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2000s - Page 26

  • Star wars : Episode III - La revanche des Sith

    (George Lucas / Etats-Unis / 2005)

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    9afbd3dba1281fb8df6406a11e807c89.jpgFans de Star wars qui vénérez chaque plan de George Lucas, qui applaudissez à chaque projection, qui fêtez avec enthousiasme les 30 ans de la saga, qui attendez même, peut-être, d'autres suites, arrêtez-vous là.

    La première trilogie se clôturait quand j'avais 13 ans; je ne suis donc pas passé à travers la déferlante : les films, les figurines, les autocollants, les combats aériens, les sabres lasers, les vannes de Han Solo le préféré de tout le monde. Au fil du temps, la raison a clarifié les choses : deux bons premiers volets et un mauvais pour finir. Puis vint la deuxième trilogie, soit trois conneries. De l'aveu même de Lucas et de ses producteurs, la mise en route de la suite découlait plus d'une volonté de capter un nouveau public de 8-12 ans que de l'envie d'approfondir réellement le mythe. Pourquoi me sentirai-je concerné ? Je n'ai d'ailleurs vu ces trois nouveaux épisodes que plusieurs mois après leurs sorties, au hasard de programmations télé. Avant d'aborder Star wars III, je n'avais plus aucune idée de ce qui s'était passé dans les deux précédents. Peu importe, car la grande question, tout le monde nous l'a dit à l'époque de la sortie, celle qui justifie notre attente fébrile et angoissée, c'est : Mais, bon sang !, comment Annakin va-t-il devenir Dark Vador ?

    Pendant une heure et demie, tout ce qui fait que cette seconde trilogie m'indiffère totalement est là : importance d'intrigues pseudo-politiques bêtasses (Ah, ces discours sur la République et la démocratie en danger...), absence totale d'humour et surtout l'âge d'or du tout numérique. Ce numérique qui rend même les vrais acteurs transparents (bye-bye, Ewan McGregor, tu te rappelles de Peter Greenaway ?), qui transforme la moindre attaque en cirque assourdissant et le moindre combat au sabre laser en concours de trampoline, qui donne vie à une créature fantastique toutes les trente secondes, oubliée aussi sec alors que les boules de poils ou les robots aux gestes saccadés de 1977 sont encore dans toutes les mémoires.

    Soyons justes cependant, Lucas arrive à s'en sortir quand il tend vers une plus grande noirceur du propos. L'aboutissement du complot menant à l'assassinat de la plupart des Maîtres jedi relance la machine et voilà enfin l'intensité narrative que les épisodes I et II n'étaient jamais parvenu à trouver. Passant par-dessus les deux derniers combats parallèles interminables, il ne reste plus qu'à boucler la boucle dans la dernière demi-heure pour raccorder avec ce qui avait été mis en place dans l'introduction de 77. On ne niera pas l'émotion évidente de ces derniers moments, tous bien amenés par le scénario : la naissance de Vador, celles de Luc et Leia, l'arrivée finale sur la planète Tatooine, là où tout avait commencé. Mais cette émotion doit finalement peu aux qualités intrinsèques du film, elle est dû à autre chose.

    Un plan de Star wars III prend soudain aux tripes : celui de l'Empereur réconfortant le corps mutilé et méconnaissable d'Annakin, au bord d'une mer de feu. Plan fulgurant, beau, très composé, touchant. Toutes qualités dont l'ensemble de cette deuxième trilogie de Star wars est finalement totalement dépourvue.

  • Triple agent

    (Eric Rohmer / France / 2004)

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    8d751f3e3be8bd528cd0d97cea6bf12f.jpgUn film d'espionnage par Eric Rohmer. Il y aura donc très peu de gunfights.

    Comme à son habitude, Rohmer filme essentiellement des conversations. Il n'est affaire que de parole : de son usage, de sa portée, de ses fondements. Et ce principe rohmérien est soutenu ici par un contexte historique si fort et des événements narratifs si importants qu'il en prend une force irrésistible. Le cinéaste évoque en effet pour la première fois un passé relativement récent, lui qui, lorsqu'il délaissait ses chroniques contemporaines, peignait des époques beaucoup plus éloignées dans le temps (La Marquise d'O, Perceval, L'Anglaise et le duc). Son choix s'est porté sur la fin des années 30 et s'ajoute donc aux dangers connus de la reconstitution la difficulté d'évoquer les incessants soubresauts politiques qui traversaient alors toute l'Europe.

    Le scénario s'inspire d'une ténébreuse affaire de double enlèvement au sein du milieu russe blanc exilé à Paris. Entre l'arrivée au pouvoir du Front Populaire et les années de guerre s'égrènent les grands chocs de l'époque : guerre d'Espagne, purges staliniennes, pacte germano-soviétique. Tout cela est vu à travers le regard de Fiodor, ancien général, rattaché à une association des anciens de l'armée russe, et de sa femme Arsinoé, peintre qui reste à l'écart des activités politiques de son mari. Placé à un poste clé, là où diplomatie et espionnage se confondent, notre homme se dit de plus en plus influant et se sent de plus en plus menacé.

    Rohmer use d'un principe de mise en scène strict. Il entrecoupe sa radiographie du couple d'extraits d'actualités. Chaque chapitre de son récit est donc introduit par un montage d'images d'archives qui situe parfaitement la chronologie et les enjeux et permet ainsi de lancer directement les scènes qui suivent dans le vif du sujet. Cette séparation très nette, en plus d'éviter de pénibles explications dialoguées, confine la fiction dans les intérieurs du couple et préserve ainsi jusqu'à la fin le mystère du personnage de Fiodor. Impossible de trancher, de déceler sa part de jeu, de mégalomanie. Cet espion, nous ne le voyons jamais en mission à l'étranger et si peu en contact avec d'autres diplomates. Cela reste hors-champ. Rohmer ne dépasse pas le cercle de la famille et laisse tout passer par le texte. La situation est bénie de ce point de vue : un agent sait ou ne sait pas, parle ou pas, ment ou dit la vérité. L'importance et l'ambivalence de toute parole prononcée et le vertige des interprétations n'est alors pas difficile à faire sentir.

    La diction si particulière que Rohmer impose à ses comédiens et qui rebute tant de spectateurs dans ses films à sujets contemporains est ici recouverte d'une part par le décalage temporel (la façon de prononcer fassiste et non fachiste) et d'autre part par les accents étrangers (russes, ou grec pour Arsinoé). Triple agent, c'est aussi le plaisir de ses films multilingues qui ne trichent pas avec la réalité. Pour incarner son couple central, Eric Rohmer n'a pas choisi Patrick Bruel et Cécile de France mais les excellents Serge Renko et Katerina Didaskalou. Cette dernière prend la suite des héroïnes rohmériennes, brunes, lucides, à la fois terriennes et en quête d'absolu. Renko, lui est absolument prodigieux, laissant son regard intense trahir sa volonté de puissance derrière l'apparence moyenne de son physique.

    Réussissant dans les dialogues politiques à restituer un contexte extrêmement complexe sans le simplifier trop radicalement et à tracer le portrait d'un personnage loin du politiquement correct qu'aurait pu entraîner cette lecture d'un fait historique resté non élucidé, Triple agent, par delà quelques moments un peu guindés ou claustrophobes en regard des contes ensoleillés précédents, signe à nouveau le petit miracle que produit régulièrement le cinéma de Rohmer le doyen : si éloigné de nous, mais si nécessaire et si irréductible.

  • Hellboy & Le labyrinthe de Pan

    (Guillermo del Toro / Etats-Unis & Espagne-Mexique / 2004 & 2006)

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    57f9022173a9164c2fc69174e98db318.jpgHellboy donc. Oui, oui, le monstre tout rouge qui bataillait sur M6 lundi dernier. Non je ne me suis pas mis au comics. Mes connaissances dans ce domaine se limitent toujours aux deux Batman burtoniens et au premier X-Men, attiré que j'étais par le nom de Bryan Singer (ça j'aurais pas dû...). De la même façon, la réussite du Labyrinthe de Pan, sorti l'an dernier, m'a poussé à aller vers un autre film de ce singulier réalisateur mexicain qu'est Guillermo del Toro.

    Ultra classiquement, Hellboy démarre par un prologue explicatif, situé en 44 et mélangeant domination nazie sur l'Europe et appel aux forces du mal. De même, un long affrontement final sera noyé sous les effets pyrotechniques et les allusions ésotériques barbantes (faire appel à des créatures aux noms imprononçables, ouvrir une porte vers un autre monde, des choses comme ça...). Entre les deux, reste un film plutôt intéressant. La chasse aux montres dans une métropole américaine est rondement menée par le cinéaste. Les lois du blockbuster imposent les traits humoristiques dont on se passerait bien ici. Del Toro tente de s'en acquitter avec l'auto-ironie du personnage principal. Ce Hellboy est d'ailleurs doté d'une vraie personnalité, excellement rendue par le regard de Ron Perlman sous le maquillage. Deux autres qualités caractérisent la mise en scène, qui haussent le film juste au dessus de la grosse machine de série et qui seront encore plus prégnantes dans le film suivant : le sens du décor, de l'atmosphère et de la photo et la représentation d'un bestiaire fantastique très original et cohérent.

    697ed5a6568c371100aef82ff46289f2.jpgPlus que vers le monde des super-héros, mon goût me porte vers le fantastique lié à l'imaginaire et au rêve. Et de ce point de vue, Le labyrinthe de Pan (El laberinto del fauno) est, parmi les films récents, celui qui confronte le plus fortement la réalité et le merveilleux. Del Toro place une fois encore ses personnages dans un monde en guerre. Une grande bâtisse perdue dans la fôret est réquisitionnée par un bataillon franquiste. L'inquiétant capitaine Vidal y mène la chasse aux républicains avec un plaisir sadique de tortionnaire (Sergi Lopez, cabotin, très bon). La petite Ofelia (Ivana Baquero, remarquable) débarque dans cet endroit sur les pas de sa mère, veuve qui a choisi de vivre désormais avec Vidal. Passionnée de contes de fées, l'adolescente a tôt fait de rencontrer plusieurs créatures dans les bois environnants et de se laisser convaincre qu'elle retrouvera son père disparu après une série d'épreuves magiques.

    Del Toro a le don d'inventer et d'animer subtilement (en mêlant constamment effets numériques et animatronic) les monstres les plus originaux vus depuis des lustres. On n'oubliera pas de sitôt cet "homme blanc" à la fois ridicule et terrifiant. L'ensemble de l'oeuvre s'unifie dans une lumière bleutée, sans couleur vive. Le basculement dans l'imaginaire se fait dans ce film-là à chaque fois en douceur. Le scénario fait alterner séquences réelles et séquences fantasmées. Chacune de ces dernières est déclenchée par un événement important : ainsi, les deux mondes se répondent l'un à l'autre par un agencement très intelligent, sans pour autant que les rêves ne deviennent de simples illustrations des horreurs du réel. Bien sûr, la peur n'est pas ressentie très intensément. Nous sommes dans un conte, avec toutes ses étapes initiatiques. Ofelia triomphe forcément au cours des épreuves imposées. Le dénouement, assez gonflé, en est d'autant plus fort.

    En espérant qu'il ne se fasse pas broyer par la machine hollywoodienne, suivons ce réalisateur, le plus qualifié semble-t-il pour prendre la relève d'un Terry Gilliam qui apparaît aujourd'hui bien fatigué.

  • Control & 24 hour party people

    (Anton Corbijn / Grande-Bretagne / 2007 & Michael Winterbottom / Grande-Bretagne / 2002)

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    En 1991, à l'occasion de la sortie du film d'Oliver Stone, The Doors, plutôt agréable, j'avais été surpris par des propos très acides d'Agnès Varda qui regrettait notamment que Jim Morrison ait été réduit à l'écran à l'état de "pauvre pantin". Il m'aura fallu une quinzaine d'années pour comprendre l'énervement de la réalisatrice, le temps que le cinéma rattrape mes amours de jeunesse.

    c6f8b01de66ed9877d70de6bcf8f002c.jpgControl est un bon film, peut être excellent même (il a frôlé la Caméra d'or cette année à Cannes), mais il m'est bien difficile de le juger. Il est bien difficile de dépasser le petit jeu des ressemblances physiques. Il est bien difficile d'oublier toute la part de représentation de scènes connues ou déjà imaginées. L'iconographie autour de la figure de Ian Curtis, d'autant plus forte qu'elle est rare, la beauté de cette musique qui nous fait revenir tous les 3 mois à Unknown pleasures et Closer, depuis la fin des années 80 (j'avais 9 ans en 1980, je suis donc forcément arrivé à Joy Division en passant par New Order), tout cela faisait de la tentative de Anton Corbijn un sacré défi.

    Le cinéaste-photographe a choisi de retracer scrupuleusement le parcours de Curtis (à partir du livre de sa veuve) sur ses deux-trois dernières années. Cette volonté de tenir un récit très proche des faits, au contraire de l'évocation vague de Gus Van Sant pour le "Kurt Cobain" de Last days, fait peser la menace continue d'une déception due à la confrontation entre la mémoire et l'imaginaire du spectateur et la représentation cinématographique des événements. Cependant, force est de constater que pratiquement tous les choix de Corbijn sont justes, et en premier lieu celui de l'interprète principal : Sam Riley. Le noir et blanc du film retranscrit parfaitement l'ambiance (on songe parfois à Regard et sourires - Looks and smiles de Ken Loach, d'ailleurs réalisé en 1980) et s'accorde avec les souvenirs que peuvent avoir les admirateurs de Joy Division, groupe dont l'image a si peu été en couleurs. Obsédé par l'idée de paraître juste et honnête, Corbijn écarte toute tentation du biopic. Ici, pas d'événement traumatique ou fondateur qui expliquerait l'art du parolier-chanteur, juste la fascination très jeune pour le David Bowie du début des 70's. Ce n'est pas une fresque exemplaire et édifiante. Si lutte il y a, elle ne concerne pas celle d'un homme pour imposer sa vision artistique mais bien celle qu'il mène avec une réalité trop oppressante, pris entre sa femme, sa maîtresse, sa petite fille, son groupe. Et l'art ne sauve pas à tous les coups. Les fêlures peuvent donner naissance à de grandes chansons sans apaiser en retour. Anton Corbijn insiste bien là-dessus, en laissant de plus en plus de place aux moments de la vie quotidienne, au détriment des scènes musicales. C'est pourtant dans celles-ci qu'il excelle, offrant de remarquables séquences live par la proximité de la caméra et un montage adéquat, sans effets racoleurs ou superfétatoires (malgré la tendance à raccourcir les morceaux). Les scènes de crises conjugales sont moins réussies, moins inventives en tout cas. Peut être aurait-il dû lâcher la bride un peu plus, moins s'appuyer sur ce réalisme et faire confiance à son talent pour la composition d'images (témoins les plans où Curtis marche dans la rue, ou ceux ou il est cadré sur son canapé sans bouger).

    Pour pointer les réels défauts ou qualités du film, il faudrait, je crois, aller voir les avis de ceux qui ne connaissait rien de toute cette histoire. Enfin, pour conclure cette note bien trop vague, j'insisterai sur le plaisir sans cesse renouvelé d'entendre une telle musique à l'écran. Le plaisir aussi d'une ballade dans ce pays où le moindre looser a le rock dans les veines, où les plus sombres crétins deviennent les Happy Mondays, chose qui nous étonnera toujours à nous, concitoyens de Bruel et de Benabar.

    aaf9a9561472d9154bafbf28c217730d.jpgLe hasard m'avait fait découvrir quelques semaines auparavant 24 hour party people de Winterbottom, oeuvre qui reprend une bonne partie des événements liés au destin de Joy Division, puisqu'elle s'attache à suivre l'aventure de Factory Records et de son créateur Tony Wilson. Englobant une période plus vaste et beaucoup plus de personnages, Winterbottom fait lui le choix du pseudo-reportage distancié. Il reprendra ce même dispositif et le même guide (l'attachant Steve Coogan) dans son Tournage dans un jardin anglais(pour une tentative qui sera, elle par contre, complètement ratée). Des vignettes font ainsi se succéder tous les protagonistes de l'époque. Leur brièveté laisse souvent la désagréable impression de voir de jeunes gens singer les attitudes de musiciens connus. Avec étonnement, je me suis rendu compte plus tard que Sam Riley était déjà de la partie mais cette fois en Mark E. Smith de The Fall. L'aspect pénible du docu-fiction est heureusement atténué par le dynamisme et l'humour de la mise en scène.

    24 hour... et surtout Control, films que j'attendais et que je me devais de voir, me laissent ainsi l'impression mélangée d'une réussite maximale dans les contraintes que chacun s'est fixé et d'une tentative d'incarnation directe à jamais impossible. Autrement dit, c'est loin de ce que j'avais rêvé, mais ça ne pourrait pas être mieux fait.

  • Un secret

    (Claude Miller / France / 2007)

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    ce6685fa3042adffb99672a10934ca99.jpgEmbarrassant. En sortant de la projection je me suis dit que je traiterais le film de façon ironique en tirant en particulier sur Bruel. Puis, j'ai eu envie de l'expédier en deux-trois phrases. Mais bon, je vais tout de même me forcer à expliquer un minimum pourquoi j'ai vécu l'heure et demie la plus pénible depuis le début de cette année cinématographique.

    Claude Miller est un cinéaste attiré par les sentiments troubles, par les corps, par les terreurs de l'enfance. C'est aussi l'un des représentants de ce cinéma français du milieu, si malmené ces dernières années, un cinéma populaire de qualité et ambitieux. Mais, vraiment là, c'est pas possible. Premier handicap de taille : l'interprétation du "couple star". En me remémorant le très bon Toutes peines confondues (Michel Deville, 1991), j'espérais au mieux une surprise ou au pire ne pas être dérangé par ce pauvre Patrick Bruel. Peine perdue. Si j'ajoute que je suis assez peu sensible au charme de Cécile de France, la cause est déjà pratiquement entendue. Toute la presse s'est déjà moquée des scènes où les deux apparaissent vieillis, je n'en rajouterai pas. Pour les autres, Julie Depardieu, Nathalie Boutefeu, Ludivine Sagnier, Mathieu Amalric, c'est la routine (Michel Ciment au dernier Masque et la plume : "C'est le meilleur rôle d'Amalric cette année"; je t'aime bien Michel, mais je te jure, des fois, t'en fais trop....).

    Pour ce qui est du sujet, apparemment si cher à Miller, le fait qu'il ne soit pas porté par les acteurs de façon satisfaisante pour moi me le rend peu passionnant. La reconstitution d'époque est totalement empesée et la restitution de l'ambiance passe par des procédés d'une subtilité éléphantesque. Il semblerait que cette famille ne voit au cinéma que des actualités sur Hitler, tombe sur un discours chaque fois qu'elle allume la radio et ne laisse traîner dans sa maison que des journaux aux titres alarmistes. Un plan anodin traduit bien cette impression : un panoramique amorcé par un employé changeant la plaque portant le nom de la rue où habite la famille, baptisée maintenant "Rue du Maréchal Pétain". En plus de situer ainsi grossièrement son sujet dans l'Histoire pour-que-les-plus-jeunes-spectateurs-comprennent-bien et de multiplier les allers-retours temporels sans résultat, Claude Miller rate toutes les scènes clés. Car il a plein d'idées visuelles. Sauf que depuis quelques films (La classe de neige, précisément), il abuse d'effets balourds, notamment pour les moments les plus violents (ralentis, lumières inquiétantes, plans oniriques...). Un seul passage nous sort de la torpeur ambiante : le brusque accès de sauvagerie de François pendant la projection du film (Nuit et brouillard, peut-être) et ses explications à Louise.

    J'avais bien aimé Betty Fisher et autres histoires, mais trois ans après, je m'étais demandé si Claude Miller n'avait pas réalisé avec La petite Lili son plus mauvais film. La réponse était non.

  • Je t'aime moi non plus

    (Maria de Medeiros / France / 2007)

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    f8be9f2eb1e34d8d97c9f019e7001dea.jpgMaria de Medeiros a profité d'un récent festival de Cannes pour s'entretenir avec des cinéastes et des critiques et s'interroger sur les rapports entre les deux professions. Sans faire de recherche particulière pour l'image, si ce n'est au cours d'intermèdes captant l'ambiance et les coulisses du Festival (intermèdes pas inintéressants pour les personnes qui, comme moi, ne connaissent pas Cannes, mais pas très utiles au propos), Maria de Medeiros se borne à conduire ses interviews et, éventuellement, à varier les décors (Ciment dans une cabine de projection, Kaganski dans son lit à l'hôtel...). Le grand nombre d'intervenants a poussé la réalisatrice à monter son film à la manière de tant de documentaires de ce genre : d'où la frustration, voire l'énervement, devant ces allers-retours incessants de l'un à l'autre pour dire, au plus, une phrase ou deux. Comme à la télévision, il n'y a plus le temps d'élaborer une pensée, il faut tout de suite placer la phrase qui percute.

    Sur le fond du problème, pas de révélations. Il faut reconnaître toutefois que les différents aspects sont traités de façon exhaustive et que certains sont rendus de façon assez juste : les blessures de quelques cinéastes, la solitude du critique qui court de festival en festival, le fait que ce soient très majoritairement des hommes qui exercent cette activité. L'un des intérêts du documentaire est la présence de nombreux critiques internationaux, apportant un regard autre sur toutes les polémiques entre artistes et journalistes et enviant la France pour ses grandes batailles autour d'une simple oeuvre d'art. Au cours de ces entretiens multilingues, ce sont les critiques espagnols qui se distinguent le plus par leur humour.

    Remarquable également, l'honnêteté de la plupart des critiques par rapport à leur métier, leurs attaques, leurs erreurs. Du côté des cinéastes, les propos sont plus tranchés, quelques fois méprisants. Précisons : les cinéastes étrangers, puisque aucun français (à part Honoré, mais qui n'en était qu'à son premier film) n'a souhaité participer. Donc pas de Leconte, Miller, Tavernier ou autre. Tant pis pour le débat. Il y a heureusement la pertinence d'Almodovar ou d'Egoyan, le regard froid de Cronenberg (et on se dit que décidément, Wenders est bien fatigué). Les grands lecteurs de critiques se sentiront sûrement les seuls intéressés par cette petite ballade et pourront conforter leur jugement sur chacun. Pour ma part, disons que j'ai trouvé Kaganski sympa mais particulièrement vague, Frodon enfermé dans son système de pensée du cinéma, Ciment austère, précis et parfois au bord de l'auto-satisfaction, et Lefort, comme d'habitude loin de mes goûts, mais résolument tordant.

  • Miss Univers 1929

    (Peter Forgacs / Autriche - Pays Bas / 2006)

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    59df319e3210f9994f90e4e4f7d26517.jpgPeter Forgacs est un documentariste hongrois, dont le travail consiste à retracer des parcours historiques uniquement à partir de photos et films amateurs du siècle dernier. Dans Miss Univers 1929, il évoque la trajectoire de Lisl Goldarbeiter, première femme non américaine à avoir remporté ce concours de beauté. Forgacs s'appuie pour cela presque exclusivement sur le fond iconographique familial et sur les petits films tournés par le cousin Marci.

    Il ne faut pas s'attendre à un reportage, réalisé après coup, sur le sujet des Miss. Si les images des défilés de beautés en maillot n'ont guère changées en 80 ans, l'état d'esprit n'est plus du tout le même. Les lettres de Lisl, lues doucement en off, montrent bien l'inquiétude de quitter sa famille viennoise pour un long et pénible voyage en bateau jusqu'aux Etats-Unis, où a lieu le concours. Sa victoire, sa beauté et sa richesse soudaine lui valent une ronde de prétendants (et une proposition, repoussée, de King Vidor de la lancer à Hollywood). Le retour en Autriche est triomphal et Lisl se décide à épouser Fritz, le "roi de la cravate". Fritz dépense la fortune de sa femme au jeu et impose un ménage à trois avec Nelli, la meilleure amie de Lisl. Arrivent 1938 et l'annexion par Hitler, puis la guerre et les déportations juives (la moitié de la famille est exterminée). Fritz en fuite à l'étranger, Lisl se marie à Marci, son cousin, vit la révolution hongroise à Budapest et s'éteint en 1997.

    Le film, tout en gardant son materiau strictement documentaire, bascule ainsi dans une sorte de fiction, de mélo familial, par l'art du montage, par la façon dont Forgas triture ses images de base. Usant du ralenti et d'une musique remarquable, il n'a pas de mal à mettre en avant ces personnes à la fois si proches et si fantomatiques. De brefs plans de Marci et de Lisl octogénaires, insérés par ci-par là dans le récit chronologique renforcent cette impression. Les événements historiques sont traités de façon admirables : juste quelques plans (un char dans une rue de Budapest, ou un défilé de la Wehrmacht) et une incrustation au bas de l'écran qui situe. Ce n'est pas un cours d'histoire mais un récit privé qui laisse entrer les bouleversements sociaux et historiques, montrant comment ils peuvent influer le cours de la vie de chacun.

    Mais le plus beau du film n'est pas là. Je l'ai dit, la majorité des images ont été tournées par Marci. Celui-ci est amoureux, depuis l'enfance, de sa cousine. Alors, sous prétexte de filmer ses proches, de leur faire jouer des saynètes amusantes, il ne cesse d'enregistrer l'image de Lisl. Lisl sous toutes les coutures, en robes de couturier, en costume traditionnel, en maillot de bain (séquence d'une sensualité incroyable, redoublé par le travail de Forgacs). Marci ne semble voir qu'elle, le spectateur aussi. Le regard clair de Lisl attire le nôtre constamment. Celui de Forgacs aussi, qui utilise plusieurs fois un effet de mise en scène très beau : l'arrêt sur image montrant l'instant précis où le regard d'une personne fixe la caméra. En plus de retracer ainsi, en creux, l'histoire d'un pays, le cinéaste pose magnifiquement cette question : pourquoi filme-t-on (ou photographie-t-on) ses proches, et surtout, celle qu'on aime ? Et rarement nous était apparu la force que peut prendre tout à coup une simple image tirée d'un home movie familial.

  • Confidences trop intimes

    (Patrice Leconte / France / 2004)

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    2ec980e92f1d5557c19e75c37752c214.jpgFilm plein de défauts, Confidences trop intimes se révèle être malgré tout la seule éclaircie dans la filmographie récente de Patrice Leconte, cinéaste qui enchaîne les catastrophes depuis La fille sur le pont si l'on est indulgent, ou depuis Ridicule si l'on est réaliste. Le premier quart d'heure n'a pourtant rien d'engageant. Visages cadrés serrés par une caméra tremblotante, montage avec faux raccords et sautes dans les mouvements : on a très peur que Leconte s'essaye au Dogme danois. Sandrine Bonnaire est dirigée avec des gros sabots pour faire sentir son mal être (tics, discours vif et désordonné, besoin de griller cigarettes sur cigarettes). Le pire est le maintien du quiproquo de départ (elle vient voir un psy et frappe à la mauvaise porte, celle d'un conseiller fiscal, qui ne lève pas le malentendu et l'écoute parler pendant deux "séances"). Les grosses ficelles au niveau des dialogues et des attitudes retardent le dévoilement, notamment lors de la deuxième visite, expédiée bêtement en une minute. Malgré l'ambiance mystérieuse, le décor soigné et la retenue de Lucchini, on se dit qu'on est mal barré.

    Puis ça s'arrange. La supercherie intenable est levée, ce qui n'entraîne pas l'arrêt des séances entre les deux personnages, Anna (Bonnaire) s'accommodant bien de la situation. Juste avant, une scène étonnante avait montré notre conseiller tenter maladroitement d'obtenir les coordonnées de sa "patiente" auprès de la secrétaire du véritable psychiatre, dans l'appartement voisin. Dans la majorité des films, il aurait réussit aussitôt à embobiner la secrétaire. Ici, il échoue. La mécanique se grippe et cela devient intéressant. Il obtient tout de même dans la foulée un entretien avec le psychiatre, auquel il dévoile son histoire et sa petite lâcheté. Ce rendez-vous deviendra régulier, le spécialiste s'enquérant des progrès du conseiller dans la thérapie d'Anna et lui prodiguant quelques conseils de base. Ces scènes sont l'occasion de brefs dialogues explicatifs sur la psychanalyse, parfaitement appropriés à la situation. De la même façon, des conversations entre le conseiller et son ex-femme (touchante Anne Brochet) éclairent la personnalité du premier, tout en verbalisant des réflexions que se faisait le spectateur dans des scènes précédentes ("- Pourquoi tu ne lui as rien dit ?" ou "- Tu la vires ou tu la tires !"). Ce procédé marche assez bien.

    Leconte joue aussi avec les figures du genre, développées dans les années 40 à Hollywood avec les oeuvres psychanalysantes de Hitchcok, Lang ou Minnelli (qui ne sont, en général, pas les meilleures de leurs auteurs). Comme le décor et la musique, elles participent au charme désuet du film, mais sont parfois assez balourdes : le feu dans la poubelle, la bourrasque du courant d'air, le briquet, le taille-crayon. Plus maladroite encore est la mise en avant de lapsus révélateurs ("J'ai perdu mon père" à la place de "J'ai perdu le briquet de mon père") et de jeux sur les mots ("- Il y a une porte fermée tout au fond. - C'est la chambre de mes parents. - Je parlais de vous, pas de l'appartement."). L'ambiance fait penser de temps en temps à Monsieur Hire, le récit parvient à maintenir notre attention, le principe du personnage banal qui se voit offrir la réalisation d'un fantasme et qui est dépassé par les événements est bien tenu. On passera vite, toutefois, sur un épilogue absurde : les retrouvailles par la magie du cinéma, ça a quand même des limites.

  • Le mariage de Tuya

    (Wang Quan'an / Chine / 2007)

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    a8e7f95010a5c04bca2d9775b99ec3d1.jpgL'Ours d'or berlinois de cette année est une chronique paysanne et sentimentale filmée dans les steppes mongoles. Wang Quan'an rend compte des efforts que doit fournir Tuya dans ce paysage rude pour subvenir aux besoins de sa famille à la place de son mari handicapé après un accident. N'en pouvant plus, la jeune femme décide de chercher un nouvel homme pour son foyer, mais en lui faisant accepter de s'occuper aussi de l'ancien époux.

    Des cadrages amples saisissent la beauté et l'aridité de la steppe et s'amusent à confronter ancien et nouveau monde, mettant côte à côte l'impressionnant chameau que chevauche Tuya et la moto ou la camionnette de son voisin Shenge. Le document renseigne sur un mode de vie de paysans mongols. La recherche d'un nouveau mari enclenche une mécanique de comédie, basée sur l'économie des effets et la répétition, celle des accidents de Shenge saoul et celle des prétendants qui défilent chez Tuya. Le rôle de plus en plus important pris par ce voisin, amoureux depuis longtemps, la compréhension et le grand respect pour sa femme passant dans le regard de Bater, mari diminué, et le bal de prétendants aussi riches que ridicules laissent parfois l'impression que s'étalent trop de bons sentiments et que tout va toujours bien s'arranger. Quelques fêlures se font jour tout de même (la peur des explosions qui creusent le puits) et le rapprochement inévitable entre Tuya et Shenge offre deux jolis moments (un, filmé très simplement en un plan, au fond du trou, l'autre en un corps à corps se terminant en étreinte, effet déjà utilisé dans d'autres films mais assez beau). Surtout, l'ensemble est éclairé d'un nouveau jour par la scène finale qui, par un procédé astucieux était aussi la première, et qui déplace définitivement le sentiment général de la joliesse vers le pessimisme (et qui explique que ce qui passait, dans le comportement de Tuya, pour du caprice, était plutôt une prudence justifiée).

    Yu Nan, interprète de Tuya, traverse le film aussi vaillamment que Gong Li en son temps dans Qiu Ju, une femme chinoise.

  • Election 1 & Election 2

    (Johnnie To / Hong-Kong / 2005 & 2006)

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    Johnnie To-la classe. Il est très probable que les distributeurs ne nous offrent que les meilleurs des trois ou quatre films que Mr To réalise chaque année et choisissent essentiellement ses polars. Pour ma part, si je considère ceux que j'ai vu depuis 2000, le parcours est sans faute (The mission, Fulltime killer, Breaking news) et la révélation majeure. Plaisir de filmer, interprétations attachantes et invention permanente autour de figures connues : dans ce genre, je le place bien plus haut que le Tsui Hark de Time and tide (et John Woo, mais hormis Volte/Face, je ne connais que The killer, qui m'a horripilé).

    68457aaee67e21460dede25793fc593b.jpgAvec les deux Election (vus en salles au printemps), To creuse son sillon et tente son Parrain à lui à travers l'histoire d'une lutte pour le pouvoir au sein d'un clan de la pègre hong-kongaise. Dans le premier volet, tout est enrobé d'obscurité, et ce dès les premières scènes de tractations entre les "oncles" en vue de l'élection du nouveau parrain, où les visages sont volontairement sous-éclairés. Un des règlements de comptes se fera l'après-midi dans un restaurant, mais le store sera tiré pour prendre au piège et pour faire le noir. L'exception arrive au dénouement, au cours de la partie de pêche. Ce brutal éclairage se fait alors aussi sur la personnalité de Lok, jusque là le personnage qui attirait la sympathie du spectateur face au chien fou Big D, mais dont on sentait bien qu'il était, lui aussi, capable des pires horreurs. Johnnie To connaît sa grammaire et montre donc, bien sûr, l'ambiguïté inhérente à ces récits de gangsters. Roi des scènes d'action, il innove constamment, sans en faire trop, d'où l'impression grisante de voir celles-ci filmées exactement comme il le faut. Dense et sec, Election 1 ne dévie pas de son propos : la lutte pour acquérir un pouvoir absolu et le néant qui en découle.

    acfe2a8239d0a0e0992487904ea841ec.jpgSi Election 2 me déçoit quelque peu, c'est que le style ne varie guère et que les personnages ne sont pas spécialement approfondis (alors que de ce côté-là, la deuxième partie du Parrain, c'est quand même quelque chose...). Passant sur les deux ans du mandat de Lok, qui nous auraient bien intéressés, Johnnie To concentre son récit sur la nouvelle élection et reproduit son schéma des règlements de comptes entre candidats. Les ramifications du scénario sont moins complexes (moins de protagonistes entrent en jeu) et les affrontements sont plus systématiques (mais on n'oublie pas la scène dans le chenil). Une dimension politique est ajoutée en traitant des rapports avec la Chine, qui semble in fine tirer toutes les ficelles. Le diptyque (provisoire ?) se clôt toujours plus sombre (nous sommes passé d'une partition plutôt pop à une musique lancinante) et plus violent.