nombre incalculable jusqu'à faire apparaître une poignée d'actrices et d'acteurs français ayant travaillé avec Ruiz d'une manière purement "commémorative") et les croisements des trajectoires ne bouleversent pas l'ordre chronologique du récit. Si un retour en arrière peut s'intercaler à la faveur de l'explication d'un traumatisme, il n'altère nullement la progression logique. L'avancée inexorable se fait également par l'intermédiaire des nombreux plans séquences, figure de mise en scène privilégiée par la cinéaste. Ceux-ci décrivent, comme dans un livre. Le plan séquence, dans Les lignes de Wellington, est un paragraphe fait de quelques longues phrases. C'est ainsi que le film apparaît très littéraire (l'usage de la voix off accentuant encore, bien sûr, l'impression).

    Le déroulement de la narration se fait sans heurt. Comme les panoramiques vont souvent chercher à un bout du décor le personnage qui prendra le relais dans la scène, il n'y a guère de sursaut, de surprise ou de détour, ce qui se révèle à la fois un avantage et un inconvénient. Le film est étiré, étalé. Il ne tourbillonne pas.

    Mais bien sûr, des lignes finissent aussi par se briser. Une bonne part des protagonistes de cette histoire dramatique trépasse ou sombre dans la folie. Comme le dit l'Abbé égorgeur de Jacobins, l'enfer est ici-bas et non là-haut. La dernière partie du film, sombre, endeuillée, prenante, semble nous dire que tout le monde s'y enfonce inexorablement. Reste alors peut-être, seulement, la passion amoureuse : entre les deux grandes figures de Paulo Branco et de Raul Ruiz, Valeria Sarmiento (qui réalisa entre autres, en 1995, Elle, un étonnant "remake" du El de Buñuel) parvient notamment à imposer sa vision par la façon dont elle filme les nombreuses étreintes, le désir franc, les corps offerts, et par la place qu'elle donne aux personnages féminins, particulièrement déterminés.

     

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    sarmiento,portugal,histoire,2010sLES LIGNES DE WELLINGTON (As linhas de Torres Vedras)

    de Valeria Sarmiento

    (Portugal - France / 151 min / 2012)

  • Singularités d'une jeune fille blonde

    oliveira,portugal,2000s

    La durée de ce film de Manoel de Oliveira va à peine au-delà de l'heure (la conclusion arrive si tôt qu'il paraît trop court). Il n'est d'ailleurs consacré qu'à un seul récit, l'illustration d'une histoire racontée dans un train par un homme à la femme inconnue assise à côté de lui.

    Convoque-t-on abusivement les fantômes du cinéma muet dès que l'on rend compte d'un film du réalisateur centenaire ? Toujours est-il que, pour Singularités d'une jeune fille blonde, bien que l'on sache pertinemment que le format de l'écran est logiquement rectangulaire, les images semblent "carrées". Telle apparaît, dès le début, par sa composition, la vue d'ensemble dans le wagon, cédant bientôt la place de manière définitive à celle des deux sièges occupés par le conteur et son auditrice. Pour dérouler le flash-back ainsi amorcé, Oliveira base sa mise en scène sur les sur-cadrages qu'offrent les fenêtres, les portes, les miroirs et les tableaux. A l'instar du récit, qui a clairement un début et une fin, l'espace est tout le temps délimité à l'intérieur même du cadre.

    On note l'absence de véritable plan de paysage, hormis la reprise, nocturne ou diurne, d'une vue de la ville, toujours la même. Il existe peu de liaisons d'une scène à l'autre : quand on ne repasse pas par le présent du trajet en train, on saute sans prévenir les jours, les mois voire les années. L'explication d'une fortune amassée au Cap Vert tombe ainsi dans une ellipse gigantesque. En plein film, Luis Miguel Cintra est convoqué, sous son propre nom, par un maître de cérémonie, afin qu'il déclame un poème. Il disparaît aussitôt sa lecture faite. Singularités d'une jeune fille blonde ressemble à une série de tableaux miniatures, petites compositions réalisées par le grand cinéaste portugais et qui ne s'ouvrent pas outre mesure.

    Car si l'argument, tiré d'une nouvelle d'Eça de Queiros, est "actualisé" (comme l'annonce le générique) par Oliveira, il l'est à très petites doses. Par conséquent, il reste, en un sens, dépassé, malgré le bruissement de la rue et les allusions à la crise économique (l'argent est l'un des deux principaux nœuds du problème dramatique, étroitement associé à celui de la rigueur de la morale bourgeoise).

    L'anachronisme du film le fige encore un peu plus mais il peut aussi libérer des effluves d'un fantastique bienvenu (bien que "simple" et "réaliste", le cinéma d'Oliveira n'en est jamais très loin). En effet, particulièrement étranges apparaissent la raideur de certains acteurs, les effets de montage entre deux plans de fenêtres qui annulent la présence de la rue les séparant ou bien le volume, la disposition et l'éclairage de la chambre pauvrement meublée où le héros démuni trouve refuge.

    Certains admirateurs dénichent dans cette miniature d'Oliveira la quintessence de son cinéma. Personnellement, j'y vois plutôt une réduction, certes pas déagréable mais un peu en-deça de ce que j'en attendais.

     

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    oliveira,portugal,2000sSINGULARITÉS D'UNE JEUNE FILLE BLONDE (Singularidades de uma rapariga loura)

    de Manoel de Oliveira

    (Portugal - Espagne - France / 64 min / 2009)

  • Quatre étoiles

    vincent,france,comédie,2000s

    Nightswimming a testé l'établissement pour vous.

    Présentation Allociné :

    "Quatre étoiles est une histoire d'argent, donc de sentiments. C'est l'histoire d'une fille qui hérite de 50 000 euros dont elle ne sait pas trop quoi faire. C'est encombrant, l'argent. Ça vous attache, comme les sentiments. Elle décide alors de les dépenser en filant sur la Côte d'Azur. C'est au Carlton qu'elle tombe sur Stéphane. Lui, c'est l'argent des autres qui l'intéresse. Stéphane va en vouloir à l'argent de Franssou. La demoiselle ne va pas se laisser faire. Ils vont faire cause commune, tenter d'escroquer un troisième larron, ex-pilote de course. Une histoire qui mélange vice et vertu, argent et sentiments."

    Notes par critères :

    Petits rôles :
    Michel Vuillermoz a une tâche difficile, son personnage faisant preuve à chaque instant d'un humour pour le moins laborieux. Que l'héroïne le quitte au bout de dix minutes de film nous soulage.
    Jean-Paul Bonnaire met sa diction et ses gestes mal assurés au service d'un rôle amusant de faux notaire et de piètre détective amateur.
    Luis Rego en petit mafioso est une mauvaise idée de contre-emploi. A côté de la plaque, il apparaît dans une scène d'intimidation tout à fait convenue.
    Note : 1/4

    Musique :
    Pléonastique. Sentimentale lorsque la scène est émouvante, guillerette lorsqu'elle est drôle.
    Note : 0,666/4

    Mise en sène :
    Signée par Christian Vincent, elle est classique de A à Z, jusqu'au fonctionnel parfois. La comédie se laisse beaucoup porter par les dialogues et, certes enlevée comme il faut, ne cède à aucun emballement ni excès de vitesse. La singularité du film est à chercher ailleurs.
    Note : 1,5/4

    Second rôle :
    François Cluzet campe un pigeon comme on en fait peu, ex-champion de Formule 1 devenu riche collectionneur d'automobiles mais doté d'un cerveau à la mise en route très lente. L'acteur est comique par ses changements de rythme. Des effets tombent à plat mais certains sont très plaisants. Passant du silence d'abruti à la loghorée amoureuse, il déstabilise, touchant au grandiose dans sa déclaration à Isabelle Carré : un discours sur l'importance de l'air qui nous entoure et l'aveu d'une intense émotion devant cette femme qui "le respire de façon si naturelle".
    Note : 2,88/4

    Références :
    Discret par son style, le film l'est aussi dans ses références, difficiles à contourner dès que l'on se frotte ainsi au luxe des villas et des palaces de la Côte. Les comédies plus ou moins sophistiquées de Lubitsch, Sandrich, Hitchcock, Donen, Edwards et j'en passe ne sont jamais bien loin. Les (jolies) scènes d'ivresse ne manquent donc pas. On visite l'hippodrome et on n'oublie pas la tentative d'espionnage depuis le balcon de la chambre.
    Note : 2/4

    Ton :
    Sentimental, ironique, sophistiqué, burlesque... L'équilibre est recherché entre les différents registres comiques. Au risque, c'est certain, de n'en pousser vraiment aucun dans ses retranchements.
    Note : 1,5/4

    Premier rôle masculin :
    José Garcia est à l'aise dans un registre qu'il connaît, celui du petit escroc. Parfois laissé, semble-t-il, en roue libre, il ne fait pas mouche à tous les coups et pâtit d'une petite insuffisance burlesque (son corps n'arrive pas à détourner notre attention de celui de sa partenaire) mais il est tout à fait crédible et réussit surtout à tenir la note de l'insensibilité au(x) charme(s) de sa complice jusqu'aux négations les plus ambigües.
    Note : 2,87/4

    Écriture :
    Le plus gros travail est fait par les auteurs pour proposer, dans un cadre très visité par le cinéma, une écriture soignée des personnages et des situations dans lesquelles ils se retrouvent. Celle de départ, un héritage inattendu, rend habilement l'héroïne libre de partir ailleurs et d'assouvir ses fantasmes (pas seulement ses désirs sexuels mais aussi ses envies de fiction). Mais le plus important dans cette affaire était peut-être de préserver jusqu'au dernier moment l'inflexibilité du personnage de Garcia, lequel devait tenir bon face aux avances répétées de la jeune femme (dans une sorte de renversement de la figure classique où c'est l'homme qui est "en chasse", plus ou moins sincère). Le revirement final en est d'autant plus abrupt. C'est une loi du genre qu'il faut accepter.
    Note : 3,2/4

    Générique :
    Faut-il que l'on ait si peu confiance en son film pour en repasser les meilleurs moments sur le générique de fin ?
    Note : 0/4 

    Premier rôle féminin :
    Isabelle Carré et son sourire. Isabelle Carré et sa peau blanche réhaussée par la rousseur de ses cheveux et le rose de ses joues. Isabelle Carré et son goût immodéré pour le champagne. Isabelle Carré et ses tenues que l'on n'ose même pas qualifier de légères. Isabelle Carré et son tombé de bretelle. Isabelle Carré et sa franchise-fraîcheur même au plus fort de l'escroquerie. Isabelle Carré et son décolletté qui n'en est plus un tant il offre de jolies choses au regard. Isabelle Carré et...
    Note : 4/4

    Verdict :

    1 + 0,666 + 1,5 + 2,88 + 2 + 1,5 + 2,87 + 3,2 + 0 + 4 = 19,616 sur 40 = 1,9616 sur 4

    Arrondi à 2 étoiles grâce à qui vous savez...

    En résumé :

    Établissement que l'on peut conseiller, surtout au regard de ceux, du même genre, qui l'entourent, convenant tout à fait pour passer une soirée tranquille et valant tous les détours pour son hôtesse d'accueil.

     

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    vincent,france,comédie,2000sQUATRE ÉTOILES

    de Christian Vincent

    (France / 106 min / 2006)

  • César doit mourir

    taviani,italie,2010s

    Depuis plusieurs années, le metteur en scène Fabio Cavalli monte à l'intérieur de la prison de Rebbibia, à Rome, des spectacles interprétés par les détenus eux-mêmes. Ceux-ci purgent dans le quartier de haute sécurité de lourdes peines pour des faits graves allant de l'assassinat à l'appartenance à une organisation mafieuse. Les frères Taviani ont décidé de prolonger cette expérience en faisant jouer le Jules César de Shakespeare, en en filmant la représentation et les répétitions.

    C'est du moins comme cela qu'est présenté César doit mourir : l'épanouissement d'une fiction (Jules César) à partir d'une base documentaire (les répétitions dans la prison). Et on croit, effectivement, dans les premières minutes, qu'un savant mélange des deux registres sera réalisé, qu'une stimulante série d'allers-retours se fera. Mais, à voir (une fois passée l'introduction en couleurs) la beauté du noir et blanc qui drape les images, les nombreux changements d'axe, le travail sur les éclairages et les cadres, la "perfection" des échanges et des postures, on prend rapidement conscience que tout ce qui se présente sur l'écran est joué, dirigé, fait et refait, y compris ce qui semble être un instant pris sur le vif.

    Comme les Taviani ont fait le choix du passage régulier de la fiction au "documentaire", enregistrant tantôt au "premier degré" l'histoire de César, tantôt les préparatifs des comédiens et des techniciens, les interventions de Fabio Cavalli, des gardiens et des autres détenus, tout cela sans pour autant changer leur style de mise en scène, nous sommes forcés de faire le constat suivant : tout ce qui concerne la "réalité" des prisonniers sonne faux et tout ce qui est représentation de Shakespeare sonne juste. Corollaire de ce constat : il est plus facile de jouer un personnage de théâtre que de jouer son propre rôle.

    Si la qualité d'un film se mesurait avec un chronomètre, César doit mourir en serait un très bon puisque les moments de "fiction" sont plus nombreux que les moments de "documentaire". Seulement, dans ce cas précis, le déséquilibre provient d'un parti-pris de réalisation qui met en péril l'édifice. Je regrette pour ma part que les cinéastes ne se soient pas contentés de filmer un "Jules César en prison". En effet, la puissance se dégageant du texte (transcrit en différents dialectes italiens selon l'origine des comédiens) dit entre ces murs et dans cette cour est éloquente. Il nous suffit de savoir qui sont ces gens sur l'écran pour ressentir la force que peut prendre la transposition dans ce milieu carcéral et percevoir comment l'histoire racontée peut entrer en résonnance avec leur propre personnalité. Nous n'avons guère besoin de ces apartés explicatifs, de ces fausses confessions de prisonniers bouleversés par leur apprentissage artistique et par le miroir qui leur est ainsi tendu.

    Ce faux documentaire ne produit donc pas vraiment de réflexion profonde sur le frottement entre fiction et réalité puisqu'il est tout entier placé d'un seul côté. Il s'accompagne par ailleurs de gestes esthétiques forts mais un peu lourds lorsque les frères s'essayent à dire des choses plus actuelles que celles nichées dans le texte shakespearien : zooms avant sur les visages, champ-contrechamp liant le regard d'un détenu et un poster de paysage paradisiaque, magma sonore de chuchotis sur des plans généraux de la prison, musique au saxophone d'un fils Taviani... Je peux saluer la démarche, relativement audacieuse et l'intensité de certaines séquences, mais je regrette qu'un enrobage un poil vieillot ait été ainsi rajouté, que les cinéastes ne soient pas allés plus loin dans leur désir d'épure, qu'ils n'aient pas laissé advenir de lui-même le choc entre le verbe shakespearien du XVIIe siècle et les corps et décors d'aujourd'hui.

     

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    taviani,italie,2010sCÉSAR DOIT MOURIR (Cesare deve morire)

    de Paolo et Vittorio Taviani

    (Italie / 76 min / 2012)