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Film - Page 25

  • Les Anges sauvages (Roger Corman, 1966)

    **
    Difficile de vraiment passionner en parlant, de manière plutôt réaliste, d'une équipe de dégénérés pendant 90 minutes, même en proposant un casting alléchant (Peter Fonda, Bruce Dern, Diane Ladd, Nancy Sinatra). Le film n'est pas ennuyeux et Corman s'en sort bien côté mise en scène, souvent vigoureux, parfois inspiré par les Harley Davidson traversant bruyamment le cadre. Le problème vient du traitement de ces personnages de Wild Angels qui aiment parader avec leurs décorations et leurs drapeaux nazis, ainsi que leurs gonzesses, traitées comme des objets. Une scène, au début, laisse penser que les croix gammées ne sont là que pour provoquer. La suite ne va pas plus loin dans l'explication ni la réaction et donne à voir des débordements assez peu méchants. Corman finit quand même par montrer un saccage orgiaque, une violence dérangeante, qui semblent condamner à terme cette bande de fachos à s'auto-détruire (on finit par violer les copines). Les dynamiques de groupe sont rendues parfois de façon superficielle, parfois plus puissamment. Le film est assez désespéré mais manque de clarté dans ses intentions. 

  • Alice et le maire (Nicolas Pariser, 2019)

    ***
    C'est d'abord un beau film de conversations, où même les dialogues complexes ou référencés sont rendus clairs sans paraître simplifiés par le passage à travers la fiction, cela grâce aux excellents interprètes, à la précision de l'écriture, à la façon dont ils mettent en mots des réflexions et parfois des confrontations de points de vue. Équilibrés, ils sont à l'image de la mise en scène qui fait se succéder des rythmes, des ambiances, des lumières différentes (belles séquences de pénombre, à la mairie ou dans les appartements, avec en point d'orgue, celle de l'opéra, centrée sur le visage d'Alice et presque dirigée par ses regards). Les décors et la stature de Luchini assurent la crédibilité nécessaire, tandis que la base scenaristique classique de la présentation d'un milieu à travers les yeux d'une novice le découvrant avec nous, n'empêche aucunement le film de trouver son autonomie, sa propre narration, et de provoquer une singulière émotion. Se tenant à mille lieux de ces mises en scène immersives tarte-à-la-crème que l'on trouve maintenant un peu partout dès qu'il s'agit de pénétrer dans un univers particulier, Nicolas Pariser exprime très clairement des idées, fait sentir exactement là où les liens se sont défaits, et, sans se faire trop facilement alarmiste, va vraiment au cœur de son sujet, la politique aujourd'hui. L'émotion s'en trouve redoublée. Logiquement, elle tient d'abord à ce qui émane des personnages à l'écran, mais elle nous prend ensuite par surprise, ce qui est exposé là nous poussant tout simplement à penser à nous, à nous poser la question : comment nous positionnons-nous dans le marasme actuel ?

  • Joker (Todd Phillips, 2019)

    ***
    Film qui déjoue constamment les attentes, qui décrit patiemment ce qui se joue avant l'explosion et qui se tient très bien en équilibre sur une corde difficile, celle du malaise. Malaise du personnage et des situations qu'il provoque, étant toujours à contretemps. L'œuvre est évidemment politique mais porte également sur l'art, le spectacle, l'image... Ce qui est étonnant, c'est la façon dont Phillips a réussi à mêler les ingrédients en restant cohérent, sans simplifier ni verser dans le spectaculaire vain. Finalement, son film raccorde moins avec l'univers de Batman qu'avec le cinéma new-yorkais violent des années 70-80, sans pour autant se laisser dépasser par ses références. Phoenix est bien sûr au top et j'ai mis 2 heures à reconnaître De Niro. 

  • Un jour de pluie à New York (Woody Allen, 2019)

    ***
    Énième réactualisation de l'univers allénien mais la plus réussie depuis des années (depuis la période "européenne"?). Le plaisir vient de l'écriture, de l'interprétation attachante (Elle Fanning offre le dialogue alcoolisé le plus délicieux vu depuis longtemps) et des petites surprises délivrées régulièrement et alternativement par le scénario, le cadrage et le montage. Allen parvient à nous intéresser une nouvelle fois à ces personnages privilégiés attirés par la marge, notamment grâce à sa capacité à fabriquer de véritables machines à fiction(s). On s'amuse beaucoup à y mesurer l'écart entre la "vraie vie" et la fiction rêvée, où l'amour, comme l'argent, tombe du ciel. Le temps court de l'histoire donne sa vigueur au film et le développement parallèle de deux "franchissements de miroir" (vivre la vie de ses idoles et recréer un amour d'adolescence) assure sa cohérence. 

  • Les Affameurs (Anthony Mann, 1952)

    ****
    Je ne me rappelais plus l'avoir vu et je me demande bien pourquoi. Peut-être est-ce dû tout bêtement au fait que le grand écran rend beaucoup plus justice à la mise en scène de Mann. Revu en salles, donc, ce western sur des pionniers et leurs chariots qui avait tout, malgré le format "carré", pour jouer de l'horizontalité. Or c'est d'abord la verticalité qui frappe, les hommes qui se tiennent droits (mais pas rigides) dans le cadre, la façon dont Mann y impose Stewart et Kennedy, bientôt rejoints par Hudson (comment constituer un trio par le scénario et la mise en scène, dans la séquence de la fusillade de Portland, pour mieux, plus tard, le défaire). Et donc le remplissage de ce cadre, qui donne de la vigueur et accentue le réalisme (les personnages divers affluent). Et encore et surtout, partout et tout le temps, le travail sur la profondeur. Dans la deuxième scène de tension, après le sauvetage de Kennedy, Stewart avance vers nous (et les Indiens) en rampant. Dès lors, on ressent cette profondeur des plans à chaque instant, Mann semblant faire naître mouvements et actions moins des côtés que du fond ou même du premier plan (l'homme qui surgit comme une ombre devant Arthur Kennedy, prenant tout à coup tout le cadre avant de se faire aussitôt descendre). On peut y voir aussi un creux duquel revient, violemment, le passé. C'est que la profondeur caractérise autant l'image que le scénario (formidable, de Borden Chase) et les personnages. Et au centre de tout cela, il y a le génie de James Stewart, de son visage et de ses expressions qui transpercent littéralement, qu'elles soient amoureuses, attendries, terrifiées, explosives, incontrôlées, rageuses, surprises... 

  • Ça, chapitre un (Andy Muschietti, 2017)

    *
    Comme devant tout spectacle fantastico-horrifique moyen, on tient pour savoir comment tout cela se termine (je ne connaissais pas l'histoire de King). La fixette sur les années 80 fait poser un cadre spielbergien plutôt agréable (mais, par exemple, si sympathique qu'elle soit, la citation du nom de Molly Ringwald dans un dialogue laisse sceptique quant à son utilité réelle) et la vision de l'adolescence comme une somme de personnes se sentant toutes marginales a sa pertinence. Il y a même une belle scène, avec le personnage de la fille dans sa salle de bain, scène certes basée sur l'idée peu originale des flots de sang qui se déversent. Scène "annulée" malheureusement quelques secondes plus tard par une autre, débile, de nettoyage de l'endroit sur l'une des chansons les plus pop de Cure. Généralement, le film est d'ailleurs construit n'importe comment, produisant un récit informe, s'appuyant sur une mise en scène très répétitive de la peur et de l'horreur. Le réalisateur abuse des effets, possède un sens tout relatif de l'espace, ne joue du numérique ni pour la texture ni pour l'opposition réel/irréel, tombe dans la facilité d'une résolution dans la pure action avant d'envoyer les violons, bref, livre un produit. 

  • Les Pirates du métro (Joseph Sargent, 1974)

    ***
    Excellent thriller racontant une prise d'otages dans un wagon du métro new yorkais par quatre malfrats décidés à récolter un million de dollars. Joseph Sargent (Les Dents de la mer 4 et des dizaines de téléfilms !?!?) signe une mise en scène efficace et sans bavure pour un film en quasi-temps réel qui tient en haleine du début à la fin. Le dialogue est truffé d'humour mais jamais celui-ci n'entrave l'action ni ne paraît artificiel. Il se trouve juste que les personnages adorent les bons mots. Mais quand il faut être sérieux, tout le monde l'est, le réalisateur en premier, qui n'hésite pas à laisser la mort frapper sans prévenir, à de nombreuses reprises. On est ainsi dans une démarche tout à fait réaliste et ce film de genre est paradoxalement à la fois décontracté et tendu. Son côté divertissant est constamment grignoté par la dureté, la noirceur, la corruption, la crasse qui semblent toujours imprégner le New York des 70s. Tarantino ne s'est pas gêné pour piquer au film, pour Reservoir Dogs, l'idée des gangsters qui ne se connaissent pas avant le coup et qui s'appellent par des noms-couleurs, ici Mr. Blue, Mr. Brown, Mr. Grey et Mr. Green. Ce The Taking of Pelham One Two Three est en tout cas bien meilleur que Subway d'un côté et Speed de l'autre. 

  • L'Amour c'est gai, l'amour c'est triste (Jean-Daniel Pollet, 1971)

    °
    Comédie haute en couleurs et désanchantée qui n'est finalement qu'un tout petit film de chambre sur un tailleur timide, un mac grande gueule, une fille paumée, une prostituée avenante et quelques autres autour. On se croirait dans les années 30 (Dalio vient d'ailleurs faire un numéro) et on balance entre le côté bébête du couple Melki/Goya et la grossièreté du couple Marielle/Lafont. Pollet laisse tout son monde cabotiner, parfois approximativement, au fil de dialogues médiocres et de longs plans ennuyeux malgré les déplacements théâtraux qu'ils tentent de capter. De Pollet, L'Acrobate m'avait pourtant laissé un assez bon souvenir. 

  • Midsommar (Ari Aster, 2019)

    ***
    Film d'horreur lumineux d'une ambition et d'une maîtrise rares et bienvenues. Sans pour autant assommer le spectateur ni le prendre pour un nigaud, Ari Aster prend son sujet et son travail très au sérieux. L'une des singularités de Midsommar est son rapport au temps. Sa longueur peut certes se faire sentir mais elle rend possible à la fois l'installation de cet univers de dingues, la construction logique (concentrée, l'accumulation des terrifiantes révélations perdrait de son intérêt) et la crédibilité du glissement des personnages. Cette crédibilité nécessaire est aussi assurée par l'importance des drogues, qui fait trouver au cinéaste plusieurs idées de distorsions dans sa mise en scène, parfois un peu insistantes, parfois très belles (les fleurs "vivantes" sur la couronne et les habits de l'héroïne). Le film est une fête visuelle traversée de plans gores d'autant plus marquants. Une fête sonore, aussi. Le travail sur le son est, étonnamment, ce qui donne l'impression d'une grande pertinence sur le phénomène sectaire (les scènes de "respiration" ou de cris en chœur) sans en passer par le discours. On trouve tout de même une faiblesse dans le personnage du petit ami, assez insupportable. Sa petitesse, son manque d'honnêteté et sa passivité s'expliquent sûrement scénaristiquement car il aurait été encore plus compliqué de bâtir cette horrible histoire sur un couple fort et uni. Néanmoins, Midsommar est une réussite évidente, qui me rend très curieux du premier et précédent film d'Aster, Hérédité

  • Le Septième Voyage de Sinbad (Nathan Juran, 1958)

    *
    Célèbre film d'aventures merveilleuses réalisé sans génie (hi hi hi) par Nathan Juran. Les scènes de navigation sont interminables comme le sont souvent les histoires de marins et celles d'exploration ne sont guère palpitantes malgré quelques touches de cruauté qui pimentent un peu la sauce. Tout juste relève-t-on un effet de lumière par ci, une belle contre-plongée par là (le méchant magicien attrapant la princesse lilliputienne). Le couple d'amoureux Kerwin Mathews/Kathryn Grant est seulement mignon à regarder. On est un peu obligé de soupeser les mérites du divertissement, très daté, département par département, faute de véritable maître à bord. Toujours peu ému par les créations de Ray Harryhausen, en tout cas celles-ci, je ne trouve réellement convaincante et "poétique" que la séquence de duel au sabre avec le squelette, d'autant plus qu'elle se tient au centre du passage le plus intéressant, celui quasi-hammerien du sauvetage dans l'antre du magicien. Finalement, le seul vainqueur indiscutable dans cette aventure est Bernard Hermann, dont la partition est pleine de puissance et d'inventivité.