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  • This must be the place

    sorrentino,italie,irlande,2010s

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    "Car tel quel, le film paraît bloqué au même endroit
    que son avatar robert-smithien de héros :
    en plein milieu du pire des années 80"
    (Joachim Lepastier, Cahiers du Cinéma n°669, juillet-août 2011)

     

    Salut les potes !

    Pfff… L'année scolaire n'a pas encore démarré que mes parents me mettent déjà la pression par rapport au Bac ! Du coup, hier, j'ai mis mon walkman sur les oreilles et je suis parti faire un tour. Comme le disquaire d'à côté n'a toujours pas reçu The Joshua Tree, le nouveau U2 qui a l'air d'enfer, je me suis fait une toile. Super 8 semble pas mal mais les films de Spielberg, je préfère les voir avec les copains et comme j'étais tout seul, j'ai choisi This must be the place de Paolo Sorrentino. Je n'étais pas spécialement chaud au départ mais la bande annonce, que j'ai vu l'autre jour avec Steph juste avant L'aventure intérieure, m'a plutôt accroché en me promettant de la bonne musique et un récit tordu.

    Le problème, c'est que, en fait, j'ai perdu deux heures de mon temps à regarder un film débile.

    Déjà, l'idée du cinéaste est bizarre : il a choisi de se lancer dans une sorte de science-fiction puisque son scénario se déroule dans le futur, en 2011 pour être précis. Il nous montre ce que pourrait devenir une star du rock d'aujourd'hui dans une vingtaine d'année. Il imagine donc la vie d'un certain Cheyenne alors que celui-ci, après avoir vendu des millions de disques, a arrêté les drogues et la musique et s'ennuie dans son immense baraque, en compagnie de sa femme et de son chien, tout en s'habillant et se maquillant chaque jour comme s'il allait monter sur scène.

    Alors, dès le début, on touche le fond et jamais on ne remontera, au contraire de la caméra qui, elle, vole dans les airs autant que celle d'Alan Parker dans Birdy dont le sujet, au moins, justifiait les acrobaties. C'est clair, la photo est soignée, les cadres étudiés et les mouvements millimétrés. Tous les plans sont hyper-expressifs. Le hic, c'est qu'on ne respire plus, que tout se réduit à l'image. Inutile de chercher, il n'y a rien derrière les masques ou les décors.

    Faisant tout tomber dans la caricature, Paolo Sorrentino n'évite aucun cliché sur la gloire passée, la rock'n'roll attitude et le décalage qu'elle peut créer avec la réalité environnante. Je préviens tout de suite : je ne suis pas en train de me plaindre que l'on se moque de cette culture-là, qui m’attire aussi. Récemment, j’ai adoré The Rutles d'Eric Idle ou Spinal Tap de Rob Reiner, qui montrent que l'on peut rire des travers des rockers sans prendre les spectateurs, amateurs ou pas, pour des cons. De toute façon, le film de Sorrentino n'est pas drôle un instant et joue en plus sur une corde sensible absolument détestable. Le réalisateur nous met en garde, nous les jeunes : écouter Cure trop longtemps peut nous conduire au suicide ! Voilà l'un des détails qui me font dire que Sorrentino, au fond, s'en cogne totalement de la musique. Il n'y a qu'à voir comment il la filme, mixée n'importe comment et sans aucune idée visuelle. Je suis prêt à parier que la séquence du concert a été pensée par David Byrne et non par lui, la trouvaille étant purement scénique.

    David Byrne, justement, est présent à travers le titre du film (qui est bien sûr celui d’une chanson de ses Talking Heads) et, largement, sur la bande-son. Dans le scénario, il intervient dans son propre rôle et, pour le faire apparaître plus vieux de 25 ans, Sorrentino a en fait engager son père (enfin, je crois). Du coup, la version de This must be the place que l’on entend en concert est un peu mollassonne. Quant à la scène dialoguée qui suit, elle n’est là que pour offrir un nouveau grand moment d’émotion à Sean Penn, le père de Byrne n’étant qu’un faire valoir.

    Oui, vous avez bien lu, c’est bien le petit Sean Penn qui est la star du film. Le mari de Madonna n’a pas de chance : à peine sorti du bide de Shanghai surprise, il se voit embarqué dans cette galère, maquillé, vieilli artificiellement pour qu’il ait l’air d’avoir 50 ans. Dans ce rôle, il en fait des caisses comme c'est pas permis, en alignant les tics énervants. À Côté, Robert De Niro dans Angel heart c’est Erland Josephson...

    Bon bien sûr, il n’y a pas que la petite histoire du rocker fatigué dans le film, loin de là. Il y a aussi une errance à travers les States, une leçon sur la nécessité des liens familiaux et la recherche d’un ancien nazi. Vu que le début est déjà complètement nul, le reste ne nous étonne pas plus que cela, aussi improbable soit-il. Les dix dernières minutes vont certes encore plus loin dans le ridicule, mais je n’ai guère envie de m’appesantir dessus.

    Il faut seulement que je vous parle, avant de partir, de deux personnes. La première est Wim Wenders. Sorrentino a fait, avec This must be the place, une espèce de Paris Texas pour les nuls. Il a même été chercher Harry Dean Stanton (qui a quand même pris un sacré coup de vieux en trois ans seulement !). A un moment, j’ai eu peur que la femme à la fenêtre, à Dublin, ce soit Nastassja Kinski. Mais non, ouf ! Sur la recherche du lien, sur l’espace traversé, sur la musicalité de la narration, sur l’étrangeté du réel, dois-je vraiment préciser que Wenders se situe cent coudées au dessus ? D’ailleurs, il est déjà passé à autre chose avec Les ailes du désir, que j’ai eu la chance de voir le mois dernier en avant-première. On y trouve une séquence de concert avec Nick Cave qui disqualifie déjà les pauvres petites tentatives de Sorrentino. Mais je ne vous en dis pas plus, vous découvrirez tous ce chef d'œuvre prochainement… La seconde personne est Jonathan Demme. Voilà sans doute un autre modèle de Sorrentino, modèle qu’il ne parvient pas à approcher de plus près que le premier. Demme, lui, est un authentique cinéaste rock (comme Wenders, d'ailleurs). Son récent film-concert avec les Talking Heads, Stop making sense, est peut-être le plus beau du genre (David Byrne a dû sentir la différence en passant de l’un à l’autre) et l’an dernier Dangereuse sous tous rapports réussissait un mélange des genres auquel Sorrentino ne parviendra certainement jamais. Mon magazine Première me dit que Demme prépare un film sur la mafia avec Michelle Pfeiffer. Je suis très impatient.

    Quant à Sorrentino, que deviendra-t-il ? Peut-être doit-on lui conseiller de rester en Italie, de se tourner vers les problèmes de son pays, de s’exercer à la bouffonnerie à partir d’un sujet sur un homme politique par exemple (pas sûr que le résultat soit mémorable, mais cela ne pourra pas être pire). Sinon, je crains vraiment que dans 25 ans, personne ne se souvienne de lui…

    Bon, il est temps que je vous laisse. Ma mère m’appelle pour manger et la note du Minitel va encore être salée (déjà que ma mob est en panne !). Et puis tout à l’heure, je dois aller chez Jean-Bapt regarder un concert d’Echo and the Bunnymen.

    Allez, tchao !

     

    PS : En cherchant bien, j’ai trouvé un mérite à Sorrentino, celui d’avoir fait participer (mais est-ce vraiment sa responsabilité ?), pour la bande originale, un certain Will Oldham. Celui-là n’a pour le moment sorti aucun disque (et pour cause, il n’aurait, apparemment que 17 ans !), mais s’il le fait dans l’avenir, je pense que je les achèterai tous, tellement ses chansons me plaisent.

     

    sorrentino,italie,irlande,2010sTHIS MUST BE THE PLACE

    de Paolo Sorrentino

    (Italie - France - Irlande / 118 min / 1987 - 2011)

  • Trois courts métrages

    Après n'avoir que trop tardé à les visionner, je prends enfin le temps d'évoquer ici trois courts métrages dont l'existence, en ce qui concerne les deux premiers, m'avait été signalée par leur auteur respectif.

    Paris, capitale du XIXe siècle de Benjamin Bardou (2010, 10 min) est un étrange film expérimental au dessein plutôt difficile à saisir au premier abord et dont l'accompagnement par un texte de présentation citant Walter Benjamin est bienvenu. Des images de la ville en mouvement saccadé sont propulsées dans le passé par le simple fait d'être filmées en noir et blanc et altérées aux niveaux visuel et sonore. Ces imperfections volontaires nourrissent le film, lui confèrent son étrangeté et sa dimension onirique. Ce qui est frappant ici, c'est la capacité sans cesse renouvelée du cinéma de créer du rêve en ne jouant au fond que sur quelques éléments, tels que le défilement des images ou les variations de lumière. C'est aussi la vie qu'il peut donner à tout décor, y compris le plus anodin.

    Le film en ligne ici.

    Smoke de Grzegorz Cisiecki (2008, 7 min) est une autre plongée dans le rêve mais réalisée de toute autre manière, plus directe. La nature des images et leur succession heurtée annoncent clairement leur appartenance à un monde irréel, fantasmé. Le film est également beaucoup plus référencé : de l'ambiance musicale aux flashs mentaux en passant par les personnages masqués, chacun y trouve matière à se remémorer de fameux titres à dominante fantastique. L'impeccable réalisation harmonise les emprunts et les idées personnelles et le style reste cohérent. Comme un rêve, tout cela pourrait durer des heures et être à l'origine d'une certaine frustration (narrative ou plastique, tant certains "tableaux" très composés passent rapidement, recouverts par le suivant).

    Le film en ligne ici.

    Le retour à Sceaux de Mehdi Benallal (2010, 12 min), pour être le moins spectaculaire des trois n'en est pas le moins remarquable. Si le réalisme est cette fois de mise et l'idée du rêve certes peu évidente, deux ou trois détails me font dire qu'elle n'est peut être pas forcément à écarter. Mais bien sûr, l'important n'est pas là. Il est dans la sûreté de la progression. Celle-ci s'effectue au rythme de l'arpentage d'un quartier, capté par des cadrages très purs, avec l'apparition progressive de dialogues aidant à ce qui se révèle être une recherche et, tout au bout, une belle chute doublée d'une merveilleuse ponctuation musicale. A voir ce court, on pense à la notion de temps exact et nécessaire à un plan, réflexion qui se fait sans doute de manière plus pressante quand on se trouve face à une approche du réel, comme ici, que lorsque l'on nous entraîne vers l'imaginaire. Le retour à Sceaux ne laisse qu'un regret, celui que son histoire ne se poursuive pas plus longtemps.

    Le film en ligne ici.

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2004)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2004 : Pour les Cahiers, créent l'événement, successivement : le cinéma chinois de Tian Zhunangzhuang (Printemps dans une petite ville) à Wang Bing (A l'ouest des rails), S21, la machine de mort khmère rouge de Rithy Panh, Triple agent d'Eric Rohmer, Sarabande d'Ingmar Bergman, The Brown Bunny de Vincent Gallo et Shara de Naomi Kawase, Adieu d'Arnaud des Pallières et Clean d'Olivier Assayas, Le village de M. Night Shyamalan, Tropical malady d'Apichatpong Weerasethakul, Rois et reine d'Arnaud Desplechin (également à l'honneur pour Léo en jouant "Dans la compagnie des hommes"), Les temps qui changent d'André Téchiné et A tout de suite de Benoît Jacquot. Dans l'année sont publiés des entretiens avec Jafar Panahi (Sang et or), Kiyoshi Kurosawa (Séance), Lucrecia Martel (La niña santa), Wong Kar-wai (2046), Yousry Nasrallah (La porte du soleil) et Jonathan Caouette (Tarnation), ainsi que des textes de Jean-Louis Comolli et Arnaud Desplechin. Les rédacteurs se penchent sur les œuvres de Jacques Tourneur, Vincente Minnelli, Monte Hellman, Pier Paolo Pasolini, Jonas Mekas, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Sergio Leone, Peter Weir, Jean Grémillon, Béla Tarr, Samuel Fuller, Paul Verhoeven, Alan Clarke, sur le cinéma allemand, l'enseignement du cinéma, le court métrage, le documentaire, sur L'hirondelle d'or de King Hu, Les idoles de Marc'O, La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo, Les oliviers de la justice de James Blue, L'homme de la plaine d'Anthony Mann. François Truffaut est au cœur du numéro d'été, Mia Hansen-Love fait un éloge de Jacques Doillon et des hommages sont rendus à Jean Rouch et à Jean-Daniel Pollet.
    Les croisements sont pour une fois peu nombreux entre les Cahiers et Positif. La seconde, qui accueille alors plusieurs nouveaux rédacteurs comme Fabien Baumann, Jean-Christophe Ferrari ou Adrien Gombeaud, recueille les paroles de Nuri Bilge Ceylan, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Tim Burton, Patty Jenkins, Emir Kusturica, les frères Coen, Wong Kar-wai, Arnaud Desplechin, pour leurs films mis en couverture, ainsi que celles de Sofia Coppola, Eric Rohmer (sur Triple agent puis sur Murnau), Wang Bing, Gilles Marchand (Qui a tué Bambi ?), Marco Bellocchio (Buongiorno, notte), Cédric Kahn (Feux rouges), Emmanuel Carrère (Retour à Kotelnitch), Kim Ki-duk (Printemps, été, automne, hiver... et printemps), Quentin Tarantino (Kill Bill), Hong Sang-soo (La femme est l'avenir de l'homme), Theo Angelopoulos (Eleni), Agnès Jaoui (Comme une image), Lætitia Masson (Pourquoi (pas) le Brésil), Fernando Solanas (Mémoire d'un saccage), Michael Mann (Collateral), Park Chan-wook (Old boy), Jean-Pierre Jeunet (Un long dimanche de fiançailles), Zhang Yimou (Le secret des poignards volants), Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll (Whisky), Im Kwon-taek (La pègre), Karin Viard, Charlie Kaufman, Chu Tien-wen et Jacques Gamblin. Des textes sont consacrés à Laura Morante, Monica Vitti, Maya Sansa, Robert Bresson, Joseph Losey, Sun Yu, Victor Erice, Stavros Tornes, Jean Cocteau, Joseph L. Mankiewicz, Francis Bacon, à Sarabande de Bergman, Five d'Abbas Kiarostami, Mulholland Drive de David Lynch et Sunset Boulevard de Billy Wilder, à la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson et au cinéma polonais. Quant aux dossiers de 2004, ils concernent Jacques Tourneur, Maurice Pialat, Elia Kazan, Friedrich Wilhelm Murnau, Rainer Werner Fassbinder, Vincente Minnelli, les scénaristes, les écrans larges (du kinetoscope au CinemaScope), le passage du muet au parlant et l'érotisme.

     

    Janvier : Lost in translation (Sofia Coppola, Cahiers du Cinéma n°586) /vs/ Uzak (Nuri Bilge Ceylan, Positif n°515)

    Février : Peinture de Vann Nath (S21, la machine de mort khmère rouge, Rithy Panh, C587) /vs/ 21 grammes (Alejandro Gonzalez Iñarritu, P516)

    Mars : Eric Rohmer (Triple agent) (C588, ) /vs/ Big fish (Tim Burton, P517)

    Avril : The Brown Bunny (Vincent Gallo, C589) /vs/ Monster (Patty Jenkins, P518, )

    Mai : Maggie Cheung (C590) /vs/ La vie est un miracle (Emir Kusturica, P519)

    Juin : Tropical malady (Apichatpong Weerasethakul, C591) /vs/ Ladykillers (Joel et Ethan Coen, P520)

    Eté : François Truffaut (C592) /vs/ Sexe et érotisme (Mulholland Drive, David Lynch, P521-522)

    Septembre : Adieu (Arnaud des Pallières) & Clean (Olivier Assayas) (C593) /vs/ L'aurore (Friedrich Wilhelm Murnau, P523)

    Octobre : Basse-Normandie (Patricia Mazuy et Simon Reggiani, C594) /vs/ Eternal sunshine of the spotless mind (Michel Gondry, P524)

    Novembre : Tropical malady (Apichatpong Weerasethakul, C595) /vs/ 2046 (Wong Kar-wai, P525)

    Décembre : A tout de suite (Benoît Jacquot, C596, ) /vs/ Rois et reine (Arnaud Desplechin, P526) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Deux listes avec quelques trous d'air. J'aime l'entrée en matière des Cahiers (Coppola/Panh/Rohmer) mais ensuite, je confesse plusieurs lacunes (Gallo, Weerasethakul, Mazuy). Pour le reste, le Jacquot me paraît intéressant mais bancal et surtout je déteste assez cordialement les deux films proposés conjointement en septembre. De l'autre côté, m'avaient beaucoup plu, à leur sortie, ces Iñarritu et Gondry-là. Les Kusturica, Wong Kar-wai et Desplechin de l'année, un cran en-dessous par rapport à leur régime habituel, me semblent tout de même bien figurer, tout comme Uzak. Les mentions de Murnau (comme de Truffaut en face) et de Lynch (pour ce qui ressemble tout de même à un "rattrapage" de l'oubli de 2001) sont peu contestables. En revanche, le Coen n'a pas une bonne réputation (il m'est inconnu), le Burton est un ratage et le Jenkins est plutôt moyen. C'est donc sans enthousiasme excessif que je laisse pencher ma balance. Allez, pour 2004 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • La piel que habito

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    Il arrive quelque fois que, soudain, dans un film, un plan ou un simple détail nous fasse dire : "Voilà, c'est ça !" Il arrive qu'un instant nous semble tout à coup porter en lui la réussite de l'ensemble et la cristalliser mieux que d'autres. Dans La piel que habito, lorsque le Dr Robert Ledgard inflige une douche au jeune homme qu'il séquestre depuis plusieurs jours dans son garage, le jet d'eau froide plaque le tee-shirt sale à la peau, la faisant apparaître en transparence entre les plis humides. La caméra d'Almodovar ne manque pas de s'attarder sur ce spectacle. Ici se rencontrent idéalement, plastiquement, le sujet (l'identité, le corps, la peau) et les habituelles préoccupations (homo-)érotiques du cinéaste. Bien sûr, ce n'est pas le seul endroit où se signale la réussite d'Almodovar dans ce travail d'adaptation du roman de Thierry Jonquet, Mygale, pour donner naissance à un vrai film de genre (au sens cinématographique du terme, voire sexuel puisqu'avec ce cinéaste, on peut toujours élargir le champ).

    Un autre détail, un autre plan, tout aussi révélateur. Au terme d'une étreinte ayant mal tourné, Vicente rajuste la robe de Norma, inanimée, recouvre ses seins dénudés, remonte sa culotte. Vicente veut effacer les traces. Mais disons plutôt : il veut réparer. Cette idée de réparation court tout le long et le Dr Ledgard est évidemment celui qui en est prisonnier de la manière la plus évidente. Savant fou, obsédé, il ne cesse de vouloir réparer, repriser, recréer, sans même voir que les fautes et les responsabilités de tous ces "accidents" sont les siennes et que sa quête de perfection est totalement vaine.

    Le docteur doit recoudre les lambeaux, recoller les morceaux. Justement, l'art du collage d'Almodovar aura rarement été aussi performant qu'ici. Collages entre les plans tout d'abord, qui rendent étranges bien des séquences (par exemple celle du suicide de la femme, séquence pourtant, au départ, pas forcément bien embarquée). Collages à l'intérieur des plans ensuite. L'irruption de Zeca en costume de tigre fait pencher vers le grotesque. Moins agressif est le jeu visuel proposé à partir de la silhouette de Vera, ses combinaisons entièrement noires ou couleur chair la découpant parfaitement du fond du décor. Et plus vertigineux se révèlent ces plans composés à partir d'une différence d'échelle, qu'ils convoquent un écran géant ou une maison de poupée. Ce principe du collage va au-delà du visuel : il autorise les débordements, les envolées musicales, les cris et les coups de théâtre.

    Il n'est donc pas étonnant que la figure de l'emboîtement ne concerne pas seulement l'esthétique du film mais également son déroulement. Certes la première partie de La piel que habito peut à l'occasion paraître plate ou du moins la mise en place (pseudo-)scientifique qui s'y effectue impose quelques plans que l'on peut considérer comme étant peu utiles. Mais ils le sont plutôt a posteriori. La construction narrative est singulière, faisant advenir une série de flash-backs après l'exposition, si longue et déjà si dense qu'il ne restera finalement pas grand chose à y ajouter lorsque se fera le retour au présent. Avec ces sauts dans le passé, le film commence à tourner sur lui-même, tout en se décentrant légèrement à chaque tour. En devenant de plus en plus précis, en tendant vers l'explication de toutes choses, le récit annexe toujours plus de personnages et ne cesse de se complexifier. Ce faisant, pour aborder les problématiques de l'identité et de la ressemblance, il est aisé pour un cinéaste aussi habile de créer du trouble et de susciter le plaisir d'être manipulé. Plaisir aussi de voir ses intuitions concernant les rotations et les déplacements qui s'opèrent (sensation d'un récit qui se termine "pas loin" mais tout de même "à côté" de là où il avait commencé) validées par l'image en fond de générique de fin, une structure d'ADN, porteuse de sens à bien des égards.

     

    lapielquehabito00.jpgLA PIEL QUE HABITO

    de Pedro Almodovar

    (Espagne / 117 min / 2011)

  • Melancholia

    melancholia2.jpg

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    L'accueil qui nous est réservé à l'orée du film comble nos attentes et au-delà. Au cours de ce pré-générique, Lars von Trier compose une série de plans d'une beauté à couper le souffle. Il invente une peinture en léger mouvement au fil de tableaux centrés sur deux héroïnes confrontées à la fin du monde. La lumière qui les enveloppe est incroyable, jamais vue peut-être, et la musique de Wagner les élève encore. Il y a l'humidité qui impregne les sols, la moiteur, la lourdeur des gestes, les effets soulignés de l'attraction terrestre mais aussi le geste pictural, les cieux imposants et les accords de Tristan et Isolde. Le prologue de Melancholia n'annonce pas seulement sa fin, il en pose d'emblée les enjeux : étudier un système de forces entre deux pôles opposés et naviguer entre la pesanteur et la grâce.

    D'un tel morceau d'anthologie, il faut savoir se relever, si possible le prolonger, même en sourdine, le temps de retrouver en toute logique son onde de choc au moment de boucler l'œuvre. Malheureusement, Lars von Trier, pendant les deux heures qui suivront, n'aura pas grand chose à ajouter à sa brillante introduction, rien qui intéresse particulièrement en tout cas. La sidération esthétique ne sera plus au rendez-vous, les tableaux apocalyptiques ne revenant que très brièvement, sans avoir la même densité.

    Choisissant une construction narrative en deux parties, Lars von Trier a choisi de consacrer la première à la description d'une cérémonie dont le fiasco renvoie clairement à l'excellent Festen (1998) de son ancien collègue du Dogme, Thomas Vinterberg. L'agacement qu'elle a provoqué chez moi a rendu impossible mon attachement à la seconde et donc au film. Il faut dire que la mise en scène de von Trier, en dehors du prologue et de ses quelques prolongements, est une nouvelle fois basée sur la proximité et la mobilité de la caméra. Superficiellement, ce principe passe pour un signe de spontanéité et de liberté. Pourtant, il y a là une feinte car ces plans à l'allure mal assurée n'en pointent pas moins des composants ultra-signifiants. Le "pic du plan", c'est bien le recadrage d'une photo laissée sur un divan, c'est bien l'entame sur la chaise vide de la mariée quand tout le monde s'impatiente, c'est bien le regard lourd de sous-entendus, c'est bien le gag récurrent du jeu de main devant les yeux. Dans ce maelstrom supposé vivifiant, combien de plans vraiment allégés, vraiment arrachés ?

    Cette façon de faire serait peut-être acceptable si elle n'était redoublée par la lourdeur des propos et des comportements. En guise de dialogues, nous avons une ribambelle de mots-coups de poings, des "I hate you so much", des "Get the hell out of here", des "I hate you and your society"... Le moindre des membres de cette famille réunie en l'occasion est un cas pathologique et le patron de la mariée ne peut être que détestable. La jeune femme en crise peut se refuser à son mari et chevaucher le premier venu. Stratagèmes douteux et inimitiés profondes éclatent de toute part. Règle du genre, dira-t-on... La fête n'en est pas moins ennuyeuse, la narration relâchée et les ellipses inopérantes.

    Ce trop plein de névroses est-il au moins causé par les bouleversements cosmiques à l'œuvre ? Rien ne le laisse véritablement penser. Seule la légendaire misanthropie de l'auteur semble l'expliquer.

    La seconde partie, où le champ d'observation se resserre sur la figure principale, sa sœur, son beau-frère et son neveu, laisse espérer que Lars von Trier parvienne enfin à s'approcher des sommets bergmano-tarkovskiens qu'il vise. Mais la patte reste toujours aussi lourde, dans le traitement des détails (le tube de médicaments, le refus par le cheval puis la voiturette de passer le pont) comme dans la caractérisation des personnages (l'opposition entre les sœurs, les doutes cachés du mari, le dialogue sur le départ du majordome). L'éblouissement esthétique ne naît ici que de coups massues, par le montage (apparition de Justine nue) ou le tour de force scénaristique (la disparition de John). Le flux majestueux s'est bel et bien retiré dès le générique de début. Il ne nous reste, peut-être, que la beauté de Kirsten Dunst.

     

    PS : En vous laissant un mot l'autre jour, j'annonçais tenir, concernant ce film, une position minoritaire. J'avais en fait, pour un temps, oublié que la blogosphère cinéphile était l'un des endroits les moins prévisibles qui soient, contrairement à la presse cinéma. Minoritaire, ma position ne semble finalement pas l'être si l'on s'enquiert des nombreuses réserves exprimées notamment sur Une fameuse gorgée de poison, Il a osé !, Baloonatic, La Cinémathèque de Phil Siné, Le blog de Dasola, princécranoir, Christoblog ou Le Ciné-Club de Caen.

     

    melancholia00.jpgMELANCHOLIA

    de Lars von Trier

    (Danemark - Suède - France -Allemagne / 136 min / 2011)

  • Une éclipse totale de huit jours

    Ce blog est mis, à partir d'aujourd'hui, en pause.

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    melancholia1.jpg

    La publication de ma note sur Melancholia de Lars von Trier attendra la reprise d'activité. Je tiens une position apparemment minoritaire et je préfère être pleinement disponible au moment de recueillir les réactions consécutives à mon post sur ce film, qui aura été entre temps, je suppose, largement commenté chez mes meilleurs camarades blogueurs.

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    Pour patienter, je vous invite dès maintenant à prendre connaissance du Panoptique du mois de juillet, battant pavillon britannique, et qui se dévoile en cliquant sur le logo :panoptique.jpg****

    Enfin, en mon absence, je vous laisse en compagnie de notre hôtesse Cuca qui, si elle n'a jamais véritablement pu percer à Hollywood, espère bien profiter de cette seconde chance que lui offre Nightswimming :

    cucatest.jpg

    (en légende : "CUCA MARTINEZ, danseuse mexicaine, la dernière découverte de Hollywood")

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    A très bientôt !

  • The Green Hornet

    gondry,etats-unis,comédie,2010s

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    Exercice gondrien plaisant que ce Green Hornet. S'annonçant clairement moins personnel que la plupart des précédents du réalisateur, il risquait moins de décevoir à l'arrivée comme ce fut parfois le cas auparavant.

    Narration rectiligne et bricolages toujours présents mais à la marge : la forme est relativement classique. Le film est sans prétention (ce qui nous repose après Batman commence et Le chevalier foncé) mais pas sans ambition. Son scénario est balisé et le parcours du super-héros mis en scène ici est traditionnel. Le traumatisme niché au cœur de l'enfance, le choix de la double vie et la complication amoureuse qui en découle ne sont pas écartés. Il sont au contraire pleinement assumés, et avec le sourire. Le regard est amusé mais pas moqueur. Les auteurs ne se nourrissent pas des clichés du genre pour mieux le dévitaliser à leur seul profit : The Green Hornet est un pastiche, non une parodie.

    Il est certain que sur près de deux heures, et compte tenu de la tonalité humoristique de l'ensemble, d'une part la tension dramatique n'est pas vraiment au rendez-vous et d'autre part le rythme paraît inégal. Par endroits, à l'amorce de la dernières partie notamment, les courroies de transmission patinent. Par excès de graisse peut-être. Mais ce gras, pour l'essentiel fourni par Seth Rogen, n'est pas que mauvais cholestérol et peut même être bénéfique. L'idée de faire de la naissance d'un super-héros le simple prolongement d'un gros délire de jeune adulte immature et fêtard est particulièrement féconde. Pour ce nigaud de Britt Reid, se déguiser en justicier de la nuit, c'est continuer la "teuf". Ceci étant posé, fonctionnent bien à l'écran les passages obligés que sont les transformations (costume, armes et accessoires), l'éclatement de la rivalité entre partenaires et autres tourments sentimentaux.

    Le film est donc distrayant, en particulier grâce au duo que forment le Green Hornet et son acolyte Kato (Jay Chou), le mérite de cette réussite particulière revenant certainement moins à Gondry qu'à cet acteur-scénariste-producteur-issu du stand up et du cinéma de Judd Appatow qu'est Seth Rogen. Toutefois, le réalisateur a bien mené sa barque, encadré, pas entravé.

    Parmi les multiples clins d'œil parsemant ce Green Hornet, je retiens avec joie celui adressé aux amateurs de Blake Edwards et de La Panthère rose : ce pugilat destructeur entre Britt et Kato qui rappelle, armure comprise, ceux auxquels se livraient dans le temps le grand inspecteur Clouzeau et son serviteur... Kato.

     

    gondry,etats-unis,comédie,2010sTHE GREEN HORNET

    de Michel Gondry

    (Etats-Unis / 115 min / 2010)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2003)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2003 : A la rentrée s'opèrent des bouleversements à la tête des Cahiers : Jean-Michel Frodon devient directeur de la rédaction et Emmanuel Burdeau rédacteur en chef. Mia Hansen Love, François Bégaudeau et Antoine Thirion entrent au comité de rédaction. Pour la revue, les principaux événements de l'année sont les sorties de Gangs of New York et d'Histoire de Marie et Julien, la palme d'or à Elephant, les nouvelles séries télévisées américaines, la ressortie des films de João César Monteiro. On peut lire au fil des numéros des entretiens avec Alain Resnais, Lucas Belvaux, Lars von Trier, Kiju Yoshida (Femmes en miroir), Mahamet-Saleh Haroun (Abouna), Arnaud et Jean-Marie Larrieu (Un homme un vrai), Lester James Peries (Le domaine), André Téchiné (Les égarés), Larry Clark (Ken Park) ou Woody Allen (Anything else). Une présentation est faite du cinéma de Daniele Cipri et Franco Maresco, comme de celui de Claire Doyon (Les lionceaux). Les rédacteurs reviennent sur Serge Daney, Numéro zéro de Jean Eustache, La nuit du chasseur de Charles Laughton, Wanda de Barbara Loden, Sans soleil de Chris Marker, sur le cinéma politique français des années 70, sur la RKO ou sur le cinéma chinois. Des disparus sont évoqués : Maurice Pialat, Stan Brackage, Leslie Cheung, Jean-Claude Biette, Ingmar Bergman (par Catherine Breillat et André Téchiné), Elia Kazan. Le cinéma américain est étudié à travers un spécial Hollywood (John McTiernan, Steven Soderbergh, Jonathan Mostow, Ed Lachman, Todd Haynes, Larry Clark, Gus Van Sant) et un dictionnaire de 100 nouveaux cinéastes. D'autres écrits portent sur l'explosion du DVD, une exposition Jean Cocteau, les rapports entre cinéma et art contemporain. Enfin, Blake Edwards, Claude Berri, France Gall (à propos de Godard), Jeanne Balibar, Eric Rohmer et Leonor Silveira sont successivement rencontrés.
    Pour rendre compte de l'actualité, Positif publie de son côté une pléthore d'entretiens : avec Belvaux, Scorsese, Soderbergh, Corneau, Haynes, Yoshida, Bruni Tedeschi, Rappeneau, Peries, Dumont, Clark, Eastwood, Lvovsky, Van Sant, Campion, Resnais, Kitano (Dolls puis Zatoichi), mais aussi Raymond Depardon (Un homme sans l'Occident), Jia Zhangke (Plaisirs inconnus), Peter Mullan (The Magdalene sisters), Claude Chabrol (La fleur du mal), Lynne Ramsay (Le voyage de Morvern Callar), Hong Sang-soo (ses trois premiers films), Carlos Sorin (Historias minimas), Emmanuelle Bercot (Clément), Marco Tullio Giordana (Nos meilleures années), Jacques Doillon (Raja), Patrice Chéreau (Son frère), Denys Arcand (Les invasions barbares), Bahman Ghobadi (Les chants du pays de ma mère), Lucian Pintilie (Niki et Flo), Adoor Gopalakrishnan (Le serviteur de Kali), Lee Chang-dong (Oasis), Andreï Zviaguintsev (Le retour) et Chirstopher Boe (Reconstruction). La parole est également donnée à Charlotte Rampling, Kristin Scott Thomas, Jean Rochefort et Claude Berri. Un dialogue Pasolini-Bellocchio, des contributions des frères Dardenne sur Krzysztof Kieslowski et de Bertrand Tavernier sur Jacques Deray sont publiés. Des textes portent sur George Clooney, sur le cinéma soviétique, sur les nouveaux cinémas thaïlandais, indonésiens, tchèques, et sur celui de Hong Kong. Des dossiers sont consacrés à Allan Dwan, Federico Fellini, la restauration, le documentaire (Nicolas Philibert, Karel Vachek, Jana Bokova, Ruth Beckermann, Sergueï Loznitsa, Harun Farocki, Peter Forgacs), l'animation (Sylvain Chomet, Jan Svankmajer, Michael Dudok de Wit, Caroline Leaf, Wendy Tilby, Isao Takahata), le cinéma espagnol, le western, les œuvres ultimes à Hollywood, le cinéma coréen. Des hommages sont rendus notamment à Pialat, Kazan, Alberto Sordi, Gregory Peck.

     

    Janvier : Gangs of New York (Martin Scorsese, Cahiers du Cinéma n°575) /vs/ Un couple épatant / Cavale / Après la vie (Lucas Belvaux, Positif n°503)

    Février : Maurice Pialat (C576) /vs/ Solaris (Steven Soderbergh, P504)

    Mars : Loin du Paradis (Todd Haynes) et Arrête-moi si tu peux (Steven Spielberg) (C577) /vs/ Stupeur et tremblements (Alain Corneau, P505)

    Avril : Il est plus facile pour un chameau... (Valeria Bruni Tedeschi, C578) /vs/ Dolls (Takeshi Kitano, P506)

    Mai : Nicole Kidman (Dogville, Lars von Trier, C579) /vs/ Bon voyage (Jean-Paul Rappeneau, P507)

    Juin : Les acteurs d'Elephant (Gus Van Sant, C580) /vs/ Les Triplettes de Belleville (Sylvain Chomet, P508)

    Eté : Séries télévisées (24 heures chrono, C581) /vs/ Le western (James Stewart, P509-510)

    Septembre : Jeanne Balibar (Saltimbank, Jean-Claude Biette, C582) /vs/ Twentynine Palms (Bruno Dumont, P511)

    Octobre : Elephant (Gus Van Sant, C583) /vs/ Mystic River (Clint Eastwood, P512)

    Novembre : Histoire de Marie et Julien (Jacques Rivette, C584) /vs/ Les sentiments (Noémie Lvovsky, P513)

    Décembre : Le DVD & Pas sur la bouche (Alain Resnais) (C585) /vs/ In the cut (Jane Campion, P514) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Les films de Belvaux, Soderbergh, Corneau, Kitano, Rappeneau, Chomet, Eastwood et Campion me furent à l'époque agréables, au contraire de ceux de Dumont et Lvovsky, Les sentiments prenant de surcroît la place d'Elephant en couverture d'une revue qui, malheureusement, tergiverse toujours quand il est question de Gus Van Sant. Dans la maison d'en face, je retiens la présence des films de von Trier, Haynes, Resnais. J'aime un peu moins ceux de Scorsese, Spielberg et Bruni Tedeschi. Ce sont donc plutôt mes lacunes (les séries TV, le Biette, le Rivette) qui font pencher la balance. Allez, pour 2003 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Au grenier (3)

    En exclusivité, voici dévoilé le Panoptique du mois de janvier 1979 :

    (cliquez sur le tableau pour l'agrandir)

    pariscope

    Document tiré d'un vieux numéro de Pariscope, publication dont les colonnes de publicités imposaient alors, parfois, de surprenants voisinages.

    pariscope

  • Un amour de jeunesse

    unamourdejeunesse.jpg

    ****

    Assurément, Un amour de jeunesse est un joli film mais des flux contraires l'animent et il peut donc, alternativement, charmer et agacer, émouvoir et laisser pensif ou impatient. En décrivant la passion adolescente puis l'amour adulte de son héroïne Camille, Mia Hansen-Love traque l'irréductible singularité de toute expérience dans une histoire déjà racontée cent fois.

    D'apparence souple et libre, le récit est en fait assez solidement charpenté. L'écriture a donné à chacun des blocs dont la succession fait la narration une place et un enchaînement des plus logiques. On pourrait parler, à propos de cette écriture, d'une "subtilité affichée", tant les éléments et les détails la constituant sont rendus "visibles mais pas trop". On note ainsi l'importance des accessoires qui font retour, tels les lettres ou le chapeau offert, le recours en des endroits stratégiques à de styles musicaux discrètement signifiants ou le tissage de quelques fils thématiques comme, sur la fin, le désir d'enfant. Mais de tous, l'apport le plus décisif semble concerner l'architecture. Dans la deuxième partie, cette discipline prend concrètement place dans le récit et c'est bien sûr par ce biais professionnel que Camille (re)construit sa vie.

    L'une des choses qui déçoivent quelque peu dans Un amour de jeunesse, c'est que, généralement, ces éléments arrivent alors que l'on a déjà perçu ce qu'ils sont chargés de rendre explicite. Ainsi, les cours d'architecture interviennent quand on est déjà séduit par le traitement de l'espace par la cinéaste. De même, on réalise que chaque bloc narratif sera précisément daté à l'écran (encore une fois, "subtilement" : sur un carnet ou un tableau de classe) au moment où l'on se dit que Mia Hansen-Love saisit fort bien la question du temps, sans en passer par ces repères, notamment en détachant complètement (de la narration comme "du reste du monde") l'intermède lumineux du séjour en Ardèche. Ce fragment, d'ailleurs, est bel et bien une parenthèse, l'échelle de temps utilisée se révélant beaucoup plus grande qu'attendu.

    Le récit court en effet sur dix ans. Étrangement (volonté romantique ?), sur cette durée, les corps ne changent absolument pas. Camille (comme son amoureux) est la même à 15 ans et à 25 ans. En revanche, les ambiances ne cessent de s'opposer, entre celles de la campagne et de la ville, de l'école et du bureau, de la rue et de la chambre.

    Relativement long, inégal, le film peine à nous tenir jusqu'au bout. Mia Hansen-Love crée une belle dilatation des temps courts, qui, paradoxalement, est plus touchante lorsqu'elle se fait par assemblage de plans furtifs, par fragmentation, par montage en parallèle, que par l'intermédiaire de plans séquences. Mais concentrer les événements pour enjamber les années s'avère pour la cinéaste plus difficile. Quand Un amour de jeunesse cherche à magnifier des moments privilégiés (comme déjà envolés), il est réussi. Quand il en montre les à-côtés et les conséquences sur toute une vie, il l'est moins.

     

    unamourdejeunesse00.jpgUN AMOUR DE JEUNESSE

    de Mia Hansen-Love

    (France - Allemagne / 110 min / 2011)