Il y a six ans de cela, le choix d'un arrêt temporaire des sorties concerts s'imposait quand fut chez nous résolue la mystérieuse équation 1+1=3. Le temporaire étant devenu permanent, la création en 2007 de la Garden Nef Party, festival rock angoumoisin (après un "numéro zéro" en 2006 avec 4 groupes sur une seule journée), fut accueillie dans notre chaumière comme une bénédiction et comme l'occasion rêvée d'un bon rattrapage. Ambiance agréable, programmation impeccable et site idéal à flanc de colline verte et boisée : cette première édition tenu ses promesses, et même au-delà (on parlera encore sur notre lit de mort de cette soirée de clôture qui vit se succéder les sets époustouflants d'Arcade Fire et de LCD Soundsystem). Un rendez-vous était donc pris.
L'édition 2008, c'était le week-end dernier pour deux fois dix heures de musique enchaînées grâce aux allers-retours entre les deux scènes. Compte-rendu :
Jour 1 :
Le vent se lève - Les Anglais d'Archie Bronson Outfitouvraient le bal de manière fort à propos. Morceaux compacts et intenses soutenus par un saxophone bruitiste. On démarre fort.
La guerre des boutons- Stars des couloirs de lycée (il faut entendre les cris aigus du premier rang) les teenagers de BB Brunes m'étaient totalement inconnus. Simple, direct, parfois amusant ("J'écoute les Cramps / Tu te mets à genoux...") : du rock'n'roll quoi. C'est toujours ça de pris à Amel Bent.
Wanda - Toujours impressionnant de voir une petite bonne femme seule sur une grande scène, derrière sa guitare en bois, imposer le respect à une foule de festivalier. L'Américaine Alela Diane enveloppe d'une voix magnifique ses belles chansons folk.
Punch drunk love- Sur le pont depuis une bonne douzaine d'années (deux djeunes derrière nous : "Putain, ils sont vieux !"), Nada Surfsait encore ciseler sa power-pop à merveille. Le trio, épaulé par un membre de Calexico, a réussit à enflammer les premières mèches dans le public. Leur sincérité et leur absence de pose nous les a toujours rendu éminemment sympathiques.
Le carrosse d'or - Accessoires improbables, mimiques, apartés humoristiques, instruments traditionnels, Moriartydéploie son petit théâtre aussi atypique qu'attachant, autour de la diva Rosemary.
Bonnie and Clyde- Pour beaucoup les plus attendus, Jamie "Hotel" et Alison "VV" n'ont pas déçu. The Kills ou le rock au plus près de l'os : une boite à rythme, une guitare, une chanteuse. Monsieur, sec comme un coup de trique, sourire aux lèvres. Madame, déchaînée, les yeux cachés derrière la longue chevelure. MON concert du festival.
Le rock du bagne - Heavy Trashest le nouveau groupe de Jon Spencer. Sans reprendre son souffle, il enchaîne les morceaux, emprutant au rockabilly et au rythm'n blues (jusqu'au costume).
Pat Garrett et le Kid- Jack White, délaissant Meg et ses White Stripes, retrouve à chaque vacances Brendan Benson. Leur super-groupe, The Raconteurs, marie idéalement la déstructuration de l'un et l'écriture précise de l'autre. Jack triture toujours aussi savoureusement sa guitare. Leur Steady as she goesaura provoqué l'une des ondes de choc les plus fortes du week-end. (un mec qui quitte l'assistance en plein milieu du concert pour aller voir (boire) ailleurs : "Non mais j'adooore Jack White...")
Easy rider- Ses frasques ont été immortalisées par le documentaire Dig !. Anton Newcombe, leader du Brian Jonestown Massacre, s'est quelque peu calmé au niveau de l'attitude. Ses propos sont toujours aussi déstabilisants ("Je dédie cette chanson à ma première femme, une française de Bordeaux. Elle a eu un bébé et est morte il y a un mois."!?!?) mais son rock psychédélique est toujours aussi hypnotique.
A.I. Intelligence Artificielle - Au début, il faut s'y faire à cette débauche sonore et visuelle : deux hommes-troncs s'agitent entre deux immenses murs d'enceintes. Puis l'évidence s'impose. Justiceen concert déconstruit ses tubes. Ultra-découpé, D.A.N.C.E.se retrouve déshabillé de ses oripeaux putassiers et We are your friends prend des allures de tuerie imparable. Toute cette puissance éléctro impose le respect. MA bonne surprise du festival.
Jour 2 :
Velvet Goldmine - Le chanteur des Hushpuppiesa battu le record de distance parcourue en étant porté à bouts de bras par le public. Un exploit compte tenu de l'heure peu avancée (17 heures). C'est surtout la preuve que les petits gars de Perpignan savent nous mettre dans leur poche en dégageant une belle énergie et en troussant de sacrées mélodies rock.
Manhattan- L'élégance vestimentaire, la tension des guitares, la concision du jeu et la langue sont new-yorkaises, mais les quatre petits jeunes des Kid Bombardossont bien de chez nous (de chez moi, même, puisque bordelais). Par moments, on pense aux Strokes et le compliment n'est pas mince. MA découverte du festival.
Maîtresse - En pantalon de cuir, Mademoiselle K joue de la guitare comme un mec et entrecoupe ses petites histoires de "putain, merde, fait chier".
La science des rêves - Patrick Watsona l'une des voix les plus touchantes qui soient et il est surtout l'un des meilleurs songwriters du moment. Tout heureux d'être là, plus rock avec son groupe sur scène que sur disque, le montréalais triture aussi bien son piano que sa boîte électronique pour le même résultat : flotter en apesanteur. MON moment de grâce du festival.
Voyage à deux - Moins sucré et plus tranchant en live, The Dorafraîchit. Olivia, chanteuse parfaite, virevoltait, guitare en bandoulière, pieds nus et jupe fleurie (un charentais : "Elle arrache la drôlesse !"; un mec bourré : "Salope !").
Boulevard de la mort - Pied au plancher, The Bellrayset leur sacrée chanteuse enquillent les chansons, mélange de rock dur et de soul.
L'homme qui voulait être roi - S'autoproclamant "meilleur groupe de rock du monde" avec suffisamment d'insistance pour que l'on en sourit, les suédois de The Hives ont déroulé leur show avec l'énergie et l'efficacité attendue. L'explosif tube Tick Tick Boom a bien justifié sont nom.
Cocktail - Dans sa belle veste en daim et à franges, Adam Green voyage au sein de toutes les musiques populaires américaines, de la ballade style Beach Boys au rock style Modern Lovers. Songwriter doué et humour bienvenu.
La nuit de l'iguane- Déboulant comme un fou dans son habit de scène préféré (torse nu et jean moulant), Iggy Pop, en compagnie de ses vieux potes, a aligné les classiques des ("Fucking") Stooges comme si ils avaient été enregistrés le mois dernier : 1969, TV eye, Real cool time(avec invitation faîte à chacun de venir s'éclater sur scène avec lui, ce qui fut fait par une bonne poignée de djeunes) ou un I wanna be a dog qui reste toujours aussi furieux et fascinant. MA claque dans la gueule du festival.
Recherche Susan désespérément - Peaches, laissant le bon goût aux autres en se présentant d'abord habillée comme un sac puis moulée dans une combinaison de super-héros, faisait la DJette lors d'un mix entraînant.
The Party - ...se terminait avec Birdy Nam Nam, quatre pousse-disques dont les beats répétitifs avaient vocation à faire danser jusqu'au bout de la nuit.
Voilà, c'était la Garden Nef Party 2008. C'était bien.
Bon allez, après ça, on débouche les oreilles et on retourne au cinéma. On est pas chez feu-Les Inrocks ici.
Après un week end à rallonge consacré à tout autre chose et avant le prochain où j'irai pendant deux jours entendre les guitares, hier soir encore je n'ai pas vu de film, mais j'ai regardé
Le
Par rapport à
Valse avec Bachir (Waltz with Bashir) est, au départ, un documentaire, auquel s’ajoutent des séquences de rêves et de souvenirs, de fiction donc, le tout étant soumis, chacun le sait maintenant, au traitement du cinéma d'animation. Documentaire et fiction : le voisinage de ces deux termes au sein d’une oeuvre cinématographique est toujours extrêmement délicat à manier. Il se trouve qu'ils sont ici dépassés, neutralisés et unifiés par le troisième, l'animation. Quelque chose d'unique se produit sous nos yeux (comme tout le monde, sans en être totalement sûr, je suppose qu’Ari Folman agit en précurseur et crée un nouveau genre) : la question de la frontière entre réalité et fiction ne se pose absolument pas, l'entremêlement des divers registres n’est jamais un problème. Avant la projection, je croyais que le mode d’expression choisi permettait à l’auteur de toucher le non-représentable. Or, il ne s’agit pas vraiment de trouver une autre voie pour approcher l'insoutenable (la guerre et les massacres). Les images dessinées de Valse avec Bachir ne brisent pas de tabou et la violence qu'elles montrent ne va pas au-delà des limites de la représentation habituelle. Non, l'intérêt est ailleurs : dans la création d'un objet esthétique singulier et cohérent, qui agrège des éléments aussi disparates que des entretiens enregistrés, des récits de guerre et des cauchemars. Valse avec Bachir, c'est une certaine ambiance, une certaine lumière.
Ah ouais, quand même… J’ai déjà vu quelques films de tarés mais dans le genre "on fait n’importe quoi" El Topose pose là. Si la vision du délire culte de Jodorowsky me fût plutôt pénible, en résumer l’argument est cependant un plaisir. Un étrange cavalier, tout de noir vêtu et que l’on nommera au choix El Topo (la Taupe) ou Dieu, sillonne le désert accompagné d’un enfant de sept ans seulement habillé d’un chapeau. En chemin, ils tombent sur un terrible charnier, puis retrouvent les coupables dans un monastère avant de les occire. Au moment de repartir, El Topo abandonne le gamin et emporte sur son cheval une femme qu’il vient de sauver et qui maintenant n’a d’yeux que pour lui. Il la prend violemment dans les dunes. Elle lui répond qu’elle l’aimera plus encore lorsqu’il aura affronté les quatre meilleurs tireurs du désert. Ce qu’il ne tarde pas à faire : trépassent donc l’aveugle rapide, le Russe vivant avec sa mère et son lion, le musicien entouré de centaines de lapins et le vieil ermite dont le filet à papillons détourne les balles de revolver. Malgré tout, la femme le quitte pour une autre beauté rencontrée entre temps et qui porte admirablement la veste de cowboy en laissant entrevoir sa poitrine. Laissé à moitié mort, El Topo reprend ses esprits quelques années plus tard dans une grotte entouré de miséreux le vénérant tel un saint. Il décide d’aider cette communauté de pestiférés en creusant un tunnel qui leur permettrait d’aller vivre dans la ville voisine, tenue toutefois par une horde de vieilles femmes très dignes mais libidineuses et esclavagistes. Notre homme ne pourra éviter un nouveau massacre d’innocents et même si l’enfant qu’il a jadis abandonné ré-apparaît et si sa nouvelle femme naine vient d’accoucher, il s’immole.
Récit d'une odyssée criminelle couvrant la période la plus agitée que connût l'Italie après la guerre, soit les années terroristes 70 et 80, Romanzo criminalese place au coeur d'un genre bien établi dans la cinématographie transalpine, tout en s'appuyant sur une esthétique toute américaine. La première partie de cette fresque accumule ainsi les figures scorsesiennes dans sa description de l'ascension irrésistible d'une bande de malfrats dans le monde de la criminalité mafieuse. La pathologie de certains membres du gang, les éclats de violence et tous les signes constitutifs de la grande délinquance (armes à feu, liasses de billets, drogue) sont traités selon le rythme fiévreux et musical de l'auteur des Affranchis (la bande-son est également saturée de vieux tubes rock'n'roll). Et à l'image de son modèle, Michele Placido, nous plonge dès le générique dans la spirale, les présentations des principaux personnages se faisant dans la fébrilité d'un événement dramatique et violent. Ce début, qui voit les protagonistes à l'âge de l'adolescence se faire arrêter par la police au terme d'une folle virée nocturne, a valeur de moment traumatique fondateur pour les membres du groupe. A plusieurs reprises dans le récit, nous reviendrons (c'est l'un des choix de mise en scène discutables du film), par flash-back ou retour réel d'un personnage, sur cette plage où eu lieu l'arrestation.
Pour fêter les 20 ans des Eurockéennes de Belfort, commande a été passée à Gaëtan Chataigner pour qu'il réalise un documentaire-hommage au célèbre festival. Chataigner est le bassiste des Little Rabbits, meilleur groupe de rock français du monde au tournant des années 2000, splitté depuis, pour mieux renaître sous le nom de French Cowboy et, parallèlement, en orchestre de luxe pour les concerts de Philippe Katerine. Sachant que notre homme adore depuis toujours bidouiller des vidéos pour son groupe ou ses grands potes que sont Katerine et Dominique A., le projet promettait énormément sur le papier.
M'étant enfin décidé à aller voir L'orphelinat (El orfanato), repris à l'occasion de la Fête du Cinéma, je me disais que je pourrai débuter ma note sur ce film, qui ne pouvait manquer d'être intéressant, par un parallèle (drôle et pertinent, personne n'en doute je l'espère) entre l'actuelle bonne santé du cinéma espagnol et la victoire méritée de leur équipe nationale à l'Euro de foot. Mais voilà qu'une simple phrase fit voler en éclats ma résolution. Elle fut entendue lors de l'achat de ma place : "Je vous préviens, on vient de m'annoncer que le film est en VF et non en VO comme prévu". Grimace et demande d'un temps de réflexion. Trois possibilités. La première : tenter vaille que vaille de faire abstraction du doublage, en se disant qu'il ne doit rien y avoir de plus ressemblant à un cri de terreur en espagnol qu'un cri de terreur en français. La deuxième : choisir un autre film, sachant que le Desplechin est déjà vu et qu'il ne reste que Sagan et J'ai toujours rêvé d'être gangster(vraiment, mais alors vraiment pas envie du tout, ni de l'un ni de l'autre). La troisième : refaire dans l'autre sens 25 minutes de bagnole en râlant. Je choisis la réponse A. La soirée commençait donc mi-figue mi-raisin et ma réception du film doit se moduler du coefficient correcteur VF.