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  • Habemus Papam

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    Nanni Moretti nous parle de la fatigue, de la recherche d'une certaine normalité et d'un renoncement. Je ne pense pas du tout qu'il faille en conclure qu'il est fatigué, qu'il rentre dans le rang et qu'il renonce. Habemus Papam, œuvre imparfaite (comme l'est tout le cinéma Moretti) et passionnante (idem), décrit une angoisse soudaine déclenchée par une promotion imprévue et bouleversante ainsi que le retrait qu'elle provoque. C'est un film qui prend le risque de déjouer une attente, qui tourne en rond, qui évite la charge dénonciatrice, qui laisse les choses en suspens (une annonce officielle est sans cesse repoussée, un tournoi de volley-ball s'arrête avant les demi-finales). Ce faisant, il est cependant parfaitement honnête avec son sujet et son personnage principal, nouveau Pape élu et perdu, qui refuse d'endosser sa charge.

    L'énormité du postulat de départ peut demander un temps d'acceptation. L'arrivée à l'écran de Moretti lance véritablement le film et une fugue l'entraîne vers des sommets qu'il ne quittera quasiment plus jusqu'à son terme. Que lors de cette escapade, l'homme d'église soit "en civil", que rien ne le distingue des passants et qu'il ne puisse pas être reconnu, son visage ne s'étant encore affiché nulle part, voilà ce qui nous le rend soudain proche. Par le dépouillement imposé, son état d'âme et son angoisse sont universalisés.

    Mais même lorsqu'il paraissait dans ses habits de souverain pontife, il faut dire qu'il ne cessait d'appeler les autres à l'aide. A ses côtés, ou plutôt en face de lui, le psychanalyste convoqué par les autorités vaticanes (qui oublient de lui demander s'il est croyant), autre figure de guide, semble bien, à un moment donné, prendre en charge les cardinaux désemparés qui l'entourent, mais il se révèle tout autant, lui aussi, en recherche et avoue bientôt au moins un manque, celui de son ancienne compagne. Ainsi, c'est en s'intéressant à un monde à part, refermé sur lui-même, inaccessible au commun des mortels et au sein duquel l'ordre hiérarchique ne peut être discuté que Nanni Moretti nous entretient de la permanence du lien avec les autres. Intelligent, il laisse voir cette ouverture sans en passer par la morale (ce qui ne manquerait pas de provoquer le discours attendu) mais par la mise en scène.

    Les premières scènes posent plutôt des frontières, entre l'exceptionnel et l'ordinaire, entre le palais et la rue. L'impression est forte d'un champ-contrechamp dont le point de bascule serait le balcon au-dessus de la place Saint Pierre et elle est redoublée par la présence de rideaux fort théâtraux. La claustration imposée au psy et la découverte du fonctionnement de ce concile prolongé sont à l'origine de moments étranges. Cette étrangeté culmine dans la grande scène de la représentation théâtrale, l'un des endroits du film où est illustrée le plus clairement l'idée d'une perméabilité inévitable entre les mondes. On peut voir également ainsi la promenade de Piccoli, incognito au milieu de ses fidèles rassemblés sur la place, tout étonné et ravi d'être passé de l'autre côté.

    Certainement Nanni Moretti nous demande de nous débarrasser de nos œillères et pense que le choix de l'autarcie, telle que la revendiquait le jeune Michele Apicella, n'est plus tenable. Au placement de nos pas dans ceux d'un guide, il faut préférer la liberté individuelle, mais tout en ayant conscience que celle-ci doit s'accomplir sans briser les liens sociaux. Les béquilles que sont la religion, la psychanalyse, l'art et le sport (institutions et activités successivement étudiées dans le film) ne peuvent aider seules à guérir.

    Ce "message" déçoit assurément ceux qui attendent d'abord de Moretti de vigoureux coups de pieds dans la vie de la péninsule (de ce point de vue, Habemus Papam nous renvoie au temps de son grand mélodrame La chambre du fils). Les éclats de voix, les coups de théâtre et l'incongruité des situations sont présents mais, il est vrai, de façon moins saillante que dans les œuvres des années 80-90. Mais nous pouvons alors, par exemple, admirer la subtilité de l'écriture, la courte phrase dans le dialogue qui vient tardivement nous confirmer que cette femme est bien celle du psy, les petites séquences centrées sur le garde suisse reclus qui nous prouvent que le responsable de la communication ne mentait qu'à moitié lorsqu'il assurait que le pape avait retrouvé un grand appétit ou bien encore la façon dont le cinéaste ne croise pas, à la fin, les micro-récits qu'il avait mis pourtant en marche. Nanni Moretti, qui annonce au départ une rencontre prometteuse, celle du souverain et du psychanalyste, scinde en fait son film et se projette dans les deux personnages principaux, à égalité, personnages qu'il ne fait jamais véritablement se rejoindre. C'est ici, notamment, que l'on se rend compte qu'Habemus Papam reste éminemment "morettien", dans ce qu'il dit du cinéaste lui-même, plus ou moins ouvertement. On ne peut s'empêcher par exemple de penser, devant cette lassitude exprimée d'un côté comme de l'autre, au statut qu'a acquis depuis de nombreuses années, auprès de beaucoup de cinéphiles l'aimant d'un amour trop exclusif, Nanni Moretti, celui qui tient le cinéma italien à lui tout seul. Que l'on puisse ressentir cela prouve que notre homme n'a pas perdu la main.

    Quant à moi, il me reste à ajouter, pour en terminer avec cette note sur ce film qui restera comme l'un des meilleurs de cette année, un mot sur Michel Piccoli, une nouvelle fois génial, rendant visible l'étincelle qui nait dans son regard lorsqu'il dit à la psychanalyste qu'il est un acteur et nous touchant profondément lorsqu'il exprime son désir de se fondre, de se diluer, de disparaître.

     

    habemuspapam00.jpgHABEMUS PAPAM

    de Nanni Moretti

    (Italie - France  / 100 min / 2011)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2006)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2006 : Les Cahiers ouvrent leurs numéros successifs sur Un couple parfait de Nobuhiro Suwa, la production des films, l'image numérique, le cinéma au musée (Godard, Almodovar, Assayas, Varda, Erice, Kiarostami), Hollywood années 2000 (M. Night Shyamalan, Michael Mann, Steven Soderbergh, Michael Cimino, Clint Eastwood, Steven Spielberg, Sean Penn), Hayao Miyazaki et l'animation japonaise et la situation des salles de cinéma. Ils vont à la rencontre de Philippe Faucon, Pedro Almodovar, Sofia Coppola, Pascale Ferran, Frederick Wiseman, Alain Resnais, Kohei Oguri (La forêt oubliée), Nanni Moretti (Le Caïman), Rabah Ameur-Zaïmeche (Bled Number One), Aki Kaurismäki (Les lumières du faubourg), Takeshi Kitano (Takeshis'), Bruno Dumont (Flandres), Richard Linklater (A scanner darkly), Gus Van Sant (Mala noche), Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (Ces rencontres avec eux), Paul Verhoeven (Black book). Ils s'arrêtent sur Good night, and good luck. de George Clooney, L'ivresse du pouvoir de Chabrol, Dans Paris d'Honoré et sur les films politiques hollywoodiens (Syriana de Stephen Gaghan et Munich de Steven Spielberg). Ils reviennent sur L'aurore de Murnau, Robert Kramer, le Hollywood des années 70 et George Cukor. Ils enquêtent sur le cinéma allemand, le cinéma japonais et la Femis. Ils publient des écrits sur Jean-Claude Rousseau, Ida Lupino, Jorge Furtado, Michal Rovner, Nam June Paik, Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Luis Buñuel, Roberto Rossellini, William Friedkin, Valère Novarina, Joaquin Jorda, Cindy Sherman et Ernst Lubitsch. Enfin, ils intègrent dans leur rédaction Hervé Aubron, Eugenio Renzi et Cyril Neyrat.
    En janvier, Positif publie la deuxième partie d'un texte entamé en décembre et signé par... Luc Moullet, en mars, de façon posthume, deux écrits de Barthélémy Amengual, et en novembre un de Stanley Cavell. La revue salue les sorties de Munich, du Nouveau Monde et de Cars. Elle propose des entretiens avec Stephen Frears, Stephen Gaghan, Raoul Ruiz, Pedro Almodovar, Ken Loach, Abderrahmane Sissako, Alain Resnais et Robert Altman, dont les films se retrouvent en couverture, avec les cinéastes également soutenus par les Cahiers que sont Nanni Moretti, Sofia Coppola, Bruno Dumont, Aki Kaurismäki et Martin Scorsese, mais également avec Atom Egoyan (La vérité nue), Cristi Puiu (La mort de Dante Lazarescu), Bennett Miller (Truman Capote), Christian Volckman (Renaissance), Edgar Reitz (Heimat 3), Thomas Clay (The great ecstasy of Robert Carmichael), Michael Winterbottom (Tournage dans un jardin anglais), Daniel Burnan (Les lois de la famille), György Palfi (Taxidermie), Jean-Claude Brisseau (Les anges exterminateurs), Philippe Lioret (Je vais bien, ne t'en fais pas), Oliver Stone (World Trade Center), Guillermo del Toro (Le labyrinthe de Pan), Bong Joon-ho (The host), Jafar Panahi (Hors jeu), Rolf De Heer (10 canoës, 150 lances et 3 épouses). Les cinémas brésilien, catalan et allemand, le générique de cinéma, Ida Lupino, Jules Dassin, Michel Simon, Luis Buñuel, John Huston, Sergueï Eiseinstein, Heinosuke Gosho, Rouge de Krzysztof Kieslowski, Edmond Gréville, Norman McLaren et, en entretien, Isabelle Carré et Helen Mirren, sont des thèmes et des noms présents dans les sommaires. Quant aux dossiers, ils portent sur Douglas Sirk, le biopic, le musical oriental, le cinéma hongrois et l'histoire (Imre Kertész, Istvan Szabo, Bela Tarr, Peter Forgacs), la comédie italienne, Richard Fleischer, Hollywood années 70, la Belle Époque à l'écran et Marcel Carné.

     

    Janvier : La trahison (Philippe Faucon, Cahiers du Cinéma n°608) /vs/ Madame Henderson présente (Stephen Frears, Positif n°539)

    Février : L'ivresse du pouvoir (Claude Chabrol, C609) /vs/ Le Nouveau monde (Terrence Malick, P540)

    Mars : Le soleil (Alexandre Sokourov, C610) /vs/ Syriana (Stephen Gaghan, P541)

    Avril : La déraison du Louvre (Ange Leccia, C611) /vs/ Klimt (Raoul Ruiz, P542)

    Mai : Marie-Antoinette (Sofia Coppola, C612) /vs/ Volver (Pedro Almodovar, P543)

    Juin : Zidane, un portrait du 21e siècle (Douglas Gordon et Philippe Parreno, C613) /vs/ Cars (John Lasseter, P544, )

    Eté : Miami vice (Michael Mann, C614) /vs/ Hollywood années 70 (Le Parrain, Francis Ford Coppola, P545-546)

    Septembre : La jeune fille de l'eau (M. Night Shyamalan, C615) /vs/ Le vent se lève (Ken Loach, P547)

    Octobre : Dans Paris (Christophe Honoré, C616) /vs/ Bamako (Abderrahmane Sissako, P548)

    Novembre : Lady Chatterley (Pascale Ferran, C617) /vs/ Cœurs (Alain Resnais, P549)

    Décembre : Les infiltrés (Martin Scorsese, C618) /vs/ The last show (Robert Altman, P550)


    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Trop de points d'interrogation de part et d'autre pour que mon choix soit sûr. Les Chabrol, Sokourov, Gaghan, Ruiz, Leccia, Gordon & Parreno m'intriguent, le Mann un peu moins et le Shyamalan pas du tout. On me glisse par ailleurs dans l'oreille que Dans Paris serait le meilleur Honoré. Parmi ceux que j'ai pu voir, les S. Coppola, Ferran, Sissako m'ont quelque peu laissé sur ma faim et ce Frears et ce Lasseter m'ont agacé. Il reste alors Malick, Loach, Resnais, Scorsese, F.F. Coppola et trois de mes meilleurs souvenirs de cette année-là : La trahison, Volver et The last show. Donc, avec les réserves qui s'imposent... Allez, pour 2006 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Panoptique, treizième session

    Vous avez décidé de passer le deuxième mois d'été à la plage et d'éviter les salles obscures,

    pensant que les bons films ne seraient pas légion ?

    Et bien vous avez eu tort !

    Pour preuve, le Panoptique du mois d'août, qui se dévoile en cliquant sur le logo :

    panoptique.jpg

  • La guerre est déclarée

    donzelli,france,comédie,2010s

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    Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm ont scénarisé et joué leur propre histoire, celle de leur couple et de l'épreuve qu'il eut à traverser très tôt : la grave maladie de leur petit garçon détectée à l'âge de 18 mois. Ils l'ont titrée La guerre est déclarée, reprenant ainsi une terminologie régulièrement entendue dans les témoignages de parents d'enfants atteints de cancer ou de handicap. Leur "film d'hôpital" est plein de vigueur, sans cesse tiré vers le haut par leur décision de repousser toute lamentation et tout apitoiement, au point d'en sourire, souvent (ou de pousser la chansonnette). L'idée est donc d'aller à rebours de tout ce qui peut être attendu devant un tel sujet et il est vrai que le ton du film, léger, a de ce point de vue le goût de l'inédit.

    Toutefois, ce film, couvert d'éloges, ne m'a pas entièrement convaincu. Son originalité est louable mais la recherche de celle-ci me semble un peu trop systématique. Pour le dire autrement, j'ai eu l'impression, à plusieurs moments, de voir Valérie Donzelli en train d'essayer d'être absolument originale. C'est particulièrement sensible lorsque les saynètes qu'elle compose se mettent en place plus lentement que les autres (la séquence où elle doit annoncer par téléphone, depuis Marseille, la mauvaise nouvelle à son compagnon resté à Paris). On voit là, trop bien, les efforts déployés pour éviter les clichés.

    La mise en scène de Donzelli repose sur la re-création de moments de vie mais réhaussés par des trouvailles, des trucs, des collages. Alors bien sûr, des choses fonctionnent très bien. Mais d'autres moins. C'est que l'assemblage de ces petites séquences manque légèrement de fluidité narrative (de même que l'esthétique générale n'a rien de renversant). Par conséquent, le spectateur est rapidement amené à soupeser chaque proposition qui lui est faite, à établir une hiérarchie à partir de ce collier de petites scènes décalées.

    Cela m'a détaché, m'a éloigné quelque peu du film. J'ai vu un écart, une différence de degré selon les séquences : premier ou deuxième en fonction de leur teneur, plus ou moins référencées (nous avons notamment des voix off dont nous ne savons pas trop d'où elles viennent à part d'autres œuvres de cinéma), plus ou moins humoristiques, plus ou moins réalistes, plus ou moins esthétisantes, plus ou moins musicales... L'écart, je l'ai perçu aussi dans le jeu du couple Donzelli - Elkaïm, inégal sur la durée (et, malgré moi, j'ai parfois senti un "parasitage" dû à ma connaissance du fait que tout ceci soit, si l'on peut dire, "rejoué" par les protagonistes). Mais de la justesse il y en a, bien sûr. Par exemple dans la vision de l'hôpital, dans le rapport à ce monde si particulier (malgré quelques inévitables (?) raccourcis dramatisant ce rapport).

    Ce couple est attachant et parvient à transmettre son volontarisme et son énergie. Leur film est vif, assez beau sur le rapport amoureux, et parfois émouvant. Je regrette cependant qu'il ne m'ait pas bouleversé. Jusqu'à un certain point, il me parle de choses vécues et me renvoie à des souvenirs peu agréables. Ma relative déception n'est pas une sorte de protection car il me semble vraiment qu'il y a dans La guerre est déclarée, une balance à faire entre qualités et défauts. Beaucoup de critiques et de camarades blogueurs sont passés outre ces derniers mais j'avoue, pour ma part, avoir un peu plus de mal à le faire.

     

    donzelli,france,comédie,2010sLA GUERRE EST DÉCLARÉE

    de Valérie Donzelli

    (France / 100 min / 2011)

  • Vous avez reçu un message

    Message :

    "Bonjour, Nous avons le plaisir de vous inviter à la soirée STAR WARS organisée par FPE (Fox Pathé Europa) pour fêter la mise en vente de «Star Wars l’intégrale de la saga » en Blu-ray : Mardi 13 septembre 2011 à partir de 20h00 au Virgin Megastore Champs-Elysées MERCI DE RÉPONDRE AVANT LE VENDREDI 9 SEPTEMBRE. Cet évènement sera l'occasion de réunir tous les fans de Star Wars autour de nombreuses animations. Dès 20h, il y aura la présence des stormtroopers de la célèbre 501st Legion French Garrison (des fans de la saga de George Lucas, costumés en soldats de l'Empire galactique). A 23h, Cauet et l'équipe de l’émission C'Cauet (NRJ) seront sur la scène du Virgin Megastore. Enfin à minuit, les fans pourront être les premiers en France à pouvoir acheter l’intégrale Star Wars en Blu-ray. Que la force soit avec nous ! Bien cordialement, PS: Cet évènement est ouvert à tous."

    Franchement, Star Wars, la 501st Legion French Garrison et Cauet, ça fait rêver, non ? Dommage que j'ai piscine...

    (Chers consultants dans l'événementiel, même s'il est bon de rire parfois, par pitié, essayez de mieux cibler vos envois, merci)

  • La grotte des rêves perdus

    Herzog,France,Allemagne,Documentaire,2010s

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    Didactique et poétique, concret et réflexif, abordant simplement des sujets aussi complexes que la connaissance humaine, le mystère des origines, la naissance de la représentation ou le progrès en art, La grotte des rêves perdus est un documentaire qui réussit à s'adresser avec la même intelligence à des publics divers (j'en ai fait l'expérience familiale).

    L'entrée en matière me semble idéale. Suivant un petit groupe de scientifiques, Werner Herzog et ses techniciens s'approchent puis pénètrent pour la première fois dans la grotte de Chauvet. Avant de s'engager dans les salles principales, leurs accompagnateurs énoncent les derniers conseils et de strictes consignes. Leur matériel et la répartition des tâches qu'imposent les conditions de travail très particulières nous sont décrites. Sans doute ces explications servent-elles avant tout à faire comprendre le caractère exceptionnel de ce tournage, dans un lieu clos, interdit à tout autre regard que ceux de quelques professionnels (n'y ayant d'ailleurs accès que sur une très courte période dans l'année), mais elles passionnent déjà, en mêlant l'éblouissement de la découverte aux démarches pratiques et techniques qui le rendent possible.

    Le temps imparti étant relativement court (une petite poignée d'heures par jour), le naturel des interventions des chercheurs, effectuées le plus souvent à l'intérieur de la grotte, est préservé. On n'y sent jamais la trop grande perfection due à la répétition des prises de vue et aux recadrages des propos que l'on trouve dans la majorité des documentaires pédagogiques télévisés. Les informations sont délivrées de manière vivante, "en direct" à l'équipe et donc au spectateur. Tout au long de son film, Herzog équilibre bien les séquences de discours scientifique et la pure contemplation des joyaux de l'art rupestre ornant les murs de la grotte. Et il y a certes de quoi les admirer, le décor, parois et sols recouverts d'ossements, se révélant de toute beauté.

    Le recours à la 3D se justifie aisément (autant que chez le coreligionnaire d'Herzog, Wim Wenders, inspiré lui aussi au même moment). Ici, elle prolonge l'effet obtenu par cet art préhistorique du dessin qui joue déjà parfaitement du relief du support. Elle permet de s'approcher au plus près des peintures, des stalactites et des crânes d'ours, autant de choses qu'Herzog et ses techniciens n'ont bien sûr pas le droit de toucher mais que l'image 3D rendent presque palpables. Cet art de 30 000 ans, on peut donc l'effleurer, le faire venir à nous et les scientifiques peuvent l'analyser, déduire que ces deux figures ont été tracées par la même main ou préciser un ordre chronologique dans la succession des traces laissées sur les murs.

    Mais comprendre l'Homme du paléolithique est une autre histoire... Pour saisir un surprenant dessin sur une roche conique, si la caméra s'approche, elle ne peut toutefois pas en faire le tour complet. De la même façon, les pensées des ces ancêtres sont inaccessibles. Il nous reste donc à imaginer. Et à nous projeter dans ces temps-là nous voyons vite se confondre imaginaire et spirituel. Herzog est alors en terrain connu. Pour finir (ou presque), il peut nous faire communier et sacraliser dans un dernier hommage ces magnifiques peintures et gravures, les filmant longuement (sur la musique prenante signée par Ernst Reijseger, très importante dans la réussite poétique du film) comme jadis Tarkovski le fit pour Roublev.

     

    Herzog,France,Allemagne,Documentaire,2010sLA GROTTE DES RÊVES PERDUS (Cave of forgotten dreams)

    de Werner Herzog

    (France - Etats-Unis - Canada - Allemagne - Grande Bretagne / 90 min / 2011)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2005)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2005 : Les Cahiers mettent en valeur cette année-là le cinéma coréen, d'Im Kwon-taek à Hong Sang-soo (par Claire Denis), le cinéma allemand (Henner Winckler, Jan Krüger, Angela Schanelec), Aviator, Million dollar baby, Broken flowers, Les amants réguliers, A history of violence et Le petit lieutenant (Xavier Beauvois) et s'interrogent sur les films de l'après 11 septembre que sont Batman begins (Christopher Nolan), L'interprète (Sydney Pollack) et La guerre des mondes (Steven Spielberg). Ils vont à la rencontre d'Amos Gitai (Terre promise), Peter Watkins, Frédéric Sojcher (Cinéastes à tout prix), Nicolas Klotz, Katsuhito Ishii (The taste of tea), Edward Yang, Abbas Kiarostami, Jia Zhangke, Lodge Kerrigan (Keane), Philippe Colin (Aux abois), Wim Wenders (Don't come knocking), Hou Hsiao-hsien, Abel Ferrara (Mary), Jacques Rancière et André S. Labarthe. Ils s'intéressent à Michael Mann, Peter Lorre, Carmelo Bene, Raymond Depardon, Jean-Pierre Gorin, Virginia Mayo, Jean-Louis Comolli, Apichatpong Weerasethakul, Arnaud Desplechin, Leo McCarey, Chris Marker, Germaine Dulac, Monte Hellman, Werner Herzog, Yasujiro Ozu, Guy Debord, Harold Lloyd, David Perlov, Avi Mograbi et au cinéma israélien, au documentaire espagnol, au cinéma dada. Ils publient des ensembles sur Rainer Werner Fassbinder et les acteurs contemporains (d'Asia Argento à Mathieu Amalric). Ils proposent enfin deux numéros exceptionnels : le 600e avec un Ciné-manga imaginé par Takeshi Kitano et 14 autres cinéastes et le 607e pour lequel Michel Piccoli est promu rédacteur en chef.
    Du côté de Positif, les numéros s'ouvrent sur les œuvres et les propos de Woody Allen, Martin Scorsese, Mike Leigh, Jacques Audiard, Clint Eastwood, Jia Zhangke, Sydney Pollack, Brigitte Roüan, Patrice Chéreau, Lodge Kerrigan, Wim Wenders, Michael Haneke, David Cronenberg, Hou Hsiao-hsien, Tommy Lee Jones, Oliver Stone (Alexandre), Ermanno Olmi (En chantant derrière les paravents), Lucile Hadzihalilovic (Innocence), Robert Guédiguian (Le promeneur du Champ de Mars), Paolo Sorrentino (Les conséquences de l'amour), Raphaël Nadjari (Avanim), Todd Solondz (Palindromes), Johnnie To (Breaking news), Pirjo Honkasalo (Les trois chambres de la mélancolie), Bill Plympton (Hair high), Pawel Pawlikowski (My summer of love), Tim Burton (Charlie et la chocolaterie), Eric Khoo (Be with me), Vincenzo Marra (Vento di terra), Ira Sachs (Forty shades of blue). Sylvie Testud et Eva Marie Saint sont également rencontrées. Des articles sont consacrés à Michelangelo Antonioni, João César Monteiro, René Clair, Kim Ki-duk, Sergueï M. Eisenstein, Thorold Dickinson, Michael Cimino, Stanley Kubrick, Peter Watkins, Roman Polanski, Guy Debord, Yves Allégret, Bollywood et la comédie cantonaise et des dossiers à Anthony Mann, Michael Powell, Orson Welles, Jean Renoir, Louis Malle, Marlon Brando et son héritage, aux "exotismes" (de Lang à Iosseliani), au documentaire (Volker Koepp, Bruno Muel, Jonathan Nossiter, Ross McElwee, Haskell Wexler, Jorgen Leth...), à la comédie française (Jean-Paul Rappeneau, Pascal Thomas, Pierre Salvadori, Fabrice Lucchini), au montage (Kevin Brownlow, Dede Allen, Pietro Scalia, Yann Dedet...) et aux Européens à Hollywood.

     

    Janvier : Aviator (Martin Scorsese, Cahiers du Cinéma n°597) /vs/ Melinda et Melinda (Woody Allen, Positif n°527)

    Février : Edvard Munch, la danse de la vie (Peter Watkins, C598) /vs/ Vera Drake (Mike Leigh, P528)

    Mars : Clint Eastwood (Million dollar baby) (C599) /vs/ De battre mon cœur s'est arrêté (Jacques Audiard, P529)

    Avril : La blessure (Nicolas Klotz, C600) /vs/ Million dollar baby (Clint Eastwood, P530)

    Mai : Sharon Stone (Broken flowers, Jim Jarmusch, C601) /vs/ The World (Jia Zhangke, P531)

    Juin : The World (Jia Zhangke, C602) /vs/ Travaux (Brigitte Roüan, P532)

    Eté : Acteurs (Asia Argento, C603) /vs/ Marlon Brando (P533-534)

    Septembre : Broken flowers (Jim Jarmusch), Le parfum de la dame en noir (Bruno Podalydès) & Une aventure (Xavier Giannoli) (C604) /vs/ Gabrielle (Patrice Chéreau, P535)

    Octobre : Les amants réguliers (Philippe Garrel, C605) /vs/ Caché (Michael Haneke, P536, )

    Novembre : A history of violence (David Cronenberg, C606) /vs/ Three times (Hou Hsiao-hsien, P537)

    Décembre : Michel Piccoli (C607) /vs/ Trois enterrements (Tommy Lee Jones, P538) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Les années se suivent et ne se ressemblent pas, celle-ci n'étant, à mon sens, pratiquement entâchée d'aucune anomalie, d'un côté comme de l'autre (à l'exception toutefois du film de Chéreau). S'il existe de meilleurs Jia Zhangke, Scorsese, Allen, Leigh ou Jarmusch, je n'en défends pas moins leurs opus 2005. Le Roüan fut pour moi une excellente surprise, tout comme le Tommy Lee Jones, mais plus marquants encore furent les films d'Eastwood, Audiard, Garrel, Haneke et Cronenberg. Enfin, ayant eu l'occasion d'apprécier d'autres titres de leur auteur respectif, je suis très curieux de découvrir Edvard Munch et La blessure. Allez, pour 2005 : Match nul.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma