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Nightswimming - Page 141

  • Tarzan, l'homme-singe

    (W.S. Van Dyke / Etats-Unis / 1932)

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    732a845f1349c174cc82a1ef3c70767b.jpgRevoir ce Tarzan, des années après, c'est replonger dans le cinéma hollywoodien des débuts du parlant. A cet égard, le film est passionnant en tant que symbole de cet art-là : simple, populaire, très "premier degré". Au-delà du jugement, une certaine nostalgie affleure : celle que l'on éprouve en se disant que l'on appartient sans doute à la dernière génération qui aura grandit aussi avec ces films-là. La télévision rejetant dorénavant toute diffusion de film ancien, nul doute que pour le jeune public actuel, Tarzan n'a plus les traits de Johnny Weissmuller ni Robin des Bois ceux d'Errol Flynn.

    Techniquement, le début est très gênant. Transparences et raccords sont grossiers, telle la promenade de Jane et son père devant des tribus africaines. Cet abus d'écrans pour des scènes manifestement tournées en studio, si déroutant, autant broder dessus : cela matérialiserait donc le refus par les occidentaux du contact avec l'autre. Petit à petit, ils prendront conscience et intégreront le même plan que les animaux et les indigènes. Tarzan, lui, se bat avec de vrais fauves, dans le même cadre, et non à distance de fusil, aidé par les coupures du montage, à la façon des explorateurs repoussant l'attaque de leurs radeaux par les hippopotames.

    Signe de l'époque, le racisme sous-jacent apparaît ça et là. Les Noirs sont traités comme des Indiens de western. La charge finale des éléphants sur le village des méchants pygmées, c'est la cavalerie qui arrive. Un dialogue énorme lorsqu'un porteur noir chute dans le vide entre deux explorateurs :

    - Que contenait la malle ?

    - Des médicaments !

    - Pauvre diable...

    - On ne peut plus rien pour lui.

    Mais il reste, en plus du charme du primitivisme et de l'iconographie, la belle séquence centrale de l'enlèvement de Jane. L'impossibilité de l'échange par la parole et la fascination pour le sauvage sont remarquablement rendus. Ces moments de sensualité cristallisent ce fantasme d'une femme pour un corps fort et non civilisé. Pas d'extrapolation ici, revoyez le film : Jane s'offre et veut clairement se faire un homme-singe.

  • Raja

    (Jacques Doillon / France / 2003)

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    d2d1a679166852e27fde589d2babec48.jpgAssez différent des films précédents de son auteur, celui-ci s'avère l'un de ses plus réussis. Le changement radical de paysage (le sud du Maroc) s'est avéré particulièrement fécond pour Doillon (mais pour l'instant sans lendemain, celui-ci ayant apparemment de plus en plus de mal à financer ses projets).

    Le cinéaste, d'habitude tellement porté sur les dialogues, joue avec la barrière entre les langues. Frédéric (Pascal Greggory) est le seul Français que l'on voit à l'écran. Sa situation professionnelle n'est pas définie, tout juste voit-on qu'il est riche et très cultivé. Le personnage est comme déporté du cinéma bavard (je caricature) de Doillon vers une réalité autre, celle du Maghreb d'aujourd'hui. Le plus souvent, son discours n'est pas compris pas ses interlocuteurs arabes, à cause de leur méconnaissance du français, mais surtout à cause des tournures d'esprit trop intellectuelles. Alors Frédéric parle seul ou se permet de dire des horreurs quand il sait que son vis à vis ne le comprend pas. Plutôt comique lors des dialogues avec les deux vieilles servantes, l'effet est plus troublant dans les scènes de séduction de Raja.

    Raja, est la nouvelle employée de la villa. Ils se désirent plus ou moins, mais les rapports sont viciés dès le départ puisque basés sur l'argent. C'est ici que Doillon frappe le plus fort : il constate l'omniprésence de cet argent dans la société gangrenée, autant qu'au sein du couple homme-femme. Et cette perversion est décuplée par choix du lieu de l'action. Cette histoire d'amour au Maroc devient le symbole de toute l'histoire coloniale. Le personnage de Pascal Greggory n'est pas que le porte-parole de l'auteur, il est l'image de l'Occident quand Raja est l'image de l'Afrique exploitée.

    Dit comme cela, on pourrait croire à une thèse. Heureusement, Doillon a un grand sens du casting (les confrontations entre Greggory et les acteurs arabes, tous non-professionnels sont merveilleuses). Il a aussi un don pour le réalisme, celui des gestes, des mouvements. Les corps hésitent, partent, reviennent, souvent dans un même plan. Frédéric et Raja sont comme deux aimants inversés, s'attirant et se détournant au dernier moment, sans jamais pouvoir se toucher vraiment (la scène d'amour, toujours retardée, ne peux donc être que ratée pour les deux). Le cinéaste avait précisé dans un entretien à Positif : "Ce qui se passe à côté des deux personnages importe peu; j'ai travaillé ce que permet le scope, le champ entre Raja et Fred, la distance qui bouge entre eux." Baigné dans la belle lumière du Sud, le film se permet aussi, comme cerise sur le gâteau, une scène étonnante, centrée sur les négociations insensées de Frédéric avec le frère de Raja. Le ton passe des menaces au quasi-vaudeville alors que la caméra lie le tout, d'un personnage à un autre, par de magnifiques travellings dans l'allée. Une autre négociation, tout aussi inattendue et inventive termine le récit de ce film si pessimiste et pourtant si dynamique.

  • TNT (Transmission de Navets Terrifiants) et la juste mesure des choses

    Ce jeudi soir, à 20h50, la chaîne NT1 ne diffusait pas de film de Bergman ou d'Antonioni, mais Le retour des Charlots, réalisé (?) en 1991. Pour contrer ce coup-bas, W9 proposait A nous quatre, Cardinal, toujours avec les Charlots, un classique de 1973. TMC, courageusement, tentait la contre-programmation : Salut l'ami, adieu le trésor, avec Terence Hill et Bud Spencer. Les grands perdants de la soirée se trouvaient alors chez Direct 8, obligés de ne diffuser qu'un téléfilm avec Michel Galabru. Il est vrai qu'ils avaient griller leur plus belle cartouche dimanche dernier en passant On est venu là pour s'éclater, du grand Max Pécas. Pourquoi s'inquiéter du cinéma et de la télévision ? Tout va bien !

    Remarquez, il faut rester de temps en temps devant ces films, juste quelques minutes attentives. Sur l'excellent site imdb, il est possible de donner une note (de 1 à 10) à tous les films que l'on a vu. Au printemps dernier, j'ai commencé à le faire. Un soir, je suis tombé à la télévision sur Comment se faire réformer, de Philippe Clair. Dès le lendemain matin, je suis revenu sur le site, j'ai repris mes listes depuis le début et j'ai relevé les notes de tous les autres films... Car je peux vous dire que quelques minutes de Comment se faire réformer, cela vous fait prendre conscience de la juste mesure des choses.

  • Zodiac

    (David Fincher / Etats-Unis / 2007)

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    a6e1b198e00d97d5c5db23b2e9e88f47.jpgDavid Fincher est connu pour ses constructions scénaristiques complexes et pour sa mise en scène virtuose. Pour ma part, je trouvais que ce talent visuel fonctionnait à plein dans Seven, un peu moins dans The game, puis plus du tout dans Fight club (je n'avais rien trouvé de particulier à son volet d'Alien et je n'ai pas vu Panic room). C'est avec plaisir que j'ai donc constaté dans son récent Zodiac la maîtrise d'une mise en scène plus classique. Fincher n'y abuse pas d'effets gratuits, ni de retournements douteux.

    Toute la première partie, alternant meurtres et enquête, adopte un style proche des fictions équivalentes du cinéma américain des années 70 (Pakula, Pollack...). Le pari, réussi, de Fincher est de ne pas changer de tempo tout du long, à quelques exceptions près (dont la scène de l'entretien entre Graysmith et le projectionniste dans l'inquiétant sous-sol de ce dernier, Graysmith se croyant tout à coup en danger dans cette atmosphère à la... Seven). A partir du moment où les meurtres s'arrêtent, le film devient particulièrement passionnant dans le récit des piétinements et des impasses de l'investigation et également dans la description des réactions de chacun des trois principaux protagonistes à cette faillite, réactions nuancées du fatalisme à l'obsession maladive. Ainsi, la volonté du dessinateur de presse de reprendre plusieurs fois tout à zéro a, il me semble, était rarement montrée dans le genre policier.

    Porté par une distribution impeccable, de Jake Gyllenhaal au très grand Mark Ruffalo, cette belle réflexion sur le doute rejoint un groupe restreint de films consacrés à une quête restée inachevée. Cet inachèvement est souvent la caractéristique d'oeuvres attachantes et singulières, qui sous le déroulement classique d'une enquête criminelle éclaire les zones d'ombres de chacun. Dans sa rigueur, Zodiac se rapproche par exemple du tragi-comique Memories of murder, l'excellent polar coréen de Bong Jun-ho qui relatait une traque de tueur en série similaire et qui se terminait par un regard-caméra inoubliable d'un des enquêteurs, hanté par le fantôme de celui qu'il n'aura jamais réussi à arrêter.

  • (Sunday) Bloody sunday

    Dans le film informatif et agité de Paul Greengrass, Bloody sunday, retraçant à la manière d'un reportage télé les évènements dramatiques de janvier 72 à Londonderry, on se demande constamment si l'on va entendre à un moment la célèbre chanson de U2, écrite en 1983. Elle arrive bien sûr au générique de fin. Problème : c'est une mauvaise version, semble-t-il plus récente, enregistrée live avec reprise en coeur des paroles par le public. On se serait bien passé de cette réactualisation, alors que l'originale reste l'un des meilleurs morceaux du groupe.

  • Tatouage & La bête aveugle

    (Yasuzo Masumura / Japon / 1966 & 1969)

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    11fbefcb996d051097d1b4830e287883.jpgL'argument de Tatouage pourrait donner un petit conte horrifique et érotique de série B. L'amour contrarié d'une jeune femme pour le commis de son père la pousse à s'enfuir. Enlevée, poussée vers la prostitution, elle se fait tatouer de force une gigantesque araignée dans le dos. Dès lors, les cadavres s'accumuleront autour d'elle. Masumura place audacieusement la scène du tatouage en tout début de film avant de revenir en arrière, sans crier gare, et de déployer tout son récit, procédé intriguant et déstabilisant. Autre qualité qui éloigne le film du tout-venant : le soin apporté aux cadrages (et sur-cadrages : d'innombrables plans sont obstrués dans leur partie gauche par un élément du décor).

    L'attaque des tabous est frontale, à la manière d'Oshima. La prostitution est abordée sans fausse pudeur ou hypocrisie. La scène-clé du tatouage forcé mêle souffrance et plaisir de façon très troublante, à l'image de tout le film, qui donne à voir simultanément le désir et la violence, de façon rituelle, répétitive. Les séquences de meurtre sont longues et brutales (comme chez Hitchcock, qui tourne la même année Le rideau déchiré). Des plans de couteaux enfoncés flirtent avec le gore et tout se finira très mal pour tout le monde.

    Très moderne, Ayako Wakao traverse le film, éblouissante de beauté, de morgue et de provocation, nous offrant son dos toutes les dix minutes. L'araignée tatouée l'a possédée mais son emprise mortifère n'explique pas tout, Masumura montrant bien avant son enlèvement le caractère calculateur et affamé de cette femme exceptionnelle.

    ea7756b1421006793c5bb3bd40d9e61d.jpgMoins abouti, La bête aveugle révèle des comportements tout aussi tordus. L'aveugle du titre kidnappe une top model afin de réaliser une sculpture unique dans son atelier-prison. Bien réalisé, la partie séquestration développe des étapes trop classiques (rébellion, duperies pour s'échapper...). La psychologie des personnages n'est pas le point fort du film non plus, l'aveugle vivant par exemple reclus avec sa mère. Ce ménage à trois produit tout de même des moments troublants ou étonnants (la scène de séduction sous le regard de la mère, le retournement de celle-ci pour aider à une évasion).

    Masumura filme son actrice Mako Midori sous toutes les coutures, essentiellement en sous-vêtements. La volonté d'en montrer le plus possible débouche sur des cadrages et des poses acrobatiques qui heurtent la crédibilité (d'autant que la fille est face à un aveugle et que l'obscurité est partout). Plus intéressante pour donner à voir l'impossible est l'équivalence trouvée entre le corps et la sculpture. Ce procédé est utilisé surtout dans la deuxième partie. Après la mort de la mère, la fusion entre les deux devient totale, l'enfermement devient un choix. La jeune femme devient elle aussi aveugle et nous basculons au-delà du réalisme. Une dérive masochiste assez éprouvante mène à une apothéose de mutilations. L'aspect ritualisé, l'environnement stylisé et l'accompagnement musical font alors irrésistiblement penser au cinéma plus tardif de Peter Greenaway.

    Dans ses outrances autant que dans sa rigueur, l'oeuvre de Masumura semble vraiment à découvrir, à l'image de ce cinéma japonais des années 70, naviguant entre le respect des genres et leur subversion.

  • Que la fête commence...

    (Bertrand Tavernier / France / 1974)

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    1f92bef52e445bd08ef03c6aafcadccf.jpgHasard d'une première note liée à la nouvelle vision du film de Tavernier sur Arte. Que la fête commence donc, mais qu'elle se finisse mieux.

    C'est un drôle de film historique, se démarquant, à l'époque de sa réalisation, des autres de ce genre. Loin du respect empesé de la reconstitution, Tavernier met en scène de la même façon qu'une histoire contemporaine, embrassant les larges espaces, filmant de manière très mobile les foules. Une fougue au service du réalisme : on ressent le passage des carrosses dans les ruelles, le poids des chevaux. Tavernier est depuis ses débuts, l'un des rares cinéastes français a savoir filmer l'action, le mouvement (il n'en était là qu'à son deuxième long métrage).

    L'anticléricalisme est revendiqué (le délectable "Dieu est méchant, madame" lâché par Philippe d'Orléans, à la mort de sa fille), les dialogues sont crus, les comportements aussi. Nous sommes bien en même temps au XVIIIe siècle et au coeur du cinéma des années 70. Noiret, Rochefort et Marielle font merveille. Le scénario donne plutôt à voir d'ailleurs un numéro de duettistes entre les deux premiers et un solo étourdissant pour le troisième. Jamais le marquis de Pontcallec (Marielle) n'arrivera à rencontrer le régent (Noiret) et à peine croisera-t-il l'abbé (Rochefort). Le développement parallèle de ces trajectoires sert énormément le film. La révolte bretonne menée par le marquis finit pitoyablement et n'aura rien provoqué sinon quelques manigances autour de Philippe d'Orléans. La grande noblesse continue la fête, même si le pressentiment semble être là que quelque chose va changer. Le régent surtout en est porteur, plus lucide que les autres. Les dernières scènes explicitent cela. La colère du petit groupe de paysans annonce les brasiers de la Révolution, qui viendra plusieurs décennies après. L'effet est appuyé. La scène n'en est pas moins forte. Le film se clôt notamment sur le regard d'Emilie, jeune prostituée préférée du régent, présence étrange et douce que Christine Pascal rendait si fortement.

  • Allez, on y va...

    Un blog pour écrire un peu sur tous ces films qui défilent. Pour s'en souvenir. Pour que ça circule. Pour me forcer à répondre autre chose que "C'était bien". Pour faire quelque chose de ces images qui s'accumulent.

    Alors se lancer comme on se jette à l'eau, même si il fait noir, que l'on a froid, que l'on est tout nu et que les gens vous regardent...

    Nightswimming...