...et réouverture prochainement.
Nightswimming - Page 59
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Réflexion Réorientation Relooking
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Rio Bravo
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Au bout de cinq minutes, l'enjeu de Rio Bravo est fixé. Joe Burdette est emprisonné par le sheriff John T. Chance pour le meurtre d'un homme désarmé. Pendant les plus de deux heures qui suivent, Hawks va génialement se "contenter" de mettre en scène les multiples variations qu'autorise la situation posée (variations apparemment inépuisables puisque suivront bien sûr, en 1966 et 1970, El Dorado et Rio Lobo, deux descendants directs de Rio Bravo).
Cependant, ce système qui se nourrit de lui-même ne dessine pas un cercle, pas même une spirale : il est fait d'allers-retours le long d'un segment. A une extrémité se trouve l'entrée de la ville, où se poste Dude pour filtrer le passage, à l'autre la prison. La bourgade de Rio Bravo ne semble exister que le long de cet axe-là. Hormis derrière le générique du début, nous ne voyons rien de l'extérieur de la ville, bien qu'il soit beaucoup question du juge attendu pendant plusieurs jours et de la diligence qui part ou arrive (elle-même, on ne la voit pas : comment Feathers pourrait-elle donc la prendre un jour ?).
Au milieu du segment sont situés deux lieux : l'hôtel de Carlos et Consuela où dorment Feathers et Chance, et le bar où se réunissent les hommes de Burdette et que fréquente Colorado avant qu'il ne prenne parti (personnage se signalant d'abord par son détachement, Colorado va intervenir d'une façon qui sera de plus en plus décisive). Le premier endroit est lumineux, chaleureux, accueillant, presque frou-frouteux. C'est le domaine de Feathers et de Consuela, Chance et Carlos y ayant rarement leur mot à dire. Les portes, fermées ou ouvertes, y sont aussi importantes que dans un film de Lubitsch. Le deuxième endroit, par opposition, est sombre et difficile à cerner. C'est un lieu de violence, uniquement masculin (bien que plus ordonnée, la prison, l'autre lieu masculin du film, partage bien des caractéristiques avec ce bar).
Pour débloquer cette situation qui pourrait ne jamais en finir, il faut opérer une translation. Ce sera le glissement vers l'entrepôt, lieu proche mais assez difficile à situer précisément. Le dénouement s'y déroule sous la forme de l'affrontement classique de deux groupes mais en se jouant, encore une fois, sur un axe, sur la ligne tracée par la marche de Joe Burdette et de Dude l'un vers l'autre lors de l'échange.
Rio Bravo, c'est la cohérence d'un espace et une extraordinaire continuité cinématographique.
La mise en scène de Hawks est d'une fluidité incomparable, prenant appui sur une technique impeccable. Pendant cent quarante et une minutes, pas un seul plan ne jure et aucun ne peut être qualifié de facile ou de médiocre. Ce sont des plans d'ensemble ou des plans moyens. Il n'y a pas, ou très peu, de gros plans, même lorsqu'il s'agit de souligner une réaction, même lorsqu'il faut montrer une mimique de Stumpy ou d'un Chance complètement désarçonné par Feathers. Ces plans ne taillent pas dans la séquence et ne brisent pas la continuité. Ils sont à rapprocher de ceux qui montrent par exemple Chance prêt à intervenir dans un moment de tension, esquissant un geste de soutien qu'il n'a finalement pas à réaliser.
Cette juste distance entre la caméra et l'acteur sert bien sûr à toujours fondre le corps et le décor. Elle sert aussi à préserver la sensation du vrai, en mettant en valeur les gestes, que ceux-ci soient signifiants (la difficulté qu'a Dude à rouler ses cigarettes) ou pas (Chance a du mal à enfiler la manche de sa veste, Dude a la manie de ramasser une poignée de terre).
On agit mais on discute aussi pas mal, dans Rio Bravo. Souvent, ces discussions s'enclenchent suite à la demande faite par quelqu'un qu'on lui raconte ce qui vient de se passer à l'instant. Et là encore, Hawks varie les plaisirs, en faisant couper court (Pat Wheeler arrêtant Chance avant que celui-ci ne lui explique ce que Dude lui a déjà dit), en faisant rebondir sur autre chose (Colorado éclairant Chance et ses adjoints sur la signification de la musique jouée par les Mexicains), en donnant au fait une autre couleur (l'œil au beurre noir de Carlos suite à coup reçu non pas de Consuela mais de Feathers).
Répétitions et dialogues font la longueur du film mais le style reste vif et sec. Quand Chance et Dude recherchent le tueur de Wheeler dans le saloon de Burdette, Hawks a besoin d'un seul plan pour montrer où il se niche, au dessus de toute le monde. Après avoir montré les gouttes de sang tombant dans le verre sur le comptoir, il ne remonte pas sa caméra pour faire le lien visuel mais enchaîne avec Dude qui dégaine. Toujours cette impression de vivacité.
Et cette impression de personnages en action. Des actions qu'ils doivent faire. Les vives discussions et les conflits dans le groupe de Chance ne viennent jamais à la suite de jugements moraux portés sur les uns ou les autres mais à propos de la capacité ou de la faillite d'untel à agir en fonction de ses attributions. Ainsi, si l'on entend parfois posée la question "Te sens-tu assez fort ?", on doit moins y déceler un éloge de la force qu'une interrogation légitime sur une aptitude (et sur un plan moins dramatique, on imagine pas Chance-Wayne chanter avec Dude-Martin et Colorado-Nelson : il se tient donc à l'écart de la scène). Dans ce groupe, la loyauté n'est jamais en doute et, même s'il contient un infirme et un ivrogne (et bientôt un Mexicain sachant mal manier les armes), il permet de tracer clairement la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
Revoir Rio Bravo à intervalles réguliers est une très bonne chose.
RIO BRAVO
de Howard Hawks
(Etats-Unis / 141 min / 1959)
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L.A. Confidential
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Adaptation, saluée par l'écrivain lui-même, du roman de James Ellroy, L.A. Confidential se distingue logiquement par sa richesse thématique, par la largeur de sa palette de caractères, par son ampleur romanesque. Qualités d'écriture, donc, relayées par l'excellence des interprètes qui imposent tous avec assurance leur personnage respectif (Russell Crowe, Kevin Spacey, Guy Pearce, Kim Basinger, Danny DeVito, James Cromwell, David Strathairn). Presque désordonnée au départ, l'œuvre est habilement polyphonique et éclatée avant de tendre, au fil des disparitions et des révélations, vers un seul point de convergence.
L'univers décrit est celui du Los Angeles des années cinquante, gangréné par la corruption et la violence. Rarement aura été montrée aussi clairement la connivence existant entre les sphères mafieuses, politiques, policières, journalistiques et artistiques (hollywoodiennes) de l'époque. Si le film est bien centré sur l'activité de trois inspecteurs de police, il fait se croiser en tous lieux les représentants de ces différents corps. Il signale même que tous appartiennent finalement à au moins deux de ces groupes, en toute conscience ou pas (par les méthodes qu'ils utilisent, empruntées à d'autres) et que la plupart de leurs actions ont le même moteur, la vengeance. Ainsi se dessine un cercle vicieux.
Cette société est d'autant plus mal en point qu'elle est totalement refermée sur elle-même. Un ailleurs possible n'est évoqué que par le couple romanesque qui va se former au cours du récit et les deux personnages qui le composent seront les seuls à parvenir à s'extraire de ce cercle. Dans l'autre sens, un bloquage se fait aussi : les truands qui souhaitent tenter leur chance à L.A. sont stoppés dès les portes de la ville, dans ce motel qui semble à l'écart, juste au bord. Une sorte de consanguinité caractérise donc cette société et le mal s'y retrouve partout. Personne ne peut racheter l'autre : si par exemple un flic se distingue de ses collègues en refusant les pots-de-vin, c'est qu'il agit ainsi, avant tout, par calcul carriériste.
Toutefois, on observe dans le dernier mouvement du film une fâcheuse bascule qui fait de L.A. Confidential "seulement" un film soigné et solide. Une triple prise de conscience souffre de se faire exactement au même moment alors qu'elle n'a, jusque là, pas du tout suivi le même chemin. Puis le rapprochement soudain, provoqué par les circonstances, de deux personnages se détestant (peu) cordialement transforme quasiment le film en buddy movie. La distinction entre bons et mauvais flics, au final, devient possible et avec la quête des bons, la transgression de la loi est rendue acceptable, elle est même "souhaitée" par le spectateur.
Au-delà de ces seules dernières minutes, L.A.Confidential, si sombre soit-il paraît tout de même un peu lisse, ne libérant pas de véritable terreur. Par ailleurs, si la distribution de Kim Basinger en sosie affirmé de Veronika Lake est une bonne idée, la dimension "méta-filmique" n'est pas poussée bien loin (elle se limite quasiment à la projection privée de quelques œuvres de l'époque). La mise en scène est classique, efficace (elle l'est trop dans les scènes d'action, la musique de Jerry Goldsmith se faisant de surcroît peu subtile). Il est cependant arrivé un moment où je me suis senti complètement paumé. Mais sur la fin, un long monologue explicatif se charge de remettre sur les rails ceux qui ont été largués. Ce qui me fait dire que Curtis Hanson n'a pas su choisir et a donc partiellement échoué à nous donner le vertige comme à nous faire clairement comprendre les choses par sa seule mise en scène.
L.A. CONFIDENTIAL
de Curtis Hanson
(Etats-Unis / 138 min / 1997)
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Duch, le maître des forges de l'enfer
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Quelques années après avoir tourné S21, la machine de mort khmère rouge, Rithy Panh a saisi l'occasion du procès de Kaing Guek Eav (finalement condamné au début de ce mois à la perpétuité) pour rencontrer cet homme qui, sous le nom de Duch, a dirigé sous Pol Pot la prison de Phnom Penh où près de 13000 personnes furent torturées et exécutées. Le cinéaste a laissé s'exprimer pendant des heures l'ancien dignitaire et en a tiré ce documentaire dans lequel aucune autre parole, pas même la sienne, ne se fait entendre.
Au-delà du témoignage pour l'histoire, l'idée est donc de chercher à voir s'il est possible de s'immiscer dans le cerveau d'un homme qui peut personnifier le Mal, même présenté sous une apparence banale, et de comprendre à travers lui les rouages d'une idéologie criminelle. Cette mise à jour est facilitée par le fait que Duch est un intellectuel, comme il se définit lui-même, un formateur qui excella à diffuser le poison khmer dans les esprits de ses subordonnés. D'un côté, l'homme vante ses propres mérites, son professionnalisme, sa capacité à faire son travail, son inventivité productive. De l'autre, il se dit le simple instrument d'une machine qui a tout broyé sur son passage. Son discours éclaire donc sur le fonctionnement de ce totalitarisme-là. En revanche, cerner le personnage est beaucoup plus compliqué. Rithy Panh en est conscient mais il prend ce risque.
La parole de Duch oscille constamment entre deux pôles : elle revendique ou dédouane. Elle véhicule l'aveu ou la négation. Le chemin vers la vérité est plein d'embûches et il est souvent inaccessible. De plus, Duch est ici interrogé entre deux procès, incarcéré. Ce qu'il livre à Rithy Panh fait donc aussi partie, d'une certaine matière, de sa stratégie de défense. Il est ainsi fort probable qu'il s'applique à "lâcher" la plupart des choses qui sont de toute manière prouvées par les documents regroupés pour mieux en dissimuler d'autres. Parfois, devant les témoignages à charge montrés par le cinéaste, il laisse échapper un rire. Les rescapés et les familles de victimes doivent trouver dans ce rire un mépris insupportable. Rithy Panh le premier. Mais il faut souligner que s'il laisse toute latitude verbale à Duch sans aller le reprendre, il ne cherche pas non plus à le pièger en le volant à l'aide de sa caméra.
Toutefois, entre ou "sous" les propos de Duch sont régulièrement glissées d'autres images que celles du vieillard parlant derrière une table. Elles appartiennent à la propagande khmère quand elles montrent les populations au travail (forcé) ou les dirigeants en action, ou bien elles viennent d'autres sources lorsqu'elles donnent à voir des charniers. Mais un troisième type est le plus souvent utilisé : Rithy Panh intègre de longs extraits de son propre documentaire S21, extraits montrés, au moins pour une partie d'entre eux, à Duch, à l'aide d'un ordinateur portable. Cet apport est la seule contradiction que s'autorise à apporter le cinéaste à son interlocuteur. Il permet parfois d'accompagner une phrase ou une expression (par exemple, lorsque Duch dit qu'il ne "voulait pas voir", déboule le plan d'une main masquant un objectif) et, plus souvent, de contextualiser certains propos. A certains moments pourtant, surtout lorsqu'il s'agit de courts inserts, le lien, la signification, sont obscurs.
Avançant au gré de l'esprit tortueux de son sujet, Duch, le maître des forges de l'enfer est un film important pour de multiples raisons dépassant le cadre de cette modeste note mais, bien qu'il soit aussi effroyable à écouter, il me semble moins impressionnant cinématographiquement que S21, le document-matrice dont il découle.
DUCH, LE MAÎTRE DES FORGES DE L'ENFER
de Rithy Panh
(France - Cambodge / 103 mn / 2011)
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Les nouveaux chiens de garde
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Projet initié par un groupe de personnes proches de l'ACRIMED, Les nouveaux chiens de garde est le prolongement cinématographique du livre du même nom publié en 1997 par Serge Halimi (et qui renvoyait lui-même à l'essai de Paul Nizan, Les chiens de garde, 1932). Quinze ans après, une réactualisation a dû être opérée mais rien n'a véritablement changé dans ce monde des médias dominants, cible de ce pamphlet. Au contraire, le constat est sous doute plus désespérant encore.
Le film expose et dénonce les ahurissantes relations incestueuses existant entre les stars du journalisme, les experts économiques les plus exposés, les hommes politiques au pouvoir et les patrons de grands groupes industriels. Il questionne successivement trois valeurs constamment brandies par ces gens-là qui rient bruyamment des époques précédentes où, rendez-vous compte !, "il y avait un ministre de l'information" : le pluralisme, l'objectivité et l'indépendance. La première serait assurée par la multiplication des supports d'information. Or c'est bien l'uniformité de la parole qui caractérise nos grands médias, les mêmes personnalités s'échangeant à chaque inter-saison les postes de direction et d'animation des titres de presse, des chaînes et des stations de radio. La seconde est l'un des fondements du journalisme et de la recherche. Comment soutenir qu'elle a permis le glissement vers une information cannibalisée par les faits divers et le thème de l'insécurité ? qu'elle guide les expertises de fameux économistes cathodiques louant jusqu'au plus fort de la crise les mérites du libéralisme ? La troisième est la valeur absolue. Mais qu'elle soit revendiquée par des animateurs invitant consciencieusement leurs propres patrons dans leurs émissions, par des journalistes accumulant les prestations commerciales hautement tarifées (les "ménages" pour telle ou telle entreprise) ou par des experts-chercheurs du CNRS jamais présentés comme les administrateurs de grands groupes qu'ils sont aussi, cela est particulièrement dégoûtant.
Gilles Balbastre et Yannick Kergoat frappent fort et juste. Ils avancent les noms, montrent les documents et les chiffres. Ils tendent quelques pièges et usent de l'arme du montage. "Procédés fallacieux", "amalgames", "manque de nuance" et "absence de contradiction" ont tôt fait de dénoncer certains pantins ici attaqués, tel l'impayable Laurent Joffrin. Pour eux, il est certes plus confortable d'applaudir à l'attribution d'une Palme d'or à Michael Moore...
Oui, le film est partisan et non, il ne donne pas la parole à ceux qui, de toute façon, la monopolisent déjà. Les images reprises sont souvent connues, comme les petites affaires, les compromis et les pratiques condamnables. Mais les voir regroupées ainsi provoque la nausée. Nausée devant les propos onctueux de Michel Drucker et Jean-Pierre Elkabbach face à un Arnaud Lagardère mal à l'aise de voir ses bottes lêchées à ce point, devant les revirements du rebelle Michel Field, devant la gentillesse d'une Isabelle Giordano acceptant de donner un petit coup de pouce à une nouvelle société pour 12000 euros, devant David Pujadas voulant absolument qu'un ouvrier de Continental lance, avant toute chose, "un appel au calme", devant un Michel Godet économiste qui semble passer sa vie à demander la réduction du SMIC, devant un Alain Minc trouvant que l'économie mondiale est très bien gérée, et j'en passe... Ces images sont là, elles existent, elles sont bien réelles. Elles ne sont pas sorties de leur contexte, qui est parfaitement connu. Le montage auquel elles sont soumises n'est pas mensonger, même si il cherche parfois à provoquer le rire (jaune).
En revanche, ce montage rend perceptible le formatage de la pensée qui est à l'œuvre depuis des années à travers les médias français les plus influents. Ce système qu'il est vain d'attaquer "de l'intérieur" vu sa capacité à récupérer ses opposants (Field, Val), cette caste regroupant les personnalités les plus en vue dans chacune de ces professions (stupéfiant défilé mensuel de vedettes de l'information, de la politique, de l'économie et de la finance, pour les réunions, à la teneur strictement confidentielle, du "club du Siècle", dans un grand hôtel parisien), ces décideurs vivant dans leur monde, imposent ainsi leur vision de la société, dictent les priorités, bourrent les crânes à grands coups de "sécurité", de "responsabilité", de "réforme", de "modèle anglais" (ou allemand) en une démarche politique allant toujours dans le même sens, et, bien sûr, étouffent les voix discordantes.
Clairement construit, habillé d'animations et de musiques ludiques, laissant entre les flots d'images télévisées se développer les réflexions d'une poignée de journalistes et économistes "dissidents", se faisant ironique ou direct quand il le faut, ce documentaire peut, dans le même temps, faire rire, mettre en colère et affliger. Il a, parmi ses nombreux mérites, notamment celui de nous faire éteindre cette saloperie de télévision, si la chose n'est pas déjà faite. De toute manière, il n'y passera jamais.
Site du film : ici
LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE
de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat
(France / 104 min / 2011)
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J. Edgar
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C'est un film sans couleurs et mangé par la pénombre, un film de fin de parcours, presque momifié, un film où il ne se passe finalement pas grand chose pendant cent trente sept minutes de biopic. J. Edgar prête le flan à bien des critiques. Il me semble pourtant que tout ce qui, ailleurs, pourrait signifier un ratage joue en fait en sa faveur pour finir par lui donner une belle cohérence et une indéniable prestance.
Le portrait que fait Clint Eastwood de John Edgar Hoover n'est pas chargé au point de couler le personnage. Ceux qui reprochent cela au cinéaste auraient certainement été les premiers à regretter une main lourde si la représentation avait été celle d'un salaud intégral. Or, décrite comme elle l'est, qui peut dire que cette vie est enviable ? Qui peut trouver que ce réactionnaire, raciste, paranoïaque et homophobe-homosexuel refoulé est un homme aimable, juste parce qu'il a les traits de Leonardo DiCaprio ?
Hoover est resté le patron du FBI alors que huit présidents se succédaient à la tête du pays. Ce temps extraordinairement long, a été celui d'une lutte pour la préservation et l'accroissement de son pouvoir, devenant parallèle à celui de la Maison Blanche. L'obsession de cette maîtrise est l'objet du film. Tout est centré sur Hoover et tout doit ramener à lui (en un sens, Hoover dirige même le spectateur en prenant en charge le récit de son parcours, au point de l'abuser). L'homme est le responsable d'un corps d'élite mais ne procède pas lui-même aux opérations de terrain, ce qui lui est reproché. Il ne sort pas du siège du FBI. Ainsi, l'Amérique, est réduite à son bureau. Hoover a voulu protéger son pays comme on protège sa famille. Mieux encore, donc, l'Amérique, c'est l'appartement qu'il partage avec sa mère. Et encore, c'est sa chambre, voire, son miroir. Passant par le prisme du film, l'Amérique est toute entière là dedans. Resserrer le cadre sur le patriote Hoover, pour Eastwood, c'est parler de ce qu'est son pays (et ce qu'il est, ou a été, lui, cinéaste-acteur).
Plus que jamais chez lui, les personnages sont menacés par les ténèbres à chaque plan. Ce qui les entoure est indiscernable et donc potentielle source de danger. Potentielle parce que ce danger n'existe la plupart du temps que dans leur tête. Eastwood ne le représente d'ailleurs jamais vraiment, jamais de manière affirmée. Nous ne voyons à l'écran que quelques échauffourrées ou bien des fusillades et des attentats aux auteurs non identifiés, aux causes non reliées (alors que nous sommes dans le registre de l'enquête). Apparemment, quelque chose a changé chez Eastwood. L'homme accusé de l'enlèvement du bébé Lindbergh est regardé sans pitié par Hoover et le peuple, mais pas par la mise en scène. Il n'est pas dénoncé par la caméra.
Les mensonges, ce sont donc plutôt ceux de Hoover qui sont mis à jour : nombre de coups d'éclats revendiqués le sont abusivement (parfois, avant d'en avoir la confirmation, une ellipse bizarre a pu nous mettre la puce à l'oreille). C'est que l'homme menacé par l'ombre aime se retrouver sous les feux des projecteurs (qui, au contraire, n'attirent pas, selon ses propres dires, son ami Clyde). Forcément, il se voit alors coupé en deux. L'ombre et la nuit grignotent l'image et scinde son visage, en renvoyant une partie vers le néant. Hoover est "incomplet". Mais cela veut dire aussi que ce mal qu'il combat partout et à tout moment, il l'héberge lui aussi. Seulement, cette part d'ombre, il refuse de l'assumer. Lorsque, face au miroir, il semble enfin décidé à la regarder, il ne supporte pas cette vue et s'effondre. Comme les figures de la vieillesse envahissent progressivement le film, tout cela génère une ambiance mortifère. DiCaprio, Armie Hammer et Naomi Watts sont effectivement comme momifiés, ployant, entravés. Mais cette difficulté, ces efforts pour faire vivre quelque chose sous le maquillage, sont étrangement émouvants.
J. Edgar c'est un homme et une obsession qui ne le fait pas vraiment avancer. Par conséquent, le récit n'avance pas beaucoup lui non plus, jouant de surcroît sur plusieurs temporalités, en allers-retours. Un peu maladroitement, Eastwood passe par exemple d'une époque à l'autre en raccordant les figures de Hoover et de Tolson jeunes à celles des mêmes beaucoup plus agés dans le décor de l'ascenseur de leur bureau. Mais après tout, l'usage de ce procédé traduit aussi le sentiment de l'immuable. L'homme qui a modernisé les techniques de l'Etat policier est resté le même entre 1932 et 1960, oppressé par les mêmes peurs et pensant le monde avec la même étroitesse d'esprit. De plus, cette construction narrative globale ne débouche pas sur une éclatante révélation et ne se boucle pas spectaculairement notamment parce qu'il n'y a pas en amont, contrairement à l'usage dans les biopics classiques, de focalisation sur une scène primitive, sur un traumatisme particulier qu'il faudrait surmonter. Il y a juste l'évocation de plusieurs "raisons", une influence, une éducation, une rigidité morale passant par de multiples vecteurs et qui sera confortée ensuite par les aléas d'une vie menée avec une soif maladive de contrôle absolu.
Le cinéma d'Eastwood n'est plus un cinéma d'action et ce J. Edgar est bel et bien un film de conversations, un film qui ploie, un film qui a du mal à bouger. Il n'en est pas moins prenant.
J. EDGAR
de Clint Eastwood
(Etats-Unis / 137 min / 2011)
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Les noces funèbres & Alice au pays des merveilles
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Ces deux titres valent pour moi confirmation : le cinéma de Tim Burton n'est plus. Le supplément d'âme qui l'habitait l'a quitté au moment de passer à l'an 2000, ne laissant qu'une enveloppe aussi belle qu'inutile. Cette disparition est d'autant plus spectaculaire qu'elle n'a, en dix ans, jamais été contredite malgré la relative variété des six longs-métrages réalisés sur la période. Blockbuster hollywoodien ou œuvre sombre et torturée, film d'animation retournant à la source ou vrai spectacle pour enfants, projet éminemment personnel ou adaptation sur-mesure, quelque soit le registre, rien n'aura fonctionné...
Les noces funèbres est un film de marionnettes. Encore faut-il voir quelques images du making of pour s'en convaincre car le progrès technique aidant, le lissage des mouvements et autres aspérités est tel que l'on se croit d'un bout à l'autre devant un film d'animation entièrement conçu à l'ordinateur. Envolée donc la magie qui animait les figurines de L'étrange Noël de Monsieur Jack, place à la pure efficacité visuelle chargée de véhiculer les thèmes chers au cinéaste. Les thèmes rabattus dirait-on, tant l'impression de redite est forte. Passage entre deux mondes supposés s'ignorer, inversion des valeurs qui leurs sont d'ordinaire associées (sinistre et monochrome monde des vivants versus enthousiasmant et coloré monde des morts), jeu entre le haut et le bas, marginalité de personnages doucement rêveurs, visions gothiques et clins d'œils cinéphiliques... L'emballage est là, les éléments constitutifs également, mais la machine tourne à vide. Les personnages sont oubliés aussitôt qu'ils ont quittés la scène, tout comme les notes de musique d'un Danny Elfman en roue aussi libre que celle de son camarade cinéaste (on bâille gentiment pendant les séquences musicales). Et ce n'est pas la conduite du récit qui peut nous tirer de notre torpeur, celui-ci se dirige exactement vers là où il doit aller.
Cinq ans plus tard, la matière est plus riche. L'idée était bonne de raconter le retour d'Alice au pays des merveilles (Burton s'inspire surtout de la suite écrite par Lewis Carroll, De l'autre côté du miroir). Un retour amnésique qui produit chez la jeune fille le même étonnement et les mêmes erreurs. Le problème est que, passé un prologue pourtant prometteur décrivant une société anglaise de spectres empoudrés et de petits tyrans ridicules, visualisant une sorte de cauchemar aux frontières poreuses (le lapin en costume apparaît déjà dans le jardin, Alice s'éloigne à peine avant de tomber dans le trou) et faisant d'emblée remonter son sous-texte (terreur de l'âge adulte, des fiançailles, de la tromperie), le voyage proprement dit prend la forme d'un grand Barnum numérique. Nul jeu temporel à chercher ici mais une simple ligne droite suivie en mode héroïque. Nous attendions la féérie, nous subissons le film d'action fantasy : Alice au pays du seigneur des anneaux (sans la cohérence esthétique ni l'assise scénaristique de la trilogie plutôt estimable de Jackson). De combats en poursuites, nous sommes, sans aucun répit, soumis à un flux d'images surchargées jusqu'à un générique de fin au cours duquel nous réalisons que c'est bien, à nouveau, Elfman qui a pondu cette musique ne se signalant que par sa lourdeur martiale et son volume assourdissant. Nous en prenons conscience alors qu'Avril Lavigne est en train de nous percer les tympans avec sa chanson de fin. Juste avant cela, ajoutons qu'il a fallu observer une danse débile de Johnny Depp et un retour à la réalité permettant la remise à sa place de la triste société décrite plus haut par Alice devenue une femme libre. Or, à ce moment-là, nous ne voyons pas en elle une aventurière partant vers la Chine mais un entrepreneur. Burton, lui, n'est plus qu'une marque, une étiquette.
LES NOCES FUNÈBRES (Corpse bride)
de Tim Burton et Mike Johnson
(Etats-Unis / 74 min / 2005)
ALICE AU PAYS DES MERVEILLES (Alice in Wonderland)
de Tim Burton
(Etats-Unis / 104 min / 2010)
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Gare centrale
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On entre dans Gare centrale comme on entre dans un film néo-réaliste italien : par la grande porte qui ouvre sur des décors urbains bien réels, qui donne à voir des silhouettes parmi la foule devenant sous nos yeux des personnages, qui entraîne vers la proximité et l'immersion totale. Sans le réfuter, ce néo-réalisme, Youssef Chahine va vite l'excéder, le rendre exubérant et extrêmement vigoureux.
Il raconte une certaine histoire, celle de Kénaoui, le porteur de journaux amoureux, éconduit et en perdant la raison, mais il en greffe quantité d'autres, comme autant de ramifications qui la nourrissent. Le film est choral, datant d'une époque où cela ne se disait pas encore et où il suffisait de moins de 90 minutes pour bâtir une fresque. La grande gare du Caire est filmée par Chahine jusque dans ses moindres recoins. La vision du lieu est éclatée : il n'a pas de limites définies, sa topographie exacte est difficile à établir à partir des simples images. Cet éparpillement spatial fait écho à la société elle-même. Dans cet endroit où se côtoient sans cesse mendiants, travailleurs, résidents et voyageurs, les différences de classes apparaissent d'autant plus. Les différences dans les classes également. Si Chahine s'intéresse particulièrement aux démunis, si son regard est bienveillant, il n'en est pas pour autant angélique. Personne n'est fait d'un bloc. Et l'optimisme n'est pas toujours de mise.
Certains personnages nous sont présentés avec force ou de manière truculente. Cependant, guettés par les stéréotypes, ils s'en affranchissent rapidement. Deux lignes de forces traversent le film : la pulsion érotique et la lutte sociale. Ce qui est étonnant ici, c'est que ces lignes n'arrêtent pas de se croiser et permettent souvent à parts égales l'évolution de personnages que l'on pensait au départ destinés à être définis uniquement à travers l'une ou l'autre. La place laissée au social est attendue, celle que prend l'érotisme beaucoup moins. C'est un érotisme qui dit surtout la frustration du personnage principal. Il n'empêche qu'il éclate partout sur l'écran, grâce aux photos de pin ups que découpe et accroche Kénaoui, grâce à la véhémence, à l'aisance corporelle et aux déshabillages d'Hanouma, grâce même à la corpulence de l'ouvrier syndicaliste.
Les surprises sont constantes, l'agitation perpétuelle. Les gens traversent dans la profondeur du champ comme ils traversent les rails, n'importe où. Les acteurs déboulent dans le cadre sans qu'on les attende (Hanouma pique les billets de son fiancé en arrivant par en haut) et on les suit partout. Ils investissent tous les endroits possibles : on peut par exemple les retrouver à côté, dans ou sous les trains. Ce dynamisme est redoublé par celui de la mise en scène. Quand le mouvement n'est pas dans l'image (déplacement des acteurs ou bien de la caméra qui multiplie les travellings), il est créé par le montage, particulièrement alerte.
Toutes ces tensions, ces courses, ces télescopages, à la fois thématiques, narratifs et esthétiques donnent une vigueur irrésistible, produisent des éclats (un plan magnifique d'Hanouma s'amusant à se balançer vers l'extérieur du train en marche, disparaissant par intermittences de la vue de Kénaoui) et rendent naturels les sauts d'un registre à l'autre. Ainsi donc, du néo-réalisme initial, on se retrouve dans une comédie pittoresque, puis dans un film politique, puis dans un mélodrame, puis dans une comédie musicale (l'une des plus extraordinaires scènes de danse "naturelle" qui soient), pour finir dans les griffes du film noir. A ce moment-là, se manifeste une autre drôle d'émotion. Kénaoui, que l'on a suivi pendant tout ce temps, c'est Youssef Chahine lui-même qui le joue. Il a d'abord été pris en pitié, puis s'est fait à la fois regard amoureux (l'histoire avec Hanouma) et observateur-témoin-relai dans l'un des micro-récits du film (celui de la fille et du garçon vivant leur amour et leur séparation forcée en secret), pour finir assassin et fou à lier, en camisole. L'image est très forte.
A lire par ailleurs : l'enthousiaste chronique DVD d'un récent coffret Chahine, incluant Gare centrale, par Vincent Jourdan sur feu-Kinok.
GARE CENTRALE (Bab el-Hadid)
de Youssef Chahine
(Egypte / 77 min / 1958)
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ToPanoptique 2011
Le Top des films de 2011 vus du Panoptique s'affiche en cliquant sur cette photo de messieurs Gosling et Winding Refn :
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[•REC]
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- ...ennuyé en fait ce film de Fleischer, mais mon grand a assez apprécié je crois. C'est vachement moins bien que L'aventure intérieure.
- Et tu l'as vu au fait le film d'Eastwood ?
- Non, non. Je voulais y aller en début de semaine et puis j'ai eu la flemme. Avec le froid, tout ça... Pourquoi, tu l'as vu, toi ?
- Même pas, mais j'ai un pote qu'a trouvé ça pas mal. Si y'a pas de foot à la télé samedi, j'irai peut-être. Du coup tu va pas parler de ça...
- Et ben non. Je commence par REC en fait.
- Sans dec ? Le film d'horreur, là ?
- Ouais. Un film bien naze, tu vas voir comment je vais le dézinguer...
- C'est pas comme ça que tu vas augmenter ton audience auprès des amateurs de cinéma de genre et de bis.
- De toute façon, ils le savent : y'a pas marqué "Mad Movies" là. Bon on commence ou quoi ?
- Mais c'est quand tu veux, je te signale que ça tourne déjà !
- Ah bon, t'as commencé à filmer ?
- Oui oui. Attends, je fais un dernier réglage et c'est bon...
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- Quand tu veux.
- Ok. Bonjour à tous et bienvenue pour cette grande première de "Nightswimming, l'émission", votre nouveau rendez-vous web-tv cinéphile. Pour ce numéro 1, je vais vous parler d'un fameux film d'horreur espagnol réalisé en 2007 par Jaume Bagualero et Pazo Placa... ah, mierda...
- Pas grave, reprends, reprends.
- Pour ce numéro 1, je vais vous parler d'un fameux film d'horreur espagnol réalisé en 2007 par Jaume Balaguero et Paco Plaza, REC. Ce titre s'inscrit dans la lignée, maintenant encombrée, du faux document flippant, sous-genre du film d'horreur ayant comme point de départ l'intéressant Projet Blair Witch de 1999. Certes, s'il s'agit de foutre la trouille, REC remplit son contrat. Mais encore faut-il voir de quelle façon il le fait. Balaguero et Plaza sont des gros malins. Des réalisateurs qui cherchent l'effet à tout prix. D'ailleurs, chez eux, l'effet n'est pas le but recherché, il est l'idée de départ. Le duo a dû se dire : "On va faire une scène en caméra infrarouge". Alors ils ont inventé un dénouement dans le noir. Aussi, "il faudrait que l'on sente que le film parle de la société espagnole". Hop, l'un des résidents de l'immeuble où se tient l'action a un discours raciste. D'ailleurs, les réalisateurs n'aiment aucun de leurs personnages. Et puis, "on va faire surgir un zombie comme ça". Du coup, chaque mort-vivant déboule d'on ne sait où, uniquement pour faire sursauter, sans que l'on sache ce qu'il a bien pu faire avant qu'il entre dans le champ de la caméra. Et encore, "les zombies c'est bien joli, mais faudrait terminer sur un truc énorme, qui secoue vraiment le spectateur". D'où un virage grotesque dans le final, du film de zombie à la diablerie avec évocation d'une créature combattue par le Vatican etc. Ainsi, REC accumule les aberrations narratives et scénaristiques. Si les surs
GGGRRRROUIK
- C'est quoi ce bruit ?
- C'est rien, c'est la tuyauterie. Je reprends. T'es prêt ?
- Oui, vas-y, je recalerai au montage. OK.
- Ainsi, REC accumule les aberrations narratives et scénaristiques. Si les sursauts et les plans gores s'empilent, les séquences s'effaçent en fait les unes après les autres, trop mal reliées entre elles. Souvent, dans ce huis clos où tout se joue dans le temps de l'enregistrement de la caméra d'une équipe de reporter, il suffit de refermer une porte pour passer à autre chose. Les visions d'horreur sont dépourvues d'originalité et de force. L'idée de l'enfant infecté aurait pu donner quelque chose de terrible, un équivalent de l'image de la petite fille mangeant ses parents dans le sous-sol de La nuit des morts-vivants. Or, encore une fois, seul un effet gore justifie la scène, effet déclenché de manière tout à fait arbitraire. Balaguero et Plaza sont
CLAC!
- Oh, c'est quoi ça encore ?
- Mais c'est qu'une porte. Arrête de m'interrompre...
- Excuse, attends.
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- Vas-y.
- Balaguero et Plaza sont, je le répète, des gros malins. Ils présentent leur héroïne journaliste de télé-réalité de manière bien ironique en lui faisant dire au début "J'ai envie de sensations fortes" ou un truc dans le genre. Je pense aussi à une chose qui m'étonnera toujours : dans ces films pourtant très post-modernes, les protagonistes se conduisent toujours comme si ils n'avaient jamais vu un seul film de morts-vivants. Ici, cette qualification flotte même comme un étrange non-dit. Je termine en évoquant l'ultime caution "rebelle", le morceau rock de bas étage que l'on entend pendant le générique de fin et qui suffirait déjà à disqualifier ce film très surestimé, auquel les réalisateurs ont bien sûr donné une suite un peu plus tard. Après que les Américains aient eux-mêmes proposés la leur, dès 2008. Preuve que REC est bien un
- Putain, y'a un mec dans le couloir !
- Et ben, ça va pas ? Qu'est-ce que tu racontes ?
- Là, regarde !
- Merde t'as raison. Hé, qu'est-ce que vous faites ici, Monsieur ? Monsieur ???
- Pourquoi il ne répond pas ? Attends il s'avance. Fais gaffe, fais gaffe.
- Mais... on dirait Philippe Rouyer. Monsieur Rouyer ? C'est vous ? Vous savez que je connais bien la revue Posi... Arghhhh
- Edouard !
- Aiiiiie !! Mais pose ta caméra, Paquito, viens m'aider. AHHHHHH il m'étrangle. MIERDA !
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- Ouf, c'est bon. T'as bien fermé à clé ? Il est taré ce type. On aurait dit qu'il voulait me mordre...
- Qu'est-ce qu'il fout là ? Tu crois que c'est ton texte sur Positif qui l'a foutu en rogne ?
- Mais j'ai rien dit de méchant ! C'est n'importe quoi !
- Tu crois qu'il est parti ? On pourrait essayer de sortir, non ? C'est un peu étroit là.
- Ouais, passe devant. Avec la caméra, t'y verras mieux.
- Ok j'y vais... PUTAIN, ils sont DEUX ! Ils arrivent ! Referme, referme, VITE !
- Qu'est-ce que c'est que ce BORDEL ! Non mais t'as vu ça. Ils veulent nous faire la peau ou quoi ?
- J'hallucine ! Tu sais quoi... je crois que l'autre c'est Stéphane du Mesnildot.
- Stéphane du MESNILDOT ?!?! Mais qu'est-ce qu'il me veut lui aussi, MIERDA, MIERDA !
- Du calme, du CALME ! Faut réfléchir... Qu'est-ce qu'ils ont en commun ?
- Des lunettes ?
- Non, c'est pas ça.
- Attends, me dis pas qu'ils viennent parce que j'ai dit du mal de REC !
- Et pourquoi pas ? T'as vu ce que tu lui as mis ? En plus, je suis sûr que tu lui as collé un zéro sur ton blog. Ils vont être fous les bisseux... Tu pouvais pas mettre au moins une étoile, non ? Tout ça pour faire ton malin ! Maintenant, on est dans la MIERDA ! Et JE VAIS CREVER A CAUSE DE TOI !
- CHUUUT ! TAIS-TOI ! On entend plus rien... Ils ont dû se barrer. Viens, on va prendre le couloir et passer par la chambre. Et éteins-moi cette caméra !
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- Mais putain, pourquoi tu la rallumes ?!? Elle fait un bruit pas possible, ils vont rappliquer...
- Mais c'est bon on va pouvoir sortir, ouvre la fenêtr... AARRRRRRRGHHHH
- Paquito !
- AAAAARRRRRRRRRRRGGGGGGGG
- Mais LÂCHEZ-LE BORDEL ! AÏE, MIERDA ! Mais... Mais... Oh, Mariaque, mon ami, c'est moi, Edouard ! Tu me reconnais ? Pourquoi tu dis rien ? C'est quoi ce regard ? Non, laissez Paquito tranquille ! Bordel de MIERDA !!!! Monsieur DIONNET ? NON, ne le MORDEZ PAS, NOOOOOOOOOOOOON !!!!!!
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CLING. ZIPPPPP. BRRRRRRRRRR.........................................
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- Aïe. Pfffuuuuu. Ouille. Je m'appelle Edouard, je me filme avec mon téléphone portable. J'étais en train de tourner une petite vidéo avec un copain espagnol quand nous avons été sauvagement attaqués par quatre cinéphiles amateurs de cinéma de genre. J'ai pu sauter par la fenêtre mais j'ai dû laisser mon pote Paquito et sa caméra. Je l'ai entendu hurler depuis le jardin, c'était terrible. Je ne sais pas ce qu'ils lui ont fait. Je vais essayer de trouver de l'aide dans le voisinage. Je vois une maison avec une lumière, je vais m'approcher et sonner à la porte.
DING DONG
- Bonsoir Messieurs. Excusez-moi de vous déranger à une heure aussi tardive mais j'ai eu un gros problème à côté de chez vous et j'aimerai... Attendez... Oh PUTAIN, une convention MAD MOVIES ! Non! Aïe, ARRÊTEZ ! LÂCHEZ MA JAMBE, LÂCHEZ MA JAMBE ! JE RETIRE TOUT CE QUE J'AI DIT SUR REC : C'EST GÉNIAL ET CLOVERFIELD A CÔTÉ C'EST DE LA MIERDA HOLLYWOODIENNE !!! AAAAARRRRGGGH NON NE ME MORDEZ PAS ! PAS LE COU ! PAS LE COU ! MIERDA, MIERDA, MIERDA ! AU SECOURS ! AU SEC[•REC]
de Jaume Balaguero et Paco Plaza
(Espagne / 78 min / 2007)