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Nightswimming - Page 8

  • Ma vie ma gueule (Sophie Fillières, 2024)

    ***
     
    Chronique calée sur l'évolution cyclothymique d'une femme de 55 ans dont le petit grain de folie vire parfois dangereusement à la grosse boule noire. Drôle, déprimant, bouleversant, en alternance ou en même temps, le film ne lâche pas Agnés Jaoui, exceptionnelle (ou très ordinaire), et la propulse au milieu de gens de tous les jours qui pourraient aussi bien être des fantômes du passé, des messagers de la Mort ou des doubles d'elle-même. C'est le bel adieu de Sophie Fillières, réalisatrice décédée quelques jours après la fin du tournage.

  • Cantate (Miklos Jancso, 1963)

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    Un jeune chirurgien plonge dans une crise existentielle après avoir douté des capacités d'un médecin plus âgé. C'est le conflit entre anciens et nouveaux qui est interrogé, le chirurgien, d'origine paysanne, finissant par rendre visite à son père. Mais conflit non résolu, et sous-tendu par un autre, brièvement mais directement évoqué, sur l'engagement socialiste et ses possibles aveuglements. S'effectue surtout une dérive du personnage, appartenant aussi au milieu intellectuel de Budapest. Un film dans le film s'insère à la moitié et a pour effet de rendre le dernier mouvement, à la ferme familiale, insolite, comme une projection dans le passé. Sans doute y a-t-il une influence antonionienne autant qu'une impulsion partagée à l'Est à ce moment-là (un court métrage projeté en privé est jugé par un personnage de "style polonais"). Jancso étonne déjà, commence à étirer ses plans et à gérer les mouvements. La troisième partie, avec ses ouvertures soudaines de l'espace, annonce clairement la suite.

  • A son image (Thierry de Peretti, 2024)

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    A nouveau sensible à la mise en scène de Thierry de Peretti, sa façon de faire durer les plans, de donner la sensation exacte des espaces, de mobiliser les groupes dans son cadre. Un peu moins convaincu par la construction, légèrement bancale je trouve (les transitions Corse-Yougoslavie), et la voix off, mi-romanesque mi-réflexive (les interrogations sur la "vérité photographique", il me semble que Peretti a suffisamment de talent pour les intégrer dans le récit lui-même et ne pas avoir à les plaquer par-dessus).

  • Septembre sans attendre (Jonas Trueba, 2024)

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    Séduit par un film (mon premier Trueba) qui fait le pari de renouveler la représentation d'une situation convenue par sa mise en abyme, de broder sur les d'accord/pas d'accord inhérents à la vie de couple, de ressouder en séparant, de marier à l'envers et de laisser vivre des personnages tout en expliquant presque didactiquement comment on peut les filmer.

  • Quand la ville dort (John Huston, 1950)

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    Une remarquable construction qui en fait le modèle du film de casse, un rythme plutôt lent mais des plans toujours expressifs, des microsecondes de violence, un ressenti des blessures, et surtout cette caractérisation des personnages enrichie au fil du film à partir d'une obsession propre à chacun pour aboutir à une morale individuelle contre celle des institutions.

  • Le Journal d'une femme de chambre (Luis Buñuel, 1964)

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    Adaptation très politique (revancharde, disaient les critiques de l'époque), dans laquelle Buñuel semble d'abord protéger sa Célestine des aberrations droitardes mais pour lui faire assumer finalement son pur arrivisme. C'est donc l'un de ses films les plus noirs et les plus pessimistes. C'est aussi, des trois adaptations vues, celle où le couple Célestine-Joseph me semble produire le plus d'étincelles, coupante Jeanne Moreau et torve Georges Géret. Cela dit, même la deuxième fois comme ici, l'entrée dans un Buñuel est rarement facile, séquences d'apparence banale, mise en scène sobre, petites manies, décors jouant sur "l'impression" plutôt que le sens direct... Mais au final tout a déraillé et, tout comme dans Belle de jour les bascules oniriques deviennent de moins en moins décelables, on est incapable de pointer le moment où le vertige a commencé à nous prendre.

  • Maléfices (Henri Decoin, 1962)

    **
    Intéressante adaptation du roman de Boileau et Narcejac, qui ne se plante vraiment que sur une scène didactique de projection d'un documentaire sur l'Afrique noire et sur les cinq dernières minutes qui tentent maladroitement de contourner la difficulté du brusque changement de point de vue en quelques pages de la toute fin du livre. Les tête-à-tête manquent un peu de nerf et de mystère malgré la musique bizarre de Pierre Henry. Mais il y a au moins trois atouts. Deux idées fortes du roman sont filmées "en vrai", assurant un étrange réalisme : le passage du Gois à Noirmoutier et le guépard, que les acteurs approchent et caressent sans astuce de montage. Le troisième atout, c'est Juliette Gréco, parfaite dans le rôle de l'ensorcelante Myriam, se superposant exactement à l'image que l'on se fait du personnage à la lecture.

  • Mr. Klein (Joseph Losey, 1976)

    ****
     
    Génial film de cauchemar, où la petite histoire laisse d'abord juste entrer la grande par inserts avant d'être totalement emportée par son flux, et où les absences soudaines du regard de Delon se répercutent dans les miroirs de Losey, où ses gestes sont emprisonnés par ses décors.

  • Journal d'une femme de chambre (Benoit Jacquot, 2015)

    °
     
    Finalement j'ai regardé le Jacquot avant de revoir le Buñuel. Pas forcément une bonne chose si tôt après la lecture du livre mais sans cela je n'aurais de toute façon jamais fait l'effort. C'est fidèle mais incroyablement lisse... avec un dynamisme forcé de la mise en scène (les plans en marche, de dos), une indécision pour traduire la subjectivité de l'héroïne (dialogue classique ou bien réflexions à voix basse pour elle-même ou encore vraie voix off), une balourdise dans les flashbacks... Je ne savais pas que c'était Lindon qui jouait Joseph. Et comment Vincent Lindon pourrait-il faire peur à Léa Seydoux ? Puis la troubler profondément ? Puis la faire sienne totalement ? Même phrase finale que dans le livre, avec Célestine avouant pouvoir maintenant aller jusqu'au crime avec son homme, sauf qu'ici, on n'y croit absolument pas. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que Jacquot fait participer Célestine au vol de l'argenterie par Joseph, parce qu'il n'a pas trouvé le moyen de montrer la montée du désir malsain. Plus tôt, le "Vous êtes comme moi !" lancé par Lindon à Seydoux claque mille fois moins que celui lancé par Francis Lederer à Paulette Godard dans le Renoir (alors que le film de celui-ci est pourtant encore, à ce stade-là, en grande partie, une comédie).