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etats-unis - Page 21

  • Jeremiah Johnson

    (Sydney Pollack / Etats-Unis / 1972)

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    378162d92ef78e99a1c02f87d28bfdc8.jpgJe le dis d'emblée, Sydney Pollack est pour moi un cinéaste estimable, réalisateur de bons films, mais jamais transcendants. Ce Jeremiah Johnson, après lequel je courrais depuis longtemps, à priori meilleur film de son auteur, ne me fait, malheureusement, pas revoir mon jugement, aussi agréable ce (faux) western soit-il à regarder. Jeremiah Johnson, venant de nulle part, décide de mener la vie rude, dangereuse et solitaire, de trappeur. Son périple montagnard sera l'occasion de rencontres insolites avec d'autres chasseurs et plusieurs tribus indiennes. Un foyer se constitue après son mariage forcé avec une squaw et l'adoption d'un garçon dont la famille de colons, à l'exception de sa mère rendue folle, a été massacrée. L'aspiration idyllique à l'harmonie ainsi réalisée est cependant bientôt brisée. Johnson, entraîné dans un cycle de violences, refait son chemin à l'inverse, croisant une seconde fois les mêmes personnes et disparaissant, auréolé d'une dimension quasi-mythique.

    L'oeuvre se place à la croisée de deux voies prises par le grand cinéma américain des années 70 : un cinéma de l'errance et du désenchantement (illustré par Altman, Monte Hellman ou Bob Rafelson) d'une part, et un cinéma de l'interrogation des mythes fondateurs et de leur rapport à la violence (celui du Boorman de Délivrance, d'Eastwood ou de Sam Peckinpah) d'autre part. Les caractéristiques saillantes des grands films de l'époque (qui fait encore rêver par rapport aux ambitions et à la liberté de ces cinéastes) sont là : déplacement ou retournement des codes, narration qui s'éloigne de la construction classique, qui module le temps à sa guise, dimension politique et approche nouvelle des rapports aux minorités. Qu'est-ce qui empêche alors Jeremiah Johnson de tutoyer les mêmes sommets ? Le style assurément.

    Pollack use et abuse des gros plans sur le visage de Robert Redford. L'idée est alléchante d'encombrer Johnson d'une indienne parlant dans une langue incompréhensible et d'un garçon mutique, mais elle pâtit des multiples échanges de regards lourdement soulignés. De même, le pressentiment tragique apparaissant en traversant le cimetière indien ou la transformation de Johnson en figure mythique passent par des idées visuelles malvenues. Pollack ne s'en tient pas à une ligne, à un ton, il tire parfois vers le picaresque, parfois vers la joliesse (les séquences centrales n'échappent à l'ennui que par les traits d'humour, essentiellement basé sur le barrage des langages), parfois vers la violence brutale (les affrontements sont à la fois traîtés sans musique et à la fois bourrés d'effets spectaculaires). La dernière partie, langoureuse, nous enveloppe sans nous élever.

    Si l'indécision de la mise en scène de Pollack me gène, le propos reste évidemment assez passionnant dans le regard porté sur les indiens, ni caricaturés, ni angélisés et surtout dans le constat de cet impossible retour à la nature, symbolisé par le plan final, ce signe amical adressé à l'Autre, au loin, geste qui voudrait se transformer en main tendue mais qui reste figé.

  • Le rêve de Cassandre

    (Woody Allen / Grande-Bretagne - Etats-Unis / 2007)

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    906d7dfd78492e8f3ea7823c720d737b.jpgC'est (presque) la passe de trois pour Allen (ou le hat trick, puisque nous sommes à Londres).

    Sa trilogie anglaise se termine donc sur une nouvelle réussite qui, si elle n'est pas aussi éclatante que les deux précédentes, confirme que le new-yorkais a bien eu raison de venir voir du côté du vieux continent (le prochain serait situé à Barcelone, si je ne me trompe). Comme dans Match point, nulle trace de comique, sinon un rire jaune, dans Le rêve de Cassandre (Casandra's dream), histoire de deux frères à la recherche d'argent pour combler des dettes de jeu ou partir en Californie aux bras d'une superbe actrice. Woody Allen ne s'intéresse pas ici à la haute société anglaise mais à la classe moyenne. En posant le décor et les personnages pendant de longues minutes, avant l'élément déclencheur du drame, il nous épate là où l'on ne l'attendait absolument pas : le portrait réaliste de deux frangins et de leur famille, l'obsession de l'argent, l'importance du travail.

    Nous ne sommes bien sûr pas chez Ken Loach, mais il n'empêche que dès la première scène autour du bateau convoité (bientôt baptisé Casandra's dream, du nom du lévrier gagnant ayant permit à Terry de ramasser un peu de monnaie), la crédibilité est là. D'emblée l'évidence de la complémentarité et de la différence des deux frères éclate. Autant qu'à Allen, le mérite en revient évidemment à Ewan McGregor et de façon plus étonnante à Colin Farrell. Celui qui m'avait gâché une bonne partie du plaisir pris au Nouveau monde de Malick joue ici les loosers de manière très subtile et attachante, juste par ses regards en biais, sa coiffure et son blouson en cuir. Toute la première partie brille d'une mise en scène simple et souple, laissant quand il le faut s'étaler des dialogues d'une précision incroyable. A ce titre, l'entrevue entre les deux frères et leur oncle qui leur demande un service effrayant est un sommet. Comment faire passer un telle scène, à la vraisemblance limite ? Allen la traite toute en longueur, ciselant son écriture, détaillant les réactions de chacun, faisant le tour du problème posé sans oublier aucun aspect, intégrant des contrepoints comme l'arrivée de la pluie et le refuge sous le feuillage. Par la suite, les valses-hésitations pathétiques et dramatiques de Terry et Ian, entrecroisées avec leur vie amoureuse respective, sont l'occasion pour Allen de développer sa noire vision des choses. Le point de non-retour est atteint au final d'une partie de cache-cache dans un quartier charmant et deux petits coups de revolvers artisanaux suffisent à faire basculer l'âme humaine.

    Il faut cependant reconnaître que le rythme faiblit ensuite, lors de la dernière partie. Allen se répète quelque peu, par rapport à son oeuvre et à l'intérieur même du film, en appuyant sur la question du remord. L'évolution psychologique des personnages se fait prévisible, alors qu'elle faisait tout le sel de la mise en route de la machine infernale, et le dénouement n'a pas la force qu'il devrait avoir.

  • Scoop

    (Woody Allen / Grande-Bretagne - Etats-Unis / 2006)

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    0c95203c86ea9fb5af111a2c5214b7e0.jpgSuite des pérégrinations londonniennes de Woody Allen, après Match point et avant Le rêve de Cassandre. Match point, par la noirceur de son propos, sa violence et l'absence de tout bon mot dans le dialogue, ressemblait bien peu aux films précédents de l'auteur. L'oeuvre, remarquable, laissait le spectateur inquiet : si même Woody Allen se met à faire des films noirs, où va-t-on ? Si Scoop nous plonge à nouveau dans une histoire de meurtres, il signe un retour d'Allen à la franche comédie, dans la lignée des enquêtes criminelles légères de Meurtre mystérieux à Manhattan et du Sortilège du scorpion de jade, soit l'une des branches les plus savoureuses de sa filmographie.

    L'apprentie-journaliste Sondra Pransky (Scarlett Johansson) se voit révéler par le fantôme de Joe Strombel, fameux reporter décédé la veille, un scoop énorme : le tueur en série insaisissable, sévissant sur la ville depuis plusieurs mois, ne serait autre que le noble et richissime playboy Peter Lyman (Hugh Jackman). Aidé par Sid Waterman (Woody Allen), magicien rencontré fortuitement, elle se lance dans une enquête, jusqu'à se jeter dans les bras de son suspect.

    Dès l'introduction, fellinienne, qui nous montre ce bateau, mené par la Mort en personne, dont Strombel saute pour remonter le courant et ainsi faire passer son message à un vivant, on sent que c'est gagné et que Woody Allen saura dérouler tout son art comique. Et en effet, quel bonheur de suivre une comédie réellement drôle, à la mise en scène soignée (on sent le plaisir de filmer les rues de Londres), au scénario ménageant quelques rebondissements nullement tirés par les cheveux. Plus d'une fois, Allen trouve encore le moyen de nous faire rire sur le judaïsme ou sur la magie. Le voir filer dans la campagne anglaise cramponné au volant d'une Smart est un grand moment, prélude à un gag dramatique surprenant (puisque effectivement, "à part la barrière de la langue, le seul inconvénient de la vie anglaise est la conduite à gauche"). Ayant passé l'âge de jouer les amants, il se taille un rôle de compagnon de route amical, gaffeur et protecteur. Paternel, dirait-on si il ne balayait pas génialement tout épanchement facile en trois secondes :  "Vous êtes la fille que je n'ai jamais eu... Non, je plaisante. Je n'ai jamais voulu d'enfants. Vous les élevez, vous vous occupez d'eux, ils partent, puis ils reviennent vous accuser d'être atteint d'Alzheimer".

    Dans les deux fantaisies policières citées plus haut, Woody Allen avait trouvé deux partenaires adéquates pour le suivre dans ses délires et former deux duos percutants : la fidèle Diane Keaton, puis Helen Hunt. Il convoque ici, pour la seconde fois Scarlett Johansson. Après lui avoir offert son rôle le plus sensuel dans Match point, il l'entraîne dans un nouveau registre, où elle évolue comme un poisson dans l'eau. Se fondant parfaitement dans ce monde allenien, elle colle au rythme, aux gestes, au débit, de façon confondante, en accord parfait avec le caractère décomplexé de son personnage. Son avant-dernière et très brève apparition, complètement trempée, transforme une simple pirouette narrative en merveilleuse cerise sur le gâteau. Ce grand directeur d'acteurs qu'est Woody Allen aura donc permit, entre autres choses, dans ses deux premiers films anglais, à une actrice déjà très attachante et prometteuse de nous offrir deux performances parfaitement bluffantes.

  • Crimes et délits

    (Woody Allen / Etats-Unis / 1989)

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    b3612605106e5fabdf89b630af427fb4.jpgPetit évènement personnel : je connais enfin tous les longs-métrages de Woody Allen. Car mis à part Scoop, dont j'ai sous le coude un enregistrement et le tout récent Rêve de Cassandre, que je m'empresserai d'aller voir ces jours-ci, il ne me restait plus qu'à découvrir ce Crimes et délits (Crimes and misdemeanors), cru 89 de son auteur et l'un des plus vantés de la période. Si ce n'est finalement pas, pour moi, l'un des sommets de l'oeuvre allenienne, cet opus se révèle tout à fait passionnant et figure bien parmi ses belles réussites (réussites qui, depuis Annie Hall en 77 sont majoritaires dans cette filmographie imposante, aux côtés de travaux mineurs mais toujours agréables, et selon moi, d'un seul ratage, pourtant alléchant sur le papier, le Hollywood ending de 2002).

    Crimes et délits déroule parallèlement deux histoires : celle d'un riche ophtalmologue, Judah Rosenthal (Martin Landau), encombré d'une maîtresse de plus en plus vindicative et se laissant entraîner vers le pire pour régler ce problème et celle de Clifford Stern (Woody Allen), documentariste underground, obligé de réaliser un portrait filmé très conventionnel de son beau-frère, cinéaste star. Depuis toujours, Allen est un adepte du coq à l'âne. Rarement pourtant, jusqu'à ce film, aura-t-il laissé vagabonder sa narration, multipliant les personnages et les micro-intrigues au hasard des rencontres des principaux protagonistes (voir par exemple, le récit, illustré à l'image, dans lequel se lance tout à coup la soeur de Clifford). Plus tard, cette déconstruction ré-apparaîtra, encore plus maîtrisée sans doute (Harry dans tous ses états, Melinda et Melinda). Ici, elle donne une impression de trame un peu foutraque, mais très séduisante dans ses à-coups mêmes. Allen ne se contente d'ailleurs pas d'excroissances scénaristiques. Il place des extraits de vieux films qui sont vus au cinéma par Clifford et qui en même temps commentent savoureusement les événements dramatiques du récit. Il insert des plans remémorés ou fantasmés par Judah, en rapport à sa liaison extraconjugale. Il fait converser celui-ci avec sa famille, revenue de l'au-delà, au cours d'une séquence extraordinaire, qui débute dans l'émotion de la visite de sa maison d'enfance et qui se termine en débat familial irrésistible autour de l'identité et des croyances juives.

    Parallèles, les deux histoires principales donnent lieu à peu de croisements, sinon un mariage final où se rencontrent pour la première fois Judah et Clifford. Toute la partie consacrée à l'ophtalmologue, élevée au rang de tragédie, frappe par sa noirceur, que rien ne vient atténuer, et qui annonce, la sauvagerie du crime en moins, Match point. Celle qui se concentre sur Clifford est plus dans la lignée des (auto-)portraits habituels de Woody Allen. Elle parvient toutefois à surprendre régulièrement, tant dans le registre comique (les affrontements impayables entre Clifford et son beau-frère insupportable de suffisance, personnage interprété brillamment par Alan Alda et "sauvé" finalement en quelques phrases par sa nouvelle femme Halley, chipée à Clifford) que dans l'émotion (les jolies hésitations amoureuses entre Woody Allen et Mia Farrow).

    De ce film aux tons multiples, et parmi les nombreuses pistes ouvertes, insistons enfin sur ce mystérieux personnage de rabbin qui devient aveugle au fur et à mesure. Ben (Sam Waterston), autre beau-frère de Clifford, visite régulièrement Judah pour ses ennuis de santé visuelle, lui explique sa façon de voir les choses, ne se plaint jamais de ce médecin qui est manifestement incapable de le soigner, tellement il s'intéresse peu aux autres, et se voit offrir le dernier plan du film, quelques pas de danse aveugles, traces d'une de ces autres tragédies qui auront parcouru souterrainement l'oeuvre, masquées par le cauchemar de film noir qu'a vécu l'égoïste Judah.

  • Star wars : Episode III - La revanche des Sith

    (George Lucas / Etats-Unis / 2005)

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    9afbd3dba1281fb8df6406a11e807c89.jpgFans de Star wars qui vénérez chaque plan de George Lucas, qui applaudissez à chaque projection, qui fêtez avec enthousiasme les 30 ans de la saga, qui attendez même, peut-être, d'autres suites, arrêtez-vous là.

    La première trilogie se clôturait quand j'avais 13 ans; je ne suis donc pas passé à travers la déferlante : les films, les figurines, les autocollants, les combats aériens, les sabres lasers, les vannes de Han Solo le préféré de tout le monde. Au fil du temps, la raison a clarifié les choses : deux bons premiers volets et un mauvais pour finir. Puis vint la deuxième trilogie, soit trois conneries. De l'aveu même de Lucas et de ses producteurs, la mise en route de la suite découlait plus d'une volonté de capter un nouveau public de 8-12 ans que de l'envie d'approfondir réellement le mythe. Pourquoi me sentirai-je concerné ? Je n'ai d'ailleurs vu ces trois nouveaux épisodes que plusieurs mois après leurs sorties, au hasard de programmations télé. Avant d'aborder Star wars III, je n'avais plus aucune idée de ce qui s'était passé dans les deux précédents. Peu importe, car la grande question, tout le monde nous l'a dit à l'époque de la sortie, celle qui justifie notre attente fébrile et angoissée, c'est : Mais, bon sang !, comment Annakin va-t-il devenir Dark Vador ?

    Pendant une heure et demie, tout ce qui fait que cette seconde trilogie m'indiffère totalement est là : importance d'intrigues pseudo-politiques bêtasses (Ah, ces discours sur la République et la démocratie en danger...), absence totale d'humour et surtout l'âge d'or du tout numérique. Ce numérique qui rend même les vrais acteurs transparents (bye-bye, Ewan McGregor, tu te rappelles de Peter Greenaway ?), qui transforme la moindre attaque en cirque assourdissant et le moindre combat au sabre laser en concours de trampoline, qui donne vie à une créature fantastique toutes les trente secondes, oubliée aussi sec alors que les boules de poils ou les robots aux gestes saccadés de 1977 sont encore dans toutes les mémoires.

    Soyons justes cependant, Lucas arrive à s'en sortir quand il tend vers une plus grande noirceur du propos. L'aboutissement du complot menant à l'assassinat de la plupart des Maîtres jedi relance la machine et voilà enfin l'intensité narrative que les épisodes I et II n'étaient jamais parvenu à trouver. Passant par-dessus les deux derniers combats parallèles interminables, il ne reste plus qu'à boucler la boucle dans la dernière demi-heure pour raccorder avec ce qui avait été mis en place dans l'introduction de 77. On ne niera pas l'émotion évidente de ces derniers moments, tous bien amenés par le scénario : la naissance de Vador, celles de Luc et Leia, l'arrivée finale sur la planète Tatooine, là où tout avait commencé. Mais cette émotion doit finalement peu aux qualités intrinsèques du film, elle est dû à autre chose.

    Un plan de Star wars III prend soudain aux tripes : celui de l'Empereur réconfortant le corps mutilé et méconnaissable d'Annakin, au bord d'une mer de feu. Plan fulgurant, beau, très composé, touchant. Toutes qualités dont l'ensemble de cette deuxième trilogie de Star wars est finalement totalement dépourvue.

  • Le jour des morts-vivants

    (George A. Romero / Etats-Unis / 1985)

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    618511f28a9cd2537906111d4f07bf48.jpgConçu comme le troisième volet d'une trilogie entamée en 1968 avec La nuit des morts-vivants (Night of the living dead) et poursuivie en 1978 avec Zombie, le crépuscule des morts-vivants (Dawn of the dead), avant que Romero ne propose tardivement un quatrième opus (Land of the dead, 2005), Le jour des morts-vivants (Day of the dead) reprend la simplicité du principe narratif établi dès le premier film : un groupe hétéroclite d'une dizaine de personnes se réfugie dans un lieu clos, assiégé par une horde de monstres affamés de chair fraîche. C'est donc en creusant toujours ce même sillon que Romero construit son oeuvre, apportant cependant plusieurs variations. Le nombre de zombies augmente irrémédiablement à chaque fois, tandis que leur apparence et leur différences sont de plus en plus travaillées (parfois avec humour quand on peut distinguer parmi eux une mariée ou une danseuse en tutu). De même, l'aspect visuel des trois premiers épisodes passe d'un noir et blanc oppressant et fauché (Night...), aux lumières vives éclairant un centre commercial (Dawn...), puis aux couleurs froides d'une base militaire souterraine (Day...). Le titre de ce dernier est trompeur puisque, à part une introduction saisissante en plein jour et l'épilogue, nous ne sortirons pas de ce refuge sous terre, vite transformé en piège.

    Dans toute la série, il est aisé de saisir le sous-texte politique à travers le choix des personnages les plus lucides (des Noirs, des femmes), le retournement des valeurs de la société américaine (le consumérisme, le patriotisme) et la critique frontale des institutions (politiques et surtout militaires). Dans Day..., selon le schéma habituel, la menace vient autant de l'extérieur que de l'intérieur (par la contamination, puis la transformation en mort-vivant). Ici, des militaires côtoient dans le souterrain des civils, scientifiques ou responsables techniques, et, par leurs actes, redoublent bientôt les risques encourus par chacun. La charge de Romero est sans nuances, pratiquement tous les personnages sont caricaturaux (et on qualifiera pudiquement l'interprétation "d'inégale"). Retardant les scènes d'action proprement dites, le cinéaste laisse s'écouler quelques séquences bavardes et attendues pour faire sentir la montée des tensions dans le groupe. La "sélection" des survivants et des sacrifiés se fait sans surprise.

    Si cette prévisibilité, qui s'étant à toute la progression narrative peut gêner, il faut reconnaître qu'elle est au coeur même du projet. Le style de Romero ne se base pas sur l'effet de surprise, ni au général (le déroulement se fait en partant d'une introduction calme pour mener crescendo vers une violence finale paroxystique, signe du pessimisme de l'auteur qui rend toujours inéluctable la fin prochaine de notre civilisation), ni au particulier (les attaques ne font pas sursauter puisque les zombies sont relativement lents). Le cinéaste se veut aussi direct dans ses messages que réaliste dans sa mise en scène. Contrairement à la plupart des films de ce genre, chaque enchaînement est le résultat de réactions réfléchies (bien ou mal), en tout cas parfaitement crédibles par rapport à la menace qui les déclenche.

    Ce qui fait la force de Day of the dead (et des deux précédents, par ailleurs plus réussis) est cette façon de filmer l'horreur en face, sans faux-fuyants, dans un style simple, documentaire, scientifique (du côté du médecin légiste disons). Rarement a-t-on vu un tel étalage de tripes, autant d'éviscérassions (les maquillages et les effets spéciaux sont impressionnants). Le spectacle devrait choquer, révulser les spectateurs qui comme moi ne passaient pas leurs soirées adolescentes devant des films d'horreur, mais le sentiment est bien plus complexe. Ces scènes extrêmement gores sont finalement moins dérangeantes que ce bref plan de Night of the living dead où l'on voyait la petite fille commencer à dévorer ses parents dans la cave. Car aussi saignantes que soient ces images, elle sont soutenues par une nécessité absolue en termes de scénario (les morts doivent manger les vivants ou un membre doit être immédiatement amputé après une morsure). L'horreur froide de Romero, aussi poussée soit-elle, est donc moralement légitime : pas de serial killer, pas de torture, pas de jeu malsain avec le spectateur, juste la réalité d'une boucherie animale provoquée par la folie de quelques autorités irresponsables.

    PS : Pour l'anecdote, j'ai découvert que c'est un passage du début de ce film, l'appel au mégaphone, sur fond de musique synthétique, pour rechercher d'éventuels survivants dans la ville morte ("Hello, is anybody there ?... Hello... is anybody there ?..."), qui a été retravaillé par Gorillaz pour M1A1, l'un des meilleurs titres de leur premier album, éponyme, paru en 2001.

  • Le journal d'une femme de chambre

    (Jean Renoir / Etats-Unis / 1946)

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    3e91de7c2271f9040dbc68c154cd6ea1.jpgAprés la vision de ce film, en revenant sur mes lointains souvenirs de la version que Bunuel proposa ensuite et dans mon ignorance totale du roman d'Octave Mirbeau, je déclarais tranquillement à ma femme : "Bunuel a dû pas mal broder par rapport au livre avec son histoire de meurtre de petite fille. Renoir doit être plus fidèle." Bravo Ed ! Mes recherches d'infos le lendemain m'ont prouvé que j'avais tout faux. Renoir a complètement bouleversé le récit et c'est Bunuel qui s'est montré le plus proche de la vision de Mirbeau. Donc, Moralité n°1 : Je devrai lire plus. Et Moralité n°2 : Même avec les cinéastes que l'on admire le plus, il faut toujours se méfier de ses à-prioris.

    Le journal d'une femme de chambre (The diary of a chambermaid) fait partie de la poignée de films réalisés par Jean Renoir en exil à Hollywood pendant la seconde guerre mondiale. Cette version est bien sûr beaucoup moins marquante que celle de Luis Bunuel et c'est une oeuvre qui est loin d'égaler les pics successifs que le cinéaste aligna tout au long de la décennie précédente. La légende a retenu que Renoir avait eu les pires difficultés à s'adapter au système hollywoodien. De L'étang tragique à La femme sur la plage, les films de cette période sont peu disponibles et presque toujours réputés mineurs.

    Si Le journal... reste selon moi passionnant, c'est parce que d'une part, il révèle les tensions entre deux visions du cinéma (schématiquement, l'américaine et l'européenne) et d'autre part il fait résonner des échos de l'oeuvre antérieure du cinéaste. On peut s'amuser ainsi à repérer les caractéristiques affleurant ici et là de chacun des deux "auteurs" : Renoir et Hollywood. L'abondance musicale, le happy end sont assez éloignés des habitudes du réalisateur. Son art de peaufiner chaque second rôle afin de le rendre inoubliable est atténué ici, l'interprétation des silhouettes secondaires étant moins subtile et leur caractérisation passant beaucoup par le registre de la farce. Le travail des acteurs principaux est plus convaincant (Francis Lederer en fils de famille, Hurd Hatfield en valet et, bien sûr, Paulette Goddard, éclatante Célestine). Les poussant le plus possible vers le naturel lors des échanges amoureux (courte scène magnifique où Joseph détache les cheveux de Célestine) ou lors d'affrontements physiques, Renoir parvient aussi à glisser quelques détails réalistes dont il a le secret, tel ce costume qui tombe lorsque les femmes de chambre ouvrent la penderie. On remarque également plusieurs plans restant sur un personnage muet alors que d'autres débattent hors-champ et on se régale surtout de la fluidité de cette caméra. A cet égard, les scènes de fête foraine sont de grands moments : tout d'abord quand on suit la course enivrante de Célestine et de Mauger d'un stand à l'autre et enfin quand on assiste à la bagarre entre Joseph et Lanlaire, littéralement porté par les mouvements de la foule puis par un fabuleux travelling surplombant allant chercher la victime étendue.

    Si édulcorée qu'elle soit, l'adaptation laisse passer des éclats d'une belle noirceur dans les rapports humains et sociaux. La valse des maîtres et des domestiques rappelle évidemment La règle de jeu (de même que l'on retrouve les apartés dans la serre ou sur la terrasse et l'importance scénographique de la cuisine comme lieu de tous les passages). D'ailleurs, Le journal... est par certains côtés le négatif de La règle... Certes ce dernier était bien le "drame gai" décrit par son auteur, mais, ici, le pessimisme est plus flagrant, les caractères plus tranchés, peu de personnages sont sauvés au bout du compte. D'où une complexité moins grande que dans le chef d'oeuvre absolu de 1939, mais pour un résultat nullement négligeable.

  • Hellboy & Le labyrinthe de Pan

    (Guillermo del Toro / Etats-Unis & Espagne-Mexique / 2004 & 2006)

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    57f9022173a9164c2fc69174e98db318.jpgHellboy donc. Oui, oui, le monstre tout rouge qui bataillait sur M6 lundi dernier. Non je ne me suis pas mis au comics. Mes connaissances dans ce domaine se limitent toujours aux deux Batman burtoniens et au premier X-Men, attiré que j'étais par le nom de Bryan Singer (ça j'aurais pas dû...). De la même façon, la réussite du Labyrinthe de Pan, sorti l'an dernier, m'a poussé à aller vers un autre film de ce singulier réalisateur mexicain qu'est Guillermo del Toro.

    Ultra classiquement, Hellboy démarre par un prologue explicatif, situé en 44 et mélangeant domination nazie sur l'Europe et appel aux forces du mal. De même, un long affrontement final sera noyé sous les effets pyrotechniques et les allusions ésotériques barbantes (faire appel à des créatures aux noms imprononçables, ouvrir une porte vers un autre monde, des choses comme ça...). Entre les deux, reste un film plutôt intéressant. La chasse aux montres dans une métropole américaine est rondement menée par le cinéaste. Les lois du blockbuster imposent les traits humoristiques dont on se passerait bien ici. Del Toro tente de s'en acquitter avec l'auto-ironie du personnage principal. Ce Hellboy est d'ailleurs doté d'une vraie personnalité, excellement rendue par le regard de Ron Perlman sous le maquillage. Deux autres qualités caractérisent la mise en scène, qui haussent le film juste au dessus de la grosse machine de série et qui seront encore plus prégnantes dans le film suivant : le sens du décor, de l'atmosphère et de la photo et la représentation d'un bestiaire fantastique très original et cohérent.

    697ed5a6568c371100aef82ff46289f2.jpgPlus que vers le monde des super-héros, mon goût me porte vers le fantastique lié à l'imaginaire et au rêve. Et de ce point de vue, Le labyrinthe de Pan (El laberinto del fauno) est, parmi les films récents, celui qui confronte le plus fortement la réalité et le merveilleux. Del Toro place une fois encore ses personnages dans un monde en guerre. Une grande bâtisse perdue dans la fôret est réquisitionnée par un bataillon franquiste. L'inquiétant capitaine Vidal y mène la chasse aux républicains avec un plaisir sadique de tortionnaire (Sergi Lopez, cabotin, très bon). La petite Ofelia (Ivana Baquero, remarquable) débarque dans cet endroit sur les pas de sa mère, veuve qui a choisi de vivre désormais avec Vidal. Passionnée de contes de fées, l'adolescente a tôt fait de rencontrer plusieurs créatures dans les bois environnants et de se laisser convaincre qu'elle retrouvera son père disparu après une série d'épreuves magiques.

    Del Toro a le don d'inventer et d'animer subtilement (en mêlant constamment effets numériques et animatronic) les monstres les plus originaux vus depuis des lustres. On n'oubliera pas de sitôt cet "homme blanc" à la fois ridicule et terrifiant. L'ensemble de l'oeuvre s'unifie dans une lumière bleutée, sans couleur vive. Le basculement dans l'imaginaire se fait dans ce film-là à chaque fois en douceur. Le scénario fait alterner séquences réelles et séquences fantasmées. Chacune de ces dernières est déclenchée par un événement important : ainsi, les deux mondes se répondent l'un à l'autre par un agencement très intelligent, sans pour autant que les rêves ne deviennent de simples illustrations des horreurs du réel. Bien sûr, la peur n'est pas ressentie très intensément. Nous sommes dans un conte, avec toutes ses étapes initiatiques. Ofelia triomphe forcément au cours des épreuves imposées. Le dénouement, assez gonflé, en est d'autant plus fort.

    En espérant qu'il ne se fasse pas broyer par la machine hollywoodienne, suivons ce réalisateur, le plus qualifié semble-t-il pour prendre la relève d'un Terry Gilliam qui apparaît aujourd'hui bien fatigué.

  • Lame de fond & La toile d'araignée

    (Vincente Minnelli / Etats-Unis / 1946 & 1955)

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    c9d8b5bbbb1d5f75f7a492c0a1a57f8e.jpgLame de fond (Undercurrent) est l'un des premiers films de Vincente Minnelli. Coincée entre Yolanda et le voleur et Le pirate, deux formidables comédies musicales, l'oeuvre est assez curieuse. Katharine Hepburn y incarne Ann Hamilton, jeune mariée qui ne tarde pas à s'inquiéter de l'état mental de son si charmant mari (Robert Taylor), et qui rencontre le frère plus ou moins caché de celui-ci (joué par Robert Mitchum). Toute la première partie est une chronique mondaine moyenne, où Hepburn apparaît quelque peu en porte-à-faux. Elle partage pourtant une scène fascinante et trouble avec Jane Meadows, qui, dans les toilettes des femmes, lui jette des allusions déconcertantes sur son mari. Mais ce n'est pas un film noir qui démarre alors, plutôt un drame psychologique et conjugal, dans la lignée de Rebecca ou Gaslight. Malheureusement, Minnelli, ici, ne se hisse pas au niveau de ces modèles du genre. L'aspect psychanalytique rend le film bavard et trop explicatif, malgré le soutien d'une mise en scène efficace (parfois trop efficace : on s'aperçoit vite de l'omniprésence dans le cadre des portes et des escaliers ou de ces feuillages soulevés par le vent). Mitchum est mal employé dans ce rôle de frère sensible et secret. Il est aussi au centre d'une scène très faible où il explique lourdement pourquoi et comment il a disparu tout ce temps. De l'autre côté, Robert Taylor ne soulève guère l'enthousiasme et meurt de façon ridicule sous les sabots du cheval de son frère. Déjà maître de son style dans les musicals, Minnelli n'était peut être pas encore prêt pour un grand film dramatique (sous réserve de voir un jour L'horloge, qu'il réalisa en 45). Plus tard, la réussite de Madame Bovary (1949) lui ouvrira cette deuxième voie qui mènera entre autres aux Ensorcelés.

    Dix ans plus tard, La toile d'araignée (The cobweb) est d'une toute autre tenue. Minnelli peut étaler en couleurs et en CinémaScope ses éclats mélodramatiques comme Sirk à la même époque. L'histoire gravite autour d'un hôpital psychiatrique "ouvert", là où le docteur McIver tente quotidiennement de changer les rapports entre soignants et malades responsabilisés. La mise en route du récit se fait à rebours de la convention qui veut que l'introduction d'un film présente clairement les personnages tour à tour. Pendant plusieurs minutes, il est bien difficile de différencier patients et personnel de l'hôpital dans le mouvement organisé par Minnelli. De même, Lauren Bacall passe deux ou trois scènes à s'affairer à l'arrière plan avant de se détacher et d'entrer dans le jeu. Nous avons donc bien là une ronde, un grand film choral, genre tellement à la mode ces temps-ci. Une petite affaire de choix de rideaux pour décorer la salle de réunion est le prétexte, parcourant tout le film, pour révéler les tensions au sein de la direction de l'établissement, chez quelques malades et dans le couple du Dr McIver. La narration se développe comme la toile d'araignée du titre, Minnelli alternant des scènes agitées dans l'hôpital et une série de duos dans les appartements ou les bureaux. Ces duos sont orchestrés de manière admirable, souvent en plans séquences d'une grande fluidité. La monotonie que le procédé pourrait engendrer est balayée par les variations apportées d'une séquence à l'autre : ici le décor peut supporter toute la scène (les allées et venues de Widmark, au début, dans les pièces de sa maison), là un long plan est coupé au milieu pour y insérer un événement se déroulant plus loin (la mise en parallèle des deux débuts de liaison, celle entre les deux jeunes patients et celle entre Widmark et Bacall). Parfois, le cinéaste s'appuie aussi sur un découpage plus classique mais terriblement efficace (la conversation téléphonique tendue entre Lilian Gish et Gloria Grahame).

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    Cet art de la scénographie et du rythme que déploie Minnelli, il est rendu parfaitement aussi grâce à un casting cinq étoiles. Le jeu de Richard Widmark, tout en soudaines accélérations des gestes, fait des merveilles. Gloria Grahame, renversante, compose une femme de médecin déjantée aux bords de la nymphomanie. Charles Boyer est un directeur balançant entre classe aristocratique et faiblesses pitoyables pour les chambres d'hôtel et les petites secrétaires. Lauren Bacall porte le deuil le plus terrible avec un magnifique retenue. Enfin, Lilian Gish fait exister le personnage le plus typé rien qu'en prenant l'habitude de raccrocher au nez de ses interlocuteurs. L'excellence s'étend jusqu'au seconds rôles, dont celui de John Kerr en jeune peintre incompris. Son histoire d'amour naissante avec une autre malade est traitée avec la subtilité habituelle de Minnelli. Une scène magnifique et muette montre ce couple enlacé, sortant doucement d'une séance de cinéma : la jeune femme est en train de guérir de son agoraphobie. Les dialogues sont d'une grande intelligence et, se concentrant sur les rapports entre les gens, évitent la vulgarisation de la pratique psychanalytique (à l'exception du discours bref de Richard Widmark devant le conseil d'administration qui paraît alors superflu). Cette qualité dans les dialogues, l'histoire d'amour entre Widmark et Bacall, en bénéficie et s'y fait jour alors une merveilleuse émotion contenue. L'évolution de leurs sentiments, le cinéaste la relate subtilement, faisant bien sentir la grande complexité qu'entraîne, dans les rapports humains, un simple adultère.

    Portraits de névrosés, de nymphomanes, d'alcooliques : ces figures mènent certes plus tard à Dallas. Mais elles sont, dans les grands Sirk ou les grands Minnelli, les véhicules d'une réflexion profonde sur l'état de la société américaine des années 50. Pourtant moins citée que d'autres oeuvres de son auteur, La toile d'araignée, avec sa mise en scène d'une beauté sans pareil, prend bien sa place, tout près des classiques du genre.

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    Photos Cobweb (en noir et blanc): briansdriveintheater.com & doctormacro.com
  • Cutter's way

    (Ivan Passer / Etats-Unis / 1981)

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    dc52759b6730b78296e186a06f3deb3f.jpgCutter's way (titre original, plus utilisé que La blessure) est un étrange film noir, signé par un cinéaste d'origine tchèque, ayant suivi une trajectoire parallèle à celle de Milos Forman, le succès public en moins (des débuts remarqués dans son pays à une série d'oeuvres en exil aux Etats-Unis). Les premières scènes rendent hommage au genre avec la découverte par Bone (Jeff Bridges) d'un cadavre dans une ruelle battue par la pluie, mais par la suite, Passer ne cessera de s'écarter des codes établis. Difficile de parler de véritable enquête tant les digressions abondent, tant la véracité des faits est peu démontrée. C'est Cutter, ami de Bone et ancien du Vietnam, qui se charge de faire avancer l'intrigue. Il y a bien des événements scénaristiques mais l'ambiance est plutôt celle d'une chronique, d'une ballade avec ses ruptures de tons, dans la veine des Huston et Altman des années 70. Le monde décrit est étrange, entre loose et opulence, sous le climat de Miami. Les rapports entre les personnages sont d'une honnêteté rare. Jamais leur passé respectif n'est explicité. Un ménage à trois (Bone, Cutter et sa femme) semble en place depuis longtemps, plus ou moins accepté par chacun. Une impression de flottement se dégage; toute l'affaire ne pourrait finalement être que délire d'imagination de la part de Cutter. Jusqu'à la fin, nous ne savons pas à quoi nous en tenir. Cela se termine sur un coup de feu coupé par le noir tombant tout à coup sur l'écran, laissant le spectateur dans l'expectative, comme le feront plus tard Tarantino ou Kassovitz. Autre attrait de ce faux polar très attachant : Jeff Bridges, cool, poussé sans cesse à l'action par son acolyte et y allant à contre-coeur.