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  • Les trois mousquetaires & On l'appelait Milady

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    Adaptant Dumas, l'américano-britannique Richard Lester en remontre aux français dans le domaine de l'humour (c'était à prévoir) mais aussi de l'énergie, du rythme, de l'inventivité décorative, de la conduite de récit, de la direction de vedettes, de l'expression visuelle, bref, du cinéma. Les trois mousquetaires et sa suite, On l'appelait Milady, ont été tournés dans la continuité, avec la même équipe, ce qui les rend indissociables (contrairement à un troisième volet réalisé bien plus tard, en 1989). Si le deuxième s'étire un peu et paraît légèrement plus bavard et décousu, ils procurent, réunis, un plaisir réel.

    Jouant à fond la carte de l'aventure échevelée, Lester s'amuse à condenser le temps, à accélérer les coups de mains et les sauvetages, à conter en une poignée de plans un voyage de six jours vers Londres, à faire débouler sans crier gare Aramis dans la pièce du château où la belle Constance est retenue prisonnière. Ces emballements étaient annoncés dès le début : D'Artagnan, à peine arrivé à Paris, trouvait le moyen, dans l'école des mousquetaires, de déclencher successivement trois demandes de duel contre lui pour le même jour.

    Toutefois, les films ne sont pas que courses effrenées, le cinéaste s'entendant aussi pour ménager des pauses et pour dessiner des bifurcations. Sa narration provoque de multiples surprises : un flash-back inattendu qui s'enclenche, des projets ou des tentatives qui tournent court, des actions montées en parallèle qui dynamisent... Si dans le premier épisode le foisonnement oblige à ne guère développer, une fois qu'elle a été dessinée à grands traits (essentiellement par la manière de se battre), la personnalité des trois mousquetaires amis de D'Artagnan, ce manque est en partie comblé dans le deuxième par l'éclairage porté sur une plaie mal cicatrisée chez Athos, le plus tourmenté, physiquement et mentalement.

    Richard Lester a réussi avec cette adaptation un étrange mélange de comédie et de réalisme, l'une se nourrissant de l'autre et inversement. Le souci du détail historique n'est jamais plus évident que lors des duels et ceux-ci sont à la fois crédibles et comiques. Comme dans la réalité, ils fourmillent d'actes manqués, de ratages, de glissades, de bottes secrètes se révélant plus dangereuses pour celui qui les exécute que pour son adversaire. Tout cela, Lester ne le gomme pas, il s'en sert au contraire pour faire rire aussi bien que pour imposer un réalisme énergisant. Pendant ces combats, les accessoires les plus triviaux sont mis à contribution (Porthos, ni très courageux, ni très bon escrimeur, est un spécialiste), les différences de corpulence ont leur importance (Athos se bat avec sauvagerie, toute sa masse et son souffle en avant, alors que l'élégant Aramis rivalise de dextérité et d'astuces), les épées font leur poids.

    Nullement présentés comme des modèles, les mousquetaires ne reculent pas devant les entourloupes, accumulent maîtresses, nuits alcoolisées et dettes de jeu. Ils sortent également, la plupart du temps, exténués ou blessés de leurs combats. Ils peuvent ainsi partir à quatre pour l'Angleterre et vite être réduits à l'inaction, à l'exception d'un D'Artagnan obligé de se débrouiller seul dans sa mission. L'image légendaire est gentiment écornée. A la fin de leur ultime combat, D'Artagnan et Rochefort finissent littéralement à quatre pattes. Auparavant, ils avaient eu toutes les peines du monde à s'affronter dans la nuit noire d'une forêt seulement éclairée par leur lanterne respective, puis en plein jour sur une rivière gelée rendant leur maintien debout impossible. Assurément singuliers, les duels de Lester ne cherchent pas l'originalité pour l'originalité. Ils provoquent un retour au réel qui démythifie les figures sans que nous leur retirions notre sympathie, l'humour et le plaisir du spectacle aidant. L'érotisme, aussi : Milady, entravée par sa longue chemise de nuit, a ces gestes magnifiques pour la relever sans cesse de la main gauche et tenir de la droite sa dague empoisonnée lui servant à tenir en respect D'Artagnan, son amant d'un soir.

    Cheminant entre les Monty Pythons pour certains traits d'humour liés à la représentation du peuple (comme l'aubergiste légèrement dérangé qui finit par réellement passer pour fou aux yeux de tous) et Peter Greenaway pour l'étrange monumentalité et l'éxubérance esthétique caractérisant la cour du roi (ce rapprochement étant, bien sûr, un anachronisme : en 73, Lester visait plutôt le cinéma baroque de Ken Russell, auquel il emprunte d'ailleurs Oliver Reed), ce diptyque se permettant de faire passer le soleil brûlant d'Espagne pour une ambiance française bénéficie d'une distribution hors pair qu'il est difficile de ne pas passer en revue. Michael York est un tempétueux (et souvent peu sensé) D'Artagnan, encadré par trois mousquetaires complémentaires, l'imposant Oliver Reed en Athos, le distingué Richard Chamberlain en Aramis et le filou Frank Finlay en Porthos. Constance, jeune femme en péril, se présente sous les formes avenantes de Raquel Welch, parfaite en miss catastrophe attirante et moins idiote qu'elle n'en a l'air. Geraldine Chaplin est une douce reine de France, Jean-Pierre Cassel un souverain ridicule, Charlton Heston un Richelieu fatigué mais vif d'esprit, Christopher Lee un Rochefort borgne, agile et séduisant (en habit rouge, tel un Dracula, il peut, sans s'en rendre compte, remplir de sang la baignoire de Milady). Quant à Faye Dunaway...

    Partant d'aventures masculines, Les trois mousquetaires se révèle un film très féminin. Au-delà de l'importance scénaristique des intrigues amoureuses et d'une affriolante bien que violente bagarre entre Milady et Constance, il faut remarquer par exemple que la plupart des combats de cet épisode se déroulent dans des endroits réservés aux femmes (salle des blanchisseuses, couvent) ou au plus près de ceux-ci (sous les balcons de Milady). Puis, comme l'indique bien, pour une fois, le titre français, le récit se met à tourner, dans le deuxième volet, autour de la vengeance de Milady. Lester fait là de Faye Dunaway l'incarnation du mal absolu à travers ce personnage de courtisane portant la marque infâmante des catins et se jouant en retour des hommes avec une ténacité incomparable. De magnifiques gros plans (et pas seulement sur son décolletté) lui sont octroyés. On en arrive à souhaiter qu'elle survive, au loin, la-bas, entre les mains du bourreau. Auparavant, même les figurants avaient peu de chances de trépasser, mais au final, trois morts assombrissent le paysage, fulgurantes et d'autant plus cruelles. Ultime mélange réussi, ultime plaisir.

     

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    lester,etats-unis,grande-bretagne,aventures,70slester,etats-unis,grande-bretagne,aventures,70sLES TROIS MOUSQUETAIRES (The three musketeers)

    ON L'APPELAIT MILADY (The four musketeers)

    de Richard Lester

    (Grande-Bretagne - Etats-Unis - Espagne - Panama / 105 & 108 min / 1973 & 1974)

  • Les diamants de la nuit

    nemec,tchécoslovaquie,guerre,60s

    Deux jeunes hommes sautent d'un train en marche, leur tenue et les ordres aboyés en allemand entre les coups de feu laissant penser qu'il s'agissait d'un convoi de déportés. Ils courent à perdre haleine dans la forêt, ne s'arrêtent qu'exténués pour boire l'eau des ruisseaux et se reposer sous les branchages. Dans une ferme, ils trouvent enfin à manger puis repartent. Mais ils sont bientôt repris par le groupe de vieux villageois miliciens qui avait organisé la chasse à l'homme. Au moment d'être transférés, ils sont abattus... ou ils s'évadent à nouveau, lancés dans une autre course sans fin.

    Les diamants de la nuit racontent une survie, une résistance, une lutte individuelle. Jan Nemec traite de l'horreur historique à travers le prisme d'une douleur particulière et fait donc un film tout en ressenti. Quasiment muet du début à la fin, il n'est fait que de sensations, celles que la fuite éperdue provoque : le froid, la faim, la peur... Si en 1964 la poursuite ainsi mise en scène a pu réactiver chez les spectateurs le souvenir des Chasses du comte Zaroff, aujourd'hui la minceur de l'argument et l'intégration profonde des fuyards dans une nature hostile balayée par de longs et sinueux plans séquences semblent plutôt annoncer quelques Essential killing et autres Gerry.

    C'est qu'à un premier pari audacieux, se superpose un second. Ce réalisme poussé est en effet constamment bousculé par une mise en scène formaliste qui fait apparaître au milieu des plans de fuite des hallucinations, des souvenirs, des projections mentales. Le récit est donc soumis à de brusques dérapages, des arrêts et des suspensions. Les sauts dans le temps et l'imaginaire se multiplient, la bande son est supprimée, déplacée ou étouffée. Semblant œuvrer dans le réalisme (socialiste ?), Nemec avance en fait plus sûrement sur le terrain de Buñuel et de Resnais. Du premier, il retrouve le sens de l'absurde et les images saisissantes de fourmis dans le creux des mains, du second, les sauts de chaîne narrative et les reprises de plans identiques, à intervalles réguliers et à quelques détails près.

    Le risque encouru est celui de l'esthétisme plaqué sur un sujet grave. La gratuité est à mon sens évitée tout simplement parce que les déconnexions intempestives de la réalité, visuelles ou sonores, se donnent comme une représentation psychique particulière. Ce sont des pensées naissant dans le cerveau de l'un des deux hommes que nous visualisons, cela de manière directe, au moment où elles arrivent (le moment le plus fort, sur ce plan-là, est la rencontre avec la fermière : le jeune se voit, tout comme nous, la tuer à trois reprises, avant de la laisser finalement lui donner quelques morceaux de pain sans la toucher). Ce sont des pensées qui, littéralement, l'assaillent. A force de suivre avec sa caméra (pré-)van-santienne les deux fuyards, de les accompagner aux plus près de leur souffle, Nemec parvient à entrer dans le crâne de l'un d'eux et à accorder son regard aux divagations de son esprit traqué.

    S'appuyant sur une série d'oppositions franches (l'onirisme et le réalisme, le naturel et l'artifice, le rire et le râle, la chair et l'esprit...), n'ayant pas peur de la répétition ni de la longueur des plans, le film, assurément, a de quoi désarçonner mais sa brièveté (une heure à peine) fait sa force, comme sa conclusion, qui dessine en même temps deux figures contradictoires, une ligne brisée et une boucle. Joyau d'un cinéma tchécoslovaque qui, décidément, dans ces années-là, en offrit beaucoup, Les diamants de la nuit est le premier long métrage d'un cinéaste alors âgé de vingt-sept ans seulement et malheureusement oublié aujourd'hui (malgré la distribution française en 1968 de ses deux titres suivants, Les martyrs de l'amour et La fête et les invités*).

     

    * : Les DVD des Diamants de la nuit et de La fête et les invités sont édités par Malavida.

     

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    nemec,tchécoslovaquie,guerre,60sLES DIAMANTS DE LA NUIT (Démanty noci)

    de Jan Nemec

    (Tchécoslovaquie / 63 min / 1964)

  • A perdre la raison

    lafosse,belgique,2010s

    A perdre la raison est le premier film de Joachim Lafosse que je vois. Peut-être les précédents sont-ils meilleurs, plus intéressants, moins prisonniers de leur dispositif, mais en découvrant celui-ci j'ai l'impression de déjà tout savoir de ce cinéma-là. Manifestement, pour être considéré comme un grand auteur contemporain, il faut s'imposer un régime de mise en scène poussé au point de le transformer en système repérable par tous, quitte à envoyer au diable la liberté du spectateur et à ne jamais laisser respirer son film. Alors ce système passera aux yeux de quelques uns, au moins, pour une preuve de grande rigueur artistique, cela d'autant mieux qu'il contiendra avec fermeté un sujet à fort potentiel émotionnel.

    Dans A perdre la raison, la caméra portée rend le cadre continuellement instable. Hum... N'est-ce pas pour montrer l'explosivité de la situation et la fragilité de l'héroïne ? Par ailleurs, cette caméra se colle régulièrement sous le nez des comédiens. Oh oh... Ce ne serait pas pour repousser le monde extérieur au-delà de la sphère intime par hasard ? De plus, les plans ont toujours une amorce visuelle qui peut aller, souvent, jusqu'à faire office de cache sur un bord du cadre. Attendez, laissez-moi deviner... Cela traduirait-il une oppression ?

    A qui sont vraiment adressés ces appels du pied ? Au spectateur ? A la critique ? Pourquoi verrouiller à ce point ? Niels Arestrup n'est-il pas déjà inquiétant "naturellement" ? Tahar Rahim ne sait-il pas efficacement rendre la soumission, feinte ou réelle, de ses personnages ? Une mise en scène plus posée, plus distante, ne rendrait-elle pas plus intéressant leur rapport et ne serait-elle pas mieux adaptée pour aborder le thème de la folie infanticide ?

    L'une des choses les plus énervantes dans ce système Lafosse est que l'image mangée sur les côtés n'est même pas pensée à partir de la notion de point de vue puisque toutes les scènes sont enregistrées de la même façon, quels que soient les protagonistes en action. Ces plans ne servent donc qu'à nous faire épier, nous donner l'illusion d'une intimité volée. Une effraction pour voir quoi ? Un fait divers monstrueux. A perdre la raison provoque dès lors un effarement proche de celui qui nous prend à la lecture d'une atrocité dans un quotidien. Est mise en suspens toute capacité à raisonner, l'émotion étant commandée de la manière la plus directe. Jamais Lafosse ne parvient à élever son récit au niveau de la tragédie, malgré le flux de vagues musicales, il l'a trop serré entre son prologue-épilogue et son dénouement et l'a abusivement baigné dans un naturalisme spectaculaire dont le pic est l'insupportable beuglante poussée par Emilie Dequenne sur le déjà peu écoutable Femmes, je vous aime de Julien Clerc.

    Ce plan séquence s'affiche comme l'un des deux morceaux de bravoure du film. L'autre concerne bien sûr le passage à l'acte redouté et il nous achève, effectivement. Plans longs, canapé de salon, télévision en marche, montées à l'étage : si ma mémoire ne me joue aucun tour, la scénographie est identique à celle mise en place par Nicole Garcia dans L'adversaire en 2002. Ce film était beaucoup plus stimulant que l'intimidation auteuriste de Joachim Lafosse.

     

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    lafosse,belgique,2010sA PERDRE LA RAISON

    de Joachim Lafosse

    (Belgique - Luxembourg - France -Suisse / 111 min / 2012)

  • Cartouche

    de broca,france,aventures,60s

    Enlevé, correctement mis en images, convoquant pour les seconds rôles des "gueules" bien connues (Noël Roquevert, Marcel Dalio) et pour les premiers de jeunes vedettes charmantes (Belmondo, Cardinale), Cartouche n'en est pas moins un film de capes et d'épées ennuyeux, abusivement considéré comme l'un des meilleurs du genre sous pavillon français et confirmant que Philippe de Broca est bien une sorte de sous-Rappeneau. Incapable de mêler les registres afin de donner de la densité à son récit, il se contente de les alterner scolairement. A une première partie picaresque succède une seconde, très dramatique.

    Cartouche, le personnage, comme Cartouche le film, n'acquiert aucune profondeur. Les ressorts comiques, nombreux dans la première moitié, n'ont même pas l'efficacité de ceux d'un Gérard Oury des bons jours, malgré un Jean Rochefort plutôt amusant dans son rôle de compère. Tout est souligné à l'intention des spectateurs, qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, tout est rendu plus aisé. Caractérisations, humour, ligne narrative, tout n'est que facilités. La Révolution elle-même est facile : le chemin est ouvert par le bandit au grand cœur, il n'y a qu'à le suivre.

    La fin se drape de pénombre mais ne tient à l'écran que grâce aux cordes de Georges Delerue et aux prises de vues nocturnes du chef opérateur Chritian Matras.

     

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    de broca,france,aventures,60sCARTOUCHE

    de Philippe de broca

    (France - Italie / 115 min / 1962)

  • Very bad trip

    philips,etats-unis,comédie,2000s

    Very bad trip n'est ni plus ni moins que le gonflage aux dimensions d'un long métrage de ces vidéos d'amateurs montrant la réalisation ou le résultat de mauvaises blagues de fêtards. Tel est son intérêt, maigre, pour ne pas dire nul.

    Dans les films-cauchemars de Martin Scorsese, dans les anciens polars de Jonathan Demme, dans tous ces films noirs qui racontent comment les pires choses peuvent arriver aux gens comme vous et moi, la fable a son utilité, les caractères sont changés, les rapports avec la fiction et le fantasme sont éclairés. Ici, le "bad trip" ne produit rien, ne bouleverse rien, ne questionne rien. Il s'agit d'un état second oublié et donc impossible à (se) représenter sinon, in extremis, en retrouvant comme par enchantement des photos prises à l'occasion (support qui rabaisse encore la chose).

    Malgré la mise en scène "cinéma" (version tape-à-l'œil, version caprice de riche, version crétin friqué), magré les efforts d'imagination déployés pour garder le cap de l'énormité des situations, c'est une banalité triste qui est étalée le long d'une intrigue qui pourrait se dérouler n'importe où ailleurs qu'à Las Vegas (d'ailleurs un inévitable Very bad trip 2 envoie tout son petit monde à Bangkok). Promesse est faite, au début, d'une remontée de courant dans la brume alcoolisée, ce qui pourrait donner naissance à un système narratif excitant. Peine perdue : le principe de base n'entraîne qu'une fastidieuse répétition, une série de surprises sans surprise. Chaque scène n'a qu'une raison d'être, elle sert à dévoiler et expliquer la conséquence d'un acte insensé et délirant effectué la nuit précédente par nos imbéciles amnésiques. Ici, la présence d'un cinéaste n'est décelable que dans les clins d'œil (le gag sur Rain man par exemple) et dans les emprunts (le plan-poitrine d'ivresse "scorsesienne").

    Né de l'internet, le film peut y retourner. C'est un film de l'oubli, un film sans visée aucune. Very bad trip, c'est du punk-rock pour rien. Il nous rappelle juste combien on peut être cons entre amis, combien aussi on peut avoir l'envie de tout foutre en l'air tout en adorant retrouver nos femmes, nos enfants, notre petite maison. Merci Todd Phillips !

     

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    phillips,etats-unis,comédie,2000sVERY BAD TRIP (The hangover)

    de Todd Phillips

    (Etats-Unis / 100 min / 2009)

  • Vous n'avez encore rien vu

    resnais,france,2010s

    Pour la première fois depuis longtemps (I want to go home), le jeu formel auquel m'a convié Alain Resnais ne m'a pas paru véritablement concluant.

    Invités à la projection surprise de la captation d'une pièce de théâtre par de jeunes comédiens, pièce qu'ils ont jadis joués eux-mêmes à des époques différentes, un groupe d'acteurs français parmi les plus fameux se met à re-jouer celle-ci spontanément. De cette manière, ils emboîtent donc le pas, ils prolongent, ils répondent à la représentation qui se déroule sur l'écran du salon dans lequel ils ont été installés.

    Partant de cette idée, Resnais développe une mise en scène très complexe par les relations qu'elle crée entre la salle et l'écran, entre le décor virtuel et le décor réel, entre le personnage et le comédien. Le découpage surprend constamment, tout comme les compositions dans le cadre qui font apparaître ou disparaître les acteurs, les font changer de position ou de place d'un plan à l'autre, cela alors qu'ils sont supposés rester assis dans leurs fauteuils. Vous n'avez encore rien vu est fort de son étrangeté. Etrangeté du point de départ (deux pièces d'Anouilh, Eurydice et Cher Antoine ou l'amour raté, vénérées par Resnais depuis les années 40), du sujet (une histoire mythique et fantastique) et du traitement (par conséquent, les plus beaux moments sont ceux convoquant des fantômes).

    Cependant, le film me paraît osciller sans cesse entre le concept et le récit, même si son but, manifestement, est de glisser progressivement du premier au second pour mieux emporter le spectateur. A mon sens, l'adhésion, l'harmonisation, l'équilibre peinent à se faire : tantôt je m'accroche à l'histoire, tantôt je m'intéresse au dispositif, le rapprochement vers l'un se faisant au détriment de l'autre. Pourtant, c'est bien l'idée de modulation que cherche à partager Resnais, en particulier dans le jeu des acteurs puisque souvent un même personnage et les mêmes mots sont pris en charge par deux interprètes différents. Or, cette modulation induit l'établissement de préférences et, de manière plus précise et gênante, de hiérarchies.

    Cette sensation s'accentue avec le choix du cinéaste de placer en miroir un ensemble de grands comédiens et une troupe paraissant beaucoup moins aguerrie, les bénéfices de la double représentation étant vite tirés par le premier groupe. Le second présente une version plus directe, brute, de la pièce, qui nous intéresse moins, qui manque singulièrement d'attraits. La captation presque sans artifice (ne reste que celui du montage) s'oppose à la magie cinématographique entourant ce qui se passe dans le salon. Lumières admirables, décors mouvants, découpage inventif, interprétation de haute volée... tout sert à magnifier le simple texte. D'ailleurs, on remarque la disparition progressive, au fil du film, des comédiens de la représentation enregistrée dans l'entrepôt. L'hommage aux acteurs, un brin solennel, est ainsi délivré essentiellement aux plus reconnus, ceux qui s'activent dans un écrin classieux, loin du cadre ingrat dans lequel travaillent les autres.

    Enfin, si Alain Resnais nous offre encore là son lot de beaux moments, il utilise quelques effets de manière plus "gratuite" que d'ordinaire comme les renvois au muet à travers les fermetures à l'iris ou les cartons, il se saisit des outils numériques sans obtenir un résultat très convaincant esthétiquement et il propose une fin à tiroirs plutôt ratée dans son alternance de tons, pessimiste et/ou optimiste.

    Cela dit, au-delà de cette déception, la dimension "testamentaire" de Vous n'avez encore rien vu ne m'inquiète pas outre mesure. Ce n'est que partie remise.

     

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    resnais,france,2010sVOUS N'AVEZ ENCORE RIEN VU

    d'Alain Resnais

    (France - Allemagne / 115 min / 2012)

  • Le Capitaine Fracasse

    gance,france,aventures,40s

    Au cours d'un homérique combat entre, d'un côté, cent brigands et, de l'autre, le seul Capitaine Fracasse, on voit ce dernier installé sur une potence en train de couper la corde soutenant un pendu dans le but d'écraser quelques combattants placés sous lui. Le héros, nous ne l'avons pas vu monter là-haut et nous ne le verrons pas plus descendre.

    On peut parler de fulgurances pour louer la mise en scène d'Abel Gance mais on ne peut guère parler que de ça tant le cinéaste aura répugner dans Le Capitaine Fracasse à soigner ses transitions entre les plans, à compter sur autre chose qu'une succession d'images fortes affichant des traits saillants, des élans poétiques, des expressions comiques (la vie et le théâtre se mêlant sans cesse, les performances des comédiens en deviennent souvent pénibles). Le roman de Théophile Gautier est déjà rocambolesque mais la hâte dont fait preuve Gance pour enchaîner les rebondissements met notre crédulité à rude épreuve.

    Cet empressement rend par ailleurs les scènes d'action parsemant ce récit de capes et d'épées difficilement lisibles. Ainsi, lors de la première, qui rend compte de l'attaque de la troupe de comédiens par un bohémien, nous comprenons le stratagème (utiliser des épouvantails pour faire croire que l'on est toute une bande) seulement lorsqu'elle est terminée. La séquence est en effet trop confusément mise en images alors qu'elle ne consiste pourtant, finalement, qu'en un face-à-face entre le voleur et le Capitaine Fracasse.

    Il resterait bien sûr à savoir à quel point les conditions de tournage d'une part (le film fut réalisé en 1942) et de montage d'autre part peuvent expliquer ce qui apparaît comme un ratage. Un ratage qui peut tout de même être qualifié d'intéressant car l'emphase, la naïveté poétique, la franchise romanesque ainsi que l'audace du cinéaste, même si elle est souvent mal placée, font de ce Capitaine Fracasse une curiosité plutôt qu'un supplice. Il faut en effet oser rythmer un duel à l'épée par une série de rimes, comme chez Edmond Rostand (et ne pas montrer le dernier geste mais seulement son résultat, quelques secondes plus tard), ou entamer son récit par un prologue lugubre et intrigant, trouvant son pendant dans les dernières minutes, lors d'un dénouement heureux qui ne rassure cependant qu'à moitié tant l'hypothèse d'une folle hallucination du héros reste recevable.

     

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    gance,france,aventures,40sLE CAPITAINE FRACASSE

    d'Abel Gance

    (France - Italie / 108 min / 1943)

  • Ces messieurs dames

    germi,italie,comédie,60s

    La première partie de Ces messieurs dames, œuvre qui en compte trois, est l'une des choses les plus agaçantes qu'il m'ait été donné de voir ces derniers temps sur un écran, au point que je me suis demandé si j'allais pouvoir tenir jusqu'au bout. Elle est centrée sur une réception huppée et alcoolisée et se termine entre une boîte à strip-tease et un appartement abritant un vaudeville adultérin. A cette occasion, Pietro Germi braque sa caméra sur la bourgeoisie vénitienne, avec pas mal de complaisance. En effet, il ne nous épargne rien de la vulgarité, des rires gras, des cris et des gifles qui fusent dans cette petite société. Les femmes y sont souvent belles mais toujours sottes, les hommes tout à fait virils mais invariablement lâches. La vie des riches défile en gesticulations épuisantes et en dialogues saturés de sous-entendus graveleux sur l'infidélité et l'impuissance. Le cinéaste monte court, laisse ses acteurs en faire des tonnes, recouvre ses images d'une ritournelle qui ne semble jamais s'arrêter, bref, nous énerve.

    Arrive ensuite une deuxième partie qui, étrangement, délaisse l'aspect choral de la première pour se concentrer sur une rencontre amoureuse impliquant directement un seul des hommes aperçus précédemment, les autres se faisant observateurs amusés (ils ne reprendront leur place centrale qu'à la toute fin de cette deuxième histoire). Comme les mêmes procédés de mise en scène sont reconduits, comme le grotesque, l'hystérie et la mesquinerie sont à nouveau à l'honneur, nous commençons par ne pas croire en la sincérité des deux nouveaux amants. Toutefois, un virage semble être finalement pris. Cette sincérité existait bel et bien chez l'homme marié comme chez la femme au passé honteux et cette histoire, dès lors, devient celle d'une remise en cause réelle des normes sociales, du respect d'une fausse morale, d'une hypocrisie fondamentale, d'une classe et d'un milieu aliénant. Germi fait preuve d'une véritable méchanceté et, à l'écart des soirées mondaines et des coucheries bourgeoises, sa verve et ses excès passent un peu mieux. L'acte rebelle étant assez rapidement stoppé, la vision du cinéaste apparaît dans toute sa noirceur. Portant d'abord sur une classe sociale, elle semble pointer l'humanité entière et tous les systèmes étouffant l'individu.

    La troisième et dernière partie est celle du retour de bâton. Concernant à nouveau le groupe, elle nous montre le passage (plutôt glaçant) de bras en bras d'une jeune femme pauvre qui va s'avérer mineure et fille d'un homme prêt à recourir à la justice. La panique s'empare alors de la bourgeoisie locale... La conclusion sera immorale et pessimiste, malgré un ultime détail croustillant (une nouvelle infidélité). La dernière leçon est la suivante : le paysan est un être beaucoup plus cupide qu'intelligent et sa bêtise permet aux bourgeois de s'en sortir sans grands dommages.

    Devant Ces messieurs dames, comédie de mœurs à l'Italienne qui crée constamment le malaise, on se dit que l'on atteint vraiment les limites d'un genre, on se demande pourquoi c'est ce titre-là qui le représente dans la liste des Palmes d'or du Festival de Cannes et on comprend les réactions épidermiques de certains à l'époque (voici l'intégralité des lignes que consacra Robert Benayoun à ce film dans son compte-rendu de dix-huit pages du festival, paru dans le n°79 de Positif en octobre 1966 : "Je refuse de dire plus d'un mot sur le demi-grand prix de Cannes Signore et Signori, du toujours fin Pietro Germi. Ignoble.").

     

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    germi,italie,comédie,60sCES MESSIEURS DAMES (Signore & Signori)

    de Pietro Germi

    (Italie - France / 115 min / 1966)