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Nightswimming - Page 59

  • Tillie and Gus

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    Tillie and Gus serait une comédie familiale tout à fait négligeable si elle n'était élevée par W.C. Fields. L'histoire est celle d'un jeune couple spolié de son héritage par un méchant notaire puis sauvé par l'arrivée d'un oncle et d'une tante, mari et femme mais séparés, faux missionnaires mais vrais escrocs. Après que la gentille exposition de la difficile situation financière des amoureux, la deuxième séquence lance le film. Elle sert à présenter le personnage de Fields, Augustus Winterbottom, en plein procès pour tentative d'assassinat sur un joueur de poker. Découpée efficacement, elle repose sur les épaules de l'acteur mais pas seulement, les petits rôles se mettant au diapason (le juge commençant à trembler lorsque Fields s'enfile une bouteille de whisky) pour faire de ce moment sans doute le meilleur du film. 

    W.C. Fields, que je découvre réellement ici, c'est cet homme d'un certain âge déjà, rondelet, sûr de lui et ne respectant absolument aucune des convenances. Buvant et fumant ostensiblement, tapotant ceux qui le gêne avec sa canne, coupant les files d'attente, il impose sa présence et dérange. Cet anarchisme le rend sympathique. L'acteur est génial dans la réalisation des petits gestes agaçants et dans la formulation de phrases absurdes ou de bons mots ("- Do you like children ? - If they are well cooked"). Cousin artistique des Marx Brothers et continuateur des travaux burlesques du muet, il semble un peu moins performant dans la grande action et les cadres très larges. La faute probablement aussi, dans ce Tillie and Gus en tout cas, aux insuffisances d'une mise en scène très fonctionnelle, peu soucieuse de beauté plastique et architecturale dès lors que la caméra s'éloigne.

    Le scénario offre tout de même l'occasion de plans expressifs à travers la confrontation entre Fields et Baby LeRoy, acteur d'une dizaine de mois destiné à prolonger bien au-delà de ce premier film cette collaboration. L'opposition de ces deux masses, assez comparables malgré la différence d'échelle, est plutôt savoureuse. Surtout, la présence de ce bambin n'occasionne pas autant de facilités que l'on pourrait le craindre. Winterbottom n'hésite pas à sauver ce petit neveu mais, plus ou moins consciemment, il le met régulièrement en danger, dans un engrenage presque cruel aux yeux du spectateur. C'est que, je le répète, Fields ne respecte rien. S'il se rabiboche avec sa femme qui était bien décidée à l'occire, c'est pour retrouver le frisson que provoque l'escroquerie à deux. Et l'idée commune d'arnaquer leur naïve nièce parvient à les effleurer un instant.

    Très distrayant dans sa première moitié, le film devient plus prévisible dans la seconde (une course de bateau à gros enjeu entre le notaire et la famille) et se termine sur une classique recomposition familiale. Après avoir donné quelques vifs coups de pieds, il s'en trouve tout adoucit, ce qui n'empêche pas de continuer à le trouver plaisant.

     

    tillie&gus00.jpgTILLIE AND GUS

    de Francis Martin

    (Etats-Unis / 58 min / 1933)

  • Foxy Brown

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    Sorte de mauvais épisode de Starsky et Hutch, en plus graveleux, plus violent et plus Noir, le navet de série Foxy Brown n'a qu'un attrait, la poitrine de Pam Grier, et un mérite, celui d'avoir influencé Quentin Tarantino pour l'un de ses meilleurs films.

     

    foxybrown00.jpgFOXY BROWN

    de Jack Hill

    (Etats-Unis / 94 min / 1974)

  • The Shooting, L'ouragan de la vengeance & Cockfighter

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    Réalisés l'un dans la foulée de l'autre et la plupart du temps distribués ensemble (en France au cinéma en 1968 comme en DVD plus tard), The shooting et L'ouragan de la vengeance sont deux films difficilement dissociables, à l'origine des premières manifestations du culte voué à leur maître d'œuvre Monte Hellman.

    Un campement de mineurs, une ville réduite à trois bâtiments, des étendues rocailleuses, quatre personnages et deux ou trois silhouettes... L'économie de The shooting est celle de la série B (Roger Corman ne se tient pas loin, au sens propre, Hellman étant, au début de sa carrière, l'un de ses protégés) mais la visée est haute. L'approche privilégiée est celle du réalisme, les temps morts n'étant nullement éliminés. Il se crée un rythme étonnant à la suite de ces plans qui retardent les entrées dans le champ et les gestes déterminants ou bien, au contraire, qui démarrent directement sur un coup de feu ou un changement d'échelle brutal.

    Les situations se mettent en place de manière énigmatique et les personnages le sont tout autant (un homme qui ne parle pas, un indien dont on ne comprend pas la langue...). Les motivations se devinent, elles ne sont jamais explicitées alors que des questions reviennent sans cesse : Qu'est-ce que c'est ? Qui est-ce ? Quel est son nom ? La ligne narrative suivie est celle d'une quête mais un quête devenant absurde à force de dépouillement et d'obstination. Les chevaux trépassent, les paquets sont abandonnés, les hommes aussi. L'avancée se fait vers un point fuyant mais la force du pressentiment se signale. Quelque chose d'indéfinissable mais de bien présent.

    Au campement déserté, l'apparition de la femme, qui ne sera jamais nommée, entraîne déjà dans une dimension fantastique. Si l'on craint la lourdeur théorique et l'intellectualisation excessive du western, le poids du réel nous ramène toujours sur terre, grâce à l'attention portée aux corps, à la fatigue, à la sueur... L'errance existentielle tire là sa force et ce va-et-vient entre l'abstrait et le concret signe la modernité du film (qui annonce par bien des aspects le tour de force accompli récemment par Kelly Reichardt avec La dernière piste). Les interprètes intègrent remarquablement ces données à leur jeu, d'un Jack Nicholson déjà diabolique à un Warren Oates impeccablement dépassé par les événements, en passant par une Millie Perkins à la fois fragile, déterminée et inatteignable.

    Oates endosse le rôle d'un ancien chasseur de primes luttant contre les armes, évitant les tueries et préférant écraser à coups de pierre la main dangereuse d'un tueur à gages plutôt que d'abattre celui-ci. Pareillement, Hellman lutte avec le western mais sait que ce combat est vain. Il sait comment ça finit et nous aussi, malgré toutes les ellipses du monde...

    Passer par les acteurs et leurs personnages offrent une clé pour comparer les mérites de The shooting et ceux de L'ouragan de la vengeance. Dans le premier, Millie Perkins est une femme mystérieuse, irradiante, sans passé et peut-être sans avenir. Dans le second, elle est fille de fermier, dévouée et travailleuse, effacée et silencieuse. Dans le premier, Jack Nicholson est un manipulateur sardonique affichant ce sourire qu'il reprendra maintes et maintes fois dans la suite de sa carrière. Dans le second, c'est un cowboy honnête, pourchassé à tort, ne souriant jamais : c'est le Nicholson plus rare, ménageant ses effets, que l'on retrouvera par exemple chez Bob Rafelson (Cinq pièces faciles, 1970).

    Cette fois, si le tragique est toujours est présent, la subversion du genre se fait uniquement par une accentuation du réalisme. Très prosaïque, Hellman insiste sur les détails et les accidents du réel (le chapeau qui est soufflé par le vent, le cheval que l'on a du mal à enfourcher) et limite les fulgurances dramatiques et stylistiques. Bien que l'histoire contée dans L'ouragan de la vengeance se passe sur plusieurs heures, l'impression donnée est celle du temps réel des actions.

    Au moins autant que dans The shooting, nous avons là, à travers l'histoire de trois cowboys pris pour des bandits, une réflexion sur le refus de la violence et l'opposition à son emploi. Elle soutient la forme comme le fond. D'une part, Hellman ne s'appesantit jamais sur les tirs de revolvers, ne s'appuit jamais sur la jouissance de cette violence. D'autre part, il met à nu un mécanisme implacable en lançant ses protagonistes dans une course pour la survie quasiment sans espoir. L'œuvre, très pessimiste, permet de toucher du doigt comme rarement cet engrenage mortel.

    Ce n'est qu'en 1971 que sort le film suivant de Monte Hellman, le Macadam à deux voies (Two-lane blacktop) qui va définitivement faire connaître le nom du cinéaste. Pour l'évoquer brièvement, rappelons que, très représentatif de ces années-là par les figures qu'il convoque (jeunesse, liberté de mœurs, groupes sociologiques bien définis, musique pop-rock, traversée des grands espaces), il n'en est pas moins radical et se révèle assez impressionnant. C'est une œuvre dénuée de tout romantisme dans sa description de l'amour porté par les deux personnages principaux aux voitures rapides. Ceux-ci, peu bavards, ne parlent que de mécanique, même en compagnie de la jeune femme qu'il récupèrent au bord de la route. Pour nous, ils en deviennent presque malades mentalement, au moins obsédés. Et cette obsession aboutit à la mort, ce que suggère une fin d'une grande beauté qui, bien évidemment, ne clôt absolument rien dramatiquement parlant. A la rigueur, on peut dire que la tension dramatique n'est apportée que par le rival (Warren Oates et sa gouaille). Et encore... Le défi qui est lancé est rapidement abandonné. Encore une fois, cette position annonce celle de bien des cinéastes d'aujourd'hui, Gus Van Sant en tête.

    A ces trois tentatives singulières qui rebattaient les cartes de belle manière a succédé Cockfighter qui me semble, en revanche, assez largement dépourvu d'intérêt. Coursodon et Tavernier dans 50 ans de cinéma américain en parlaient comme d'un film semblant "être construit à partir de certaines exégèses de Two-lane blacktop". On peut le voir en effet comme cela.

    Roger Corman à la production, Warren Oates à la tête de la distribution, Harry Dean Stanton à ses côtés et même Millie Perkins, dans un petit rôle : une bonne partie de la "famille" Hellman est réunie. A propos de l'actrice, on peut, à nouveau, s'intéresser au sort qui lui est réservé. Cette fois-ci, elle apparaît en ménagère mal fagotée, des bigoudis dans les cheveux, et son personnage est expédié peu de temps après, sans ménagement. Voilà le chemin parcouru.

    Encore une fois, la plupart des marqueurs du cinéma des années 70 sont présents de la sous-dramatisation de l'intrigue au symbolisme désinvolte, des figures de l'errance à celles de la marginalité... Cependant, même pour qui n'est pas amateur de la chose automobile, la passion pour les bolides a quelque chose de beaucoup plus cinématographique que celle pour les combats de coqs, activité principale du héros de Cockfighter. Et comme la mise en scène de Hellman se fait plutôt terne, à quelques flashs près, l'attachement aux personnages, au récit, au film ne se fait pas. L'inévitable truculence de certains épisodes de cette aventure dans l'Amérique profonde lasse et la misogynie caractérise le regard porté sur les femmes (soit proprement ridiculisées, soit incapables de comprendre l'attitude rebelle du héros).

    Surtout, le choix de faire du personnage de Warren Oates quelqu'un de muet saborde le film. Ce n'est pas qu'il ne peut pas parler, c'est qu'il ne veut pas, du moins jusqu'à ce qu'il gagne enfin un certain concours. Découle de cette donnée scénaristique un festival de mimiques par Oates qui se révèle pour nous absolument épuisant puisque les gens qui l'entourent ne cessent de communiquer avec lui. Notons que Hellman, de toute façon, ne va pas jusqu'au bout de son idée car il plaque sur beaucoup d'images la voix off de l'acteur, voix qui se fait porteuse d'un discours purement "professionnel" dans une posture créant une proximité/distance avec le spectateur déjà observée plus d'une fois dans d'autres films.

    Parvenu au bout de l'impasse, je n'ai amassé que deux ou trois séquences à sauver, un monologue déshabillé au bord d'un lac, un combat de coqs dans une chambre d'hôtel filmé au ralenti... Finalement, à la même époque et dans le même registre de l'Americana déglinguée, un "classique" comme John Huston aura réalisé de bien meilleurs films (Fat City, Le Malin) que ce Cockfighter, échec d'un cinéaste culte qui, semble-t-il, ne retrouvera jamais vraiment l'inspiration qui irriguait les trois opus ayant fait sa réputation(*).

     

    (*) : A moins que le récent Road to nowhere... (n'est-ce pas Doc ?)

     

    Hellman,Etats-Unis,Western,60s,70sHellman,Etats-Unis,Western,60s,70sHellman,Etats-Unis,Western,60s,70sTHE SHOOTING (ou LA MORT TRAGIQUE DE LELAND DRUM)

    L'OURAGAN DE LA VENGEANCE (Ride in the whirlwind)

    COCKFIGHTER

    de Monte Hellman

    (Etats-Unis / 82 min, 82 min, 83 min / 1966, 1965, 1974)

  • Mes films préférés de 2011

    top2011.jpg

     

    Tout d'abord :

    DRIVE de Nicolas Winding Refn

    L'ÉTRANGE AFFAIRE ANGÉLICA de Manoel de Oliveira

    LA DERNIÈRE PISTE de Kelly Reichardt

    HORS SATAN de Bruno Dumont

     

    Ensuite :

    HABEMUS PAPAM de Nanni Moretti

    PINA de Wim Wenders

    L'AUTOBIOGRAPHIE DE NICOLAE CEAUSESCU d'Andrei Ujica

    SOMEWHERE de Sofia Coppola

    L'APOLLONIDE, SOUVENIRS DE LA MAISON CLOSE de Bertrand Bonello

    CARANCHO de Pablo Trapero

     

    Et puis :

    Une séparation / La piel que habito / Un été brûlant / Pater / Santiago 73, post mortem
    Hugo Cabret / Le fossé / Octobre à Paris / La grotte des rêves perdus / Winter's bone
    Black swan / Le gamin à vélo / Au-delà

    etc.

    (+ The Terrorizers d'Edward Yang)

     

    *****

    Les meilleurs films que je n'ai pas vu :
    1. Il était une fois en Anatolie, 2. Crazy Horse, 3. Boxing gym, 4. Shame, 5. Les neiges du Kilimandjaro, 6. Super 8, 7. Je veux seulement que vous m'aimiez, 8. Comment savoir, 9. The hunter, 10. The artist, 11. Le cheval de Turin, 12. Submarine, 13. The murderer, 14. Scream 4, 15. Ceci n'est pas un film, 16. Lourdes, 17. Tomboy, 18. Oki's movie, 19. Les chemins de la liberté, 20. Johnny English, le retour, (...) 199. Intouchables, (...) 492. La conquête, 493. Ma part du gâteau, 494. Voyez comme ils dansent.

    *****

    Et mes albums préférés :
    Wounded rhymes - Lykke Li / Grand lièvre - Jean-Louis Murat / Blood pressures - The Kills / Happy soup - Baxter Dury / Gimme some - Peter Björn and John / Let England shake - PJ Harvey / Fill the blank with your own emptiness - Le Prince Miiaou / Angles - The Strokes / E volo love - François and the Atlas Mountains / To the death of fun - Cashier N°9

  • US Cahiers du Cinéma - Positif FC : le Match du siècle

    En cette période de fêtes de fin d'année, toute l'équipe de Nightswimming est heureuse de vous offrir un cadeau original et un moment de détente, à partager en famille ou entre amis.

    Alors, parlons bien, parlons foot... Plus intense que le France - Allemagne de 1982, plus renversant que le Manchester United - Bayern de Munich de 1999, plus tendu qu'un OM - PSG, le match du siècle est pour nous celui qui oppose depuis soixante ans maintenant l'Union Sportive des Cahiers du Cinéma au Positif Football Club, affrontement dont ce blog 100% foot vous a relaté, sur 20 mois et à travers des centaines de couvertures, toutes les péripéties. Arrivés au bout de cette folle aventure, il était temps pour nous de reprendre nos esprits, de faire le point, de regrouper toutes les données accumulées afin de proposer un tableau d'ensemble pouvant être utile à chaque supporter.

     

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    1) US CAHIERS DU CINEMA - POSITIF FC : Les équipes-type


    Pour commencer, voyons quels sont les joueurs ayant été le plus fréquemment convoqués par les deux staffs, tout au long de ces six décennies...

    footcahiersposjpg.jpg


    US CAHIERS DU CINEMA

    Organisation en 4-3-3 classique avec une seule pointe.

    Gardien de but : Maurice PIALAT (11 couvertures séléctions)
    Un joueur qui connaît parfaitement le terrain et qui garde les pieds bien ancrés dans la réalité. Réputé pour haranguer ses défenseurs sans ménagement à la moindre faute afin, dit-il, de les pousser à toujours plus d'efforts.

    Défenseur droit : Eric ROHMER (11 sélections)
    Toujours utilisé à droite. Son allure d'amateur cache un jeu très élégant et plus moderne qu'il n'y paraît. Il est issu du même centre de formation que Rivette, Godard et Truffaut.

    Défenseur gauche : Luis BUÑUEL (9 sélections)
    Joueur imprévisible derrière son calme apparent. Peu de gens le donnaient titulaire dans l'équipe, sa réputation ne cadrant pas vraiment avec les attentes des coachs des Cahiers. Il a su pourtant gagner sa place...

    Défenseurs centraux : Jean RENOIR (8 sélections) et Jacques RIVETTE (9 sélections)
    Renoir, c'est le Patron... de la défense. Sous ses dehors nonchalants, c'est un vrai travailleur. Meneur de vestiaire, il est le seul de l'équipe à vraiment chanter La Marseillaise.
    Pour équilibrer la désinvolture de Renoir, Rivette apporte sa rigueur. Gagnant souvent ses Duelle, il est aussi le plus rugueux de la Bande des quatre défenseurs, ce qui fait qu'il arrive rarement à finir les matchs, qui sont dés lors, pour lui, bien trop courts.

    Milieux défensifs : Clint EASTWOOD (9 sélections) et Ingmar BERGMAN (8 sélections)
    Eastwood est un joueur très difficile à passer. Impitoyable, il est prêt à arrêter n'importe quel attaquant, et cela, pas toujours avec les moyens licites. Il est parfois trop individualiste mais dispose d'une très grosse frappe.
    Bergman, le Suédois de Sporting Club de Farö, complète ce duo de récupérateurs très physique. Opiniâtre, il ne lâche rien. Cependant, dans ses relances, il a tendance à tergiverser et à trop se poser de questions.

    Milieu offensif : Alfred HITCHCOCK (10 sélections)
    Joueur qui s'y connaît pour mystifier l'adversaire par ses feintes, ses fausses pistes et ses passements de jambes. C'est un milieu de terrain à l'intelligence tactique et aux compétences techniques remarquables, finissant toujours par éclairer le jeu. Porte le Numéro 17.

    Attaquant droit : François TRUFFAUT (10 sélections)
    Son jeu est très élégant mais manque parfois de percution. Pourtant, c'est l'homme aux 400 buts... Les mauvaises langues disent qu'il est plus provocateur en dehors que sur le terrain. Connaissant les propos qu'il a tenu sur les Britanniques, son duel avec Boorman promet d'être explosif.

    Attaquant gauche : Martin SCORSESE (9 sélections)
    Petit, vif et technique, il met souvent le feu avec sa conduite de balle impeccable. Déboulant A tombeau ouvert dans la surface adversaire, il met les nerfs des défenseurs à vif.

    Avant-centre : Jean-Luc GODARD (26 sélections)
    De loin le joueur le plus utilisé dans l'équipe. Avant-centre avant-gardiste, il se tient toujours très près des buts adversaires, au point d'être parfois esseulé et de ne plus pouvoir communiquer clairement avec ses coéquipiers. Par son sens des formules, c'est un bon client pour les interviews d'après-match ("Nous on ne se met pas la pression, on prend les films les uns après les autres", "Même si j'ai marqué ce soir, c'est grâce à toute l'équipe qu'on a gagné", "Aujourd'hui, il fallait surtout être fort mentalement et on l'a été", "L'important c'est l'étroit point" etc...)

    Remplaçants : Federico FELLINI (8 sélections), André TÉCHINÉ (8 sélections), Claude CHABROL (7 sélections), Alain RESNAIS (7 sélections), Jacques DEMY (6 sélections), Francis Ford COPPOLA (6 sélections), Tim BURTON (6 sélections), Pedro ALMODOVAR (6 sélections)

    Le pari pour l'avenir : Apichatpong WEERASETHAKUL (3 sélections)

     

    POSITIF FC

    Organisation en 4-4-2 avec milieu en losange.

    Gardien de but : Michelangelo ANTONIONI (8 sélections)
    Le portier italien est impérial mais peu loquace, ce qui fait parfois dire que sa défense souffre d'incommunicabilité. Ses dégagements sont légendaires, envoyant parfois le ballon Par-delà les nuages.

    Défenseur droit : Woody ALLEN (9 sélections)
    Son manque de physique est compensé par une grande intelligence de jeu et des relances particulièrement efficaces. En revanche, il a le défaut de trop parler à l'arbitre.

    Défenseur gauche : Luis BUÑUEL (9 sélections)
    On dit que son style de jeu colle moins à celui des Cahiers qu'à celui de Positif... Dans cette équipe, sa position est en effet plus offensive. Il y est plus provocateur et aussi plus engagé.

    Défenseurs centraux : Théo ANGELOPOULOS (8 sélections) et John BOORMAN (9 sélections)
    Angelopoulos est un défenseur solide qui en impose beaucoup et que les attaquants mettent souvent des heures à contourner. Très attentif au marquage, il est cependant limité par la lenteur de ses déplacements.
    Boorman est un joueur très physique, capable de jouer sur tous les terrains du monde et par tous les temps (dans la boue, la neige ou sous le soleil écrasant). Il peut réussir des gestes fulgurants comme faire de grossières fautes (de goût). Taulier de la défense de Positif, il est surnommé Le Général.

    Milieu défensif : Clint EASTWOOD (9 sélections)
    Dans une position un peu plus axiale que chez les Cahiers, il a le même rôle : celui de la sentinelle.

    Milieux offensifs : Robert ALTMAN (10 sélections), Alain RESNAIS (9 sélections) et Federico FELLINI (8 sélections)
    Altman est le grand organisateur, celui qui mène à la baguette l'équipe entière et jusqu'aux remplaçants. Ses remarques très grinçantes font souvent péter les plombs à ses adversaires : il obtient ainsi quantité de coups de pieds arrêtés. Un grand player.
    Resnais joue dans un autre registre. Plus déconcertant, capable d'effectuer des séries de dribbles étourdissants le faisant parfois revenir à son point de départ, il semble devenir de plus en plus libre (de tout marquage) avec l'âge.
    Le troisième homme de ce milieu créateur est le plus flamboyant. Déjà grandiose sous le maillot de la Roma, il apporte ici ses qualités de visionnaire. Positionné entre le milieu et l'attaque, il n'est ni un véritable 8, ni un véritable 9, plutôt un 8 1/2.

    Attaquants : Martin SCORSESE (9 sélections) et Stanley KUBRICK (8 sélections)
    Scorsese a, dans l'équipe de Positif, un responsabilité comparable à celle qu'il a aux Cahiers. Il faut cependant noter qu'il y a été sélectionné bien plus tôt, dès 1975, alors qu'il commençait à peine à briller avec son club, le New York FC.
    Kubrick est le complément idéal de Scorsese en attaque. Si ce dernier frappe toujours instinctivement au but, Kubrick est un adepte du contrôle. Mais ses percées rectilignes dans la surface sont aussi légendaires. Certains estiment que son jeu est parfois trop lourd et mécanique, mais il est évident qu'il pèse beaucoup sur les défenses, qu'il les use et finit toujours par marquer.

    Remplaçants : Andrzej WAJDA (7 sélections), Francesco ROSI (7 sélections), Francis Ford COPPOLA (7 sélections), Bertrand TAVERNIER (7 sélections), Wim WENDERS (7 sélections), Joel et Ethan COEN (7 sélections), Claude SAUTET (6 sélections), Jane CAMPION (6 sélections, première féminine)

    Le pari pour l'avenir : Paul Thomas ANDERSON (2 sélections)


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    2) US CAHIERS DU CINEMA - POSITIF FC : L'album-photos

     

    Poursuivons avec quelques images de joueurs en situation, prises au cours des saisons précédentes...

     

    antonioni.JPG

    Antonioni dans les buts, une évidence pour Positif


    allen.jpg

    Allen se faisant déborder par la gauche

     

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    Godard évitant un tacle

     

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    Eastwood bloquant l'attaque adverse

     

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    Altman faisant remonter son bloc-équipe

     

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    Truffaut et Hitchcock peaufinant leurs automatismes à l'entraînement

     

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    Grosse faute de Rohmer dans la surface !

     

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    Une superbe frappe enroulée de Fellini

     

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    Pialat, récompensé pour sa saison dans les buts des Cahiers mais très remonté, à la remise des trophées de l'UNFP (Union Nationale des Filmeurs Professionnels) en 1987

     

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    Scorsese dans le vestiaire de Positif


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    Au marquage sur Jane Campion, Renoir toujours vigilant sur les corners

     

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    Angelopoulos, vainqueur de la Coupe du Monde 98

     

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    Kubrick demandant à l'arbitre de faire reculer le mur à 9m15, afin qu'il puisse tirer son coup franc

     

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    3) US CAHIERS DU CINEMA - POSITIF FC : Tous les matchs et toutes les stats d'un seul coup d'œil

     

    Pour finir, Nightswimming vous offre comme promis le récapitulatif complet de cette compétition exceptionnelle : ICI

    Muni de ce document, vous pourrez vous-même "refaire le match", confronter votre ressenti aux statistiques et choisir avec assurance votre équipe de cœur.
    Vous pourrez enfin manifester votre désaccord ou bien acquiescer face au bilan provisoire que nous dressons ci-dessous, en toute subjectivité, à la suite d'une nouvelle salve de données, de manière à terminer en beauté cet exercice de confrontation entre les couvertures ornant respectivement les murs des vestiaires de l'US Cahiers du Cinéma et ceux du Positif FC...

     

    - Des saisons exemplaires :

    1959 par les Cahiers : André Bazin - Sueurs froides - Le beau Serge - Roberto Rossellini - Les fraises sauvages - Les 400 coups - Hiroshima mon amour - L'impératrice Yang Kwei Fei - Fritz lang - N°100 - Les yeux sans visage - Le déjeuner sur l'herbe

    1992 par Positif : Les équilibristes - Conte d'hiver - Kafka - Céline - La party - The player - Falstaff - Reservoir Dogs - Et la vie continue... - La chasse aux papillons - Qiu Ju, une femme chinoise

     

    - D'impressionnantes séries d'invincibilité :

    N°84 à 88 des Cahiers (1958) : La soif du mal - Monika - Le mécano de la General - Orson Welles - Ava Gardner

    N°39 à 42 de Positif (1961) : La nuit - Le masque du démon - Mère Jeanne des Anges - Viridiana

    N°187 à 191 des Cahiers (1967) : Les demoiselles de Rochefort - Persona - Belle de jour - La Chinoise - El Dorado

    N°178 à 183-184 de Positif (1976) : La terre de la grande promesse - Vol au-dessus d'un nid de coucou - Une femme sous influence - Cadavres exquis - Casanova - L'adieu aux armes

    N°230 à 235 de Positif (1980) : La cité des femmes - Mon oncle d'Amérique - Lettre d'une inconnue - Shining - Loulou

    N°356 à 360 de Positif (1990-1991) : Sailor et Lula - La discrète - Cité des douleurs - Les arnaqueurs - Danse avec les loups

    N°445 à 449 des Cahiers (1991) : Barton Fink - Pedro Almodovar - La Belle Noiseuse - Les amants du Pont-Neuf - Van Gogh

    N°439 à 442 de Positif (1997) : La rivière - De beaux lendemains - Hana-bi - On connaît la chanson

     

    - L'art de tromper l'adversaire :

    L'auberge rouge en couverture en octobre 1951 ? Les Cahiers !
    Main basse sur la ville en novembre 1963 ? Les Cahiers !
    Les Cheyennes en octobre 1964 ? Positif !
    Quatre aventures de Reinette et Mirabelle en novembre 1986 ? Positif !

     

    - Fidèles à leur club :

    Recordman des sélections aux Cahiers (26 couves), Jean-Luc Godard n'a jamais été mis en vedette de cette façon par Positif. De même, Robert Altman, recordman à Positif (10 couves), n'a jamais été retenu par les Cahiers.

     

    - Egalité parfaite, en attente des prolongations :

    Luis Buñuel (9 couves de chaque côté), Martin Scorsese (9), Clint Eastwood (9), Federico Fellini (8), Orson Welles (4), Marco Ferreri (3), Joseph L. Mankiewicz (2), Luchino Visconti (2), Kenji Mizoguchi (2), Michael Cimino (2), Lars von Trier (2), Hou Hsiao-hisen (2), Jia Zhangke (2)...

     

    - Le score provisoire :

    A ce jour, nous dirions que Positif mène 332 couves remarquables à 297. La première décennie (50's) fut largement à l'avantage des Cahiers. La deuxième également, bien que l'écart soit plus faible. L'avantage bascule spectaculairement dans les années 70 du côté de Positif. Puis les années 80 voient les Cahiers revenir dans le match et, finalement, si lors deux dernières décennies, Positif continue à faire la course en tête, la tendance semble être à l'équilibre.

     

    Sur ce, en vous souhaitant à toutes et à tous de bien profiter des derniers jours de l'année, je vous donne rendez-vous ici-même en 2012...

  • Le Havre

    kaurismäki,france,2010s

    ****

    Oui, je sais, cela ne se fait pas de dire du mal d'un film humaniste à Noël. Mais que voulez-vous... ma déception devant Le Havre a été à la hauteur de l'attente, celle conditionnée par le souvenir des quatre merveilleux opus kaurismäkiens qui le précédent (Au loin s'en vont les nuages, Juha, L'homme sans passé, Les lumières du faubourg). Alors, cette fois-ci, Aki la faute ?

    A notre langue tout d'abord, que Kaurismäki a choisi d'utiliser intégralement. A l'époque, j'avais déjà été un peu moins séduit que d'ordinaire lorsque le cinéaste avait fait appel à sa French connection (J'ai engagé un tueur et La vie de bohème). Aujourd'hui, la transposition en France de l'univers du Finlandais me semble encore moins convaincante. Dès les premières minutes, les dialogues sonnent mal. On devine les énormes efforts que réalise Kati Outinen pour s'exprimer distinctement et ceux des autres pour ralentir leur tempo naturel (Jean-Pierre Darroussin paraissant finalement le plus à l'aise dans cet exercice).

    A ce premier obstacle succède bientôt un autre, celui de l'empilement des références et des signes renvoyant vers le passé. Dans les cadres peu chargés qu'affectionne Kaurismäki, ils se voient d'autant plus. Bien sûr, ses films ont toujours eu un cachet intemporel mais ici, et sans doute le fait que l'on soit en France, sans distance culturelle, n'y est-il pas pour rien, tout paraît clairement daté et pour ainsi dire, vieillot. Dans chaque plan, il faut que l'on remarque tel ustensile désuet, telle marque de produit disparue, telle vieille enseigne, telle vignette automobile, telle voiture d'époque, telle prise de courant hors-norme. Le Havre c'est Jean-Pierre Jeunet meets Robert Bresson. Assez vite monte en nous la sensation d'être enfermé dans la chambre de Papi. Au décor s'ajoutent encore les clins d'œil cinématographiques : l'héroïne s'appelle Arletty, le héros Marcel (Marx, mais on pourrait entendre Carné). Le réalisme poétique des années 30 a déjà suffisamment d'ennemis comme ça pour que ses amis ne lui rendent pas d'aussi mauvais services, en le congelant de la sorte...

    Bien évidemment, la raideur que Kaurismäki impose à ses collaborateurs est encore à l'origine de quelques agréables compositions contrastées mais le film s'enlise dans son train-train et ne redémarre qu'en de rares occasions. Cela survient en général lorsque les personnages bougent vraiment ou lorsque le cinéaste va au bout de ses désirs de conte et de mélo, sans peur du ridicule. Ainsi, de beaux plans subsistent, trop éparpillés.

    Le rendez-vous est donc manqué. Il l'est aussi avec l'actualité brûlante, celle que Kaurismäki ne nous avait pas donné l'habitude de traiter aussi directement. Entre les images du démantèlement de la "jungle" des migrants tirées d'un reportage de France 3 et celle des immigrés d'Aki, il y a une sacrée différence. Certes, on peut apprécier qu'un cinéaste fasse preuve de recul émotionnel tout en restant clair quant à sa position morale et politique, qu'il ne se pose pas en donneur de leçons d'humanité, qu'il insiste sur la dignité des pauvres, mais enfin tout cela manque d'inquiétude et d'urgence. Dès sa première apparition, le méchant commissaire nous montre qu'il n'est pas celui que l'on croit. Le délateur, lui, est une exception dans la communauté de braves gens. Même en saluant l'audace poétique du dénouement, j'ai du mal à ne pas le résumer ainsi : sauvez un immigré, vous obtiendrez un miracle. C'est un peu court cher ami de Little Bob... Oui, Le Havre est vraiment un petit Aki.

     

    kaurismäki,france,2010sLE HAVRE

    d'Aki Kaurismäki

    (France - Allemagne - Finlande / 93 min / 2011)

  • Hugo Cabret

    hugocabret.jpg

    ****

    à Melvil(iès)

    Si Hugo Cabret, c'est l'art de Méliès et l'aventure du muet racontés aux enfants, ce n'est pas pour autant "le cinématographe pour les nuls". Martin Scorsese n'a pas choisi de prendre la voie du biopic mais le chemin détourné que lui ouvrait le roman jeunesse de Brian Seznick, L'invention de Hugo Cabret. Avant d'aborder le thème de l'amour du cinéma et de célébrer l'un des artisans les plus importants de son histoire, tout le soin est apporté, longtemps, à la construction d'un monde et à l'incarnation de personnages.

    Ce monde (qui n'est qu'un "rêve" de Paris) a une cohérence totale, la marque la plus évidente de celle-ci étant l'omniprésence de la mécanique. Rouages, engrenages, horloges, automates, membres artificiels envahissent l'écran au point qu'ils semblent devenir le moteur du film lui-même, faire fonctionner non seulement le décor mais tout ce qui permet au récit de tenir et d'avancer. Toutefois, grâce à la fluidité de la mise en scène, nous n'avons pas à regarder là uniquement des machines. La gare parisienne dans laquelle vit clandestinement le jeune Hugo Cabret est une gare-cerveau. Le sien bien sûr : le prologue nous présentant l'endroit de son point de vue est suffisamment clair à ce propos (le point de départ étant plus élevé que les hauteurs auxquelles accèdent Hugo, ce point de vue c'est aussi, évidemment, celui du cinéaste et il est peu aventureux d'avancer que Martin est Hugo). Tous ces mécanismes qui se mettent en marche c'est donc tout à la fois le cerveau qui travaille, la fabrique des rêves en activité, le temps qui passe et qui est compté, le projecteur de cinéma qui est actionné... C'est alors très logiquement que Hugo va se "cauchemarder", à un moment donné, en automate, et il est probable, même si cela n'est pas évoqué, que ce garçon deviendra un jour cinéaste.

    Martin Scorsese parvient à décrire une mécanique sans appauvrir ni rabaisser. Qu'il y ait un truc dans le tour du prestidigitateur, qu'il y ait un trucage au moment du tournage, tout le monde le sait maintenant (contrairement, sans doute, à la majorité des premiers specateurs) et pourtant la magie subsiste. Passer derrière l'écran pour voir la machinerie n'empêche pas de rêver. Cela aiderait même à continuer à vivre, surtout si l'on fait l'effort de réparer ces outils de production d'illusion. La possibilité de maintenir cet état, Scorsese y croit dur comme fer. Il croit au pouvoir de la caméra qui part du ciel parisien pour descendre à toute vitesse et aller attraper le regard perçant du petit Hugo derrière son horloge. Il croit aux émotions simples et à la création d'un "méchant" réussi (épatant Sacha Baron Cohen).

    Mais évidemment, des choses peuvent rester cassées et on ne peut pas tout réparer. Le père disparu ne peut pas revenir. Le tristesse de l'orphelin s'étend en fait au film entier. Le vieux Méliès, brisé par la guerre, est lui aussi orphelin mais de son public. Le chef de la sécurité n'y coupe pas non plus. "Une famille, ça ne sert à rien !" lâche-t-il. Il lui manque de la même façon une jambe valide et une amoureuse. L'euphorie de la 3D (fort bien utilisée à travers les multiples écrans qui se font entre les personnages et nous) ne rend pas aveugle : on s'inquiète surtout ici de la vieillesse, de la mort et de la fin d'un art. La lutte est constante. Il est assez significatif que pour cette ode au cinéma, Scorsese ait choisi de parler d'un artiste dans l'impasse, presque totalement oublié. Il part, en quelque sorte, d'un échec.

    Méliès, pour le public d'aujourd'hui (qu'il soit américain ou français), ce n'est pas Chaplin. Scorsese a donc, déjà, l'immense mérite d'éclairer une œuvre qui reste peu vue. Et de dire également que Méliès, ce n'est pas seulement Le voyage dans la lune. En fait, sont glissés dans la dernière partie du film deux passages pédagogiques, l'un sur l'invention et la première histoire du cinéma, l'autre sur la carrière de Méliès. Deux passages ralentisseurs mais nécessaires et intégrés avec aplomb, "tels quels", au récit, et qui parviennent en outre à être à la fois généralistes et subjectifs.

    Plusieurs autres caractéristiques démontrent que Scorsese n'a nullement choisi la facilité. Le long prologue d'Hugo Cabret est pratiquement sans dialogue et les enjeux dramatiques se mettent en place très progressivement. Quant à la seule grande scène d'action, elle se niche dans un cauchemar et n'est reprise qu'en mineur sur la fin, renvoyant habilement à la dimension spectaculaire du cinéma, présente dès son invention, dès l'arrivée du train en gare de la Ciotat. Si Hugo et son amie courent souvent, ils prennent aussi très régulièrement le temps de s'arrêter. Pour pleurer parfois. On pleure pas mal dans ce film, comme dans beaucoup de contes, de romans populaires et de récits initiatiques. Mais comme le dit Isabelle à Hugo, ce n'est pas grave de pleurer. Hugo Cabret (le premier grand film "déceptif" pour enfants ?) apprend aussi que le cinéma, ce n'est pas seulement fait pour en prendre plein la vue.

    Généralement bien accueilli, Hugo Cabret ne plaît cependant pas à tout le monde, ce que l'on ne saurait, évidemment, regretter. Il est tout à fait possible de discuter de l'esthétique générale et des partis-pris narratifs de cette œuvre scorsesienne. En revanche, se plaindre de son aspect œcuménique, de l'absence de débordements baroques (voire de violence ?!?) et s'affliger que le cinéaste n'ait pas fait autre chose de ce sujet, n'ait pas filmé Méliès comme Jack LaMotta ou Travis Bickle, c'est se méprendre totalement sur ses visées. Enfin, repousser l'hommage sous le seul prétexte du didactisme (et passer ainsi sous silence son originalité et sa ferveur), c'est s'enfermer à nouveau dans sa tour d'ivoire, plus poussiéreuse que ne l'est, prétendument, ce film, et c'est laisser le cinéma disparaître dans quelques années avec ses derniers spectateurs, nous.

     

    hugocabret00.jpgHUGO CABRET (Hugo)

    de Martin Scorsese

    (Etats-Unis / 127 min / 2011)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2011)

    Suite (et fin) du flashback 

     

    cdc664.jpgPOS602.JPG2011 : Les Cahiers s'entretiennent au fil des mois avec les collaborateurs de Terrence Malick, Darren Aronofsky, Tsui Hark, J.J. Abrams, Lars von Trier, Jean-Charles Hue (La BM du Seigneur), Jia Zhangke (I wish I knew), Michel Gondry (The green hornet), Philippe Le Guay (Les femmes du 6e étage), Li Hongqi (Winter vacation), Hong Sang-soo (Ha ha ha), Manoel de Oliveira (L'étrange affaire Angélica), James L. Brooks (Comment savoir), Jerzy Skolimowski (Essential killing), Wes Craven (Scream 4), Kelly Reichardt (La dernière piste), Mia Hansen-Love (Un amour de jeunesse), Pedro Almodovar (La piel que habito), Michel Ocelot (Les contes de la nuit), Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm (La guerre est déclarée), Bertrand Bonello (L'Apollonide), Werner Herzog (La grotte des rêves perdus), Athina Rachel Tsangari (Attenberg), Bruno Dumont (Hors Satan), Philippe Garrel (Un été brûlant), Djinn Carrénard (Donoma), Leslie Caron, Jan Svankmajer, Nelson Perreira dos Santos, Koji Yamamaura, Abel Ferrara, Roger Corman, Raoul Coutard, Dean Tavoularis, Alexandre Desplat, Paulo Branco, Jean-Claude Carrière, Floc'h et Alain Badiou. Ils publient un dossier sur la France au cinéma (où l'on croise Raymond Depardon, Claire Denis, André Téchiné...) et des textes sur Alfred Hitchcock, Blake Edwards, Stanley Kubrick, Ritwik Ghatak, Raoul Ruiz, Fritz Lang, les révolutions arabes, les nouveaux cinéastes new-yorkais, le cinéma passant au numérique et le cinéma français des années 30. Jean-Baptiste Thoret va à la rencontre de Michael Cimino et la revue rend hommage à Claudine Paquot.
    Positif change d'éditeur, travaillant dorénavant avec Actes Sud et l'Institut Lumière. Comme dans les Cahiers, les actualités d'Oliveira, Malick et Abrams sont commentées, à côté d'entretiens menés avec Skolimowski, Hark, Almodovar, von Trier et Dumont. En cette année, sont également interviewés Clint Eastwood, Joel et Ethan Coen, Asghar Farhadi, Pierre Schœller, Steve McQueen, Philip Seymour Hoffman (Rendez-vous l'été prochain), Peter Weir (Les chemins de la liberté), Rafi Pitts (The hunter), Debra Granik (Winter's bone), Wim Wenders (Pina), David Michôd (Animal kingdom), Luc et Jean-Pierre Dardenne (Le gamin au vélo), Kim Jee-woon (J'ai rencontré le diable), Paolo Sorrentino (This must be the place), Claude Miller (Voyez comme ils dansent), Nicolas Winding Refn (Drive), Frederick Wiseman (Crazy Horse), Steven Soderbergh (Contagion), Nuri Bilge Ceylan (Il était une fois en Anatolie), Béla Tarr (Le cheval de Turin), Jean-François Laguionie (Le tableau) et Tilda Swinton. La revue publie des textes sur Woody Allen, Rainer Werner Fassbinder, David Lynch, Ghassan Salhab, Jean-Pierre Melville, Edward Yang, Saul Bass, Don Siegel, Ritwik Ghatak, Michel Soutter, David Lean, Elia Kazan, Albert Capellani, Shohei Imamura, Lionel Rogosin, Siegfried Kracauer, Bruno Coulais, la critique américaine, le cinéma suisse et le style postmoderne. Enfin, les dossiers sont concoctés à partir des noms d'Eric Rohmer, Roman Polanski, Stanley Kubrick, Blake Edwards, Arthur Penn, Claude Chabrol et Jacques Becker, et des thèmes du numérique, des séries américaines, de la crise de 29 et de la ville de Londres.
     

    Janvier : Les films les plus attendus de 2011 (Cahiers du Cinéma n°663) /vs/ Au-delà (Clint Eastwood, Positif n°599)

    Février : Des plumes (Black swan, Darren Aronofsky, C664) /vs/ Les chemins de la liberté (Peter Weir, P600)

    Mars : Une carte de la France (La France vue par le cinéma, C665) /vs/ True grit (Joel et Ethan Coen, P601)

    Avril : Des flammes (Detective Dee, le mystère de la flamme fantôme, Tsui Hark, C666) /vs/ Detective Dee, le mystère de la flamme fantôme (Tsui Hark, P602)

    Mai : Des palmes (Cannes, C667) /vs/ Minuit à Paris (Woody Allen, P603)

    Juin : Une empreinte de pied (The tree of life, Terrence Malick, C668) /vs/ Une séparation (Asghar Farhadi, P604)

    Eté : Un huit (Super 8, J.J. Abrams, C669) /vs/ Claude Chabrol (P605-606)

    Septembre : Un cinéaste multi-tâches (Le cinéma indépendant new yorkais, C670) /vs/ Melancholia (Lars von Trier, P607)

    Octobre : Un Américain (Michael Cimino, C671) /vs/ We need to talk about Kevin (Lynne Ramsay, P608)

    Novembre : De la pellicule (Le numérique, C672) /vs/ L'exercice de l'Etat (Pierre Schœller, P609)

    Décembre : Une spirale (Bilan 2011, C673) /vs/ Shame (Steve McQueen, P610) 

     

    cdc669.jpgPOS604.JPGQuitte à choisir : Y aura-t-il eu, en cette année 2011, quelque chose de plus discuté dans le petit monde de la cinéphilie que la conception des couvertures des Cahiers du Cinéma par Julia Hasting ? Torpillant en beauté le bouquet final de cette rubrique, cette série de choix graphiques aura fait grincer beaucoup de dents jusque chez les plus fidèles lecteurs de la revue. Pour tenter tout de même de clore ici l'exercice, je pourrai mettre en miroir Cimino et Chabrol, Aronofsky et Eastwood, Super 8 et Shame (n'ayant encore vu ni l'un ni l'autre). La différence se ferait alors par la présence du film de Farhadi, le plus marquant, à mon avis, de ceux mis en avant des deux côtés. Allez, pour 2011 : Avantage Positif.

     

    FIN

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Carnage

    Polanski,2010s

    ****

    Un Polanski plaisant mais un Polanski mineur. Produit d'une adaptation de la pièce de Yasmina Reza Le Dieu du carnage par le cinéaste et la dramaturge elle-même, le film ne procède jamais à une quelconque explosion ou au moindre détournement de son matériau théâtral. Les trois unités classiques sont respectées à l'écran et, hormis à l'occasion du premier et du dernier plans, à aucun moment nous ne sortons de l'appartement des Longstreet, couple recevant les Cowan, suite à la blessure que le garçon des seconds a infligé à celui des premiers.

    Cette obligation que nous avons de rester entre ces murs nous permet d'observer avec attention la mise en scène de Polanski, que l'on pourrait qualifier de discrètement efficace ou d'efficacement discrète. Les miroirs sont parfaitement intégrés au décor, renvoyant et dédoublant quand il le faut sans trop insister, et les placements des personnages, leurs mouvements au fil de l'action, sont orchestrés avec maîtrise. Au cours de cette réunion entre adultes censée être de conciliation et qui tourne rapidement au règlement de comptes acerbe, les points chauds et les lignes de front bougent régulièrement, ce qui évite la monotonie, celle qu'engendrerait un affrontement programmé entre deux couples intangibles. Selon les échanges et les coups de sang, les antagonistes peuvent changer : les femmes peuvent ainsi s'opposer brièvement aux hommes ou un seul personnage peut supporter le regard désapprobateur des trois autres. Si le caractère mécanique de la progression dramatique se fait tout de même sentir par endroits (les relances volontairement exaspérantes de Jodie Foster sur l'état d'esprit de Zachary, le fils "agresseur"), il est inhérent au projet. La dérive (alcolisée) vers le grotesque et le politiquement incorrect provoque quelques dérapages gestuels et autres saillies verbales plutôt savoureux car particulièrement bien rendus par un quatuor d'acteurs très complémentaires.

    Pour autant, la mécanique ne se grippe ni ne s'emballe jamais vraiment. L'intention de départ n'est pas dépassée. La volonté de Polanski est bien sûr de rire de la chute du masque de la moyenne-haute bourgeoisie, de débusquer la puissance des pulsions tapies derrière le vernis des convenances, de brocarder l'illusion de la communauté et la bonne conscience humaniste. Le film se nourrit de tout cela, de ces petits plaisirs polanskiens. Cependant, il ne fait que ça, il s'en tient là, au programme prévu. De plus, ce mini-psychodrame se joue à partir d'un déclencheur de peu d'importance (la bêtise d'un gamin) et le fait que ceci soit posé dès le début et confirmé avec force au final accuse certes la vanité des comportements de ces quatre personnages mais a aussi tendance à contaminer le film lui-même. Ainsi, ce Carnage est-il vif et agréable mais il manque quelque peu de consistance.

     

    Polanski,2010sCARNAGE

    de Roman Polanski

    (France - Allemagne - Pologne - Espagne / 79 min / 2011)