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  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1958)

    Suite du flashback.


    cahiers81.JPGpositif27.JPG1958 : Les tiraillements rédactionnels ont toujours été lisibles dans les Cahiers, des débuts à aujourd'hui. Beaucoup plus rarement à Positif. Paul-Louis Thirard en met un à jour à la faveur d'une défense de Fellini, par-delà la confusion idéologique et la dimension religieuse de son cinéma. Sur un autre sujet, les points de vue s'accordaient plus facilement, ainsi pour Positif, si 1955 fut l'année Aldrich, 1956 l'année Bergman, 1957 avait été l'année Tashlin. Un solide dossier en prend acte en septembre. Forcément plus réactifs, les Cahiers accompagnent la révélation de Louis Malle en lui consacrant leur couverture pour ses deux premiers films. Il y a comme une odeur de Nouvelle Vague... Toutefois, Truffaut et Godard écrivent encore, entre autres contre Positif pour le premier et sur Bergman pour le second. Pour les Cahiers, 1958 est surtout l'année Welles (longuement entretenu pour le n°87 qui lui est largement consacré) et celle de la mort d'André Bazin (en novembre).


    Janvier : Ascenseur pour l'échafaud (Louis Malle, Cahiers du Cinéma n°79) /vs/---

    Février : Bonjour tristesse (Otto Preminger, C80) /vs/ Louise Brooks (Positif n°27)

    Mars : La ronde de l'aube (Douglas Sirk, C81) /vs/---

    Avril : Mon oncle (Jacques Tati, C82, ) /vs/ Senso (Luchino Visconti, P28)

    Mai : L'eau vive (François Villiers, C83) /vs/---

    Juin : La soif du mal (Orson Welles, C84) /vs/---

    Juillet : Monika (Ingmar Bergman, C85) /vs/---

    Août : Le mécano de la General (Buster Keaton, C86) /vs/---

    Septembre : Orson Welles (C87) /vs/ Un vrai cinglé de cinéma (Frank Tashlin, P29)

    Octobre : Ava Gardner (C88) /vs/---

    Novembre : Les amants (Louis Malle, C89) /vs/---

    Décembre : Ivan le Terrible (2ème partie) (Sergeï M. Eisenstein, C90) /vs/---

     

    cahiers87.JPGpositif28.JPGQuitte à choisir : Trois numéros seulement pour Positif. Même Visconti et l'éternelle Louise Brooks ne peuvent donc rivaliser avec une pertinente série de couvertures des Cahiers, qu'ils se tournent vers l'ancien (Keaton, Eisenstein), vers le moderne (Welles, Malle, Bergman) ou vers l'entre-deux (Sirk). Allez, pour 1958 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • On r'fait l'palmarès

    palmedor.jpgJe vous signale une amusante initiative de Rob Gordon, à l'occasion du Festival de Cannes. Jour après jour, il dévoile sur son blog son palmarès personnel des douze dernières éditions. Pour les amateurs (comme moi) de listes et autres questionnaires...

  • Wendy et Lucy

    (Kelly Reichardt / Etats-Unis / 2008)

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    wendyandlucy.jpgC'est l'histoire d'une fille fauchée, en route pour l'Alaska, seulement accompagnée de sa chienne Lucy, et qui se retrouve coincée dans une petite ville de l'Oregon par la panne de sa voiture et la perte de l'animal.

    Pour Wendy et Lucy (Wendy and Lucy), Kelly Reichardt fait le pari du minimalisme des moyens, de la mise en scène et de l'argument. Si ténu soit-il, le fil narratif ne se délite pas. L'intérêt est constamment maintenu car la cinéaste co-scénariste prend soin, bien que ne filmant que des situations a priori anodines, de faire naître des micro-récits du quotidien (les différentes rencontres que fait Wendy, son bref séjour en cellule...) et de charger certaines séquences d'un potentiel fictionnel sans prolongement effectif (ces passages sont le plus souvent inquiétants, porteurs de menaces d'autant plus oppressantes que l'héroïne est, à ces moments-là, clairement vulnérable). Le spectre de l'ennui est déjà repoussé sur ce flan.

    Kelly Reichardt se détourne de la non-fiction extrémiste (l'absence de récit) aussi bien que du néo-réalisme formaliste (la beauté du vide). Un équilibre est trouvé entre les quelques plans larges situant Wendy dans les rues de la ville et une majorité de plans rapprochés sur les personnages. Ne surtout pas voir dans ce dernier choix de mise en scène un manque d'inventivité ou d'ampleur. Cette proximité vise évidemment à l'empathie mais elle n'est pas forcée par une caméra à l'épaule qui se plaquerait sous le nez des comédiens. Ces cadrages à hauteur de poitrine libèrent surtout une évidence : celle de la présence de chacun. Ces gens sont vraiment là, ils lestent le plan de tout leur poids. De plus, ce rapprochement qui ne vise que l'essentiel permet à Reichardt de ne pas surplomber son sujet, de ne pas livrer son message social clé en main. De ce point de vue, la séquence dans le commissariat de police est remarquable par son refus d'écraser Wendy sous le poids de l'institution qu'il faudrait critiquer. Il n'y a aucun plan d'ensemble. Nous ne voyons que des bribes de décors, quelques détails, quelques gestes de policiers (qui, malgré cette parcellisation, gardent leur identité puisqu'il ne s'agit pas non plus de les déshumaniser). C'est ainsi, sans en avoir l'air, que Wendy et Lucy décrit un monde en déshérence nécessitant une lutte de tous les jours.

    Dessinant de formidables portraits, captant la ville sans artifices et faisant parfaitement ressentir le basculement des repères entre le jour et la nuit (alternance si importante pour Wendy dans son mode de vie marginal) Kelly Reichardt offre également un rôle magnifique, mystérieux et émouvant à Michelle Williams. A deux ou trois reprises, lorsqu'elle rapproche son visage d'une vitre de voiture, elle ressemble à Barbara Loden dans Wanda.

  • L'héritière

    (William Wyler / Etats-Unis / 1949)

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    Heritiere 03.jpgRéalisé en 1949, L'héritière (The heiress) marque la fin d'un cycle pour William Wyler, celui des drames de prestige, parmi lesquels L'insoumise (1938), La vipère (1941) et Les plus belles années de notre vie (1946), aussi solidement charpentés par leur scénario (souvent bâti sur des fondations théâtrales) qu'inventifs par leur mise en scène. La suite de la carrière, encore longue, du cinéaste allait en effet le voir aborder, de manière assez inattendue, quantité de genres différents (du film noir au péplum en passant par la comédie romantique). Pour les critiques français, l'heure était encore à l'admiration et à l'acquiescement au célèbre mot d'ordre lancé par Roger Leenhardt ("A bas Ford ! Vive Wyler !") et relayé par André Bazin dans les premiers Cahiers du Cinéma, mais le vent allait bientôt tourner, renvoyant Wyler aux oubliettes, de façon encore plus excessive qu'il n'avait été adoré pendant vingt ans.

    L'héritière est l'adaptation d'une pièce de théâtre, elle-même tirée d'une nouvelle d'Henry James. Dans le beau monde new yorkais du milieu du XIXe siècle, vont se déchirer trois personnages dont la caractérisation frappe d'emblée le spectateur. En effet, rarement il nous a été donné de voir des êtres aussi manifestement honnêtes, tant envers les autres qu'avec eux-mêmes. On ne parle pas ici d'exemplarité rigide, mais d'une droiture morale et d'une grande lucidité sur son propre caractère. La jeune Catherine Sloper, si mal à l'aise en société, reconnaît son inadaptation et ses appréhensions. Son père ne cache rien de ses déceptions devant le manque de charme de sa fille, sa sincérité allant jusqu'à la blessure. Morris Townsend, le soupirant soupçonné d'arrivisme, sait parfaitement quelles raisons poussent le docteur à lui refuser la main de Catherine et tente de se défendre point par point. Au cinéma, l'usage habituel est plutôt de retarder arbitrairement les confrontations et de ne pas dévoiler trop rapidement ce que savent réellement les personnages, parfois au prix de circonvolutions scénaristiques mettant à mal le réalisme comportemental le plus élémentaire. Dans L'héritière, la sincérité des propos est le moteur du récit et la justification de sa mise en doute en est l'enjeu.

    Lors de cet affrontement triangulaire, chacun nous paraît objectivement honnête. Le doute, ce ver dans le fruit, ne s'immisce pas par l'interstice qu'aurait laissé une action ou un propos malvenus. Il survient, à l'encontre de Morris, car, d'une part, les apparences sont contre lui et d'autre part, l'ordre des choses ne saurait être qu'intangible : un jeune sans le sou sera toujours un coureur de dot. Sur ce doux monde guidé par les convenances pèse les contingences sociales, qui doublées d'une emprise mortifère exercée par des fantômes idéalisés (la femme décédée du docteur, si belle et si brillante dans son souvenir, qu'elle l'empêche d'aimer sa propre fille), entraîneront une série de terribles déchirures.

    Wyler, partant d'un texte remarquable, n'avait, à la limite, qu'à se laisser porter. Il fait évidemment bien plus que cela. Dès le début, sa mise en scène s'organise sur la profondeur de champ, les cadrages ne cessant de ménager des ouvertures dans le plan (portes ou fenêtres entrouvertes). Les miroirs signalent leur présence, détournant les lignes de fuite et surtout, éclairant le derrière des choses. Jamais les personnages ne s'y contemplent, ils ne font que s'y refléter, nous laissant voir le côté d'eux qu'ils ne montrent pas. Seulement, le mystère reste entier. Ces jeux de miroirs et ces plans se perdant dans la profondeur semblent anticiper sur l'implosion du monde décrit. Dans la bâtisse des Sloper, que nous quittons rarement (la sûreté technique du cinéaste le dispensant d'aérer son intrigue, nous ne voyons de Paris qu'une devanture de café, un reflet encore), une série de duels verbaux est oganisée, Wyler y distribuant les protagonistes dans la perspective de façon à souligner les rapports de force. Au coeur de cette approche esthétique, le plan-séquence est roi. La durée qu'il installe met à l'épreuve la sincérité des personnages, que ce soit au cours de leurs disputes, de leurs danses (formidable séquence du bal, passage obligé habituellement si ennuyeux) ou de leurs étreintes. Cette démarche doit reposer sur une interprétation sans faille, or, comme le remarque avec pertinence Christian Viviani dans son introduction au film, Wyler, en grand directeur d'acteur qu'il est, a choisi d'opposer deux types de jeu différents : le maniérisme classique d'Olivia de Havilland et l'opacité, l'intériorité absolue de Montgomery Clift. Choix audacieux et payant, le métier de l'une s'équilibrant avec l'instinct génial de l'autre.

    Une fois encore, sous des dehors classiques, Wyler propose une oeuvre ne renonçant pas à l'expérimentation et parvient entre les conventions théâtrales à faire ressentir l'intensité d'une fêlure.

    (Chronique DVD pour Kinok)

  • La Famille Tenenbaum

    (Wes Anderson / Etats-Unis / 2001)

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    tenenbaums.jpgLa Famille Tenenbaum (The Royal Tenenbaums) ou la comédie américaine la plus surévaluée de la décennie.

    Dès un prologue tant vanté, prenant la forme d'un album de famille déjantée et traînant déjà en longueur, la réussite technique et décorative soutient, sous couvert d'originalité, un bon paquet d'idioties. Nous sommes devant un cinéma de la vignette ironique. Chaque plan est autonome et du découpage ne naît aucune progression narrative. Anderson parvient même, à l'occasion du "morceau de bravoure" du film, à filmer un plan-séquence qui ne lie pas les différents groupes auxquels il s'intéresse mais semble les séparer en leur réservant des dialogues distincts sous forme de mini-sketch.

    Chantre d'un certain humour décalé, le jeune cinéaste use et abuse des champs-contrechamps fixes donnant à voir soudainement, de manière totalement inattendue, des personnages impassibles, accoutrés bizarrement et placés dans un cadre improbable, généralement surchargé de couleurs criardes et de bibelots concentrant toute la nostalgie de l'enfance. Wes Anderson ne semble connaître que cette figure de style. De plus, 1h45 de slowburn, ça finit par lasser et par donner l'impression que le film dure 3 plombes, sans parler de l'uniformisation du jeu des acteurs. Pris dans ce glacis, les trois gags burlesques (la chute de Danny Glover, le coup de couteau donné à Gene Hackman et l'accident de voiture d'Owen Wilson) tombent à plat, ne provoquant aucun effet notable sur le spectateur endormi.

    Chaque personnage n'est qu'un bloc. Seul celui d'Hackman évolue mais de façon totalement prévisible. Jusqu'au dernier quart d'heure, les protagonistes sont caractérisés par une unique tenue : Ben Stiller et ses deux garçons sont en survet' Adidas rouge (Ha Ha Ha !), Owen Wilson est en cowboy (Ho Ho Ho !), Luke Wilson ne quitte pas son bandeau de tennisman (Hi Hi Hi !)... A force de se décaler, le regard nous fait perdre tout contact avec le sujet et les personnages et l'humour devient incompréhensible.

    La bande-originale nous fait voyager à travers les différentes époques de la musique underground et indépendante. Si remarquable qu'elle soit, au lieu de charmer, elle ne fait que souligner les petites manières du cinéaste, par la maladresse de l'emploi qui en est fait (enchaîner autour d'une séquence de tentative de suicide deux chansons des regrettés Elliott Smith et Nick Drake, quelle classe ! et puis c'est tellement plus subtil que de faire appel au répertoire de Kurt Cobain ou de Ian Curtis, n'est-ce pas...?).

    Enfin, inutile de préciser que cette crise familiale ne fera que renforcer les liens et que tout le monde, au terme de cette histoire à l'eau de rose, se sera amélioré.

    Si ça se trouve, il vaut mieux fréquenter les Familles Addams, Foldingue, Pierrafeu, Cucuroux, Duraton... que sais-je encore...

     

    Merci (quand même) à Mariaque.

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1957)

    Suite du flashback.

     

    cahiers69.JPG

    positif22.jpg

    1957 : L'année commence par quelques amabilités. Eric Rohmer, qui est en passe de devenir rédacteur en chef au même titre que Jacques Doniol-Valcroze et André Bazin, se positionne contre John Huston et contre la secte des critiques de Positif. Ces derniers couvrent de louanges Moby Dick et renvoient les Cahiers vers l'extrème-droite. Chacun s'émeut toutefois de la mort d'Humphrey Bogart.
    Positif fête doublement les débuts d'Andrzej Wajda et présente l'oeuvre d'Akira Kurosawa. Louis Seguin craque pour Cyd Charisse et Paul-Louis Thirard pour Dorothy Malone, Roger Tailleur survole les westerns de l'année 56. Le cinéma italien (de Giuseppe de Santis à Lucia Bose), le cinéma chinois, la science-fiction sont abordés.
    En face, Bazin tente de mettre en garde contre les excès de la politique des auteurs menée par ses jeunes collègues de bureau. En décembre, François Truffaut, lui, assassine Clouzot. Auparavant sont publiés des entretiens avec Anthony Mann, Max Ophuls et Vincente Minnelli, et des textes de Robert Bresson, Federico Fellini, Elia Kazan et Sergueï Eisenstein (sur Dovjenko). Doniol-Valcroze revient sur Sacha Guitry et Lotte Eisner sur Erich von Stroheim.
    La rédaction de Positif annonce en début d'année que le "mot "mensuel" sur (leur) couverture dépasse maintenant le cri d'espoir pour friser la vérité". Cela durera à peine six mois... Quant aux choix des couvertures par les Cahiers, ils continuent à montrer un certain louvoiement entre le prolongement logique de leur ligne critique et les exigences commerciales (Guerre et paix en une pour la deuxième fois en quatre mois).

     

    Janvier : Je reviendrai à Kandara (Victor Vicas, Cahiers du Cinéma n°67) /vs/ Cyd Charisse (Positif n°20)

    Février : L'amour à la ville (Collectif, C68) /vs/ Une fille a parlé (Andrzej Wajda, P21)

    Mars : Guerre et paix (King Vidor, C69) /vs/ Les sept samouraïs (Akira Kurosawa, P22)

    Avril : Sait-on jamais ? (Roger Vadim, C70) /vs/ Lucia Bose (P23)

    Mai : "Situation du cinéma français" (Celui qui doit mourir, Jules Dassin, C71) /vs/ Dorothy Malone (P24)

    Juin : La symphonie nuptiale (Erich von Stroheim, C72) /vs/---

    Juillet : Le salaire du diable (Jack Arnolds, C73) /vs/---

    Septembre : Guendalina (Alberto Lattuada, C74) /vs/ Kanal (Andrzej Wajda, P25-26)

    Octobre : Les nuits de Cabiria (Federico Fellini, C75) /vs/---

    Novembre : Drôle de frimousse (Stanley Donen, C76) /vs/---

    Décembre : Le soleil se lève aussi (Henry King, C77) + Jean Renoir (C78) /vs/---

     

    cahiers78.JPGpositif23.jpgQuitte à choisir : Pour une fois, mis à part le spécial Renoir (et le retour sur Stroheim), il n'y a pas grand chose d'enthousiasmant du côté des couvertures des Cahiers (un Fellini de moyenne envergure et un Donen juste sympathique). Les gens de Positif en profitent, exaltés par Les sept samouraïs et Kanal, et troublés par un sacré tiercé d'actrices. Allez, pour 1957 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • La grande lessive (!) & La cité de l'indicible peur

    (Jean-Pierre Mocky / France / 1968 & 1964)

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    grandelessive.jpgLa grande lessive (!) (oui, avec un point d'exclamation derrière) raconte la croisade du professeur de lettres Armand Saint-Just (Bourvil) contre la télévision. Celui-ci en a assez de faire son cours quotidien devant une classe assommée. A l'écran, nous voyons en effet tous les élèves dormir, affalés sur leur bureau. Jean-Pierre Mocky construit ainsi son film sur des gags énormes, rarement drôles, parfois navrants. Franchouillardises, fesses à l'air, poursuites pataudes, gesticulations vaines, dialogues grossiers et pauses poétiques reservées aux enfants, rien ne distingue vraiment La grande lessive du tout venant de la gaudriole cinématographique de cette époque et de la suivante (celle des pochades des années 70), si ce n'est son message gentiment anar.

    Pris séparément, on ne peut pas dire que les plans soient baclés, certains étant même assez soignés, mais leur articulation est bien fastidieuse et le rythme en découlant est trop inconstant. De ce point de vue, seule la séquence vaudevillesque dans le grand appartement de Michel Lonsdale, purement mécanique, trouve sa forme et son tempo. L'érotomanie du personnage de Francis Blanche peut à l'occasion arracher quelques sourires, mais le meilleur numéro du film, le seul à être entièrement convaincant, est celui de Jean Poiret en patron de la télévision nationale.

    citeindiciblepeur.jpgJ'avais découvert il y a quatre ans un Mocky moins connu mais plus satisfaisant : La cité de l'indicible peur (initialement distribué sous le titre La grande frousse, dans un montage renié par le cinéaste). Les premières minutes, consacrées à l'évasion du criminel Mickey, sont laborieuses et inquiètent vraiment, mais l'arrivée de l'inspecteur lancé à ses trousses dans un petit village terrorisé par les attaques d'une "Bête" redonne espoir. Le film s'améliore effectivement au fil du récit, de plus en plus surprenant et irréel, et semble défricher les rivages absurdes où accosteront plus tard les meilleurs films de Blier, Buffet froid en tête.

    Esthétiquement agréable à regarder et construite adroitement (en évitant l'effet sketchs), la comédie bénéficie en outre d'une brillante interprétation. Bourvil est très étonnant dans son rôle d'inspecteur sautillant et chantonnant (bien plus qu'il ne le sera dans La grande lessive, caché derrière un personnage univoque et au final peu attachant). Autour de lui s'agitent de grands barjots, réjouissants (Francis Blanche, Jacques Dufilho, Jean-Louis Barrault), remarquables (Jean Poiret en gendarme, René-Louis Lafforgue, le boucher faisant la Bête), voire géniaux (Raymond Rouleau en Maire de village peroxydé au sourire indélibile et finissant, sans s'en rendre compte, une phrase sur deux par le mot "...quoi!" en guise de ponctuation).

  • Martyrs

    (Pascal Laugier / France / 2008)

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    martyrs.jpgJe vous ai parlé l'autre jour de cet ami qui m'a prêté le dvd du navet d'Alexandre Bustillo et Julien Maury. J'ai omis toutefois de vous préciser qu'il s'agissait d'un paquet à double détente, comprenant l'autre "film de genre à la française" ayant défrayé la chronique en 2008.

    Je ne peux pas dire que Martyrs (puisqu'il s'agit bien de lui) m'ait plu, mais je l'ai trouvé bien moins naze qu'A l'intérieur. L'introduction nous montre la fin du calvaire de Lucie, dix ans, s'évadant de l'endroit où elle fut longtemps séquestrée et torturée. Tentant, tant bien que mal, de se reconstruire en hôpital psychiatrique, elle se lie d'amitié avec Anna. Quinze ans plus tard, les deux jeunes femmes se côtoient toujours. Lucie retrouve la trace de ses anciens tortionnaires, cachés sous l'apparence d'une famille sans histoire, et les abat au fusil de chasse. Anna l'aide à nettoyer le pavillon. Cela prend tu temps, d'autant que Lucie se débat avec ses propres démons sanglants. Anna découvre alors un sous-sol...

    La première heure de Martyrs voit s'accumuler de manière éprouvante des agressions à répétition qui, hormis un carnage familial filmé très brutalement, en appellent aux tics esthétiques habituels destinés à créer l'angoisse (ce qui ne manque pas d'arriver) : stridences sonores, brusques changements de point de vue, caméra flottante épousant un regard de voyeur. La psychologie se réduit à peu de choses, ne découlant que du traumatisme initial (ce que l'on peut, dans une certaine mesure, accepter, en comprenant que le cinéaste souhaite foncer tête baissée et sans porter de jugement moral) et l'interprétation est dans l'ensemble assez mauvaise (ce qui est beaucoup plus rédhibitoire). La bataille engagée entre Lucie et son effrayante alter ego imaginaire met à contribution le coeur et l'estomac (ça taillade à tout va). Malgré leur relative réussite technique, ces scènes-là sont particulièrement fatigantes.

    Le film avance par segments d'intérêt inégal mais cette construction finit par intriguer. Le scénario déroule un programme qui n'est pas vraiment celui auquel nous nous attendons. Des protagonistes disparaissent subitement, sans que ne clignote juste avant, sur leur front, l'avertissement "Prochaine victime". De leur côté, les deux filles restent sans trop de raison valable dans ce pavillon inondé de sang, le monde semblant se réduire à ce lieu clos. L'arbitraire se change alors imperceptiblement en étrangeté, permettant l'acceptation de nouvelles ouvertures narratives fort improbables.

    Le dernier virage amorcé par le récit fait tout le prix (certes discount) de Martyrs. Du slasher pur jus, nous basculons dans la parabole mystique, certes toujours extrèmement violente mais beaucoup plus froide (et plus reposante, oserai-je dire, sinon moralement, du moins physiquement). La caméra se fixe enfin, la lumière est plus vive, les dialogues remplacent les cris incessants, le regard est clinique. Moins protégé par la présence d'un genre définissable, on s'interrogera à satiété sur le terme de "complaisance" après avoir assister à cette série de tortures sur une femme. Notons tout de même de réels parti-pris qui tendent selon moi à rendre supportable et donc intéressante la chose : l'ancrage du récit dans un nouveau décor inclinant vers la science-fiction, la mise à jour d'un complot dont on ne soupçonnait rien, la ritualisation des outrages, la caractérisation de bourreaux-fonctionnaires. Dans cette dernière demi-heure, Laugier met sa caméra à la bonne distance.

    Finalement, il s'agissait donc de torturer pour créer des figures de martyrs pouvant témoigner de l'au-delà. Moralement, la réflexion des auteurs est fort discutable mais le ridicule est évité constamment, notamment dans ce dénouement terriblement casse-gueule et dans lequel le cinéaste, avec un bel aplomb et une audace certaine, tend vers l'abstraction et laisse affleurer quelques réminiscences glorieuses, de Dreyer à Kubrick. Que ces noms remontent, même de manière subliminale, dans ce contexte-là, est plutôt un bon signe.

    Trop de défauts plombent la première heure de Martyrs pour que je m'engage dans une réelle défense de l'oeuvre, mais elle est à prendre au sérieux et mérite mieux qu'un revers de main dédaigneux (ou une réduction à une affaire d'interdiction aux moins de 18 ans).

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1956)

    Suite du flashback.

     

    cahiers60.JPGpositif16.JPG1956 : Kim Novak fait tourner les têtes des rédacteurs des deux bords et Buñuel a l'honneur de la première couverture "partagée", à l'occasion de la sortie de La mort en ce jardin. L'existence de ces ponts entre les revues n'est pourtant qu'un leurre, les relations commençant à s'envenimer sérieusement. Positif lance quelques piques par Dreyer, Rossellini et Hitchcock interposés, provoquant un "passage en revue" virulent de Rohmer dans les Cahiers, qui entraînera lui-même etc, etc... La guerre des tranchées commence.

    Les Cahiers publient plusieurs textes de cinéastes (Ophuls, Renoir, Dreyer, Sternberg), des entretiens avec Howard Hawks, Robert Aldrich et Joshua Logan, un nouveau dossier sur Alfred Hitchcock, un texte sur Luchino Visconti. Fereydoun Hoveyda (l'un des seuls critiques à avoir écrit en même temps dans les deux revues) fait l'éloge du serial américain, quelques uns, dont Jean-Luc Godard, s'interrogent sur le montage et Eric Rohmer présente Ingmar Bergman. Le mystère Picasso est l'objet de plusieurs études.

    A Positif, Roger Tailleur intronise Robert Aldrich, Georges Franju est désigné comme "le plus grand cinéaste français", Richard Brooks a droit à un dossier, les situations de René Clément et d'Henri-Georges Clouzot sont abordées et Ingmar Bergman est défendu... surtout à travers Harriett Andersson. A part ça, les rythmes de parutions ne sont toujours pas synchrones.

    Janvier : Ordet (Carl Theodor Dreyer, Cahiers du Cinéma n°55) /vs/---

    Février : Une jeune fille des Flandres (Helmut Kautner, C56) /vs/---

    Mars : Il Bidone (Federico Fellini, C57) /vs/---

    Avril : La rose tatouée (Daniel Mann, C58) /vs/---

    Mai : Le mystère Picasso (Henri-Georges Clouzot, C59) /vs/ Du plomb pour l'inspecteur (Richard Quine, Positif n°16)

    Juin : Kim Novak (C60) /vs/ Le cirque infernal (Richard Brooks, P17)

    Juillet : Sourires d'une nuit d'été (Ingmar Bergman, C61) /vs/---

    Septembre : Alfred Hitchcock (C62) /vs/---

    Octobre : La mort en ce jardin (Luis Bunuel, C63) /vs/---

    Novembre : Bus stop (Joshua Logan, C64) /vs/ Gervaise (René Clément, P18)

    Décembre : Guerre et paix (King Vidor, C65) + "L'acteur" (James Dean, C66) /vs/ La mort en ce jardin (Luis Bunuel, P19)

     

    cahiers63.JPGpositif19.JPGQuitte à choisir : Ouais, le Dreyer et le Bergman sont pas trop mal... (Aïe !). Tendresse particulière pour le Fellini, rarement mis en avant. Si l'on ajoute Kim, Alfred et Henri-Georges, la messe est dite, cela même sans connaître le Richard Quine, ni ce Bunuel-là d'ailleurs. Gervaise et Le cirque infernal, tout solides qu'ils soient, ne font pas le poids. Allez, pour 1956 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • C'était mieux avant... (Mai 1984)

    Avril est passé. Il est temps de revenir sur ce qui se passait dans les salles de cinéma françaises en Mai 1984 :

    footloose.jpgBien évidemment, le film du mois est... Footloose de Herbert Ross, dans lequel Kevin Bacon luttait pour son droit à danser le rock'n'roll dans la bourgade tenue d'une main de fer par un rigide pasteur, également père de la craquante Lori Singer qui l'attirait tant (Kevin, pas le pasteur). Une fausse rébellion livrée clés en main à un public adolescent peu regardant et n'ayant jamais vu La fureur de vivre (la course de voitures est reprise, mais avec des tracteurs). A douze ans, cela peut faire illusion une fois. Pas deux.

    Trêve de plaisanteries : Il était une fois en Amérique. Leone est enfin de retour après 12 ans de silence et boucle sa deuxième trilogie avec son oeuvre la plus complexe, la plus monstrueuse, la plus écrasante. Le film dure 3h30 et ne cesse de nous balader d'une époque à une autre et à la première vision, on n'est pas sûr d'avoir tout compris (mais ce n'est pas grave, on sait qu'on le reverra plus d'une fois). Leone fait pleurer sur la mort d'un gamin filmée au ralenti, estomaque par ses éclats de violence, fait rougir en multipliant les séquences graveleuses, fait frémir en laissant penser que, sûrement, Max a fini dans le camion poubelle. La musique de Morricone est encore une fois indissociable des images. On achète la cassette de la B.O., on se la repasse jusqu'à plus soif. A ce moment-là, pour nous, Leone est le cinéma. Vingt ans après, l'impact du film n'a guère diminué mais ce que l'on en retient dorénavant, c'est plutôt ce plan final, si énigmatique, ce sourire qui nous dit peut-être que toute cette histoire n'est qu'un fabuleux mensonge.

    Videodrome.jpgMai 1984, c'était le mois James Woods, l'excellent acteur à l'affiche du Leone se retrouvait aussi sur celles de Contre toute attente et de Videodrome. Le premier (avec Rachel Ward et Jeff Bridges), remake du Out of the past de Tourneur par Taylor Hackford, fit son petit effet. Reste à savoir si l'esthétique années 80 ne l'a pas trop altéré. Le second est bien sûr le film cultissime de David Cronenberg. Découvert seulement dans les années 90 pour ma part (donc trop tard ?), je n'y adhérais pas entièrement mais étais prêt à reconnaître l'importance de l'oeuvre et son invention assez stupéfiante. De plus, Cronenberg, qui, de Barbara Steele et Marilyn Chambers à Maria Bello et Naomi Watts, a toujours eu le chic pour filmer les actrices les plus troublantes, nous révélait ici une autre facette du talent de Deborah "Blondie" Harry.

    Mon rapport à Notre histoire est assez similaire. Bertrand Blier, comme d'habitude, frappait fort en entraînant Alain Delon dans son monde dépressif et absurde. L'étonnement était grand à l'époque, d'entendre l'acteur dire ces mots-là et de le voir abandonner pour un temps la lutte avec Belmondo par gros polars interposés. Mais celui-là non plus n'est pas mon préféré de l'auteur.

    lafemmepublique.jpgPassons aux films que je ne connais pas. Mai 1984, c'était aussi, finalement, le mois des films ou des auteurs réellement ou potentiellement cultes. J'ai parlé de Leone, Cronenberg et Blier mais il en reste d'autres. La femme publique d'Andrzej Zulawski (avec Huster et Kaprisky) et La pirate de Jacques Doillon (Birkin, Detmers et Léotard) sortaient en même temps, véhiculant un fort parfum de scandale et promettant une puissante escalade érotique. Qu'en était-il vraiment ? Cette note récente, signée de notre ami le Dr Orlof, refroidi quelque peu, 25 ans après, les ardeurs adolescentes. De son côté, Michael Mann intéressait déjà certains avec son film fantastique La forteresse noire, Percy Aldon recueillait quelques suffrages avec Céleste, en attendant son heure de gloire (Bagdad Café) et le grand Jerzy Skolimowski signait une intrigante fable moderne (Le succès à tous prix).

    Claude Chabrol et Alain Corneau semblaient se planter aux commandes de deux grosses machines : Le sang des autres (adaptation de Simone de Beauvoir avec Jodie Foster, Sam Neill et Lambert Wilson) et Fort Saganne (le plus gros budget de l'époque qui accouche forcément d'une souris, malgré Depardieu, Deneuve, Noiret et Marceau). Il y avait peut-être mieux à faire ailleurs : L'homme aux fleurs (australien de Paul Cox), Un nid au vent (film de guerre soviétique d'Olev Neuland), Amok (du grand spectacle sénégalo-marocain par Souheil Ben Barka), Ote-toi de mon soleil (de et avec Marc Jolivet), Jeans tonic (Michel Patient avec Géraldine Danon), Mr Mom (comédie de Stan Dragoti avec Michael Keaton et Teri Garr). Si ces derniers titres n'incitent pas non plus, a priori, à l'enthousiasme, il faut se dire qu'il devait y avoir pire, comme avec L'invasion des piranhas (film d'aventures bis d'Antonio Margheriti avec Lee Majors et Karen Black) ou Le fou du roi (Yvan Chiffre avec Michel Leeb), pour ne rien dire de la série des sous-Mad Max italiens (Stryker de Cirio H. Santiago, Le gladiateur du futur de Steven Benson, Les nouveaux barbares d'Enzo G. Castellari).

    Du côté des arrivages en provenance de Hong-Kong, Le vieux maître du kung-fu (Chung Sum) et La prise secrète du dragon (Wu Sy Yeuan) n'ont pas grand chose d'attirant mais L'homme à la lance contre Shaolin et Trois fantastiques ceintures noires sont peut-être dignes d'intérêt puisque signés par Chang Cheh.

    cahiers359.jpgDans les kiosques, cela part dans tous les sens. Première (86) met Depardieu en couverture pour la énième fois. Positif (279) revient sur Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier et La Revue du Cinéma (394), en célébrant Zulawski, nous permet d'admirer encore et encore la poitrine de Valérie Kaprisky. Starfix (15) trépigne d'impatience en attendant Le Bounty et sa star Mel Gibson. Cinéma 84 s'interroge sur "La femme selon Hitchcock" (photo de Kim Novak dans Vertigo) et Cinématographe propose pour son n°100 un dossier sur les producteurs. Finalement, la couverture la plus attendue est aussi la plus saisissante : celle des Cahiers du Cinéma (359) fêtant Leone.

    Voilà pour mai 1984. La suite le mois prochain...