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  • Rachel se marie (Jonathan Demme, 2008)

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    Toujours partant pour découvrir les quelques Jonathan Demme que je n'ai pas pu voir à leur époque, je ne m'attendais pas à cette imitation tardive du Dogme95, dix ans après Festen, avec caméra portée, cadrages volontairement imparfaits, musique diégétique, phrases et mouvements coupés en plein milieu... La mention d'Altman au générique de fin ne peut être qu'une preuve d'admiration générale, non un remerciement pour l'inspiration venant d'Un mariage tant les divergences sont grandes : ici, le rituel n'est jamais remis en question, le vernis des convenances ne craque que provisoirement pour ouvrir sur de la psychologie lourde, la choralité n'est qu'apparente, les personnages n'ayant clairement pas tous les mêmes chances d'orienter le récit. Dans ce cadre bourgeois démocrate, cultivé et métissé, les préparatifs sont d'un ennui total, le premier repas est un sommet de gêne avec des interventions pathétiques, la remontée du passé traumatisant entraîne dans un psychodrame interminable, la cérémonie et la fête apaisent les tensions à force de petites larmes et de gros câlins. Même l'amour de Demme pour la musique lui joue des tours. On se sent aussi inutile que dans un mariage où l'on ne connaîtrait personne parmi des gens surjouant l'enthousiasme festif. Grande déception.

  • La Maison de Frankenstein (Erle C. Kenton, 1944)

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    Je ne retiens que cinq minutes de fascination vampirique en jeux d'ombres et de lumière (John Carradine et Anne Gwynne) d'un film de série correctement réalisé mais pas très bien interprété (Boris Karloff et Lon Chaney Jr. en haut de l'affiche) et surtout au scénario abracadabrantesque. Un savant, adepte des théories de Frankenstein et ayant pour serviteur un bossu, redonne vie à Dracula (mais celui-ci est vite grillé au soleil). Il rencontre ensuite une bohémienne, le loup-garou et le monstre de son idole. A la fin, tout le monde s'entre-tue. J'avais récupéré ça après avoir lu l'historique "Premier Plan - Frankenstein" de JP Bouyxou qui le présente comme un grand film surréaliste mais c'est un peu too much pour moi.

  • Finding Fela! (Alex Gibney, 2014)

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    En prolongement de mon défrichage récent et bien trop tardif de l'ébouriffante discographie de Fela Kuti, ce doc américain qui ne pâtit pas trop du format conventionnel grâce à la densité du sujet et le doublement de la durée habituelle (2h). Son principal défaut est de se servir comme squelette d'une comédie musicale montée à Broadway en 2009, en hommage au musicien. Sans doute à cause de la rareté des archives. On y revient beaucoup trop souvent pour ne pas sentir le poids du deal promotionnel. Cela permet cependant de poser la question "comment parler de Fela aujourd'hui ?" (et encore, c'était il y a 10 ans), puisqu'il faut aussi évoquer l'herbe fumée sans discontinuer, le "harem" de jeunes femmes dans lequel piocher chaque jour, le courage politique jusqu'à l'inconscience, le spiritisme jusqu'à la folie, le déni du SIDA... Finalement, le tableau est assez complet, y compris sur le contexte nigérian (ah, ces américains qui vous balancent sans prévenir dans leur film un plan d’exécution par balle pour parler de la guerre du Biafra...). Et sur la musique, principale attente, grâce à la durée et la qualité des intervenants (Tony Allen notamment), c'est assez bien creusé. Amusant tout de même que tout le monde insiste sur la longueur des morceaux de Fela, en exagérant d'ailleurs à chaque fois en parlant de 25 ou 45 minutes (alors que tous les extraordinaires morceaux des années 70 tiennent entre 8 et 15), dans ce documentaire qui moque la frilosité des radios américaines réclamant des extraits de 3 minutes mais qui ne se résout à aucun moment à conserver une continuité musicale et visuelle de plus de quelques secondes. Intéressant donc, mais ne relayant qu'imparfaitement la force de ce groove unique et de ces variations irrésistibles.

  • Manon (Henri-Georges Clouzot, 1949)

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    Découverte de ce drôle de film pour lequel Clouzot passe hardiment de genre en genre : guerre, comédie de mœurs, drame romantique, crime, pour finir en western et en quasi-film surréaliste d'amour fou. On ne sait pas sur quel pied danser, d'autant que ce personnage de Manon est pathologiquement changeant et que cela provoque constamment des envolées, des éclats et des cassures à l'intérieur même des séquences. Heureusement, dans le monde noir de Clouzot, ces façons tranchantes de faire (et d'être) provoquent une belle somme de contradictions plutôt que des effets manichéens.

  • Gina (Denys Arcand, 1975)

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    Une stripteaseuse et une ouvrière, une équipe de tournage et une bande en motos-neige, un protecteur mafieux et un couple propriétaire de bar. Arcand met en miroir ces groupes ou ces personnages de manière "politique". Pas inintéressant mais difficile de tirer quelque chose de ces mises en rapports, effectuées dans des scènes trop longues pour ne pas perdre en vigueur (une partie de billard est déroulée en entier, comme le striptease plus tard). Le dernier tiers laisse encore plus sceptique en virant au "rape & revenge". Décevant en regard de Rejeanne Padovani et de La Maudite Galette.

  • Mortelle Randonnée (Claude Miller, 1983)

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    Pas revu depuis trois décennies ce polar français parmi les plus insolites, parvenant à homogénéiser des éléments très disparates, des changements de registre et de décor. C'est d'ailleurs l'un des meilleurs exemples de transposition réussie d'un univers américain à notre environnement, le voyage à travers l'Europe remplaçant sans problème une déambulation états-unienne.
    Deux imaginaires croissent en parallèle, celui de L’œil et celui de Catherine, avec cette remarquable utilisation de la voix off, dont on n'est pas toujours sûr qu'elle le soit vraiment (certains personnages finissent par dire à L’œil : "Vous parlez tout seul ?").
    Bizarrement, j'ai parfois pensé au Gould du Privé devant Serrault, qui grille beaucoup de cigarettes et qui a tendance à quitter ses interlocuteurs en marmonnant, en se parlant à lui-même, comme le Marlowe d'Altman. Serrault qui était, même entre deux conneries, dans une sacrée période (Garde à vue, Les Fantômes du chapelier, et peut-être, à revoir, Malevil), qui parvenait à créer des personnages incroyables tout en lâchant des petites gestes, des petites expressions, des petits rires, n'appartenant qu'à lui. Ici, quand il "entre" enfin dans la photo, il sort du cadre, c'est très simple et émouvant.

  • Comrades (Bill Douglas, 1987)

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    Description d'une communauté de cultivateurs et artisans au service d'un riche propriétaire, de sa constitution en syndicat et de l'arrestation de ses meneurs, au milieu du XIXe. Douglas, comme dans "My Way Home", scinde son récit en deux, étiré cette fois sur trois heures. Bonne idée, le changement total de perspective relance l'intérêt d'une autre manière. A l'étude pointilleuse, à la fois didactique et elliptique, des conditions de vie de ces familles opprimées du Dorset succède la démonstration de la résistance de six condamnés dans les bagnes anglais d'Australie. Après la polyphonie communautaire, les histoires individuelles sont contées l'une après l'autre, séparément, très différentes, pour des mises à l'épreuve de l'idéalisme ancré en chacun. En bon cinéaste de la modernité, Douglas parsème son film de réflexions sur la représentation, objets de pré-cinéma à l'appui, et délivre le discours final encourageant l'unité ouvrière sur une scène de théâtre.

  • Trilogie Bill Douglas

    My Childhood (1972) ***
    Chronique du dénuement tournée sinon dans le dénuement, avec presque rien. Même la durée est rétrécie, 48 min. Des plongées, pourtant pas larges, embrassent tout l'espace commun de ces enfants. Datant de 72, le film paraît presque être de 45 (l'époque décrite). Si quelques marqueurs narratifs sont disposés, il n'y a quasiment pas d'enchaînement cause-effet. A la place, une succession de scènes plutôt détachées les unes des autres (le côté rigide du film), comme des remontées de souvenirs, certaines de ces scènes ne semblant se développer que pour mettre en valeur un geste, un objet, un situation, une phrase, quelque chose du passé, de la mémoire. Dur et marquant.
     
    My Ain Folk (1973) ***
    Gardant les mêmes principes (noir et blanc, format serré, cadres fixes, montage en coupes franches), ce 2ème volet est plus travaillé, moins brut. Du 16, on passe au 35mm. Mais la brutalité des comportements reste de mise, l'élargissement aux adultes donnant à voir une société terrifiante. Alors qu'on pense que la force du premier film ne sera pas tout à fait retrouvée, la surprise est de constater un glissement vers une sorte de conte fantastique et horrifique, avec des cercueils, un revenant, une ogresse, et d'étranges suspensions des gestes qui, dans ce cadre familial inquiétant, m'ont, contre toute attente, fait penser à Eraserhead. On se tient pourtant toujours dans le réalisme, qui plus est, de façon un peu plus évidente cette fois, à visée "politique".
     
    My Way Home (1978) **
    A nouveau le changement dans la continuité pour clore la trilogie, avec un virage radical au cœur de ce troisième volet. On y passe de Bresson à Antonioni, arrachés à la petite ville minière écossaise pour suivre Jamie, soldat engagé en Égypte. L'émancipation, l'élévation, aux côtés d'un seul et unique camarade, se font dans le temps arrêté (l'opus est le plus long des trois), dans l'ennui (le personnage lui-même l'éprouve). La force émanant du projet a tendance, là, à s'amenuiser.

  • Les Cavaliers (John Frankenheimer, 1971)

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    Frankenheimer tente une échappée loin de Hollywood, ambitieuse, curieuse mais décevante. Des images de l'Afghanistan de 1970 étonnent mais elles ne restent qu'un fond documentaire : au premier plan, aucun acteur ne semble afghan, une distribution cosmopolite se partageant les rôles parlants, en anglais avec accent prononcé, et l'Espagne a accueilli de nombreuses scènes. Omar Sharif est surprenant, excellent cavalier seulement doublé aux moments les plus extrêmes (le morceau de bravoure arrive très tôt, sorte de course à la Ben Hur sans les chars et sans musique). Il traverse le film dans un état second, fiévreux, se perdant volontairement dans le danger, ses évanouissements creusant des ellipses dans le récit. Derrière lui, le peuple afghan, société archaïque, s'enivre de sports violents, d'affrontements d'animaux divers (chameaux, oiseaux, béliers). La seule figure féminine est une putain cupide et manipulatrice qui aura le temps, in extremis, avant d'être renvoyée, d'être comblée de plaisir par le héros. Son irruption dans la dernière partie réduit encore l'intérêt d'un film qui devenait déjà moins intéressant à force d'opacité des motivations au-delà d'une rivalité père-fils très symbolique.

  • Le Deuxième Acte (Quentin Dupieux, 2024)

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    Trouvé plaisant et assez drôle (tout ce qui tourne autour de l'IA notamment). En revanche, j'ai lu ici ou là "vertigineux", alors que ça ne l'est pas, en tout cas, pas sur un plan fiction/réalité qui concernerait les quatre vedettes, et le fait qu'ils portent des prénoms différents des leurs me semble suffisamment clair. Les "décrochages", je les ai vus seulement comme une conséquence du processus d'étagement cher à Dupieux. On reste dans sa fiction malgré les évocations directes des problématiques contemporaines (qui ne sont pas dépourvues d'une certaine facilité, même si elles peuvent être percutantes). Le vertige, ou le trouble, je l'ai plutôt éprouvé avec le coup du suicide par exemple, donc grâce au jeu habituel de Dupieux sur les niveaux de fiction, qui n'ont jamais beaucoup à voir avec la réalité.