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Nightswimming - Page 30

  • Le Diable par la queue (Philippe de Broca, 1969)

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    Confirmation de mon allergie au cinéma de Philippe de Broca devant ce qui est considéré comme l'un de ses meilleurs films, d'après Positif à l'époque et plusieurs de mes amis aujourd'hui. Le rythme relativement soutenu (dû à Sautet au "découpage"?) et l'ambiance libertaire n'y font rien : dès les premiers instants, tout paraît forcé, mécanique, vain, des dialogues à l'interprétation. Le casting est pourtant aux petits oignons. Malheureusement, les partitions de Marielle, Rochefort, Piéplu sont sans surprise. Madeleine Renaud fait un numéro sans intérêt particulier. Marthe Keller ne fait que montrer sa culotte toutes les 10 minutes. Yves Montand cabotine, ne parvient pas à adopter une démarche burlesque convaincante et pousse jusqu'à l'insupportable son accent du sud. Horrible. 

  • L'Effroyable Secret du Dr. Hichcock (Riccardo Freda, 1962)

    ***
    Ayant découvert il y a longtemps Théodora, impératrice de Byzance et Le Château des amants maudits avec intérêt mais sans passion débordante, je ne m'attendais pas forcément à être totalement emballé par ce (premier) Dr. Hichcock. Ambiance et sujet hammeriens, pseudonymes anglo-saxons pour tout le monde au générique ("Robert Hampton" à la réalisation) et motifs... hiTchcockiens repris sans vergogne (verre de lait, vraie-fausse morte à la Psychose...) : on a saisi la formule. Mais si c'était ça le commerce en 1962 et bien vive le commerce ! Freda parvient, dès la première scène, au cimetière, sur le papier archi-classique, à poser sa patte pour donner le goût de l'inédit. Sa mise en scène, construite en lents et longs mouvements de caméra est admirable, laissant souvent ses acteurs s'exprimer en silence (mais non sans musique), ce qui donne une vraie épaisseur aux personnages. Au niveau du scénario, il va jusqu'au bout, notamment dans le traitement de cette tendance quand même un peu étrange qu'est la nécrophilie. Le film est en ce sens très "noir" mais aussi particulièrement bien coloré, et élégant. Et puis il y a Barbara Steele. Au début, on la trouve trop sophistiquée, mais très vite, Freda lui offre des plans beaux à tomber : fuite en souterrain qui pourrait durer des heures, visage anxieux encadré par une fenêtre, puis, en merveilleux écho, prisonnier d'un cercueil vitré... Quel regard ! On ne se lasse donc jamais de la contempler en train de découvrir des horreurs. 

  • Charlie et la chocolaterie (Tim Burton, 2005)

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    Le revoyant pour la première fois 15 ans après, j'aurais tendance à le réévaluer à la hausse, peut-être parce que sachant maintenant que Burton était alors effectivement entré juste auparavant, après Sleepy Hollow, dans l'effarant tunnel duquel il n'est toujours pas sorti à ce jour, pavé d'œuvres soit ratées, soit catastrophiques, soit tout juste sympathiques. Là, il faut bien admettre que le film est extrêmement bizarre, surtout pour une grosse production familiale. Il force le respect par sa manière d'attirer les contraires, de rire du malaise, de brouiller la limite entre le beau et le laid, de célébrer la famille tout en "tuant" des enfants (cela aurait été plus fort si, au moins, les 4 petites victimes de Wonka ne réapparaissaient pas à la fin de la visite, mais c'est déjà ça). Par ailleurs, il s'agit sans doute du meilleur "Burton numérique" car intégrant, au-delà des références culturelles et cinématographiques toujours agréables à trouver, une vraie réflexion sur les images, sur les pièges qu'elles tendent. Peut-être la partie centrale est-elle trop longue (je l'avais trouvé ainsi à l'époque) mais la répétition sur laquelle elle est fondée relève également du défi narratif et accentue encore, si besoin était, l'étrangeté de l'ensemble.

  • Le Distrait (Pierre Richard, 1970)

    *
    Si j'ai pu en voir à l'occasion dans mon enfance, je n'estime pas avoir "grandi" avec les films de Pierre Richard, qui n'a vraiment attiré mon attention d'adolescent qu'avec sa trilogie veberienne des années 80. Avoir revu ces derniers mois certaines de ses interprétations de la décennie précédente, celle qui le fait vedette comique française de premier ordre, n'a rien provoqué d'autre chez moi que le sentiment d'un éventuel potentiel systématiquement gâché. Que ce soit dans ses propres réalisations ou chez les autres, le personnage immuable m'agace bien plus qu'il me séduit. Ses valses hésitations me fatiguent, son agitation m'épuise, ses fous-rires m'indiffèrent. Les intentions, louables, ne sont jamais dépassées, et si l'on sent régulièrement, comme ici, que des choses sont tentées, en termes de mise en scène ou de scénario, leur exécution apparaît le plus souvent médiocre. Dans la durée d'une séquence, Richard ne tient quasiment jamais ses promesses, par manque de rigueur esthétique, de timing, de folie ou de méchanceté, ou au contraire par excès de bons sentiments, par trop de dérobades face à la réalité de la scène (le fameux caractère lunaire qui excuse toutes les incohérences). Il reste donc, dans le meilleur des cas, deux ou trois bons gags, quelques solides seconds rôles et quantité de belles femmes des années 70.

  • L'Impossible Monsieur Bébé (Howard Hawks, 1938)

    ****
    D'abord, il y a ce personnage de Susan Vance, absolument ahurissant. Ce n'est pas celui de l'aimable gaffeuse, qu'on peut trouver ailleurs. Il s'agit là de quelqu'un possédant une volonté de fer et une énergie auxquelles rien ne doit résister, et surtout pas, donc, le professeur Huxley et ses projets de petite vie bien rangée. Cela va jusqu'à la folie, à l'obsession maladive. Ce harcèlement continu, dès les premiers instants, s'il n'était comique (ô combien !), pourrait servir de base au plus angoissant thriller. Les meilleures screwball comedies de l'âge d'or proposent un dérèglement, un déraillement ou un débordement de situation. Ici, on a plutôt le sentiment d'un emballement de la mécanique, Hawks étant bien sûr spécialiste de l'action, de la vitesse, de l'ingénierie. Cet emballement est provoqué par Hepburn, animal sexuel du film cherchant et parvenant à faire voler en éclat la grille de lecture morale conventionnelle de Grant. Autres animaux : Bébé le léopard (pure idée "surréaliste" de départ, peut-être, que de cadrer Hepburn et son fauve dans l'appartement, pour voir ensuite ce que cela va donner scénaristiquement) et George le chien (et l'os du brontosaure). Ils participent eux aussi, concrètement, à l'accélération du déplacement vers la folie collective, de par leurs cris, vite redoublés par ceux des humains, dans une incroyable cacophonie. Ce qui est génial avec ce Bringing Up Baby, c'est que s'y constitue un monde particulier, dans le sens où l'on est tellement emporté que ne se posent jamais des questions que le genre implique souvent, comme celles sur le théâtre ou celles de l'aisance sociale des protagonistes. Là, nous sommes "forcés" de n'admirer que la mise en scène du comique. 

  • Monrovia, Indiana (Frederick Wiseman, 2018)

    ***
    Le rendez-vous, quasi-annuel, de dessillement a été à nouveau honoré par Wiseman (90 ans cette année). Encore une fois l'impression de voir des images neuves, claires et vraies, de choses a priori banales (activités professionnelles, cérémonies, assemblées, réunions...), assemblées en un montage merveilleux, net, rythmé par des plans de transition de toute beauté mais pourtant jamais esthétisants et servant à la fois à respirer et à avancer d'un endroit à un autre. Les habitants de la ville filmée ici ont voté pour Trump à 76%. Mais ça, c'est le distributeur du film qui le dit. Wiseman, lui, s'en garde bien. Libre à nous de déceler dans ses images et ses sons, des signes de cet état de fait et d'esprit. Le cinéaste esquive, peut-être un sourire en coin mais sans jamais "laisser penser que...". Et c'est heureux qu'il évite ainsi la réduction au message, à la dénonciation (restant en cela, de toute façon, totalement fidèle à sa démarche habituelle). Cependant, son film intéresse constamment, étonne, fascine, mais il inquiète également. Il interroge par la façon dont il donne à voir ces instantanés : non reliés entre eux (sinon bien sûr géographiquement). La société y apparaît donc sous forme de cellules non communicantes. En coupant net avant et après, en ne revenant que rarement une deuxième fois sur un lieu, en ne présentant personne dans un autre environnement que celui dans lequel nous le rencontrons, Wiseman donne à sentir la réalité d'une société de communautés indépendantes. Et en même temps, sa manière de faire pousse à s'interroger à chaque moment : qu'est-ce que ce fragment peut nous dire de ces gens et de cet endroit ? Peut-on lui accoler une signification particulière ? Comme il est très difficile de répondre, on se dit que le cinéma de Wiseman est décidément celui qui dialogue le plus intensément avec la réalité, tout en restant admirablement organisé.

  • Détective Dee : La Légende des rois célestes (Tsui Hark, 2018)

    **
    Cette suite du deuxième volet (et donc toujours prequel du premier) est un peu plus digeste bien que tout autant numérique et chargée. L'arrivée de nouveaux personnages ne change guère la donne au niveau scénaristique, c'est toujours la même mécanique des luttes de pouvoir, des trahisons, des vengeances et des revirements. On s'en moque pas mal. L'intérêt légèrement supérieur vient du fait que Tsui Hark lâche les chevaux cette fois en assumant pleinement, en accentuant la dimension purement magique de l'univers décrit. Les exagérations visuelles passent mieux ainsi. D'autant qu'elles reposent aussi sur une réflexion, certes peu poussée mais présente, autour de la perception des choses et des illusions. 

  • Détective Dee II : La Légende du dragon des mers (Tsui Hark, 2013)

    *
    Tsui Hark ne déroge pas à la règle qui exige qu'un deuxième volet en propose toujours plus (plus long, plus bruyant, plus spectaculaire) par rapport au premier, bien qu'il s'agisse d'un prequel (et un peu comme avec les trilogies Star Wars, le monde d'avant apparaît dès lors, de manière contradictoire, plus sophistiqué et moderne que celui d'après). La rapidité de l'exécution provoque cette fois la fatigue, assez rapidement. Dans le rôle titre, Mark Chao est loin d'avoir le charisme d'Andy Lau et du côté des femmes, on perd sérieusement en vivacité, en charme et en sensibilité, en passant de Bingbing Li à Angelababy. De plus, alors qu'une grande partie de l'intérêt du premier épisode tenait au dialogue constant qu'y entretenaient le rationnel et l'irrationnel, ici, l'impossible règne, avec la bénédiction du numérique. Sur le plan politique, le scénario ne manque pas de resservir, comme presque toujours dans le cadre chinois, le thème de la rebellion individuelle mais dans le respect de l'ordre. Le film ne se joue de toute façon pas sur son scénario, il va trop vite pour ça. Une seule scène se singularise et rivalise presque avec celle du marché fantôme du N°1, en parvenant vraiment à mêler beauté visuelle et tension dramatique : celle, toute en gris, du combat contre les rochers, au-dessus du gouffre. 

  • Les Aventures d'un homme invisible (John Carpenter, 1992)

    **
    Cette comédie fantastique de Carpenter est ma foi bien agréable. Elle n'est pas hilarante mais elle est régulièrement drôle, la gamme, de l'humour subtil au gag vulgaire, étant parcourue avec la même tenue. L'invisibilité dans le quotidien produit son lot d'étonnements et d'amusements visuels (jusqu'au cauchemar du personnage qui découvre que son sexe est invisible). Et comme Carpenter s'y connaît en récit, la conduite est sans faille (c'est même mieux huilé que certains autres de ses films, plus sérieux, plus personnels). Enfin, le casting est des plus adaptés : Chevy Chase, Darryl Hannah, Sam Neill. Ce qui fait que ce n'est pas pour autant un grand film (au-delà de la folle scène sexuelle que l'on pourrait imaginer et qui est encore une fois évitée), c'est le choix (l'obligation ?) de montrer si souvent Chase à l'écran, même s'il est tout à fait bon. Carpenter fait le maximum pour justifier les apparitions/disparitions du corps de l'acteur en jouant des points de vue, mais l'alternance n'en paraît pas moins arbitraire dans bien des scènes et empêche celles-ci de basculer dans une véritable folie ou une véritable étrangeté. On en reste donc au niveau du divertissement de qualité. 

  • Week-end (Jean-Luc Godard, 1967)

    ****
    On ne peut guère faire autrement que de trouver prophétique cette farce noire, coloriée et bruitiste, annonçant notamment la flambée de mai 68, 5 mois plus tard. Il est vrai que Godard tente tellement de choses dans son cinéma qu'il est logique qu'il tombe souvent juste sur le présent et que, de temps en temps, il anticipe vraiment. Là, c'est évident. Mais le film est surtout fascinant par la façon dont il rend compte d'un monde en plein chaos, se posant en chef d'œuvre du genre, comme plus tard le seront aussi, avec des moyens différents, le Roma de Fellini et le Nashville d'Altman. La violence, des images (sanglantes) et des mots (orduriers), sidère car tout, ici, semble poussé à l'extrême, avec pourtant une maîtrise constante (aucun laisser-aller comme parfois ailleurs chez Godard). Le récit progresse on ne sait trop comment, de bloc en bloc étirés au maximum des possibilités (à l'image de son fameux travelling routier et klaxonnant - manifestement "coupé" quand même au moins deux fois). La fiction déraille régulièrement et Darc et Yanne se demandent plusieurs fois s'ils ne sont pas en train de glisser en dehors. Mais Godard tient l'ensemble fermement, par son style visuel particulièrement performant ici, et par ses superpositions sonores (toujours ces surgissements de la musique !). La multiplicité des discours et des références fait que l'on laisse échapper certaines choses mais peu importe (le "sens" n'est pas toujours obligatoirement à chercher, pour le cinéaste aussi, certainement), c'est d'une beauté grave (qui annonce aussi les Godard tardifs), violente, dévastatrice, stimulante, unique.