Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nightswimming

  • Valeur sentimentale (Joachim Trier, 2025)

    **

    Je l'ai regardé de manière détachée, extérieure, comme devant la façade de cette belle maison qui a tant d'importance. Comme ensemble, j'apprécie plutôt le film, ses interprètes, sa progression heurtée (les coupes très franches en fin de séquences, accentuées par le noir silencieux de quelques secondes), son point de vue intéressant sur l'art comme un travail, un effort, une autre dimension que l'on atteint difficilement, en opposition à d'autres, comme Altman, qui font tomber les obstacles pour en faire le prolongement très simple de la vie (mais, d'une part, peut-être est-ce dû au fait que Trier s'intéresse exclusivement au Grand Art, et d'autre part, soudain, la continuité caractérise au contraire la dernière séquence, si convenue, si attendue, comme si tout était résolu en même temps). Dans les détails, c'est une autre histoire et pas mal de choses ne m'ont pas convaincu, en particulier celles qui se rapportent au cinéma, avec une approche assez didactique. Trier filme le génie. Il le filme au travail, c'est bien. Mais montrer le résultat, c'est très risqué. Les deux passages en question, projection de l'un des anciens chefs d’œuvre de Borg et tournage du primordial plan-séquence, n'ont rien de probant. Et Trier choisit, au démarrage de ces deux séquences, de les faire siennes, de ne pas les signaler immédiatement comme "extérieures" à sa propre mise en scène, ce qui me semble relever moins du rapport ludique au spectateur que du manque d'humilité. Détail aussi, mais agaçant : l'insert onirique en forme de variation sur le plan-fusion de Persona, au cas où l'on n'aurait pas encore perçu l'ombre de Bergman sur son film.

  • Pris au piège (Darren Aronofsky, 2025)

    **

    Pas mal dans le sous-genre "nuit de galère", même si ça dure ici plusieurs jours pour le héros qui n'avait rien demandé (porteur cependant d'une culpabilité lointaine). C'est bien mené par Aronofsky et agréablement rythmé par Idles. En revanche, c'est un véritable jeu de massacre, parfois comique mais très brutal envers les personnages secondaires. Totalement inattendu pour moi, le caméo au moment du générique de fin, apparition surprise tant elle est retardée de la mère, m'a fait quitter la salle sur une bien belle note.

  • Miroirs N°3 (Christian Petzold, 2025)

    ***

    Très beau film sur le deuil et la réparation. Quelque chose de lourd est posé et on se demande comment ce poids va être soutenu. Mais c'est assumé, même le risque de la situation arbitraire, et tout consiste ensuite à jouer de petites touches et variations, à entrouvrir à peine quelques pistes, à modeler de manière subtile, calme, et jamais ennuyeuse. La concision (moins d'1h30) aide mais l'équilibre est surtout obtenu par la mise en scène qui, par les compositions, la lumière de fin d'été et la direction des quatres interprètes, fait naître une vibration à chaque séquence, pour mener finalement à un certain apaisement.

  • Punch-Drunk Love (Paul Thomas Anderson, 2002)

    ****
    Il est entendu que le travail de dingue effectué ici par PTA sur le son, l'espace et le tempo rappelle les précédents Jacques Tati et Blake Edwards. L'hommage au père spirituel Robert Altman n'en passerait dès lors que par deux signaux, certes évidents mais relevant du détail une fois considéré l'ensemble : l'heureuse reprise du "He Needs Me" initialement chanté par Shelley Duvall dans Popeye et le choix d'Emily Watson (dire qu'elle irradie ici dans chaque séquence me semble encore un cran en-dessous de la vérité) quelques mois après Gosford Park. Il existe pourtant un lien plus secret et plus serré avec une autre œuvre d'Altman, malheureusement oubliée : Un couple parfait / A Perfect Couple (1979). Passage en revue des correspondances :
    - Punch-Drunk Love est la seule comédie romantique (adulte) de la filmographie de PTA (Licorice Pizza, par le jeune âge des protagonistes et le recul dans le temps, c'est un peu différent) comme A Perfect Couple est la seule comédie romantique d'Altman.
    - Le personnage masculin n'a rien du beau mec. A la limite de l'embonpoint, il est coincé dans son costume comme dans sa routine. Jusque sur son lieu de travail, il vit sous la forte pression d'une famille intrusive : Barry a sept sœurs qui l'appellent constamment et l'une d'entre elles tient à lui faire rencontrer quelqu'un ; Alex partage le même toit et la même entreprise que son père, son frère et ses sœurs.
    - Le personnage féminin est (en apparence) plus libre, sans attache, sans passé encombrant : on ne connaît pas la famille de Lena ; ni celle de Sheila.
    - Entravé, l'homme est casanier, alors que la femme voyage, pour son emploi ou en tournée avec son groupe. C'est une impulsion, un coup de tête, qui produit le mouvement déterminant pour la suite : par surprise, Barry rejoint Lena à Hawaï ; par surprise, Alex rejoint Sheila sur la route des concerts.
    - La rencontre amoureuse n'est pas fortuite mais arrangée : Lena est présentée dans ce but à Barry par la sœur de celui-ci ; Alex et Sheila sont passés par des petites annonces vidéo.
    - La violence surgit là où l'on ne l'attend pas, dans ce cadre de romcom habituellement préservé : Barry se fait agresser par une fratrie de voyous avant de leur rendre plus tard leurs coups en voyant Lena blessée ; Alex en vient aux mains avec un prétendant de Sheila et finit assommé par un tisonnier.
    - La scène consécutive au déchaînement de violence se déroule à l'hôpital : Lena est soignée pour son choc à la tête ; Alex se fait suturer une plaie au même endroit.
    - La tentative désespérée de combler le manque physique pousse à tenter le diable et à s'en mordre les doigts : Barry a recours au "téléphone rose", ce qui va entraîner chantage et violence ; Alex sort avec une femme qui s'avère adepte de pratiques sexuelles multiples et extrêmes, ce qui lui fait prendre ses jambes à son cou.
    - La preuve ultime de l'amour c'est l'aveu spontané, la mise à nu confiante, le dur travail sur l'honnêteté absolue : Barry avoue qu'il a mis à sac les toilettes du restaurant alors que Lena ne lui a rien demandé ; Alex, ayant retrouvé Sheila, reconnaît tout de suite qu'il aurait dû prendre sa défense devant sa famille de culs-bénits.
    - La mise en scène intègre la musique pour que celle-ci donne le rythme : Punch-Drunk Love, très syncopé, avance, court parfois, entraîné par des sons insolites transformés en pulsations ; A Perfect Couple progresse dans l'alternance de deux styles musicaux différents, séparant Alex et Sheila, pour mieux s'entremêler au final.
    - Enfin, évidemment, l'intrigue prend place à Los Angeles.
    Malgré tout cela, on peut soutenir que la mise en scène très étudiée de Punch-Drunk Love ne ressemble pas à celle d'Altman telle qu'elle est habituellement identifiée. La seule exception serait la séquence du coup de téléphone passé par Barry, tout juste débarqué à Hawaï : Adam Sandler est filmé de loin, en pleine rue, au beau milieu des spectateurs d'une parade, des têtes de passants le masquant régulièrement en traversant le premier plan, alors qu'un mille-feuille sonore mélange les bruits et les musiques d'ambiance, sa voix à lui, celle de Lena au bout du fil et la version instrumentale de "He Needs Me". En fait, esthétiquement, Punch-Drunk Love fait penser à l'autre Altman, celui des portraits de femmes fragmentés. Il est en effet beaucoup plus proche d'un film stylisé comme Trois Femmes (jusque dans ses étranges transitions en effets numériques de peinture liquide).
    A ma connaissance, Anderson n'a pas évoqué A Perfect Couple lors de sa promo. Sans doute les journalistes ne l'avaient-ils pas en tête et Paulo ayant passé son temps à citer Short Cuts au moment de Magnolia, il devait avoir envie de parler de Tati pour changer. Peu importe. L'essentiel est qu'à partir de Punch-Drunk Love, l'influence est parfaitement assimilée, moins aveuglante que dans les trois premiers films, si redevables dans leur réussite respective. C'est à partir de là, même si le lien n'est jamais rompu (dans ses films suivants il y a toujours au moins un détail altmanien), que PTA s'élève tout seul et très haut.

  • La Jeune Fille (Luis Buñuel, 1960)

    ***

    Le lieu de l'intrigue, la production et les acteurs sont états-uniens mais tout a été tourné au Mexique, sans qu'on le remarque un seul instant. Il n'y a pas que ces conditions particulières qui rapprochent étonnement des "Aventures de Robinson Crusoé", il y a aussi l'île quasiment déserte et l'opposition entre un homme blanc et un homme noir. Buñuel a voulu faire un film anti-raciste mais aussi un film anti-manichéen. Il "complique" donc la tâche au spectateur en ne lui permettant que très tardivement de croire réellement à l'innocence du fugitif accusé de viol par une femme blanche et, d'un autre côté, en provoquant quelques sursauts d'humanisme chez le chasseur sudiste. L'histoire finit bien. Sauf que l'adieu entre les deux hommes est filmé de loin, sans dialogue, et que son racisme, le blanc ne le met de côté que lorsqu'il y trouve un intérêt : faire travailler l'autre, le laisser dormir dans la cabane de la jeune fille pour que celle-ci vienne dans la sienne et, au final, accepter de ne pas dénoncer l'afro-américain en échange d'une promesse par le prêtre, mis au courant de tout, de ne pas l'inquiéter lui-même pour abus de mineure. Car si le déroulement est limpide, sans détour, efficacement basé sur les actions et les réactions (poursuite, corps-à-corps sont excellemment filmés), le fond moral est rendu complexe par l'intervention du religieux et surtout, dès le début, par ce personnage principal de jeune fille de treize-quatorze ans. Innocente sauvageonne, elle est donc violée par l'associé de son défunt grand-père et maintenue sous son emprise. C'est aussi par surprise qu'elle est baptisée, dans la rivière, par le prêtre. Seul l'homme de couleur, débarqué de nulle part, la respecte, même lorsqu'il la retrouve en train de se doucher puis qu'ils discutent alors qu'elle a seulement une petite serviette autour de sa taille. A lire quelques critiques, le film était vu totalement différemment à l'époque (on parlait volontiers de "nymphette" et de "découverte de l'amour"...) et l'âge de la fille n'était pris en compte que de façon secondaire, raccordé à des réflexions bien plus larges sur le racisme et la morale religieuse. Aujourd'hui, en grande partie pour cela, il apparaît comme l'un des moins confortables de Buñuel, alors que la mise en scène est des plus simples et des plus fluides, pour un résultat à la fois direct et ambigu. C'est aussi remarquablement interprété par chacun(e).

  • Macao, le Paradis des mauvais garçons (Josef von Sternberg + Nicholas Ray, 1952)

    *

    La destination exotique, l'ouverture du récit par un assassinat au couteau sur un quai encombré, le décor du casino, les répliques cassantes, le détachement apparent de Robert Mitchum, Jane Russell et Brad Dexter, le second rôle de Gloria Grahame... l'illusion sternbergienne se maintient quelques minutes, surtout si, comme moi, on n'a pas revu les grands films du maître depuis longtemps. Malheureusement, l'ennui gagne assez rapidement. Les séquences manquent décidément de nerf, le rythme d'ensemble étant encore ralenti par deux intermèdes musicaux, deux chansons inutiles interprétées par Jane Russell. Le scénario se révèle très maladroit dans l'agencement des péripéties et les méprises autour des identités de certains sont tout sauf efficientes. Comme la mise en scène ne compense pas (apparemment 2/3 de Sternberg puis 1/3 de Ray), on a l'impression que cette vaste cité de tous les possibles (telle que nous la présente un commentaire introductif) n'est en fait habitée que par 7 ou 8 personnages se trouvant toujours au bon endroit pour se croiser, cela malgré l'insertion ou la transparence de quelques plans documentaires tournés sur place. L'œil n'est stimulé que le temps d'une course poursuite sur le port où Mitchum et les deux tueurs chinois à ses trousses sont gênés par de multiples filets de pêche tendus à la verticale. Toute petite curiosité cinématographique, rien de plus.

  • On a volé un tram (Luis Buñuel, 1954)

    ***

    A Mexico, la compagnie de tramway met à l'arrêt l'une de ses vieilles rames, qui fonctionne pourtant encore très bien. Très attachés à leur outil de travail, le conducteur et son receveur, lors d'une soirée arrosée, offrent clandestinement une dernière sortie à leur véhicule. Au petit matin, ils tentent de le ramener discrètement au dépôt mais divers contretemps vont retarder l'opération jusqu'au soir, après une journée à sillonner la ville. C'est une comédie enlevée et très divertissante. Moins sombre et agressive qu'attendu, c'est une œuvre de circonstance qu'il ne faut cependant pas négliger (comme Buñuel lui-même avait tendance à le faire). On n'y trouve ni collage choc ni dérapage onirique mais ces tentations sont tranquillement absorbées, sans basculer dans la compromission. Passer par le surréalisme pour mieux voir le monde, ce but toujours recherché par le cinéaste trouve même ici une belle réussite "commerciale". Dans le tram, des quartiers de viande se balancent au-dessus du haut-de-forme d'un bourgeois éméché ou d'une statuette christique tenue par deux bonnes sœurs, mais pour une fois, ces images insolites sont pleinement justifiées, par la présence d'un groupe de travailleurs sortant des abattoirs (d'une manière générale, le peu de crédibilité de l'argument principal s'oublie totalement grâce à une écriture serrée, parfaite dans chaque relance). Si le plan rituel sur une jambe dénudée ne manque pas, il est intégré à une pause en forme de jeu de séduction. Aucune séquence de rêve, en revanche. Sauf que "l'illusion" est tout simplement dans le titre original : La Ilusion viaja en tranvia. L'illusion, les aspirations, les rêves voyagent en tramway. Ceux du peuple de Mexico. Car le fond du film est ici : une coupe sociale de la ville effectuée le long d'un récit picaresque et choral (proche de certains films italiens des années 30/40). Ce qui se déroule à l'extérieur du tramway est aussi important que ce qui se joue à l'intérieur : files d'attente pour obtenir une nourriture hors de prix, explication limpide sur l'inflation et ses conséquences sur les pauvres délivrée en fin de nuit par un personnage secondaire alcoolisé, mépris des classes dirigeantes envers les ouvriers, frayeur d'une touriste américaine se croyant dans une enclave communiste lorsqu'on lui dit que le trajet est gratuit, etc. En ouverture et en fermeture, un commentaire insiste : ce récit non-événementiel voisine avec les innombrables petites histoires dont la ville est tissée. Par ailleurs, mine de rien, voilà un joli film sur la camaraderie. Même ici, Buñuel est donc fidèle à sa morale (et toujours sans angélisme : les pauvres ont aussi leurs mauvais moments et leurs mauvaises réactions, tandis que le personnage le moins aimable, ancien de la compagnie prompt à dénoncer le moindre écart de ses successeurs, est celui qui aura vu le plus clair dans toute cette aventure). La particularité du mode de transport apporte une singularité narrative, à la fois une boucle et un empêchement renouvelé qui renvoient à bien d'autres Buñuel, tandis que la limitation du réseau peut entraîner à réfléchir aux frontières sur lesquelles finissent par buter les utopies.

  • Freaky Friday - Dans la peau de ma mère (Mark Waters, 2003)

    *

    Je l'ai regardé parce que j'ai eu sous les yeux pendant plusieurs semaines l'affiche de la suite, sortie ce mois-ci, et parce que j'aime bien Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan (enfin, juste pour sa participation pétillante à l'ultime Altman, The Last Show, le reste, je n'en sais rien). Bon, c'est vraiment pas terrible et il faut être drôlement bien luné (ou en compagnie de sa fille ado) pour l'apprécier un minimum. Quand même, il y a un certain respect de la musique, des morceaux filmés dans leur longueur. Certes, c'est du college rock sans aspérité qui est entendu, mais le fait que des dialogues d'une production Disney lâchent les noms Breeders, Hives ou Vines montre bien qu'à l'époque, le rock "indé" ce n'était pas rien (20 ans après, c'est bien fini - le n°2 témoigne-t-il de ce changement ?). En revanche, de mise en scène, nulle trace, ou alors purement télévisuelle (décors sur-éclairés, scènes de voiture affreuses). Les deux actrices ont l'air de s'être amusées mais le problème majeur est, à mon sens, que l'idée de départ (être respectivement propulsée dans le corps de l'autre), ne fonctionne pas. Ce redoublement a tendance à annuler les effets lorsque les deux personnages sont réunis, ce qui arrive souvent, et, personnellement, presque à chaque fois, il m'a été nécessaire de réfléchir deux secondes, plus ou moins consciemment, pour m'ajuster, pour m'assurer de l'identité derrière l'apparence physique, ce qui ruine l'immédiateté et donc l'efficacité comique. Ne serait-ce que sur ce plan-là, on est loin des sympathiques Big et Dans la peau d'une blonde, ou même de l'anime plus récent Your Name.

  • Les Aventures de Robinson Crusoé (Luis Buñuel, 1954)

    **

    C'est une production hollywoodienne, casting et équipe technique, tournée au Mexique, avec des moyens non pas pharaoniques mais plus confortables que d'habitude pour Buñuel, qui utilisait la couleur pour la première fois. Les trois mois lui ont paru long, notamment à cause d'un chef opérateur qui prenait des heures à tout régler, mais le film y gagne en continuité entre les beaux extérieurs et les reconstitutions soignées en studio. De même, certains moments ont une vraie force plastique. Le récit, strictement borné par l'arrivée sur l'île et le départ, est mené de manière assez classique, voix off à l'appui, mais reste évidemment traversé par quelques dérapages oniriques, cauchemar, beuverie ou réminiscence. C'est là le point fort du film, le rapport à la solitude, rendu par le travail à la fois sur le temps, l'espace et le son (exemplairement dans la scène où Robinson crie face au relief pour entendre l'écho de sa voix : dialogue impossible et silence de Dieu). Puis arrive Vendredi. A la solitude au cœur d'une nature indifférente (le bestiaire bunuelien augmente grandement avec ce film) succède le rapport à l'Autre. Et pas celui que Robinson attendait, ce qui lui fait retrouver très vite ses réflexes de colonisateur et d'esclavagiste (ce statut est dévoilé dès le prologue parlé). Le chemin vers l'égalité sera long et le bon sens de Vendredi ne détruira pas totalement la foi du croyant. Dommage que la dernière partie, le sauvetage suite à l'arrivée des mutins sur la plage, soit sans grand intérêt, simple description de stratégies pour se tirer d'affaire. Dès la rencontre avec le capitaine libéré, Robinson est à l'aise, démarre aussitôt avec une réplique pleine d'humour et une salutation distinguée. Pas sûr qu'une fois rentré en Angleterre, son amitié avec Vendredi perdure.

  • Le Knack... et comment l'avoir (Richard Lester, 1965)

    °
     
    Ce fut l'un des tout premiers "films d'auteur" que j'ai pu voir à l'adolescence et c'était super. Je le trouve aujourd'hui insupportable. Alors qu'il est clairement dans la continuité de A Hard Day's Night, il en tourne toutes les qualités en défauts : aux chansons a succédé un bavardage humoristique assommant, aux brefs détours absurdes d'interminables tunnels non-sensiques (le lit ramené à travers les rues), à l'amusante satire de la célébrité un manifeste générationnel lourdingue. En 65, sans doute fallait-il le défendre au nom de la nouveauté, comme les Cahiers et Positif le firent en cœur, aux anges à l'annonce d'un palmarès cannois couronnant enfin le "jeune cinéma" (*). Il me semble qu'au sein de ce dernier, ou dans ses marges, ce sont justement les comédies qui vieillissent mal. Maniéré, artificiel et épuisant pendant une heure, Le Knack sombre définitivement pendant son dernier tiers, une bonne vingtaine de minutes où l'on doit rire autour du mot "viol". Le séducteur Tolen avait prévenu juste avant, en assurant à la petite craintive qui dira non, puis oui, puis non, etc., que "Les filles ne sont pas violées, à moins de le vouloir". Comédie échevelée, provocatrice, et, par bien des côtés, irréaliste, certes. Il n'empêche que l'on est au royaume de la femme-objet. Après les belles silhouettes interchangeables et sans voix défilant dans les bras de Tolen, arrive le seul vrai personnage féminin, Nancy, une simplette qui ne sert finalement qu'à une chose, être le jouet dont la possession déterminera le vainqueur de l'histoire, le Don Juan moderne Tolen ou le puceau maladroit Colin. Ce sera bien sûr ce dernier. Il y a quelques années, Blow-Up avait pris cher pour beaucoup moins que ça. Dans la catégorie très restrictive "Palme d'or sur le Swinging London avec apparition de Jane Birkin", il était sans doute plus porteur de s'en prendre au grand film d'Antonioni qu'à la comédie oubliée de Lester.
     
    (*) Plus drôle que le film, le jeu du "Qui a copié qui ?" pour le premier paragraphe de son compte-rendu du festival 65 :
    Luc Moullet : "Il n'est pas dans les habitudes des Cahiers de commenter les palmarès des Festivals, ni même de reproduire leur contenu (...). Mais cette année, il faut quand même décerner un prix spécial au Jury qui, pour la première fois depuis 1952, a osé couronner le meilleur film."
    Gérard Legrand : "Bien qu'il ne soit pas d'usage, à Positif, de commenter les palmarès, je dirai tout d'abord que la victoire de The Knack a été celle d'une jeunesse allègre (...). Plaisante victoire, due à un jury dont l'âge moyen n'autorisait pas de prime abord une telle espérance."