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Nightswimming - Page 17

  • Wahou ! (Bruno Podalydès, 2023)

    ***

    Pas du tout fanatique du cinéma de Bruno Podalydès, j'ai d'abord été inquiété par les premières minutes de "Wahou !", par la fantaisie immédiate un peu forcée de la séquence avec Agnès Jaoui, puis par les dialogues en phrases bien découpées d'Azéma-Mitchell. J'ai eu peur que ce ne soit qu'un film à sketches. Or l'aspect répétitif se transforme vite en véritable atout, permettant d'enrichir par petites touches dans les mêmes cadres sans jamais s'éparpiller inutilement, pour aboutir à des scènes drôles mais aussi très touchantes, le personnage de Podalydès se décontenançant au fur et à mesure, celui de Karin Viard se fissurant, tous les autres "existant" également, par-delà leurs défauts (entre autres, alors que c'est souvent pénible les crises de larmes, ici le moment avec Florence Muller est très beau, en lui-même, mais aussi parce qu'il est "préparé" par les instants d'angoisse précédents de Viard).
    Allez savoir pourquoi, les deux seuls films (même si je n'ai pas tout vu) de Podalydès que j'aime vraiment sont ceux comportant un point d'exclamation dans leur titre, "Bécassine !" et "Wahou !".
  • Les Quatre Filles du docteur March

    Les Seize Filles du docteur March :
    Le George Cukor (1933) ** se déséquilibre volontairement vers le personnage de Jo, avec Katharine Hepburn qui prend toute la place, qui ne se résout pas à jouer sagement comme les trois autres et qui prend en charge l'énergie du film, se voyant même parfois explicitement isolée dans le cadre par la mise en scène.
    Le Mervyn LeRoy (1949) * n'apporte pas grand chose sinon la couleur et les modulations plutôt homogènes de ses interprètes (June Allison, Janet Leigh, Liz Taylor...) mais croule sous les violons et le sentimentalisme.
    Le Gillian Armstrong (1994) *, pour approfondir les psychologies, aborder plus franchement les dimensions sociales et rendre immédiatement lisibles les émotions, privilégie beaucoup trop les plans rapprochés conventionnels au détriment des forces extérieures qui auraient pu animer les figures secondaires et les différents espaces, ce qui le rend bavard au centre et décoratif dans ses à-côtés.
    Le Greta Gerwig (2019) **, par la mobilité de la caméra et par l'énergie de groupe bien répartie, propose une série d'impulsions régénératrices et ce qui aurait pu apparaître comme une simple astuce un peu vaine, le bouleversement de la chronologie, assure lui aussi, finalement, un plaisant dynamisme.

  • Trenque Lauquen (Laura Citarella, 2022)

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    Une femme disparaît. Plusieurs histoires, liées à cette fuite, sont racontées à la suite les unes des autres ou encastrées les unes dans les autres. Contrairement à ce que l'on croit au début, ce n'est pas tellement de variation des points de vue qu'il est question. Au lieu de se confronter, les différents récits semblent plutôt se déposer en couches, et plus précisément en calques. Avec cette succession qui devient superposition (on trouve logiquement quelques compositions en reflets et quelques fondus enchaînés), on observe d'étranges phénomènes de révélation ou d'opacification, de décalage ou de transposition, d'effacement ou de mise en avant, de transformation spectrale ou de consolidation, tout cela concernant les personnages principaux mais aussi des objets, des détails. Petite (longue) merveille.

  • Sparta (Ulrich Seidl, 2022)

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    Moins répétitif que "Rimini" et s'aventurant sur un terrain beaucoup plus glissant, "Sparta" consolidera les jugements des uns et des autres sur le cinéma d'Ulrich Seidl, que l'on aime ou que l'on déteste, depuis "Dog Days", sans pouvoir changer de camp d'un film à l'autre, tant le réalisateur reste fidèle à ses principes. Il donne ici à voir la transmission d'un héritage fasciste en parasitant ce thème par celui de la pédophilie, abordée de façon très particulière, à travers un personnage qui aurait grandi trop vite, qui aurait voulu pouvoir refuser de passer à l'âge adulte, qui ne s'y retrouve pas. Sujet plus fort, donc, que celui du film précédent et qui rend d'autant plus évidente la singularité de la mise en scène, rigoureuse mais ouverte, jouant des limites, laissant dans les cadres, malgré tout, des possibilités de sorties ou de fuites, finissant toujours par désamorcer, d'une manière ou d'une autre (humour, grotesque, ellipse, collage immédiat d'un plan plus "rassurant"...), la tension et donc le malaise.

  • La Mort en ce jardin (Luis Bunuel, 1956)

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    Je l'ai sans doute trop longtemps rêvé pour ne pas être un peu déçu à la découverte de "La Mort en ce jardin". Toute la première moitié est assez inégale, trop dispersée, parfois lourdement dialoguée, les rôles principaux majoritairement français (Marchal, Signoret, Vanel, Piccoli) au milieu de cette révolution latino-américaine fictive ajoutant à la bizarrerie. La réussite de la seconde moitié laisse finalement penser que tout cela n'est qu'une longue mise en place. Il faut en effet attendre la fuite dans la jungle pour retrouver le cinéaste dans la plénitude de ses moyens, à nouveau concentré sur son sujet et ses personnages, ses jeux d'oppositions et de retournements, sa tendresse et sa cruauté, ses collages et ses visions (l'insert de l'Arc de Triomphe en pleine forêt, les fourmis sur le serpent et sur la bible, le souvenir raconté par le prêtre, les corps mis à mal puis habillés de luxe par le hasard...).

  • Sur l'Adamant (Nicolas Philibert, 2023)

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    Plutôt saisi par le nouveau doc de Nicolas Philibert, "Sur l'Adamant", qui oscille entre directif et non directif comme entre folie et normalité, et qui s'appuie joliment sur l'idée de perméabilité à partir du lieu lui-même, ouvert, et de sa situation dans la ville, pour la prolonger notamment par le maintien des bruits extérieurs.

  • Amarcord (Federico Fellini, 1973)

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    Décidément pas un fanatique de "Amarcord", le trouvant à nouveau inégal, avec autant de moments magiques en suspension que de passages plus pénibles, la plupart de ces derniers concernant les souvenirs d'école graveleux et les recentrages sur la famille, peu attachante. Mes préférences vont ici aux scènes de groupe, de foule, de célébration, avec une caméra qui pourrait se mettre à suivre n'importe qui juste pour son apparence, sa "trogne". On est constamment dans l'entre-deux, entre souvenirs et fantasmes, entre narration "objective" et commentaire, entre enfance et âge adulte, entre décor factice et décor réel. Et surtout, on est entre deux films, eux, immenses, le film-monde "Roma" et le film mortel "Casanova". "Amarcord, c'est trop et trop peu" écrivait Lorenzo Codelli en conclusion de sa critique de trois pages dans lesquelles il étalait sa déception, à une époque (1974) où Positif ne cherchait pas à chouchouter systématiquement les grands noms.

  • The Quiet Girl (Colm Bairead, 2022)

    **

    Film qui calcule un peu trop (un peu trop formaliste et un peu trop artificiellement cachotier sur le secret qu'il recèle) mais qui donne à voir d'un bout à l'autre de très beaux plans, tirant parti d'un cadre presque carré qui concentre l'attention sur le sujet sans disperser et qui fait tenir à l'intérieur les personnages de façon très singulière, en premier lieu bien sûr l'épatante petite Catherine Clinch.

  • Désordres (Cyril Schaüblin, 2022)

    ****

    Magnifique "Désordres", qui emmène autre part, dans un autre temps, d'une autre façon. Son principe d'alternance entre deux échelles, vues éloignées (et décadrées) et vues très rapprochées, donne un rythme envoûtant à des scènes toujours très simples. Le petit miracle est que cela n'apparaisse jamais rigide ni contraignant. D'ailleurs, une troisième échelle est admise, avec des plans "intermédiaires" de visages aussi admirables que les autres, notamment parce que la mise en scène a l'intelligence de ne jamais rester uniquement sur celle ou celui qui parle et d'aller régulièrement voir celle ou celui qui écoute, ce qui donne cette impression forte (avec le travail sur le son et l'absence de personnage principal) d'une vie fourmillant tout autour, malgré le cadre restreint. Sans parler de l'intérêt historique, de l'humour étrange, du mélange des langues, du côté méta-cinématographique via la photographie... Grande découverte.

  • Au revoir les enfants (Louis Malle, 1987)

    ****

    Très longtemps attendu avant de le revoir, après sa découverte tout jeune, en salle, à l'époque, puis quelques occasions télévisées au début des années 90, il reste un Louis Malle magnifique, très éloigné de l'académisme mémoriel que l'on peut redouter. On n'y trouve aucune facilité de reconstitution, personne n'écoutant par exemple tel discours sur un vieux poste de radio, ni aucun mot d'auteur surligné nostalgiquement. Certes, le cadre strict du collège catholique joue beaucoup mais encore fallait-il s'y tenir, ce que fait la mise en scène, à la fois dure et empathique, calme et énergique, rigoureuse et surprenante, à l'image en fait de cet univers qui contraint en même temps qu'il laisse passer la vie.