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  • Allonsanfan

    (Paolo et Vittorio Taviani / Italie / 1973)

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    allonsanfan.jpgQuel étrange film que cet Allonsanfan, qui précède dans la filmographie des Taviani leur oeuvre la plus célèbre, Padre Padrone. Comme souvent chez eux, l'histoire italienne est vue à travers le prisme du conte. Les décors sont naturels, l'argument clairement situé dans le temps et l'espace, mais ce réalisme de départ est constamment perturbé par des éléments oniriques ou surnaturels. Si les Taviani procèdent par longues séquences, le rythme à l'intérieur de chacune est très heurté. La plupart des raccords sont particulièrement brutaux, ménageant ainsi constamment des surprises. Nombre de plans fixent le regard du héros, craintif ou étonné, joué par Marcello Mastroianni, pour enchaîner sur un contrechamp auquel rien ne nous prépare (par exemple, un gros plan de visage qui nous est inconnu). La mise en scène accumule ainsi les ruptures dans ses effets, aussi bien que dans les registres émotionnels. Une séquence peut passer du drame à la farce grotesque. Dans cet univers, tout peut donc arriver. Les hallucinations ont autant de réalité que le reste, les morts reviennent à la vie, les protagonistes se séparent puis se retrouvent nez à nez, où qu'ils aillent. La logique à l'oeuvre est celle du rêve et du cauchemar (autre élément tirant vers le fantastique et constitutif des réalisations italiennes de l'époque : le recours à la post-synchronisation, qui accentue les différences de niveau d'expression). Le film avance par a-coups et des longueurs y voisinent avec de très belles idées (la scène du repas avec la famille, la présence de la mer, la mort de Charlotte traitée en une ellipse brutale, la danse dans le repère des subversifs...).

    Dans Allonsanfan, les frères Taviani traitent de la période de la restauration italienne en situant l'action en 1816. Le héros de leur film est Fulvio Imbriani, leader d'une secte "Les Frères Sublimes" qui lutte pour faire triompher dans le Sud l'idéal révolutionnaire et renverser la noblesse en place. Lorsque nous faisons sa connaissance, Fulvio sort de prison et, empli de doutes, n'aspire à présent qu'à renouer les liens avec sa riche famille et couler une vie paisible et bourgeoise. Mais au gré de multiples pérégrinations, ses camarades n'auront de cesse de le ramener dans le chemin de la lutte armée. Ce que filment les Taviani, avec un bel aplomb, c'est une faillite révolutionnaire. Les actions d'éclats de la secte finissent toutes piteusement. La faute aux trahisons et à la tentation bourgeoise qui se niche en chacun. Mastroianni, à travers le rôle de Fulvio joue une nouvelle fois un homme sans qualité, prêt à tous les mensonges et ce à l'égard de tous, ses amis, ses camarades, sa femme, sa famille. Seul son fils, qu'il retrouve après six ans, a droit à une affection sincère (mais lors de la nuit qu'ils passent ensemble avant une nouvelle séparation, son père lui raconte une terrible histoire : il affabule et hallucine encore). Il est assez difficile de s'attacher à un personnage aussi ambigu, que l'acteur incarne comme en retrait.

    Un mot pour finir, sur le titre, intrigant. Allonsanfan est en fait le prénom de l'un des subversifs. Le personnage est au second plan mais est ô combien important. Avec son regard souligné par un trait de lumière, il est celui qui portera jusqu'au bout l'espoir révolutionnaire. 

  • L'insoumis

    (Alain Cavalier / France - Italie / 1964)

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    insoumis.jpgL'insoumisdémarre en Kabylie en 1959 avec une embuscade dans laquelle des soldats sont pris sous le feu de tireurs algériens. Thomas, l'un des légionnaires, tente un coup d'éclat en allant porter secours à un camarade amoché en contrebas. Arrivé difficilement à ses côtés, il s'aperçoit que l'homme est déjà mort. Le deuxième long-métrage d'Alain Cavalier, dès son introduction, annonce la couleur : noire. A ses débuts, le cinéaste, comme Claude Sautet à la même époque, oeuvrait dans le film noir (avec Le combat dans l'île en 1962, puis Mise à sac en 1967). L'insoumisest en plein dans le genre, mais son argument de départ, lié à la guerre d'Algérie, change déjà beaucoup de choses (et ce film, avec d'autres, tord encore le cou à la légende tenace selon laquelle le cinéma français aurait traîné pour traiter de la question).

    En 1961, Thomas (Alain Delon) a déserté l'armée française. Son ancien lieutenant a fait le même choix et lui propose de participer à une action sous ses ordres et, devine-t-on, ceux de l'OAS. Il s'agit de kidnapper une avocate ayant l'habitude de défendre des Algériens, de manière à faire pression sur son entourage et obtenir de nouveaux noms de "terroristes", comme les nomme le lieutenant. Le rapt se déroule comme prévu, mais Thomas, qui a la garde de Dominique, l'avocate (Lea Massari), finit par la laisser partir après avoir tué, en étât de légitime défense, l'autre gardien, non sans recevoir lui aussi une balle dans le ventre. Grièvement blessé, il parvient à quitter l'Algérie et commence à traverser la France pour rentrer chez lui. Arrivé à Lyon, il s'arrête pourtant et sonne à la porte de Dominique. Elle lui vient en aide. Une histoire d'amour naît entre eux, malgré que la femme soit mariée. Les anciens amis de Thomas, toujours menés par le lieutenant, retrouvent leurs traces et la cavale reprend. Thomas, de plus en plus faible, verra son chemin s'arrêter dans la ferme familiale.

    Le scénario d'Alain Cavalier et Jean Cau est tiré d'une histoire bien réelle. Sachant que le film date de 1964, on imagine les tracasseries qu'il a pu rencontrer. De fait, quelques semaines après la sortie, une plainte de l'avocate en question eu pour effet son retrait de l'affiche. C'est en 1967 qu'il réapparut, mais avec vingt-cinq minutes coupées. Fort heureusement, des années après, Cavalier a retrouvé une copie américaine complète du film. L'épilogue judiciaire de 1965 arrangeait beaucoup de monde. En effet, le film aborde la guerre d'Algérie d'une façon particulièrement claire. Si l'OAS n'est pas citée directement et si Thomas n'est pas Français mais Luxembourgeois, ces petites précautions n'abusent personne.

    Cette clarté et cette lucidité impressionne, tant au niveau des dialogues qu'au niveau de la mise en scène du quasi-débutant Cavalier. Les échanges sont simples, concis. Les mots pitorresques du pied noir qui accompagne Thomas se font vite haineux (c'est Robert Castel, fameux second rôle, que l'on croisera ensuite dans bien des pantalonnades). Tous les inteprètes sont remarquables : Delon (producteur courageux du film) est insaisissable et Lea Massari dégage une belle sensibilité. Avec cette oeuvre de facture plutôt classique, on est certes loin du type de cinéma que Cavalier proposera à partir du Plein de super et plus encore après Thérèse. On peut cependant apprécier déjà le soin apporté aux gestes (Delon tient toujours quelque chose dans ses mains : ventilateur, bouteille de Coca ou revolver), la présentation des hommes à l'ouvrage et un certain goût pour la fragmentation, pour les gros plans de mains ou de visages.

    De fait, Cavalier se révèle finalement un excellent metteur en scène d'action. La fulgurance des règlements de comptes laisse pantois. La façon dont Delon élimine celui qui le tient en joue dans l'appartement est digne des plus beaux gestes vus dans les grands films noirs ou westerns américains (l'ombre de Huston plane beaucoup sur le film). Autant qu'une touchante et adulte histoire d'amour, L'insoumis est un film sur un corps, celui de Thomas. Un corps d'abord bondissant, puis de plus en plus souffrant, traînant une blessure inguérissable (ou voulue par lui-même comme telle). Un corps déjà mort lorsqu'il atteint son but. Un corps qui ne peut finalement que s'écrouler.

    Ce dernier plan, admirable, on en trouve une trace, un instantané, sur la pochette de mon disque de chevet depuis vingt ans :

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  • Gomorra

    (Matteo Garrone / Italie / 2008)

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    gomorra.jpgTout en privilégiant, comme la plupart de ses prédécesseurs cinéastes-enquêteurs, un regard documentaire, il ne s'agit plus maintenant pour Matteo Garrone de décrire les rouages de la mafia (plus précisément de la Camorra napolitaine) mais bien de se placer au centre et d'observer, médusé, les dégâts. Aux études verticales passées qui mettaient l'accent sur la structure pyramidale de l'organisation, Gomorrasubstitue une succession de visions horizontales. Cinq histoires parallèles se jouent, autour de Naples, à cinq niveaux différents : le très jeune Toto entre dans la bande qui contrôle son quartier; Marco et Ciro se veulent indépendants et n'arrêtent pas de "foutre la merde" dans la zone réservée; Don Ciro sillonne les barres d'immeubles, chargé par l'organisation de dédommager les familles des mafieux emprisonnés; Franco est un entrepreneur empoisonnant la terre avec ses décharges; et Pasquale est un tailleur remarquable qui ne se satisfait pas de son travail au sein d'un atelier clandestin et se lie, au péril de sa vie, à des collègues Chinois.

    Ces différentes histoires, Matteo Garrone a l'intelligence de ne pas les relier arbitrairement, ce qui nous évite les lourdeurs du film choral contemporain. La narration les fait se succéder par longues séquences, le montage les entremèle mais en les séparant clairement. Les principaux protagonistes ne se croisent pas. Cette indépendance témoigne bien sûr de l'emprise totale de la Camorra sur cette société mais surtout enserre d'une part les personnages dans l'étau, ne leur offrant pas d'autre horizon, et souligne d'autre part la dilution des responsabilités et les court-circuitages constants des ordres descendants. On parle bien de quelques "oncles" mais pas besoin de les nommer (on dit "Ils", "eux", et tout est dit). Le système est désormais tellement ancré qu'il ne semble même plus soutenu par une hiérarchie mais qu'il s'auto-alimente indéfiniment. Il faut être contre ou avec (et le choix doit se faire, quasiment, le pistolet sur la tempe). C'est "ami" ou "ennemi". La mythologie de la famille, de l'honneur, de la respectabilité n'a plus cours. Il faut "marquer des points et faire du fric". Les mafieux, jusqu'aux plus installés, affichent une vulgarité sans nom.

    Matteo Garrone impose le long de ces 2h15 une certaine égalité de rythme, assurée par une caméra mobile mais sans hystérie, qui sert le constat documentaire. Ce choix a pour conséquence de laisser l'inquiétude face à la violence contaminer toutes les séquences, même les plus anodines, même celles qui apaisent un instant. Gomorraest ainsi un grand film sur la peur. Aucun des protagonistes n'y échappe. Garrone capte remarquablement les regards d'effroi, le plus marquant, le plus bref pourtant, étant celui qui pétrifie Toto lors de la fusillade en bas de l'immeuble. Les rares lueurs d'espoir sont toujours lestées d'une certaine inquiétude. Personne n'est excusé ou sauvé. Autant que par un ordre du chef local, le sort de Ciro et Marco est scellé par leur bêtise. Pessimisme absolu : à la fin, sur une plage déserte baignée par le soleil couchant, un bulldozer soulève des corps, sous l'oeil de deux gros porte-flingues en short et chemise hawaïenne.

  • Salvatore Giuliano

    (Francesco Rosi / Italie / 1962)

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    salvatoregiuliano.jpgSalvatore Giuliano, film-enquête de Francesco Rosi, se base tout entier sur un mouvement analytique. Un mouvement de rapprochement allant du général au particulier, du paysage aux individus. Mais contrairement à l'habitude, ce resserrement ne fait qu'épaissir et complexifier le mystère de départ. Démarrant sur la découverte du cadavre du célèbre bandit sicilien au cours de l'été 1950, le récit se déploie en deux lignes temporelles. De la fin de la guerre, où lui et ses hommes, instruments des indépendantistes, se battent contre l'armée italienne, à son assassinat, nous suivons les principales étapes du parcours de Giuliano, dont le massacre de Portella delle Ginestre (une dizaine de personnes assistant à une réunion organisée par les communistes, le 1er mai 1947, abattue par la bande à Giuliano, sur demande d'un commanditaire resté inconnu). Parallèlement, nous sont montrés quelques événements suivant sa mort, jusqu'au procès de ses compagnons.

    Francesco Rosi a choisi une esthétique radicale, d'abord basée sur une multitude de plans larges au détriment des plans rapprochés. Ni Giuliano, ni ses camarades ne sont réellement individualisés par l'image (le "héros" n'est même jamais vu de près autrement qu'allongé mort). C'est bien plutôt le peuple sicilien qu'a voulu filmer Rosi. De longs panoramiques circulaires décrivent les lieux, ces montagnes, ces villages, ces fiefs ratissés sans succès par les forces de l'ordre. La focalisation se fait par moments, à l'aide de zooms rapides, lors des attaques des convois de carabiniers. Plus tard, ce sont plutôt de brusques raccords, des changements d'échelles saisissants qui prennent le relais pour saisir la réalité de plus près (la conversation entre Pisciotta et le mafioso dans la carrière).

    Adepte du réalisme, le cinéaste tourne sur les lieux mêmes, avec des acteurs non-professionnels et seulement une dizaine d'années après les faits. Mais réalisme ne veut pas dire pauvreté d'expression. Salvatore Giulianose fait démystificateur tout en gardant son lyrisme. Une scène pivot montre si besoin en était que la quête de la vérité menée par Rosi passe aussi par la composition plastique : celle de la reconnaissance du corps de Giuliano par sa mère. Ce moment marque l'emploi plus régulier des gros plans qui nous étaient refusé pendant une heure. Et lors du procès, les panoramiques ne seront plus destinés à embrasser la campagne sicilienne mais les visages des accusés dans leur box.

    Du combat bipolaire entre bandits séparatistes siciliens et soldats italiens, on passe ensuite à une partie à joueurs multiples. Et plus la vision devient précise et proche des hommes, plus le réseau se révèle dense et indémélable. Si la caméra parvient à mieux cerner les protagonistes, ceux-ci ne cessent de renvoyer vers d'autres, de citer de nouveaux noms, de mettre à jour des liens insoupçonnables entre chaque entité : bandits, mafia, politiciens, magistrats, carabiniers... A tous les niveaux, les choses se compliquent. Car l'analyse se fait aussi par le montage : Giuliano est celui qui prenait aux riches pour donner aux pauvres, dit un témoin local (et la mémoire populaire) et Rosi de coller l'un à l'autre la révolte des femmes du village, la douleur de la mère de Giuliano et les images du massacre des militants communistes. De tout cela ne ressort qu'une victime véritable : le paysan sicilien.

    L'épilogue, situé en 1960, reprend la figure du début : un homme abattu au milieu de la foule. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Rosi ne boucle pas la boucle. Franchement pessimiste, il montre plutôt que la gangrène n'en finit pas de bouffer la société sicilienne. Salvatore Giuliano est bien un acte fondateur, tant pour son auteur que pour tout un cinéma politique européen et jusqu'aux films de complots américains des années 70. C'est aussi, peut-être, un bonne préparation avant de découvrir cette semaine en salles Gomorra.

  • Romanzo criminale

    (Michele Placido / Italie / 2005)

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    RomanzoCriminale.jpgRécit d'une odyssée criminelle couvrant la période la plus agitée que connût l'Italie après la guerre, soit les années terroristes 70 et 80, Romanzo criminalese place au coeur d'un genre bien établi dans la cinématographie transalpine, tout en s'appuyant sur une esthétique toute américaine. La première partie de cette fresque accumule ainsi les figures scorsesiennes dans sa description de l'ascension irrésistible d'une bande de malfrats dans le monde de la criminalité mafieuse. La pathologie de certains membres du gang, les éclats de violence et tous les signes constitutifs de la grande délinquance (armes à feu, liasses de billets, drogue) sont traités selon le rythme fiévreux et musical de l'auteur des Affranchis (la bande-son est également saturée de vieux tubes rock'n'roll). Et à l'image de son modèle, Michele Placido, nous plonge dès le générique dans la spirale, les présentations des principaux personnages se faisant dans la fébrilité d'un événement dramatique et violent. Ce début, qui voit les protagonistes à l'âge de l'adolescence se faire arrêter par la police au terme d'une folle virée nocturne, a valeur de moment traumatique fondateur pour les membres du groupe. A plusieurs reprises dans le récit, nous reviendrons (c'est l'un des choix de mise en scène discutables du film), par flash-back ou retour réel d'un personnage, sur cette plage où eu lieu l'arrestation.

    Si la première heure suit les activités multiples de la bande, elle met en avant deux de ses principaux membres, Il Freddo et Libano, qu'elle oppose systématiquement en partant de leur lien indéfectible. Le premier est plus réfléchi, le second est plus impulsif, avide de pouvoir. Leur trajectoire semble tout tracée. Leur discussion au bord de la mer sur leur fascination (ou pas) envers les empereurs et les dictateurs enfonce un clou qui, plus tard, traversera carrément la planche lors de la mort violente de l'un d'eux (qui ne manquera pas de proclamer son appartenance au cercle des grands hommes avant de rendre son dernier souffle).

    Après la montée survient forcément la chute (et Coppola de prendre la place de Scorsese). Plusieurs éléments perturbateurs commencent à dérégler la machine et le volet le plus intéressant du scénario se déploie quand des instances politiques viennent à se servir des gangs mafieux pour répondre aux actions des Brigades Rouges. Les malfrats deviennent ainsi l'un des maillons du "terrorisme noir" (orchestré par les groupes les plus à droite du milieu politique et activiste italien), par opposition au "terrorisme rouge". Les épisodes relatés sont assez passionnants, même si la politique n'est finalement ici qu'à l'arrière plan, simplifiant beaucoup les choses (notamment en présentant comme homme de l'ombre quelqu'un qui semble connaître la marche de l'histoire avant tout le monde, prévoyant par exemple la chute du mur de Berlin, procédé toujours gênant).

    Si du côté du scénario trop de croisements sont forcés (le commissaire et l'un des truands sont amoureux de la même femme, le jeune frère d'Il Freddo se fournit en drogue chez l'un des associés du gang...), l'une des grandes forces du cinéma italien actuel se retrouve tout de même : la reconstitution parfaite des années 70. Cette réussite ne repose pas vraiment sur les quelques inserts de documents d'archives (dont le choix et l'intégration sont assez banals), mais plutôt dans cette façon de re-capter l'air du temps sans nous barber avec une avalanche de plans pittoresques sur tel ou tel élément de la vie de l'époque : vêtements, véhicules, design...

    Longue de 2h30, embrassant une bonne vingtaine d'années, la fresque manque de souffle mais l'indécision dans le suivi de tel ou tel protagoniste, les a-coups de la narration et le déséquilibre entre les différentes parties (annoncées par un carton portant le nom d'un des gangsters) rendent paradoxalement service au film. L'interprétation est de bonne facture (mention tout de même à Kim Rossi Stuart et Jasmine Trinca). Indiscutablement, Romanzo criminalesouffre de deux choses : une mise en scène peu subtile de Michele Placido et quelques dialogues relativement bateau. Il faut dire surtout qu'une ombre s'étend sur tout le film : celle de Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana, dont on retrouve les scénaristes Stefano Rulli et Sandro Petraglia. Cette oeuvre-fleuve, d'une importance capitale dans le cinéma italien actuel (et au-delà, si l'on pense à ce qu'on apparemment tentés récemment Ducastel et Martineau avec Nés en 68), réussissait miraculeusement sur tous les tableaux quand Romanzo criminalene tient la distance que sur quelques uns. Il y a même une légère ironie à constater que le mélodrame de Giordana est une oeuvre pensée pour la télévision qui accède par sa forme et son souffle au grand art et que le grand spectacle de Placido équivaut finalement à une bonne série policière.

  • Innocents

    (Bernardo Bertolucci / France, Grande-Bretagne, Italie / 2003)

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    1797905959.jpg"La rue est entrée dans la chambre". Vers la fin d'Innocents (The dreamers), Isabelle explique ainsi le bris de glace, provoqué par un pavé, à Matthew et Theo, réveillés en sursaut. L'incident semble n'exister que comme tour scénaristique un peu forcé. Mais il y a le rythme que Bertolucci donne à sa scène, l'affairement d'Isabelle occupée à cacher quelque chose aux deux autres et surtout cette phrase, qui sonne comme une belle trouvaille, appropriée à la fois à l'instant et à l'heure et demie que nous venons de passer avec ces trois personnes. Tout le charme fragile du film est résumé dans cette scène.

    Bertolucci replonge dans 68. Il démarre son récit (après un superbe générique) par une évocation de l'affaire Langlois. Matthew, le jeune étudiant américain, fait la connaissance d'Isabelle et Theo, soeur et frère, lors d'une manifestation organisée à la Cinémathèque et visant à soutenir son directeur, menacé par le Ministère. La reconstitution est appliquée, mais déjà, Bertolucci tente un coup audacieux : mêler des plans actuels de Jean-Pierre Léaud (et de Jean-Pierre Kalfon) en train de rejouer ce qu'il faisait à l'époque (harangue au mégaphone, lancer de tracts...) aux images d'archives réelles, allant jusqu'à raccorder les unes aux autres dans le mouvement et créant ainsi une émotion inédite. Plus que sur la politique, c'est sur la cinéphilie que se forme le trio. Matthew a tôt fait d'emménager chez ses deux nouveaux amis, d'autant plus facilement que les parents de ceux-ci doivent quitter l'appartement pour plusieurs jours. S'ensuivent des discussions tournant autour du cinéma, des devinettes, des mimes entretenant la mémoire et les connaissances de chacun. Parfois, comme pour situer les événements de mai, la patte de Bertolucci se fait un peu trop pédagogique (la comparaison entre Chaplin et Keaton ou l'inévitable blague à propos de Jerry Lewis, génie vu de France et pitre sans intérêt vu des Etats-Unis). La plupart du temps, c'est le plaisir de la citation qui l'emporte, essentiellement grâce au choix du cinéaste d'insérer dans son film des extraits des titres évoqués. Une simple énumération verbale serait vite lassante. Montés avec bonheur, ces flashs de classiques en noir et blanc donnent une autre dimension émotionnelle à la chose (mais le même principe appliqué à la musique, avec l'utilisation parsemée dans tout le récit de célèbres partitions, passe moins bien).

    Puis, la politique et la cinéphilie disparaissent. L'enfermement des trois se fait total dans ce luxueux appartement et les jeux se font sur le terrain de la séduction et du sexe. Il n'y aura plus d'extraits (sauf un, de Mouchette, pour le coup pas indispensable). La caméra joue merveilleusement de ce décor aux larges pièces et aux couloirs étroits. L'appartement est un lieu à la fois vaste (on y joue à cache-cache) et exigu (on est toujours collé l'un contre l'autre). Une belle scène montre cela clairement : trois corps sont recroquevillés dans une petite baignoire, au milieu d'une grande salle de bain. L'inceste, l'autodesctruction, les rapports de force (qui s'inversent joliment par rapport à la donnée de départ : le couple cool qui déniaise le troisième), le repli : tout cela sonne fort. Pourtant, jamais le film ne tend vers la noirceur du Dernier tango à Paris. Extrêmement vivant, Innocentsest surtout un film diablement sexy. Des trois jeunes comédiens, Michael Pitt, tout à fait crédible, qui était là entre Bully et Last days, est le plus étonnant. Louis Garrel, que je découvre sur un écran à cette occasion, est très bien (même si il m'a semblé l'avoir vu faire son Léaud dans deux ou trois scènes, mais c'est pas très gênant). Quant à Eva Green, elle est... hum... comment dire ça... affriolante est un peu faible... enfin vous comprenez.

    N'ayant plus rien vu de Bertolucci depuis la sortie d'Un thé au Sahara en 90, je n'attendais pas grand chose d'Innocents. En passant sur quelques scories (le retour des parents, des scènes de rue moyennes...), la surprise en est donc d'autant plus agréable.

  • La marche sur Rome

    (Dino Risi / Italie / 1963)

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    1552413056.jpgJean-Paul Rappeneau a raconté à la radio, il y a quelque temps, une anecdote intéressante. Ayant terminé La vie de château, il avait assisté à une projection de son film en compagnie de l'un des grands spécialistes de la comédie italienne (je ne me rappelle plus si il s'agit de Risi, Monicelli ou Comencini). Tout heureux d'avoir si bien réussi son coup, il demanda son avis à l'italien. Celui-ci finit par répondre à peu près ceci : "Oui, c'est pas mal, mais chez nous, les comédies à partir d'événements historiques importants, on fait ça depuis longtemps."

    La marche sur Rome (La marcia su Roma) est réalisé par Dino Risi entre Une vie difficile et Le fanfaron. Moins abouti que les deux oeuvres qui l'encadrent, le film prouve au moins, une nouvelle fois, à quel point les cinéastes italiens de l'époque étaient gonflés dans leurs choix de sujets. On suit ici les pérégrinations de Domenico Rocchetti et d'Umberto Gavazza, anciens combattants qui, peu après la première guerre mondiale, se joignent au mouvement fasciste. Ils prennent part à la célèbre marche sur Rome d'Octobre 1922, dont le but était de faire pression sur le Roi d'Italie afin qu'il fasse appel à Mussolini pour former un gouvernement. Cette marche, organisée en réaction à une défaite électorale, est d'abord traitée dans la franche rigolade. Risi (et ses nombreux scénaristes, parmi lesquels Scola, Age et Scarpelli) fait de ces fascistes des clowns. Si l'optique peut toujours se discuter, il faut souligner cependant que le comique traduit aussi une justesse de réflexion et d'analyse des auteurs quant aux mécanismes d'enrôlement, à la nostalgie de la guerre qu'éprouve les soldats rendus à la vie civile et à la rancoeur des paysans sans terre. Les gags ne sont pas toujours d'une extrême finesse mais le duo Gassman-Tognazzi, réuni pour la première fois, est déjà efficace.

    Umberto (Tognazzi), plus lucide que Domenico, raye une à une les lignes du programme fasciste au fur et à mesure que les promesses lui semblent bafouées au cours de leur périple. Par moments, la vision se noircit. Le rire se coince quand arrivent quelques plans rendant compte de l'avancée vers Rome : on voit les fascistes se regroupant et convergeant de plus en plus nombreux. Une fois mise à jour la faiblesse du gouvernement en place qui les laisse passer, les défilés-démonstrations de force dans la capitale sont tirés de documents d'archives. Risi termine alors son film sur une idée dévastatrice. Sur d'authentiques images du Roi et d'un amiral conversant sur un balcon, il plaque ce dialogue : "- Que pensez-vous de ces fascistes ? - Ce sont des gens sérieux, nous pouvons leur laisser un peu de pouvoir - Oui, essayons pendant quelques mois."

  • Êtes-vous Antonioniste ?

    a0540a2fe1945209bc19ecbdd62ee408.jpgTiens, v'la l'week-end...

    La reprise récente en salles de Zabriskie Point et une note à ce propos cette semaine chez Neil, donne envie de se pencher sur la filmographie de Michelangelo Antonioni. Même principe qu'avec celle de Tim Burton, voici mes préférences :

    **** : L'avventura (1960), L'éclipse (1962), Profession reporter (1975)

    *** : Chronique d'un amour (1950), La dame sans camélias (1953), La nuit (1961), Le désert rouge (1964), Blow up (1966), Zabriskie Point (1970)

    ** : Femmes entre elles (1955), Identification d'une femme (1982), Par delà les nuages (1995)

    * : -

    o : -

    Pas vus : Les vaincus (1952), Le cri (1957), La Chine (1972), Le mystère d'Oberwald (1980)

    Cinéma difficile d'accès que celui d'Antonioni, qui demande beaucoup de disponibilité. La récompense est toutefois presque toujours au rendez-vous : on se souvient ainsi longtemps des magnifiques fins respectives de L'avventura, de L'éclipse, de Profession reporter ou de Zabriskie Point. Je pense avoir commencé par L'éclipse, vu il y a bien longtemps à la télévision et qui est resté depuis mon préféré, pour son ambiance très étrange, pour Vitti et Delon, pour cette façon de filmer la ville et les objets, pour ces scènes incompréhensibles à la bourse, pour son noir et blanc. Autant que vers l'apothéose des années 60, il faut se tourner aussi vers les oeuvres de la décennie précédente. Chronique d'un amour et La dame sans camélias sont deux films remarquables, irradiés par la beauté de Lucia Bose.

    A vous de commenter...

  • Allemagne année zéro

    (Roberto Rossellini / Italie / 1948)

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    Allemagne année zéro (Germania anno zero) est sans doute le premier film de Rossellini que j'ai vu à l'adolescence. Mon souvenir particulièrement lointain s'est transformé au fil du temps pour se figer en une forme parfaitement trompeuse : l'idée qu'il s'agissait d'un plaidoyer, d'un appel à la réconciliation, et qu'il se terminait sur le suicide d'un enfant afin d'alerter les consciences. Enfin revu, Allemagne année zéro m'a procuré un sentiment bien différent.

    Tout d'abord, il n'est pas étonnant que le film ait provoqué tant de violentes batailles cinéphiliques au tournant des années 50 (batailles essentiellement idéologiques, la période néo-réaliste de Rossellini venant après quelques films mussoliniens et avant un cinéma tourné vers la grâce), par son esthétique réaliste radicale, par son refus de désigner clairement coupables et victimes et par l'ambiguïté de son dénouement. Pourtant, ce sont bien ces caractéristiques qui font sa grandeur, 60 ans plus tard. Cette force indéniable n'empêche pas de faire remarquer que l'oeuvre ne s'offre pas facilement, tant du point de vue esthétique, que du point de vue scénaristique.

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    Tournant sur place, dans les ruines de l'été 47, Rossellini tente de pallier d'abord aux difficultés techniques induites par son choix d'un réalisme total. On relève donc bien des différences de texture et de lumière d'un plan à l'autre, des changements de vitesse de défilement, de nombreux regards de passants vers la caméra dans les scènes de rues, une interprétation inégale. Cependant, la réputation de Rossellini fait croire à une mise en scène de la transparence, d'où le montage serait absent, laissant la rumeur du monde se faufiler tel quelle. Dans les faits, cela apparaît moins radicalement, surtout dans les séquences familiales, au découpage assez classique. D'autre part, la captation de la vie urbaine par les plans séquences autorise la composition plastique (de plus en plus vers la fin, en suivant Edmund avec les maisons éventrées au fond de l'image). Le réalisme, autant par les gestes du quotidien, est là par une dramatisation du récit qui n'est pas mise en avant mais qui semble résulter uniquement du climat de l'époque, soit les maladies, les patrouilles ou les arrestations. Un élément surprend particulièrement : l'utilisation de la musique. Des orchestrations parcourt des séquences comme "par en-dessous", créant un autre flot expressif, n'accompagnant pas, comme il est d'usage, une évolution de sentiment, mais la commentant presque, sans vraiment la rejoindre. Cette musique démarre souvent en plein milieu de la scène. Il est étonnant de trouver ici une amorce du travail que fera Godard plus tard, avec bien sûr, plus de vigueur.

    Ces caractéristiques esthétiques font déjà d'Allemagne année zéro une oeuvre complexe, difficile à appréhender d'un bloc. En abordant le point de vue moral, l'affaire se complique encore. Rarement un film aura atteint une telle noirceur dans la description d'une période difficile. Tous les maux de la Terre semblent trouver dans ces ruines leur point de convergence. Les Nazis ayant entraînés le monde vers l'abîme, le peuple allemand est condamné à se débattre dans cet enfer. Sans jugement manichéen, sans expliciter le rôle réel que chacun des personnages a tenu les années précédentes, Rossellini, au travers du regard d'Edmund, ne nous épargne rien : les femmes se prostituent, tous trafiquent et volent, chacun méprise son voisin, le grand frère est un lâche, le malade pourrit la vie à tout l'immeuble, l'instituteur abuse des enfants.

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    Nous naviguons dans ces eaux noires jusqu'au fameux dernier quart d'heure du film, qui suit la déambulation du garçon jusqu'à son dernier refuge, duquel il se jettera dans le vide. Son geste restera mystérieux, car Rossellini n'explique pas, il lâche juste quelques signes. Le cinéaste, chose que bien des gens lui ont régulièrement reproché, place à un moment donné cette courte scène de l'orgue de l'église qui retentit, arrêtant un instant la marche des passants et celle d'Edmund. Voici un signe divin qui l'appelle à Dieu ? Peut-être, mais c'est heureusement plus ambigu que cela. D'une part, cette scène fait un écho étrange à celle où, plus tôt, un gramophone résonnait soudainement, au milieu des gravats, d'un discours d'Hitler. D'autre part, Edmund reprend aussitôt son parcours. (Ouverture de parenthèse : parfaitement mécréant, je suis cependant souvent intéressé par les auteurs interrogeant sans cesse leur rapport à la religion, comme dans Les onze Fioretti de François d'Assise de Rossellini ou L'évangile selon St Matthieu, que je ne suis pas loin de considérer comme étant le meilleur Pasolini. Fermeture de parenthèse.). Autre signe éventuel : Edmund est rejeté ou incompris, par son frère et sa soeur qui le laissent quitter la maison, par l'instituteur qui nie lui avoir donné l'idée de tuer son père, et par les enfants qui refuse de le laisser jouer avec eux au football. Mais finalement, plus que ces pistes si peu concluantes, ce qui ressort de la longue marche d'Edmund et de son ascension dans l'immeuble détruit, c'est l'apparition du jeu. Cet enfant de 12 ans joue sous nos yeux pour la première fois, à sautiller, à escalader. Mais de plus en plus dangereusement. Il joue à la mort, puisque de toute façon, celle-ci est partout autour de lui. Il fait "bang bang" avec un pistolet imaginaire, tire sur son ombre, sur son front. Jeu et mort se confondent. Se suicide-t-il ou joue-t-il pour de vrai ? Cette incertitude finale ponctue un film opaque, témoignage non pas d'un chaos, car dans le chaos il y a encore de la vie, mais du néant.

    Photos : dvdbeaver.com & allocine.fr

  • Les clefs de la maison & Le scaphandre et le papillon

    (Gianni Amelio / Italie / 2004 & Julian Schnabel / France / 2007)

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    Consacrer un film à un personnage handicapé est l'une des choses les plus difficiles, les bonnes intentions se transformant vite en récit larmoyant. Les deux dernières réussites me revenant à l'esprit sont My left foot de Jim Sheridan en 1989 et le méconnu film australien de Rolf De Heer Dance me to my song, en 1999. Dans le premier, Daniel Day Lewis incarnait un peintre, ne pouvant se servir uniquement que de son pied pour réaliser ses toiles. Le ton était celui de la chronique réaliste et social à l'anglaise, vigoureuse et acide. Le second, à travers l'histoire passionnelle se nouant entre une handicapée et l'homme qui s'occupe d'elle, frappait par la représentation très frontale, jusque dans les scènes d'amour, des corps.

    537448d017a692584d68595c06db2ea9.jpgAmelio et Schnabel ont choisit eux aussi des voies différentes. Les clefs de la maison, présenté à Venise en 2004, est sorti discrètement ensuite en France. Le cinéaste italien fait à nouveau appel à l'héritage néo-réaliste, comme il l'avait si bien fait avec Les enfants volés en 1992 (bien des points communs caractérisent les deux films, notamment la construction scénaristique). La situation de départ est posée d'emblée : le père rencontre pour la première fois l'enfant handicapé qu'il a abandonné à la naissance, quinze ans auparavant. Ce bouleversement est voulu par l'entourage de l'enfant, qui espère qu'un séjour en Allemagne auprès de ce père inconnu provoquera une évolution bénéfique. Mis à part ces données, très peu d'informations sont données sur les personnages, Amelio faisant confiance à son regard documentaire. La relation père-fils se construit patiemment, au fil des examens et des sorties, sans psychologie, avec peu de dialogues. Les explications arrivent à la moitié du film et l'alourdissent d'un coup. Les confessions sont provoquées par la rencontre entre Gianni, le père (Kim Rossi Stuart), et la mère d'une petite fille hospitalisée (Charlotte Rampling). Bien interprété et photographié (la dernière partie sous les cieux norvégiens), le film souffre d'un déroulement trop habituel : apprentissage mutuel, agacement devant des méthodes médicales jugées inefficaces et fuite vers un ailleurs synonyme de nouvelle sérénité.

    988bcf323cc225c4b9c515363030cdaa.jpgLe scaphandre et le papillon, succès à Cannes et en salles au printemps dernier, est donc l'adaptation du livre autobiographique de Jean-Dominique Bauby. Ce récit, dicté avec les battements de sa paupière par l'écrivain totalement paralysé à la suite d'une attaque, Julian Schnabel le déroule en privilégiant la subjectivité du regard. Toute la première partie du film est en caméra subjective. Nous voyons uniquement ce que voit Bauby, y compris des choses indistingables. D'abord audacieux, ce choix est pourtant remis en cause au fur et à mesure, Schnabel privilégiant de plus en plus, apparemment sans raison véritable, des plans objectifs "normaux". Mathieu Amalric se sort bien de ce rôle difficile, ce qui laisse à penser que Schnabel aurait mieux fait de filmer classiquement depuis le début. Les seconds rôles sont drôles (Patrick Chesnais et Isaak de Bankolé) et les filles sont parfaites (Marie-José Croze, Mathilde Seigner et Anne Consigny). Les notes humoristiques évitent de sombrer dans le pathos, qui guette parfois, associé à une prise de conscience de la futilité de la vie facile d'avant bien convenue. Autre aspect qui aurait gagné à être plus poussé : le mélange de fantasmes et de réalité, produit des divagations de l'esprit de l'écrivain.