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  • Voyage en famille

    (Pablo Trapero / Argentine - Brésil / 2004)

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    voyageenfamille.jpgLe voyage du titre français est celui qu'entame une douzaine de membres d'une famille de Buenos Aires, sous l'impulsion de l'arrière-grand-mère Emilia, afin de rallier en camping-car Misiones, au nord-est du pays, là où doit se dérouler le mariage d'une petite nièce. Le récit n'est constitué que de ce périple de plus de mille kilomètres, au cours duquel la chaleur écrasante et les ennuis mécaniques vont vite révéler les tensions familiales.

    Il s'agit donc d'un portrait de groupe et dans les eaux du film choral, Pablo Trapero navigue assez habilement entre les conventions dramatiques et le sous-texte politique. Le montage parallèle fait se répondre, de manière un peu trop évidente, les comportements des différentes générations en proie au désir. La comédie qui se joue dans le camping-car peut se lire comme une métaphore de l'état et du destin du pays entier, dépassant tant bien que mal les mauvais coups du sort.

    C'est dans la captation brute des paysages et des personnages que Trapero est le plus convaincant, plus que dans les péripéties du scénario, même s'il faut reconnaître qu'il échappe régulièrement au "déjà-vu" par le traitement qu'il leur impose, elliptique, parfois fulgurant. Ces plans souvent très courts, presque des inserts, ne supportent pas toujours une narration suffisamment accrocheuse mais saisissent tout de même de beaux instants de vie, s'appliquant à mettre à égalité les personnages. Si chaotique que soit le trajet, on peut dire qu'il ne se passe finalement pas grand chose dans Voyage en famille (Familia rodante), l'essentiel étant de partager cet espace et de faire connaissance pour terminer sur la belle séquence de fête attendue. On peut difficilement rester indifférent face à l'énergie dégagée par cette tribu, sous le regard légèrement en retrait d'une arrière-grand-mère aux formules fatalistes (l'impression de vitalité laissée par le cinéma sud-américain est une tarte à la crème mais voici une piste possible pour expliquer cela : "Ça finit toujours comme ça", "Qu'est-ce qui se passe encore ?", ces répliques font partie du flux, ne s'en détachent pas, alors que dans un film choral à la Française, nul doute qu'elles seraient soulignées par un gros plan sur celui ou celle qui les énonce).

    Voyage en famille est un projet très personnel mais le résultat est moins singulier que Mundo Grua (1999), remarquable premier long métrage de Trapero, âpre chronique sociale en noir et blanc centrée sur un ouvrier de chantier. Entre temps, il réalisa El Bonaerense (2002), portrait d'une jeune recrue de la police de Buenos Aires. Après Nacido y criado (2006), il connut les honneurs de Cannes avec le film de prison (féminine) Leonera (2008). Je suis assez curieux de découvrir ces titres-là.

  • Copie conforme

    (Jean Dréville / France / 1947)

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    copieconforme.jpgIsmora est un escroc génial qui par son art du travestissement réalise une série de vols spectaculaires. Il se trouve qu'il a un sosie parfait, Mr Dupon, paisible représentant de commerce. Il met la main sur ce dernier et le manipule de façon à ce qu'il accepte de jouer son double dans le beau monde, ce subterfuge fournissant un alibi imparable pendant qu'il commet ses forfaits.

    De façon bien légère, Jean Dréville tient à s'assurer d'une distinction permanente entre les deux sosies par le spectateur (grâce à une différence flagrante dans la démarche, les intonations, la coiffure, le regard), tout en laissant croire que, dans ce récit, les victimes et les proches se laissent abuser sans sourciller. De ce principe découle une série de péripéties à base de substitutions d'identité totalement invraisemblables.

    Louis Jouvet commence par se transformer physiquement au gré des arnaques du personnage d'Ismora, avant de jouer aussi son double, Dupon. L'acteur, qui peut être par ailleurs si impressionnant, nous offre là une performance pénible, appuyant tous ses effets de manière particulièrement insupportable dans son rôle d'homme médiocre.

    La dévitalisation contamine pareillement les dialogues. Absolument toutes les répliques se veulent gorgées d'esprit, se gargarisant de jeux de mots, de formules sur le thème du double, de rimes et d'échos. Ce tourbillon est épuisant. L'oeil, lui, n'est attiré que par quelques cadrages et éclairages expressionnistes mais de ce sujet à la Feuillade ne s'échappe aucun mystère. Nous restons dans le boulevard. Le dénouement, enclenché par la révélation de la supercherie à une Suzie Delair qui ne s'en étonne aucunement, est nul.

  • Double programme 2

    L'étourdissant succès obtenu par ma première proposition de doubles programmes et les encouragements récents d'au moins deux personnes m'ont convaincu d'en produire une sequel. Dans celle-ci, afin d'accrocher d'emblée le lecteur, j'ai décidé de commencer exceptionnellement par un triple programme. Enfin, j'ajoute humblement que je suis particulièrement fier du final de ce deuxième épisode.

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  • Un jour au cirque

    (Edward Buzzell / Etats-Unis / 1939)

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    unjouraucirque.jpgAu rayon "Classiques du nonsense", une moins bonne pioche que celle du Dr Orlof. Très loin des dévastateurs Soupe au canard (1933) et Monnaie de singe (1931), Un jour au cirque (At the circus) est le Marx Brothers le plus faible qu'il m'ait été donné de voir. La formule est la suivante : un tiers de sketchs, un tiers de séquences dansées ou chantées, un tiers de romance ou d'intrigues autour d'un couple d'amoureux. On nous raconte l'aide apportée par les trois allumés à un jeune directeur de cirque afin que celui-ci en devienne définitivement le propriétaire et ne dépende plus de son détestable partenaire, mais l'histoire n'a aucune importance.

    Dans leurs meilleurs films, les Marx créent leur monde à eux, parallèle au nôtre, violent, illogique et, surtout, impose leur rythme. Ici, aucun effort particulier n'est fait, le metteur en scène étant aux abonnés absents. Les séquences sont collées les unes aux autres sans la moindre transition narrative ou esthétique, les numéros musicaux, mis à part le "Lydia, the tattoed lady" assez enlevé de Groucho, sont interminables et le final, grossièrement acrobatique, est d'une facilité désespérante.

    Il faut donc patienter toutes les dix minutes pour que l'écran se recharge de l'énergie véhiculée par les trois frères, bien que la plupart des situations soient reprises d'oeuvres antérieures et que s'en dégage un goût persistant de déjà-vu. La capacité du trio à saccager un espace réduit est intacte, malgré la nullité de leurs comparses en victimes (un petit garçon grimé en nain et un Goliath à bouclettes et moustache). Groucho vole toutes les scènes et Harpo ne fait rire que lorsqu'il côtoie les deux autres et qu'il embrouille un peu plus le jeu corporel.

    Cela dit, même dans un film très mineur comme celui-ci, l'absence d'enjeu dramatique et la gratuité totale du déchaînement opéré par les Marx étonnent toujours, fascinent presque.

     

    Dernière minute : Hasard impressionnant, le docteur pré-cité, parle aussi des Marx sur son blog, aujourd'hui-même.

  • Trust equals love

    La plus belle fin de film ? Je pourrais piocher du côté de chez Ford, Wilder, Kubrick, Tarkovski et bien d'autres, mais plutôt que des classiques... Disons que l'avantage des "petits" films, dans leur déficit d'exégèse, c'est qu'ils donnent l'impression de rester nôtres.

    La plus belle fin de film, c'est une histoire de convergence. A la fin de Trust me (Trust, Hal Hartley, 1991), convergent tous les éléments intrinsèques mais surtout, le film vient à moi comme je vais à lui.

    (en "réponse" à ces deux propositions : ici et )

  • C'était mieux avant... (Septembre 1984)

    Fini l'été. Il est grand temps de reprendre notre voyage mensuel dans le temps. Et hop, direction les salles de cinéma françaises au mois de Septembre 1984 :

    Après s'être débarassés de leurs fonds de tiroir, la période estivale étant encore, à cette époque, jugée trop risquée pour sortir les titres les plus ambitieux, les distributeurs lâchent enfin les chevaux.

    Olinka.jpgJugez-en plutôt : en cette rentrée 84, débarquent sur les écrans L'affamée du plaisir (Sam Corey), Assistantes sexuelles (Philip Drexler Jr.), Commando spécial pour sodomisations (Jacques Courtenay), Les cuisses en l'air (Tony Reed), Demoiselles à prendre par derrière (Jeremy Silver), Initiation pour une pucelle (Oliver Mato), Journal intime d'une nymphomane (Gérard Kikoine), Les orgies du Comte Porno (Joanna Morgan), Partouzes spéciales pour lesbiennes (Jacques Courtenay), Petites mains à tout faire (Léon Gucci), Sensual progression (Joanna Morgan encore) et Rosalie ou la débauche d'une adolescence (Michel Leblanc, avec, humm..., Olinka).

    A part ça, quelques films d'auteurs :

    La sortie de Paris, Texas marque la première apothéose publique (700 000 entrées sur Paris, à peine moins que Les Morfalous), critique (voir plus bas) et corporatiste (Palme d'or à Cannes) de Wim Wenders, en attendant Les ailes du désir. Appâté par la majesté des images de Robby Müller magnifiant la marche d'Harry Dean Stanton sous l'oeil des vautours et par la guitare de Ry Cooder, l'apprenti-cinéphile se trouvait quelque peu désarçonné par la suite, série de longues scènes où le cadre se rétrécissait à la mesure d'une cabine de peep-show et où la musique cédait la place à la confession. Désarçonné mais bouleversé au point de vouloir ensuite remonter le cours du temps pour mieux connaître ce nouvel ami allemand (qui ne l'était déjà plus beaucoup).

    amouramort.jpgQuelques mois seulement après La vie est un roman (l'un des deux seuls films du réalisateur de Marienbad qui me laisse de marbre), un nouveau Resnais s'offrait à nous : L'amour à mort. Souvenir d'un beau film de chambre douloureux, intense et cependant moins ancré dans la mémoire que Mon oncle d'amérique ou Mélo. Autre grand nom au programme, celui de John Huston. Au-dessous du volcan, découvert quelques années après sa sortie, m'avait plutôt secoué avant qu'une récente révision me le fasse reculer d'un petit cran. Toujours au rayon "Auteurs", nous trouvions Le futur est femme, nouvelle fable signée Marco Ferreri, avec Ornella Mutti et Hanna Schygulla et Hotel New Hampshire du vigoureux Tony Richardson, avec Jodie Foster, Beau Bridges, Rob Lowe et la même Nastassja Kinski que chez Wenders. Ils m'ont échappé l'un comme l'autre.

    Bien, mais qu'ai-je donc réellement vu en salles à cette époque-là, du haut de mes presque treize ans ? Tout d'abord des comédies. Police Academy (premier volet, par Hugh Wilson) nous avait beaucoup fait rigoler. Il y a peu de chances pour que cela se reproduise. En revanche, le Top secret ! des ZAZ (Zucker/Abrahams/Zucker), parodie d'espionnage délirante, avec le sémillant Val Kilmer et un Omar Sharif qui finit concassé, doit bien faire marrer aujourd'hui encore (avouez-le, vous n'avez pas pu vous empêcher de jeter un oeil sur Arte l'autre soir, à l'occasion de sa rediffusion... moi, j'avais ciné).

    karatekid.jpgLa grande affaire du mois, c'était le retour de l'homme au fouet et au chapeau. Indiana Jones et le temple maudit (Steven Spielberg) comblait l'ado peu regardant, tout en lui faisant sentir que quelque chose clochait (un peu long ce rituel sanglant, non ?). Peu de temps après, ce petit quelque chose se transformait dans notre esprit en gros ratage et renvoyait cet épisode six pieds sous terre en comparaison des volets 1 et 3. Avec Les Ripoux, Claude Zidi, qui sortait quand même, il faut le rappeler, des Sous-doués en vacances et de Banzaï, surprenait tout son monde en filmant avec une verve inattendue les magouilles de flics de Noiret et Lhermitte. Résultat : un triomphe au box-office. Vus également : Le meilleur de Barry Levinson, ou Robert Redford au pays du baseball, et Le moment de vérité (The Karaté Kid en VO) d'un John G. Avildsen en manque de Rocky, avec Ralph Macchio et Noriyuki "Pat" Morita (comment qu't'as la chair de poule à la fin quand Ralph y'fait le coup d'la cigogne avec sa jambe cassée !).

    Étrangement, l'heure était aux remakes américains de films européens. Avec Besoin d'amour, Jerry Schatzberg refaisait, en compagnie de Gene Hackman, L'incompris de Luigi Comencini (on nous dit que c'est moins bon que l'original). Avec La fille en rouge, Gene Wilder refaisait, en compagnie de lui-même, Un éléphant ça trompe énormément d'Yves Robert (on nous dit que c'est kif-kif). Et avec C'est la faute à Rio, Stanley Donen refaisait, en compagnie de Michael Caine, Un moment d'égarement de Claude Berri (on nous dit que c'est meilleur).

    rockzombies.jpgAutres titres du mois, plus ou moins attirants : Le Tartuffe première réalisation de Gérard Depardieu, Souvenirs souvenirs d'Ariel Zeïtoun avec les yéyés Christophe Malavoy et Pierre-Loup Rajot, Journal intime, film politique hongrois de la réputée Marta Meszaros, Jazz band de Karen Chakhnazarov (du jazz dans la Russie des années 20), La garce, étrange projet de Christine Pascal, avec Isabelle Huppert et Richard Berry, L'intrus d'Irène Jouannet avec Marie Dubois et Richard Anconina, Le voyage (de l'espionnage exotique par Michel Andrieu), Anou Banou, les filles de l'utopie (d'Edna Politi, documentaire sur l'histoire d'Israël vue par les femmes). Notons également que Carole Laure Stress (Jean-Louis Bertuccelli), que Sandrine Bonnaire Tir à vue (Marc Angelo) et que Miou-Miou et Souchon prennent Le vol du Sphinx (Laurent Ferrier). Enfin, n'oublions pas, outre les hong-kongueries habituelles (Ceinture rouge contre dragon blanc de Chen Hung Min, Les cinq foudroyants de Shaolin de Godfrey Ho, Les deux cavaliers de Shaolin de Yang Ching Chen et Les vengeurs du kung fu de Philip Chan), les improbables 2020 Texas gladiators (italien de Kevin Mancuso), L'homme coriace (blaxplotation de Cliff Roquemore), Pris au piège (de l'aventure dans la jungle, par Gus Trikonis), et l'alléchant Rock Zombies (ou plus précisément Hard Rock Zombies, titre original de ce film de Krishna Shah, qui semble basé sur une histoire pleine... de rock et de zombies).

    positif283.JPGDu côté de la presse spécialisée, on tend vers l'unanimité. Compte tenu du fait que Starfix (18) et L'Écran Fantastique (48) peuvent difficilement mettre en couverture la Palme d'or (on y trouve plutôt, respectivement, Sting, dans l'attente de la sortie de Dune, et Harrison Ford en Indiana Jones) et que Première (90) reste fidèle à sa politique des stars, en gratifiant ses lecteurs d'un portrait de Richard Berry en débardeur, seul Cinématographe (103) se distingue vraiment en fêtant Alain Delon. Car en effet, de Positif (283) à Cinéma 84 (309), en passant par La Revue du Cinéma (397), tous choisissent Paris, Texas. Et si vous me dîtes : "Comme par hasard, tu oublies de signaler que les Cahiers du Cinéma (363) prennent le risque de publier un numéro spécial Cinéma de Hong-Kong", je vous répondrai : "Evidemment puisque le Wenders, ils l'avaient déjà choisi pour leur numéro de juin. Faudrait suivre un peu !".

    Voilà pour septembre 1984. La suite le mois prochain...