(Jean-Pierre Jeunet / France / 2009)
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Mon espoir de trouver en Micmacs à tire-larigot une comédie française qui soit à la fois "grand public" et inventive a vécu une vingtaine de minutes. La façon dont Jeunet nous fait entrer dans son nouveau conte, se passant quasiment de dialogues et laissant son fil narratif prendre tout son temps pour se nouer, m'a plutôt séduit.
Malheureusement, passée cette longue mise en bouche, l'argument (se venger astucieusement de deux industriels de l'armement) est fixé une fois pour toute et devient l'unique ressort du film. S'ensuit un désintérêt progressif devant les différentes phases de la sympathique machination, phases bien séparées par le récit et dont la nécessité nous échappe tant elles peinent à s'organiser en engrenage narratif imparable. De plus, alors que le premier quart d'heure est assez amusant (les deux "playbacks" de Dany Boon, par exemple), le sourire s'efface au fil du temps et de la laborieuse progression de l'histoire.
L'esthétique de Jeunet n'est pas vraiment en cause (à moins de jeter le bébé Micmacs avec l'eau qui coule depuis Delicatessen), la présence de Dany Boon non plus, ni transcendante, ni insupportable, plutôt bien intégrée à l'univers. Non, ce qui ne va pas ce sont ces dialogues "à l'ancienne", écrits de manière mécanique (qu'un personnage, celui d'Omar Sy, s'accapare une langue construite uniquement sur des formules toutes faites, l'effet peut être plaisant, mais que tous jonglent avec les bons mots et la lassitude arrive aussitôt). Ce qui ne va pas c'est cette vision de l'amour particulièrement niaise, ne véhiculant qu'une soit-disante "poésie", sans aucun désir physique, le sexe étant réservé dans toute sa vulgarité aux employées-chaudasses-de-passage et aux professionnels de peep-show (ou comment protéger les enfants tout en mettant les rieurs dans sa poche). Ce qui ne va pas c'est la gentillesse dégoulinante de cette histoire de vengeance débouchant sur un final d'un ridicule à peine atténué par l'hommage à la machinerie du cinématographe. Ce qui ne va pas c'est le refrain publicitaire du "tous ensemble" (le repas où chacun se met à parler dans une langue étrangère n'a d'autre but que d'attendrir à peu de frais).
Jeunet se voit en Carné mais fait penser à Dréville (certains trucs de la supercherie renvoient à Copie conforme) ou à Zidi (j'avais certains mauvais De Funès en tête), la patine esthétique en plus. Considérée depuis les toits de Delicatessen, la chute du cinéaste, d'une régularité métronomique (on descend d'une marche à chaque fois), devient rude.
Joies matrimoniales (dorénavant diffusé sous son titre original, Mr. and Mrs. Smith, sans doute moins vieillot) est l'un des rares Hitchcock parlant qu'il me restait à découvrir. Je n'étais pas spécialement pressé car sa réputation n'a jamais été très flatteuse, le cinéaste lui-même ne faisant rien pour la réhausser. Et en effet, nous avons là le plus faible des films américains du cinéaste.
Seul long-métrage cinéma d'Almodovar qui manquait jusqu'à présent à mon tableau de chasse, Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? (Qué he hecho yo para merecer hesto !!) trouve parfaitement sa place en tant qu'oeuvre de transition entre la première période du cinéaste (ses trois premiers films "officiels", provocateurs, foutraques, débraillés et très underground) et la deuxième (celle qui le voit accéder au statut d'auteur européen d'envergure, à partir de la deuxième moitié de la décennie 80).
Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages est la première réalisation de Michel Audiard. Cela démarre sur un monologue de Marlène Jobert, préfigurant les apostrophes au spectateur qu'affectionnera un peu plus tard Bertrand Blier, en plus long et en moins saillant. En fait, pratiquement le quart du métrage est encombré par ce procédé (Jobert laissant parfois la parole à André Pousse, Mario David ou Bernard Blier) faisant ainsi patiner un récit qui n'est déjà pas particulièrement stimulant car ressassant toujours les mêmes histoires de règlements de comptes rigolards entre truands. Pour faire cinéaste, Audiard brise le rythme, façonne des gags cartoonesques (minables), insère des textes décalés en guise de débuts de chapitres. Les dialogues n'offrent aucune progression narrative, Audiard étant trop occupé à coller ses formules les unes aux autres. Même sortant de la bouche de Bernard Blier, ce déluge provoque vite la saturation. Marlène Jobert est supportable à condition de se boucher les oreilles en reluquant son joli corps régulièrement dénudé (et c'est encore la meilleure façon d'illustrer cette note). Au milieu de cette sinistre comédie, nous avons droit à une pitoyable parodie de comédie musicale à la Jacques Demy. On se moque aussi des hippies, du pop-art, de tout ce qui représente la jeunesse et on idolâtre ces vieilles flingueuses et ces vieux gangsters qui savent vivre, eux. Un film de gérontophile. Un film très con, pour parler comme son auteur.
Par rapport à la connerie, la crétinerie peut apparaître parfois plus sympathique. Le grand bazar est réputé pour être le "meilleur" film des Charlots. C'est peut-être vrai : c'est nul mais pas foncièrement déplaisant. Pendant une demie-heure, on relève quelques gags réussis, disons un sur quatre ou cinq, les autres étant affligeants. Le film bénéficie de l'abattage de Michel Galabru et de Michel Serrault. La sûreté de leur jeu, même dans un registre extrèmement limité comme celui qui leur est imposé, contraste avec l'amateurisme désespérant de celui des Charlots. Contrairement au titre précédemment évoqué, Le grand bazar capte (mal, mais il capte quand même) un certain air du temps avec son scénario anti-consumériste (la bataille que mène un petit commerçant contre un gérant de supermarché) et sa vision d'une banlieue peu attrayante. Comme Audiard avec Demy, Zidi fait lui aussi un renvoi cinéphilique en filmant Galabru partant à l'assaut de son concurrent au son du thème à l'harmonica créé par Morricone pour Il était une fois dans l'Ouest. L'écart, par son gigantisme, provoque un sourire bienveillant, loin du sentiment de mépris que véhicule la parodie d'Audiard. Cela dit, à la mi-parcours (à peu près à la coupure de pub !), ma relative indulgence s'est évaporée devant l'essoufflement du récit, la débilité continue des gags, l'étirement insupportable de certaines séquences comme celles du pillage du magasin et de la virée en boîte et la nullité du dénouement, totalement inoffensif, montrant les Charlots heureux de leur renoncement.
Le voyage du titre français est celui qu'entame une douzaine de membres d'une famille de Buenos Aires, sous l'impulsion de l'arrière-grand-mère Emilia, afin de rallier en camping-car Misiones, au nord-est du pays, là où doit se dérouler le mariage d'une petite nièce. Le récit n'est constitué que de ce périple de plus de mille kilomètres, au cours duquel la chaleur écrasante et les ennuis mécaniques vont vite révéler les tensions familiales.
Ismora est un escroc génial qui par son art du travestissement réalise une série de vols spectaculaires. Il se trouve qu'il a un sosie parfait, Mr Dupon, paisible représentant de commerce. Il met la main sur ce dernier et le manipule de façon à ce qu'il accepte de jouer son double dans le beau monde, ce subterfuge fournissant un alibi imparable pendant qu'il commet ses forfaits.
Au rayon "Classiques du nonsense", une moins bonne pioche que celle du
On ne peut pas dire que Les derniers jours du monde, le nouveau film des frères Larrieu, soit tendu comme un string, tant au niveau du scénario qu'à celui de la mise en scène. Ça flotte, ça tangue, ça digresse, ça monte, ça descend, c'est de l'à-peu-près et du n'importe quoi, c'est foutrement inégal et, en bout de course, fichtrement intéressant.
Whatever works commence avec l'interpellation du spectateur par le personnage principal, Boris Yellnikoff. Cette apostrophe est déstabilisante tout d'abord par l'indécision du degré de distanciation qui la caractérise : débarquant au milieu d'une conversation entre amis, nous croyons bien déceler deux ou trois coups d'oeil de l'un des protagonistes vers la caméra avant que celui-ci s'adresse à nous directement, à la surprise de ses compagnons, qui continuent tout de même, tous comme les passants, à vivre leur vie de fiction.
C'est au dernier moment que je me suis aperçu que le film d'Emmanuel Mouret diffusé par Arte hier soir n'était pas