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Nightswimming - Page 37

  • Les Pirates du métro (Joseph Sargent, 1974)

    ***
    Excellent thriller racontant une prise d'otages dans un wagon du métro new yorkais par quatre malfrats décidés à récolter un million de dollars. Joseph Sargent (Les Dents de la mer 4 et des dizaines de téléfilms !?!?) signe une mise en scène efficace et sans bavure pour un film en quasi-temps réel qui tient en haleine du début à la fin. Le dialogue est truffé d'humour mais jamais celui-ci n'entrave l'action ni ne paraît artificiel. Il se trouve juste que les personnages adorent les bons mots. Mais quand il faut être sérieux, tout le monde l'est, le réalisateur en premier, qui n'hésite pas à laisser la mort frapper sans prévenir, à de nombreuses reprises. On est ainsi dans une démarche tout à fait réaliste et ce film de genre est paradoxalement à la fois décontracté et tendu. Son côté divertissant est constamment grignoté par la dureté, la noirceur, la corruption, la crasse qui semblent toujours imprégner le New York des 70s. Tarantino ne s'est pas gêné pour piquer au film, pour Reservoir Dogs, l'idée des gangsters qui ne se connaissent pas avant le coup et qui s'appellent par des noms-couleurs, ici Mr. Blue, Mr. Brown, Mr. Grey et Mr. Green. Ce The Taking of Pelham One Two Three est en tout cas bien meilleur que Subway d'un côté et Speed de l'autre. 

  • L'Amour c'est gai, l'amour c'est triste (Jean-Daniel Pollet, 1971)

    °
    Comédie haute en couleurs et désanchantée qui n'est finalement qu'un tout petit film de chambre sur un tailleur timide, un mac grande gueule, une fille paumée, une prostituée avenante et quelques autres autour. On se croirait dans les années 30 (Dalio vient d'ailleurs faire un numéro) et on balance entre le côté bébête du couple Melki/Goya et la grossièreté du couple Marielle/Lafont. Pollet laisse tout son monde cabotiner, parfois approximativement, au fil de dialogues médiocres et de longs plans ennuyeux malgré les déplacements théâtraux qu'ils tentent de capter. De Pollet, L'Acrobate m'avait pourtant laissé un assez bon souvenir. 

  • Midsommar (Ari Aster, 2019)

    ***
    Film d'horreur lumineux d'une ambition et d'une maîtrise rares et bienvenues. Sans pour autant assommer le spectateur ni le prendre pour un nigaud, Ari Aster prend son sujet et son travail très au sérieux. L'une des singularités de Midsommar est son rapport au temps. Sa longueur peut certes se faire sentir mais elle rend possible à la fois l'installation de cet univers de dingues, la construction logique (concentrée, l'accumulation des terrifiantes révélations perdrait de son intérêt) et la crédibilité du glissement des personnages. Cette crédibilité nécessaire est aussi assurée par l'importance des drogues, qui fait trouver au cinéaste plusieurs idées de distorsions dans sa mise en scène, parfois un peu insistantes, parfois très belles (les fleurs "vivantes" sur la couronne et les habits de l'héroïne). Le film est une fête visuelle traversée de plans gores d'autant plus marquants. Une fête sonore, aussi. Le travail sur le son est, étonnamment, ce qui donne l'impression d'une grande pertinence sur le phénomène sectaire (les scènes de "respiration" ou de cris en chœur) sans en passer par le discours. On trouve tout de même une faiblesse dans le personnage du petit ami, assez insupportable. Sa petitesse, son manque d'honnêteté et sa passivité s'expliquent sûrement scénaristiquement car il aurait été encore plus compliqué de bâtir cette horrible histoire sur un couple fort et uni. Néanmoins, Midsommar est une réussite évidente, qui me rend très curieux du premier et précédent film d'Aster, Hérédité

  • Le Septième Voyage de Sinbad (Nathan Juran, 1958)

    *
    Célèbre film d'aventures merveilleuses réalisé sans génie (hi hi hi) par Nathan Juran. Les scènes de navigation sont interminables comme le sont souvent les histoires de marins et celles d'exploration ne sont guère palpitantes malgré quelques touches de cruauté qui pimentent un peu la sauce. Tout juste relève-t-on un effet de lumière par ci, une belle contre-plongée par là (le méchant magicien attrapant la princesse lilliputienne). Le couple d'amoureux Kerwin Mathews/Kathryn Grant est seulement mignon à regarder. On est un peu obligé de soupeser les mérites du divertissement, très daté, département par département, faute de véritable maître à bord. Toujours peu ému par les créations de Ray Harryhausen, en tout cas celles-ci, je ne trouve réellement convaincante et "poétique" que la séquence de duel au sabre avec le squelette, d'autant plus qu'elle se tient au centre du passage le plus intéressant, celui quasi-hammerien du sauvetage dans l'antre du magicien. Finalement, le seul vainqueur indiscutable dans cette aventure est Bernard Hermann, dont la partition est pleine de puissance et d'inventivité. 

  • Give me Liberty (Kirill Mikhanovsky, 2019)

    **
    Sympathique chronique sur l'Amérique d'en-bas vue par le prisme de l'immigration russe. Sensation d'urgence, caméra légère, montage haché (mais bien foutu)... le cinéaste en rajoute un peu trop dans la saturation sonore, le nombre de sources donnant la sensation du chaos. Il ignore semble-t-il la notion de (de)crescendo, étant toujours au taquet, ce qui rend son film, où s'entrechoquent les foutoirs russe et américain, par moments usant. Heureusement, il ne rend pas seulement compte d'une énième "journée de galère" en simili-temps réel mais se distingue à mi-course par des ellipses surprenantes qui brouillent quelque peu la perception temporelle. De plus, il montre plutôt habilement les minorités qui se rencontrent. L'esthétisme des dernières séquences gâche un peu l'ensemble mais, plutôt que la tension, on retient plusieurs moments de vraie et inattendue tendresse entre les personnages.

  • Agnus Dei (Miklos Jancso, 1971)

    ***
    En 71, en pleine confiance, Jancso tourne inlassablement autour de ses obsessions : l'Histoire hongroise et ses épisodes de révolutions et de répressions remise en scène dans la plaine avec chevaux, uniformes et femmes nues. Cette fois, nous sommes en 1919 lorsque s'affrontent des brigades, communistes d'un côté et chrétiennes de l'autre. Une figure de prêtre dogmatique et halluciné émerge, suivi par d'autres, qui le supplanteront. L'aspect enveloppant et circulaire de la mise en scène, qui tend à la répétition et au cyclique, accentue la vision pessimiste d'une Histoire qui n'en finit pas de broyer les peuples à coups d'oppressions successives, un tyran chassant l'autre, toujours pourtant sous les habits du libérateur. Les fantastiques plans séquences (les plans brefs sont quasiment bannis) délimitent un vaste espace théâtral dans lequel Jancso recrée cette Histoire, la fait comprendre (certes pas dans les détails pour nous) par l'usage de symboles, de métaphores, mais toujours dans le réalisme et sans artifices. C'est que la longueur du plan et son dynamisme (tout est toujours en mouvement, caméra et acteurs, et il est strictement impossible de prédire ce qui va surgir ou disparaître du cadre, sans pour autant que la maîtrise semble échapper au cinéaste) empêche que la représentation se fige, se dessèche et déshumanise. De même s'éloigne le spectre de l'esthétisation de l'horreur (formidable séquence du "massacre de masse" entamé par le violon, comme la flûte de Hamelin). Dans cette longueur et ce mouvement, le corps ne ment pas et impose sa présence. Jancso parvenait miraculeusement à faire du cinéma à la fois théorique, physique, sensuel, théâtral, historique et d'une beauté visuelle peu commune.

  • Trois bébés sur les bras (Frank Tashlin, 1958)

    **
    Évidemment pas le meilleur Tashlin (je n'ai, de toute façon, jamais trouvé qu'il planait à des hauteurs stratosphériques) mais pas non plus la catastrophe qu'on peut craindre. Ce scénario emprunté à Preston Sturges donne une comédie inégale, où Jerry Lewis, débarrassé de Dean Martin, cherche à émouvoir plus qu'auparavant. Il n'y parvient pas vraiment, choisissant d'en passer beaucoup trop souvent par des chansons sirupeuses, mais il semble sincère. Ce qui empêche de s'ennuyer, c'est l'alternance de ces moments gentillets et de séquences comiques souvent efficaces. Tashlin y est peut-être un peu bridé par rapport à certaines autres de ses réalisations mais il en ressort finalement un certain équilibre. Deux ou trois gags s'étirent de façon assez surprenante, la première apparition de Lewis est tonitruante (dévastation de tout un quartier avec une lance à incendie incontrôlable), sa brève prestation de rocker est irrésistible et le dénouement, comme dans la meilleure comédie américaine classique, est à la fois moral (la famille heureuse) et immoral (la valse des couples jusqu'à la "bigamie involontaire").

  • La Messe est finie (Nanni Moretti, 1986)

    ***
    Moretti convertit l'essai Bianca, pas totalement abouti à mes yeux, dans lequel il commençait à prendre de la distance avec la dimension éminemment autobiographique de ses premiers films. Il choisit d'abord le contre-pied dans sa composition d'un personnage a priori calme et non violent, à l'opposé des précédents. Mais le doute, l'angoisse, le poids de la solitude le rattrappent vite, assombrissant le film, finalement aussi désenchanté que les autres. Aussi drôle également, notamment grâce aux brusques changements de vitesse dont est capable Moretti acteur dans un même plan. Le sujet rapproche La Messe est finie du Nazarin de Bunuel : un prêtre veut faire le bonheur de son entourage et enregistre échec sur échec. La mise en scène en apparence simple de Moretti fait d'autant plus merveille ici qu'elle vient en appui d'une narration bien plus serrée qu'auparavant. Prêt pour les grands films à venir. 

  • Une équipe hors du commun (Penny Marshall, 1992)

    **
    Honnête divertissement dans les deux sens du terme. C'est agréable à suivre même si l'on ne possède aucune connaissance ni attirance pour le baseball, grâce au dynamisme de chaque séquence. C'est surtout honnête car bienveillant envers le moindre de ses personnages, tous bien campés (Madonna est tout à fait correcte, Geena Davis impeccable et Tom Hanks, en entraîneur alcoolique forcé de s'occuper d'une équipe de filles, sort une composition savoureuse), tout en ne repoussant pas trop dans l'ombre les difficultés et les douleurs de l'époque (1943). Le récit est classique mais a le bon goût de ne pas virer au triomphalisme, se terminant même par une défaite. Il est encadré par un prologue et un épilogue au présent dans lesquels ce sont bien des actrices âgées qui jouent les rôles et non les stars grimées, ce qui rend la fin, cette réunion de mamies pionnières du baseball féminin professionnel, touchante. 

  • Opéra (Dario Argento, 1987)

    **
    "Dernier grand film" ou "catastrophe restée justement inédite" ? Opéra n'est finalement pas si mauvais que ça. Il a son intérêt, et par moments, sa beauté, entre deux aberrations (ou deux idioties : ces réactions des personnages après chaque meurtre, franchement). En fait, il n'est pas trop inférieur aux si fameux titres argentesques des 70s. Son absence d'enjeu lui donne son charme, le fait que tout cela ne rime à rien le rendrait presque fascinant. Argento s'épuise à se tenir trop longtemps et trop souvent à ses principes voyants de mise en scène, jusqu'à l'absurde (à ce point là, peut-on vraiment parler de "caméra subjective" ?) mais lorsqu'il arpente sans pouvoir s'arrêter un décor au son de Verdi, c'est assez beau. Quand il met du métal sur les images de meurtre, en revanche, ça l'est moins. Cristina Marsillach n'était peut-être pas la meilleure actrice du moment mais elle est très agréable à regarder, qu'elle soit, ou pas, en souffrance.