(Sidney Lumet / Etats-Unis / 1973)
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Histoire vraie traitée à chaud quelques mois seulement après son épilogue, décision du producteur Dino De Laurentiis de changer de réalisateur juste avant le tournage, plan de travail serré (Al Pacino devant impérativement partir à une date précise pour retrouver l'équipe du deuxième Parrain)... Et ben, vu le résultat, y'a pas à dire, i'sont forts ces Ricains.
Frank Serpico est un jeune flic new yorkais doublement atypique : d'une part, il a un look, un mode de vie et un état d'esprit proches de ceux des gens de la rue, meilleur moyen pour lui de passer inaperçu et de mener à bien ses enquêtes, et d'autre part, il refuse toute corruption. Son apparence et ses méthodes ne lui valent pas que des amis, mais tous sont forcés de reconnaître son efficacité. En revanche, son honnêteté infaillible et sa volonté de dénoncer la gangrène s'étant installée au sein de toute la police de la ville provoquent ses mutations incessantes puis des menaces de plus en plus précises.
Serpicosuit fidèlement le parcours semé d'embûches de son héros réel. Le film de Lumet se pose peu la question du genre. Il s'agit non pas de suivre une enquête policière, mais d'observer une succession d'étapes répétitives : Frank Serpico débarque dans une équipe, se rend compte des magouilles qui s'y développent, décide, lorsque la mise à l'écart et la pression subie sont trop fortes, d'en référer à une autorité quelconque, et attend désespérément une décision d'en haut. Quels que soient le niveau de l'échelle et le chemin choisi, les mêmes maux reviennent. L'ultime solution sera de contacter des journalistes du Times. Le scandale pourra éclater... sans que rien ne change vraiment.
En ce début des années 70, l'époque était aux policiers vengeurs, type Charles Bronson, n'hésitant ni à franchir allègrement les limites de la loi, ni à faire de leurs enquêtes des affaires personnelles au-delà de la morale. Si Serpico n'a rien à voir avec ce type de flic, le film n'en fait pas pour autant un chevalier blanc exemplaire. L'homme est sûr de lui, solitaire et individualiste, et son idéalisme tient de l'obsession, quasiment de la maladie. Face à lui, les autres personnages de policiers ne sont jamais développés. C'est qu'ils ne sont pas là pour établir un catalogue des problèmes à régler, mais pour éclairer en retour le personnage central. Dans bien des films de ce genre, on retrouve des idéalistes luttant ainsi jusqu'à voir leur vie privée mise en danger. Celle de Serpico se fissure également, mais celui-ci est dès le début présenté comme virevoltant, libre de toute attache. Les compagnes ne le restent jamais très longtemps et le cliché est balayé.
Si le vrai Frank Serpico, le scénario et l'interprétation d'Al Pacino (*) rendent ainsi aussi passionnant le personnage, il ne faut pas oublier le travail de Sidney Lumet. Aidé par les mutations multiples de son héros, d'un commissariat à un autre, le cinéaste nous montre New-York sous tous ses aspects. Sur les toits, dans les rues, dans chaque quartier se ressentent les pulsations de la ville. Le regard documentaire n'est pas synonyme de platitude, ni dans l'image, ni dans le rythme. Par un montage brut, les plans démarrent toujours avec des corps en mouvements : jamais, contrairement à certaines tentatives françaises, nous n'avons l'impression que le mot "Action" vient tout juste de retentir pour faire bouger l'acteur et le faire réciter un texte. Le résultat est 130 minutes d'une temporalité indécise dans le récit, mais jamais ennuyeuse pour nous.
Le duo Lumet-Pacino sera bien sûr reconstitué deux ans plus tard pour Un après-midi de chien. A nouveau sur la base de faits réels, le film sera encore supérieur à Serpico, par son resserrement, sa tension et le génie de l'acteur, ne se cachant plus sous la barbe ou le chapeau hippie, mais comme mis à nu.
(*) Si l'on en croit certains sur le net, Serpicoserait le "premier grand rôle d'Al Pacino". Il n'est donc pas inutile de rappeler que, même si l'on considère que le premier Parrain(1972) repose beaucoup sur Marlon Brando, c'est en tête d'affiche de l'excellent Panique à Needle Parkde Jerry Schatzberg, en 1971, que Pacino se révéla.
J'ai pas tout compris mais c'est pas désagréable.
Avec Le petit lieutenant, Xavier Beauvois tente de faire une photographie de la police au travail, comme Tavernier le fit en 1992 avec L.627. En suivant un jeune diplômé qui débarque dans une brigade criminelle à Paris et en filmant son quotidien, le cinéaste s'est voulu au plus près de la réalité. Or, première incongruité dans cette optique, il ne distribue dans les rôles de policiers que des visages connus. Cette équipe est donc composée de Nathalie Baye, Jalil Lespert, Roschdy Zem, Antoine Chapey et Beauvois lui-même. On peut ajouter Jaques Perrin en juge. Inutile de dire que, malgré le savoir-faire de chacun, l'effet de réel recherché en prend déjà un coup.
Voici ma première rencontre, longtemps attendue, avec Roger Corman. Ses propres films étant peu diffusés, son nom semble aujourd'hui évoquer plus un type de production et un statut de "parrain" de jeunes talents qui débutèrent chez lui (Scorsese, Coppola, Hellman, Demme, Dante...) qu'une oeuvre de cinéaste. Celle-ci est pourtant pléthorique, comptant plus de cinquante longs-métrages de 1955 à 1971 (puis plus une seule mise en scène jusqu'à un Frankenstein, en 1990). Comme l'ensemble de ses productions, l'éclectisme caractérise ces films : westerns, policiers, musicals. Toutefois, sa réputation s'est faîte essentiellement sur le fantastique. Sur ce point, parmi bien d'autres, son aventure peut se comparer à celle des productions Hammer qui faisaient dans le même temps les beaux jours du cinéma britannique.
La semaine dernière, je posais la question
"C'est un cliché, mais les sixties n'ont vraiment pris fin qu'au début des seventies. Je me rappelle avoir faitExile on main street en France et aux Etats-Unis, puis être parti en tournée, très content de moi, en me disant : "On est en 1972. Merde. On a tout fait." Après ça, on a quand même continué, mais je ne pense pas que les résultats aient été aussi géniaux." (Propos de Mick Jagger à Nick Kent, repris dans le livre de ce dernier : L'envers du rock)
Un bon Aldrich, auquel le scénario de Dalton Trumbo donne un air de tragédie classique. Bren O'Malley (Kirk Douglas) arrive dans le ranch mexicain de son ancienne maîtresse Belle Breckenridge (Dorothy Malone), mariée à un éleveur qui a déjà un pied dans la tombe (Joseph Cotten). O'Malley est poursuivi depuis la frontière par Stribling (Rock Hudson) qui veut le livrer à la justice pour le meurtre de son beau-frère et la mort indirecte de sa soeur. Ils se retrouvent et, suite à leur embauche par Breckenridge pour convoyer, tous ensemble, ses 1000 têtes de bétail jusqu'au Texas, ils passent un accord : une fois passés en Amérique, ils régleront leurs comptes. Aux dangers extérieurs attendus (bandits, indiens...) pendant le périple, s'ajoute la complication des relations dans le petit groupe qui inclut Belle et sa fille Melissa (Carol Lynley), autour desquelles tournent les deux hommes. Leur estime mutuelle naissante n'empêchera pas l'affrontement final au coucher du soleil.
Marcos, agent de sécurité, a deux types de travail quotidien : assister au lever et à la descente du drapeau mexicain par une garnison et servir de chauffeur et d'homme à tout faire à la fille d'un général. Cette dernière, Ana, s'offre régulièrement aux hommes, pour le plaisir, chose dont seul Marcos est au courant dans son entourage. Un jour, il lui raconte qu'il a kidnappé un enfant, avec la complicité de sa femme, mais que celui-ci vient de mourir. Rongé par l'envie de se rendre à la police et déboussolé par sa relation physique avec Ana, il finira par faire un autre geste irréparable avant de s'infliger un chemin de croix douloureux, au milieu de pèlerins repentants et convergeants vers la basilique.
Japon est un film cousin de Los muertosde Lisandro Alonso, dont je n'avais pas dit que du bien,
Wim Wenders est présent cette année encore au Festival de Cannes, en sélection officielle. L'arrivée d'un nouveau film du cinéaste suscite à peu près autant d'espoir et d'enthousiasme qu'un congrès du PS ou la participation d'une équipe française au deuxième tour de la Champions League. Pendant une quinzaine d'années pourtant, Wenders y était, lui, sur le toit de l'Europe.