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etats-unis - Page 16

  • Vive le sport

    (Fred Newmeyer et Sam Taylor / Etats-Unis / 1925)

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    vivelesport.jpgIl n'y a pas que Chaplin et Keaton dans la vie. Il est vrai que diffuseurs et distributeurs ne nous laissent pas trop le choix quand ils s'intéressent à l'âge d'or du burlesque hollywoodien (aura-t-on droit sur Arte, cette année encore pour Noël, aux films, certes géniaux, de Chaplin ?). Ainsi, je crois bien n'avoir jamais rien vu signé d'Harold Lloyd avant cette semaine. Et ne parlons même pas de Fatty, Charlie Chase, Harry Langdon ou Larry Semon... Rappellons toutefois que tout le monde connaît au moins une photo d'Harold Lloyd : celle où on le voit suspendu au-dessus du vide, accroché à l'aiguille d'une horloge, au sommet d'un building (image tirée de Safety last / Monte là-dessus).

    Vive le sport (The freshman, soit "le nouveau") nous conte le récit, maintes fois réactivé par le cinéma hollywoodien, de l'homme simple tentant d'intégrer, armé de ses seuls rêves et de sa bonne volonté, un milieu très codé (ici universitaire, ailleurs politique, culturel ou social...). D'abord bousculé, moqué, pris pour un idiot par la plupart de ses condisciples, le héros saura in fine retourner les événements à son avantage et gagner l'estime de chacun, ce dont quelques rares personnes dans leur coin (et toujours, parmi elles, une jeune femme) n'avaient jamais douté.

    Le film débute calmement et de manière classique, avec les préparatifs et l'arrivée de Harold à l'Université de Tate : quelques gaffes se retournant immanquablement vers le doyen, les brimades des anciens... Puis, progressivement, on se rend compte que la mise en scène (officiellement signée Newmeyer et Taylor mais ne laissant aucun doute sur le statut d'auteur de Lloyd, à l'image par exemple du Cameraman de Keaton, réalisé par Edward Sedgwick) use remarquablement de tous les ressorts comiques, jusqu'aux plus inattendus : des gags "sonores" (Harold pense s'être brisé le dos en se penchant quand un voisin casse du petit bois dans son jardin), des jeux graphiques dans les cartons (les onomatopées s'inscrivant en désordre sur l'écran quand le héros pousse les cris de guerre de son équipe sportive), des formules percutantes ("Le coach est un dur, du genre à se raser au chalumeau").

    L'inévitable histoire d'amour donne lieu à de merveilleux petits instants comiques et ce dès sa naissance. Dans le train qui le mène à l'université, Harold aide Peggy, assise à ses côtés, à faire ses mots croisés. Le mot sur lequel elle bute a pour définition : "Ce que vous aimez dire à votre amoureux". Les deux jeunes gens cherchent alors à haute voix tous les deux et égrènent en toute innocence des "Mon coeur", "Amour", "Chéri"..., sous les yeux attendris de la vieille dame installée derrière eux. Le couple se retrouvera bien sûr plus loin (et d'aussi belle manière, dans un reflet de miroir), pour ne plus se quitter. L'actrice Jobyna Ralston est délicieuse et d'une justesse rare.

    Quelques chutes et bris de vaisselle parsemaient la première partie, qui n'était bien qu'une mise en place. La narration, fidèle en cela à la tradition burlesque, se base sur un effet de crescendo. Une première séquence d'entraînement de football nous le montre : Harold Lloyd est bien l'un des génies de l'expression comique corporelle. A partir de ce moment-là, le héros sera sans cesse malmené, cogné, déshabillé. Comme si le masque de l'Américain modèle, devait être déchiré afin que celui-ci assume sa vulnérabilité et ose afficher sa corporéité, si besoin jusqu'au graveleux. Une extraordinaire séquence traduit cette évolution nécessaire. Harold organise le bal de l'université pour épater tout le monde. Bien évidemment, il est retardé par la confection de son costume, confiée à un tailleur victime de vertiges réguliers. Pressé par le temps, il déboule à la fête avec ses habits à peine cousus, le tailleur à ses basques, au cas où... Lloyd tient alors à peu près vingt minutes sur ce seul point de départ : un costume qui se découd de partout au fur et à mesure. Une inventivité folle nous entraîne vers un gag toutes les dix secondes, dans une progression redoublée par les mouvements des danseurs et par une mise en scène jouant merveilleusement des différents espaces (la salle, la petite pièce derrière le rideau où se tient le tailleur et l'entrée où Peggy tient le vestiaire).

    Une autre séquence d'anthologie clôturera le film : celle du match de football où brille le héros, pourtant au départ simple porteur d'eau de l'équipe. Lloyd parvient là à développer une scène que l'on trouvait dans Les trois âges de Keaton, et à en décupler la force comique, par la variété des gags et la mobilité de la caméra.

    J'ai parlé plus haut d'Américain modèle. Avec son visage blanc, ses petites lunettes et ses habits de tous les jours, Harold  Lloyd, même dans Vive le sport, finit toujours par s'intégrer à la société. Il n'est ni Chaplin le paria, ni Keaton l'éternel décalé. Si critique il y a, elle vient de l'intérieur et le burlesque ré-ajuste les valeurs plus qu'il ne les piétine. Ici, les flèches portent sur l'esprit de compétition, l'envie d'être populaire à n'importe quel prix. Au final, porté en triomphe par la foule, comme il en avait rêvé, Harold ne croise qu'un seul regard, celui de Peggy, puisque bien évidemment tout ça ne vaut pas l'amour...

  • Le Malin & Au-dessous du volcan

    (John Huston / Etats-Unis / 1979 & 1984)

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    S'il y a un cinéaste qui a tenté de prouver pendant toute sa carrière que, malgré l'adage, un grand livre pouvait donner naissance à un grand film, c'est bien John Huston. Démarrant en 1941 avec un classique du film noir tiré de Dashiell Hammett (Le faucon maltais) et finissant quarante-six ans plus tard par un ultime chef d'oeuvre trouvant son origine dans une nouvelle de James Joyce (Gens de Dublin), sa filmographie n'a cessé de s'enrichir de travaux d'adaptations ambitieuses. Huston a mis ainsi en images les mots, entre autres, de Herman Melville (Moby Dick), Romain Gary (Les racines du ciel), Tennesse Williams (La nuit de l'iguane), Carson McCullers (Reflets dans un oeil d'or), Rudyard Kipling (L'homme qui voulut être roi). Les résultats à l'écran furent plus ou moins probants mais toujours, au minimum, intéressants. Le coffret de Carlotta offre deux autres exemples de cet exercice hustonien avec Le Malin et Au-dessous du volcan.

    Malin 01.jpgLe Malin (Wise blood), que John Huston réalise en 79, est une oeuvre très étonnante, virulente et inspirée. A cent lieues d'un ouvrage routinier signé par un vieux maître, ce film est en fait plus proche des chemins de traverses empruntés par Rafelson ou Altman à la même époque. Tourné de manière indépendante, loin de Hollywood, Le Malin dépeint une Amérique des campagnes et des petites villes grouillant de marginaux, asociaux et autres illuminés, et si le récit reste simple, il peut laisser en suspens certains éléments, abandonner certaines destinées, en allant à rebours de certaines habitudes narratives.

    Car tout tourne ici autour d'un seul homme : Hazel Motes, jeune homme étrange qui, de retour de la guerre, veut enfin faire "des choses qu'il n'a jamais fait avant". Avec l'énergie des grands obsessionnels, il tentera de prêcher et de fonder l'Eglise de la Vérité, une église du Christ sans le Christ. Mais Hazel ne semble attirer que des freaks aussi dérangés que lui. Pire : ces rencontres n'aboutissent à rien de bon. Les différents personnages du Malin semblent tous enfermés dans leur monde, donnant à voir une somme de solitudes et des cellules autarciques qui ne communiquent pas. Les divers partenariats possibles sont immédiatement voués à l'échec, à moins qu'ils ne reposent sur une filiation (et dans ce cas-là, l'aliénation est totale : le grand-père prédicateur de Hazel est responsable du traumatisme de son petit-fils et Sabbath semble s'enfoncer dans la même folie que son père, faux-prophète aveugle). Les couples ne se forment que pour un instant, le temps d'assouvir quelques pulsions naturelles. Ce décalage constant, Huston arrive à le faire sentir parfaitement dans les dialogues qui, le plus souvent, n'avancent pas par questions-réponses mais plutôt comme des monologues sourds, exactement parallèles.

    Ces gens-là sont tellement hors du commun, leurs actions et leurs propos nous mènent si près de l'absurde que le cinéaste n'a pas besoin d'en rajouter dans la bizarrerie par sa mise en scène. Le filmage est donc simple, très libre, à l'image de ces déambulations urbaines que la caméra capte en de longs plans-séquences.

    La charge contre les prédicateurs est féroce : menteurs, avides, racistes... Tous semblent au bord de la caricature. Pourtant, Huston parvient à donner à chacun une réelle épaisseur et à garder pour son guide dans ce monde-là, Hazel, une sympathie évidente. Brad Dourif est  ici prodigieux d'un bout à l'autre. Et parmi les excellents seconds rôles, on ne peut que s'enthousiasmer devant la performance de Harry Dean Stanton en aveugle douteux et celle d'un irrésistible Ned Beatty en prédicateur country et opportuniste.

    Tendresse pour les paumés qui n'exclue pas, bien au contraire, une progression vers la noirceur totale, humour décalé et provincial : Le Malin annonce par bien des points le cinéma des frères Coen.

    Volcan 06.jpgCinq ans plus tard, Huston s'attaque à nouveau à un gros morceau, en l'occurrence le roman de Malcolm Lowry, paru en 1947 et, comme tous les grands livres, réputé inadaptable. Le récit se concentre sur deux jours, les deux derniers de Geoffrey Firmin, consul britannique de la ville mexicaine de Cuernavaca. Le magnifique générique (une danse de mobiles et figurines squelettiques) et un effet visuel dès les premières minutes, reflétant des cranes dans les lunettes du protagoniste, nous préviennent en effet que le film sera bien la chronique d'une mort annoncée. Mort, remords et ivresse sont les grands thèmes d'Au-dessous du volcan (Under the volcano).

    Obliger le spectateur à côtoyer pendant deux heures un alcoolique est une sacrée gageure et nécessite d'être particulièrement sûr de sa direction d'acteur et de son choix de casting. Albert Finney s'en sort avec les honneurs, surtout lorsqu'il est en mouvement, adoptant une démarche exagérément raide et un port régulier de lunettes noires. De même, c'est lorsque Huston filme ses comédiens au milieu du peuple mexicain qu'il tient le mieux son pari, plutôt que dans le cadre de l'hacienda du consul. Là se joue une pièce de théâtre douloureuse à trois personnages. Jacqueline Bisset et Anthony Andrews peinent à s'imposer face à Finney : Yvonne, la femme aimante mais incertaine reste évanescente, et Hugh, le demi-frère, revendique un engagement journalistique qui cadre mal avec sa manière d'être.

    En ce mois de Novembre 1938, nombreux sont les signes d'une explosion imminente du monde. Hugh revient d'Espagne où les Républicains sont en train de perdre la guerre civile; les miliciens mexicains, financés par les nazis, imposent leur loi dans les campagnes; Munich vient d'être signé. Tout semble déjà trop tard. Trop tard pour la paix, pour le consul et pour son couple. Ne reste plus alors qu'à aller se perdre au Farolito, bar-bordel sordide.

    Nous nous sommes promenés en plein soleil, au milieu de festivités colorées. Toujours dans les pas du consul titubant, nous passons maintenant, aux dernières lueurs du jour (et par un pont suspendu), à un univers plus inquiétant. L'obscurité aidant, la cruauté et la violence pointent leur nez. Huston termine son film sur cette lente et inéluctable dérive, dans une remarquable progression dramatique. Vers la nuit, la pluie, la boue, le néant. Firmin avait prévenu : "L'enfer a ma préférence".

    (Chronique dvd pour Kinok)

  • Heat

    (Paul Morrissey / Etats-Unis / 1972)

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    heat.jpgAu sein de la production underground new yorkaise des années 60/70 chapeautée par Andy Warhol, les films réalisés par Paul Morrissey sont réputés comme étant les plus accessibles, intégrant quelques règles établies de narration et de technique que refusait d'utiliser le maître de la Factory dans ses propres oeuvres. Heat a l'aspect chaotique d'un documentaire avec l'enregistrement du son en direct (on entend régulièrement la circulation aux alentours du motel) et une lumière naturelle. Le découpage des séquences se fait plus volontiers à l'intérieur des plans, à coups de zooms et de recadrages, que par un montage classique. Les images ainsi captées à la volée peuvent laisser l'impression d'un style approximatif, bien que l'on remarque de ci de là d'évidentes compositions plastiques.

    Dans Heat, Paul Morrissey se penche sur Hollywood, côté cour. Il s'attache à des paumés, des marginaux, des has been, qui gravitent autour de la piscine d'un motel de Los Angeles, tenu par une grosse patronne aussi perverse que ses clients. Parmi ces artistes, apprentis-stars qui ne font plus la différence entre cinéma, télévision et shows érotiques, débarque Joey, un ex-enfant vedette, de retour de l'armée et d'autres galères. Arriviste mais sans trop faire d'efforts, il séduit la mère de sa voisine, actrice sur le déclin, riche et encore désirable.

    Le film ne cesse de se référencer au temps du glorieux Hollywood. Pendant le générique, on voit Joey se promener au milieu des décombres d'un vieux studio en démolition. L'ombre des stars du muet et des grands producteurs plane sur des villas devenues trop grandes. Les excès sentimentaux des protagonistes évoquent le mélodrame de la grande époque. Mais Morrissey insiste bien sur l'envers du décor, se focalisant sur son petit peuple de loosers, montrant en particulier ce qui était peu ou pas dévoilé alors : appât du gain, folie et, surtout, frasques sexuelles. De ce point de vue, Heat n'est pas un film piqué des hannetons et comme dirait l'Office Catholique, des images peuvent heurter. Le cinéaste joue autant avec les codes des genres cinématographiques qu'avec la censure, la limite avec le hard ne tenant guère qu'à la mince épaisseur d'un tissu qui ne cache pas grand chose de la forme se trouvant dessous. Ces scènes-là sont d'autant plus surprenantes qu'elles sont traitées avec le même naturel que le reste, allant parfois jusqu'à des plaisanteries hardies.

    C'est que, autre sujet d'étonnement, l'humour est constant. Certains dialogues sont franchement hilarants. On n'oubliera pas la réflexion de la mère à sa fille, fâchée que cette dernière vive avec une femme : "Tu n'es pas lesbienne, c'est provisoire" (et de fait, cela se révélera vrai); ni l'échange avec l'ex-mari, vivant lui avec un homo : "- Je ne veux plus que tu donnes tout mon argent à ce Jockey. - Il s'appelle Joey." Si l'esthétique à l'oeuvre, peu gratifiante, lasse parfois, elle porte cependant ses fruits lors des nombreuses scènes de ménage, assurément les meilleurs moments du film.

    Monstrueux ou touchants, les personnages semblent se confondre avec les acteurs hors-normes qui les incarnent. On sent une inégalité de jeu entre eux et à l'intérieur des registres de chacun, mais tous assument leur caractère tête brûlée. Joey c'est Joe Dallesandro, qui traverse le film en faisant converger tout les regards sans faire grand chose, magnifié en maillot de bain par une mise en scène qui doit beaucoup à l'imagerie gay. Sous sa longue chevelure, il est assez magnétique.

  • Collateral

    (Michael Mann / Etats-Unis / 2004)

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    collateral2.jpgCollateralest énervant et ce d'autant plus que le film de genre s'y drape d'esthétisme forcené. Michael Mann a eu ce qu'il a voulu : il passe maintenant pour un grand styliste...

    Nous n'avons pas tant là une oeuvre formaliste qu'un objet chichiteux, dans lequel le cinéaste ne se résout jamais à laisser passer un seul plan, même le plus bref, qui n'en mette plein la vue par le choix du cadrage, de la lumière ou de la composition interne. Ces effets à répétition donnent une esthétique chic et lisse qui sombre vite dans la vacuité clipesque. La bande son subit le même traitement hyper-chiadé (c'est la première fois que je me trouve devant une séquence de discothèque où l'on entend à peine la musique, et cela sans aucune raison). La bande originale, elle, se résume à une soupe rock-FM imbuvable.

    Tout ceci n'est encore rien à côté du scénario, dont nous devrions accepter la nullité sous prétexte de mise en scène "souveraine" et de récit à rebondissements. L'invraisemblable est partout : aucune péripétie n'y échappe. La moindre séquence de Collateral pourrait être contestée sur ce point, la plus ahurissante étant celle qui voit le brave chauffeur de taxi se substituer au tueur lors du rendez-vous avec les commanditaires.

    La relation qui se tisse entre les deux personnages principaux, que jouent mal Tom Cruise et Jamie Foxx, repose elle aussi sur du vide. La peur et la fascination mêlée, la tentation d'une autre vie, le flirt avec la limite : aucune piste n'aboutit, plombées qu'elles sont de toute façon par des touches d'humour pathétiques (la visite rendue à la mère hospitalisée) et par une philosophie de bazar. Car bien entendu, le tueur est la personnification du Mal et de ce fait, philosophe beaucoup. Une incarnation similaire mais ô combien plus inquiétante sera proposée par Javier Bardem, plus tard, chez les frères Coen (No country for old man). L'acteur espagnol tient un rôle secondaire ici, placé au centre d'une scène symptomatique de l'échec total du film. Dans la peau de celui qui tire les ficelles, il use de périphrases, prenant un détour idiot le menant vers une fable mexicaine sur Santa Claus au lieu d'avoir une discussion simple et claire. Mais Michael Mann n'est pas à un tic auteuriste près.

    Non content de nous faire subir d'incessants retournements de situations (le dernier, qui nous révèle l'identité de la dernière victime sur la liste, est affligeant), il se montre parfois d'une grande complaisance, comme dans cette scène où Tom Cruise dégomme deux petites frappes qui en voulaient à sa mallette. Tarantino a été lynché pour trois fois moins que ça. Que l'on ne s'inquiète pas, le héros noir, que toutes les polices prennent pour le tueur, ne sera pas abattu par erreur par les flics. Nous ne sommes pas chez Romero. Nous sommes plutôt à l'opposé du spectre : dans le douteux, le clinquant, la frime...

  • Paranoid Park (2ème)

    Deuxième visite du Paranoid Parkde Gus Van Sant, un an après la première, et quelques réflexions complémentaires (croisant certaines pistes explorées dans un intéressant bonus dvd par Luc Lagier) :

    L'écrit

    Le premier plan du film, hors générique, montre la main d'Alex écrivant les mots "Paranoid Park" sur son cahier. Tout ce qui suit est donc un récit raconté par l'adolescent. Seulement, Gus Van Sant ne donne pas à voir son illustration mais sa construction, épousant le cheminement de la pensée de son protagoniste et son propre travail de remise en ordre des événements. Le processus d'écriture passe par des reprises, des ratures, des retours en arrière, des recommencements. La mise en scène reprend tout cela à son compte. Ici, le flash-back est un geste qui équivaut à l'arrachage d'une page de cahier.

    Le flou

    La caméra focalise régulièrement sur Alex en laissant les arrière-plans dans le flou. Cela est entendu, nous sommes dans la tête du personnage. Mais quel est ce fond ? Quels sont les lieux traités ainsi, de la manière la plus ostensible ? L'environnement scolaire, la cellule familiale (éclatée) et le centre commercial. Le procédé traduit certainement la difficulté d'appréhender le monde, il est moins sûr qu'il induise une condamnation envers des environnements qui pourraient être perçus comme aliénants. Les films de Gus Van Sant ne cessent de prouver son absence de moralisme. Ces cadres dans lesquels vit Alex ne sont ni bons ni mauvais, juste présents.

    Les bruits

    Dans ce monde qui s'est disloqué, il faut aussi remettre de l'ordre dans ce que l'on perçoit auditivement. Comme les images, le son saute, comme on le dit d'une chaîne de vélo. Dans la voiture que conduit Alex, l'autoradio passe sans transition d'un style de musique à un autre (hip hop / classique / rock). Plus tard, les choix de mise en scène pour la séquence de l'accident débouchent sur quelques incongruités sonores : la beauté de la musique s'oppose à l'horreur de l'image et aucun cri n'est entendu. Comme le démontre Luc Lagier dans son petit essai, la synchronisation de tous les éléments narratifs ne sera effective qu'avec l'apaisement d'Alex et la chanson d'Elliott Smith trouvera, elle, sa place, épousant parfaitement les images du dénouement.

    Le rythme

    Dans Paranoid Park, Van Sant ne cesse de varier les vitesses. Si celles-ci ont du mal à s'accorder dans l'espace mental d'Alex, c'est qu'il n'est pas prêt. D'après ses propres mots, il n'est pas prêt non plus pour se lancer dans l'arène au milieu des skateurs. Il reste donc sur le bord de la piste, assis sur sa planche. Le cinéaste le filme de dos regardant les autres : deux vitesses différentes dans le cadre. Au final, c'est bien son amie Macy qui, en le laissant s'accrocher à son vélo, l'aidera à trouver son rythme. Et enfin dans le plan, deux vitesses s'accordent.

    L'accord parfait

    Quand Alex est avec sa girlfriend Jennifer, quelque chose manque toujours : soit l'image est floue (dans le couloir du collège), soit le son manque (lors de la séparation), soit les longs cheveux font écran (lors de la scène d'amour). En revanche, avec Macy, dès le départ, les choses sont claires. Les sujets abordés sont précis. La compréhension est immédiate ("Quelque chose t'est arrivé") et la complicité évidente. Rien de plus beau au cinéma que deux trajectoires qui se rejoignent, dévoilant enfin quelques certitudes au milieu du chaos du monde.

    paranoidpark.jpg
    Photo Allociné
  • Les démons de la liberté

    (Jules Dassin / Etats-Unis / 1947)

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    bruteforce.jpgLes démons de la liberté est un film de prison. La Brute forcedu titre original, c'est celle qu'applique le surveillant en chef, le capitaine Munsey. Dans un mouvement progressiste, Jules Dassin se place résolument du côté des prisonniers, sur lesquels aucun jugement moral n'est porté. La surpopulation carcérale et le tout-répressif sont dénoncés. Richard Brooks, futur cinéaste engagé, signe le scénario.

    Ce cinéma est aussi carré que le physique de Burt Lancaster, obsédé ici par l'idée d'évasion. La mise en scène de Dassin est d'abord au service du message. Tout est donc droit et clair. Les zones d'ombres sont gommées et les dialogues ne se chevauchent jamais, au risque parfois d'aller à l'encontre du réalisme recherché par une équipe que l'on devine très documentée. Claustration, rigueur de la représentation et mise à plat de nombreux problèmes via les dialogues : difficile d'éviter la rigidité. L'émotion affleure cependant lorsqu'est réservé à chaque prisonnier de la cellule R17 le privilège d'un flash-back. Un souvenir refait surface, lié à la femme aimée, dans chaque cas sublime. Ces séquences ont la saveur douce-amère du rêve évanoui.

    La dernière demie-heure laisse sur une bonne impression par la qualité d'un scénario qui abat avec adresse de nouvelles cartes et par la succession de scènes d'une violence aussi emphatique que désespérée. Plus que celle du prisonnier Collins (Lancaster), la grande figure du film est celle de Munsey, interprété par Hume Cronyn. Fonctionnaire de police aux méthodes fascistes, ce petit homme raide dans son uniforme révèle au cours d'une séance de torture très efficace une musculature insoupçonnée, mise en valeur par un débardeur immaculé, et en même temps une perversité d'autant plus redoutable qu'elle est calme et froide.

  • Notre-Dame de Paris

    (Wallace Worsley / Etats-Unis / 1923)

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    notredame.jpgClassique du muet hollywoodien, Notre-Dame de Paris (The hunchback of Notre Dame) accuse lourdement ses 85 ans. Si l'adaptation du roman de Victor Hugo est l'occasion d'un travail technique consciencieux au niveau des décors et de la photographie, on ne peut pas dire que la mise en scène de Wallace Worsley se signale de manière particulière. La caméra reste désespéremment statique. De rares plongées vertigineuses sur le parvis de Notre-Dame rompent heureusement ce faux-rythme visuel. La plus belle montre Quasimodo se laisser glisser le long d'une corde jusqu'à Esmeralda, ligotée devant la porte de la cathédrale. De même, sur la fin, un beau plan très bref recourt enfin à la profondeur de champ quand Jehan sort de l'ombre pour se jeter sur la jeune femme.

    Assez longue, l'exposition accumule les présentations de personnages qui ensuite prendront en charge des récits secondaires vite expédiés. Le mélodrame nous touche trop peu et le cinéaste souligne lourdement chacune de ses intentions en collant après chaque intertitre son illustration par l'image. Un budget confortable a permis de nombreuses scènes de foule, très vivantes, parfois trop : le moindre figurant ne cesse d'agiter les bras. Le jeu de tous les comédiens est d'ailleurs outrancier et n'aide pas à dépasser les stéréotypes. La jeune héroïne effrayée prend la pose et met ses bras devant son visage, le fourbe Jehan ne quitte jamais son rictus et ses habits noirs (sinon pour un déguisement de prêtre destiné à tromper les geôliers d'Esmeralda)... Attrait principal du film, Lon Chaney ploie sous les prothèses, dans l'un de ses plus célèbres rôles mais certes pas le plus subtil. Mieux vaut le revoir en Fantôme de l'Opéraou, mieux encore, chez Browning ou Sjöström.

    La morale du film : les rois sont des tyrans, la populace est poussée à la révolte pour de mauvaises raisons et seuls trouvent le repos ceux qui savent se placer sous la protection de Dieu.

  • No direction home : Bob Dylan

    (Martin Scorsese / Etats-Unis / 2005)

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    dylan.jpgLe documentaire-portrait de musicien est un genre qui neuf fois sur dix ne véhicule que du commerce et de l'hagiographie. Matraqué par le marketing, le spectateur finit toujours plongé dans l'ennui si il n'aime pas l'artiste en question ou dans la déception si il en est un adepte. L'une des rares exceptions s'appelle No direction homeet cet éclairage du parcours de Bob Dylan, de sa jeunesse jusqu'en 1966, nous le devons à ce diable de Martin Scorsese.

    Contrairement à ce que l'on pouvait attendre, le cinéaste ne bouscule aucune règle du genre et construit son film sur l'alternance classique images d'archives-entretiens. Il se tient même étonnamment en retrait, n'apparaissant pas à l'écran et ne faisant jamais entendre sa voix. Sa patte se sent cependant dans le merveilleux travail de montage, dans le rythme du film, très musical forcément. Le nom de Scorsese a certainement facilité les choses, en termes de production, pour assumer deux choix essentiels à la réussite du film. Le premier est la durée. On arrive à 205 minutes au compteur et on ne les voit pas passer. Prendre ainsi son temps permet de ne pas charcuter les entretiens (avec Dylan bien sûr, mais aussi quantité de témoins privilégiés de l'époque, de Joan Baez à Allen Ginsberg) et surtout de se délecter dans les grandes longueurs de la musique. Le second aspect remarquable est l'incroyable moisson d'archives à laquelle nous sommes conviés. En abordant l'enfance et l'adolescence de Dylan, passée dans une petite ville du Minnesota, Scorsese ne se limite pas à pêcher des souvenirs, il propose un voyage au coeur des musiques traditionnelles américaines. Tirées des années 50, d'étonnantes images de chanteurs et chanteuses de country, de folk ou de blues, souvent (et injustement, à voir et entendre ces extraits) oubliés parsèment cette première partie. De même, l'évocation de l'arrivée du jeune chanteur à New York en 61 nous vaut une description très précise du lieu où tout semblait alors se jouer : le Greenwich Village.

    L'approche de Scorsese est chronologique. Un seul élément vient déranger, à intervalles réguliers, cet ordonnancement : des extraits d'un concert anglais de 66, particulièrement chaotique. Tout semble tendre vers ce moment-là. Et effectivement, passés les années (disons les mois, tellement l'ascension fut rapide) de galère, puis d'intégration au monde du folk et de transformation en porte parole de la jeunesse, vient cette extraordinaire période où Dylan bouleverse tout en électrifiant sa musique. Il le fait d'abord en studio (l'album Bringing it all back home, 1965). De fascinantes archives sonores nous font revivre ces sessions ébouriffantes. Puis Dylan va au festival de Newport, temple des folkeux traditionalistes, et ose y jouer très fort, avec un groupe de rock derrière lui. Insultes et huées dans le public, panique dans les coulisses, début du tourbillon. L'ambiance des concerts qui suivent est, à tous points de vue, électrique. Cette petite révolution, nous en avons la preuve par l'image : le concert de Newport était filmé par Murray Lerner pour son film Festival, les autres sont captés pour la plupart par D.A. Pennebaker (pour son célèbre documentaire sur Dylan Don't look back, puis pour Eat the document, tourné lors de la tournée européenne de 66). Chaque soir ou presque, le chanteur tient tête à une partie du public qui le traite de tous les noms. Dans l'histoire de la musique, on ne retrouvera une telle tension que dix ans plus tard avec le punk. En 65/66, droit dans ses bottines, Dylan est un punk.

    L'homme est à son apogée, entouré de caméras, poursuivi par les fans, harcelé par les journalistes. Beaucoup, moi le premier, considèrent les disques de ces années-là comme les meilleurs qu'il ait jamais fait (Bringing it all back home, Highway 61 revisited, Blonde on blonde: il est assez vertigineux de réaliser que les trois sortent entre mars 65 et mai 66, le dernier étant, je le rappelle, un double). Pour d'autres, le sentiment de trahison a, aujourd'hui encore, du mal à s'effacer. C'est que pour eux, Dylan n'a pas seulement branché les amplis et tourné le dos au folk traditionnel. Le plus grave, à leurs yeux, est que le chanteur a refusé de garder plus longtemps le costume du poète engagé, porteur des espoirs d'une génération entière (j'ai appris que Dylan avait participé en 63 à la Marche sur Washington et chanté, avec Joan Baez, devant la foule immense avant que Martin Luther King ne se lance dans son plus célèbre discours). Scorsese ne semble bien sûr pas partager ce point de vue. Il donne à voir dans la dernière partie ces conférences de presse surréalistes, où des journalistes décervelés somment le Maître de s'expliquer sur la moindre de ses pensées, et ces scènes d'hystérie où des jeunes filles collent leur nez sur les vitres de sa voiture. Comment en vouloir à ce Dylan de plus en plus cassant, de plus en plus lointain et qui bientôt, disparaîtra de la circulation (retour à l'abri à la campagne et pas de concerts pendant huit ans) ?

    Il me reste, pour finir, à revenir brièvement sur le film que Todd Haynes a consacré, lui aussi, à Bob Dylan. A l'occasion de sa sortie l'hiver dernier, je vous avez fait part ici de mon grand scepticisme. No direction homem'en aura dégoûté encore un peu plus. L'homme aux mille facettes, les ruptures constantes, l'art du contre-pied permanent... certes, le propos avancé dans I'm not thereest pertinent, sur le papier. Mais le beau film de Scorsese, par la remise en valeur de tous ces extraordinaires documents, ne fait qu'accuser la futilité de la fiction de Todd Haynes, celui-ci ne faisant finalement que rejouer à l'identique des scènes connues. En fait, I'm not there n'est qu'une luxueuse photocopieuse.

  • La nuit des fous vivants

    (George A. Romero / Etats-Unis / 1973)

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    crazies.jpgThe crazies a été baptisé lors de sa sortie en France La nuit des fous vivants, afin de le rattacher bien sûr au classique de son auteur : La nuit des morts-vivants. Si déplorable soit ce titre, il faut admettre que de multiples points communs caractérisent les deux oeuvres, au point que The craziespeut facilement être pris pour un codicille à la célèbre série sur les zombies. Même approche réaliste, même fond politique, mêmes cibles (militaires et scientifiques), même emploi d'inserts gores (pas forcément justifiés ici) et toujours l'attachement à un petit groupe de personnes pris au piège. Si il s'agit cette fois encore de combattre une contagion mortelle, son origine est cependant connue : la pollution accidentelle d'une rivière par une arme bactériologique à l'essai a provoqué une épidémie de folie furieuse au sein d'une ville de Pennsylvanie de 3000 habitants. L'armée envoie plusieurs compagnies pour boucler la zone et mettre en quarantaine toute la population. Les responsables politiques et militaires envisagent le pire pour régler le problème (le recours à une bombe atomique) alors que les soldats sur place accumulent les bavures et doivent faire face à des mouvements de révolte armés.

    La séquence pré-générique, glaçante, semblait promettre un thriller horrifique mais Romero, fidèle à ses habitudes, détourne l'attente et nous entraîne dans un docu-fiction speedé. Comme prises sur le vif, les images sont soumises à un montage particulièrement heurté qui épouse le rythme des ping-pong verbaux auxquels se livrent les multiples protagonistes, tous dépassés par les événements. Le chaos des premières heures est ainsi rendu par ces accélérations incessantes, que redouble une bande-son surchargée de musique agressive, de sirènes hurlantes et autres bruits mécaniques. La mise en scène de Romero porte ses fruits admirablement quand elle dilate par le découpage les espaces réduits (le désarmement des policiers municipaux par les soldats, la boucherie que provoque Clank dans la cuisine). Elle est moins pertinente dans certaines séquences de chasse à l'homme, où elle peine à masquer les invraisemblances, comme lorsque les fugitifs mettent en déroute toute une troupe de soldats et un hélicoptère. Et si la tension perpétuelle tient en haleine pendant une bonne heure, la fatigue finit par se faire sentir par la suite (la marche militaire qui retentit dès que des soldats sont au centre d'une scène).

    L'un des points forts de The craziesest, pour une fois chez Romero, la solidité de l'interprétation. Le trio de rebelles (le couple David et Judy, enceinte, et l'ami Clank), auquel nous collons aux basques pendant tout le film se révèle intéressant et finit par être réellement émouvant. Le rapport entre les deux hommes, basé sur l'expérience (ou non) du Vietnam, permet de glisser de subtiles réflexions politiques et psychologiques et le couple d'amoureux est à sans lieues des habituels tourtereaux sans cervelle que nous offrent d'habitude le genre. Lane Carroll, Will McMillan et Harold Wayne Jones semblent être toutefois, aussitôt après le film, retombés dans l'anonymat. L'attachement grandissant à ce petit noyau est aussi l'une des explications de la baisse d'intérêt face aux turpitudes militaro-scientifiques étalées en parallèle jusqu'au dénouement.

    Une épidémie de "folie" est moins évidente à mettre en images que des morsures répétées de zombies. De fait, la différence entre le dérèglement d'un esprit par un agent bactériologique et la fêlure qui peut bouleverser à tout moment n'importe quelle personne, est une donnée qui n'est guère prise en compte par le scénario, sinon à travers le personnage assez passionnant de Clank, pris par moments de pulsions meurtrières inquiétantes. La mort, dans les bois, de ce cousin de Rambo est l'un des grands moments de The crazies, film hors-série de Romero, inégal mais non négligeable.

  • Le corbeau

    (Roger Corman / Etats-Unis / 1963)

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    corbeau.jpgUn Roger Corman pour enfants ? Quasiment. Et il y a, malheureusement, peu de choses à ajouter à propos de ce tout petit Corbeau (The raven). Comptant parmi les nombreuses adaptations d'Edgar Allan Poe écrites par Richard Matheson pour le pape de la série B, celle-ci est ouvertement comique et aussi peu inquiétante que possible. On y trouve bien des châteaux imposants, des cercueils qu'il faut rouvrir, une main qui s'aggrippe à une épaule et un dénouement dans les flammes, mais ces éléments ont plus valeur de clin d'oeil qu'autre chose.

    L'intrigue se réduit à un affrontement entre trois magiciens : le maléfique Dr. Scarabus (Boris Karloff), l'alcoolique Dr. Bedlo (Peter Lorre) et le mélancolique Dr. Craven (Vincent Price). La distribution réunissait donc trois ingrédients de choix, mais la potion obtenue fait plutôt pchitt... Boris Karloff se retrouve quelque peu momifié et Peter Lorre ne joue que de ses yeux ronds quand il ne se voit pas transformé en corbeau. Vincent Price est lui au-delà du cabotinage, tantôt brillant, tantôt ridicule. Entre les trois, deux belles femmes et le jeunot Jack Nicholson comptent les points.

    Corman s'est sans doute bien amusé mais il ne s'est guère creusé la tête en termes de mise en scène, hormis pour trouver des effets spéciaux amusants (notamment pour le duel final, longuet, entre Scarabus et Craven). Volumes et couleurs sont peu mis en valeur dans les deux décors principaux et quasi-uniques du film. On accordera cependant à Corman un certain bonheur dans quelques cadrages et une invention constante dans la reprise de figures éprouvées (soulever un couvercle de cercueil, transformer par une simple coupe dans le plan un corbeau en magicien bedonnant).