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Vous avez décidé de passer le deuxième mois d'été à la plage et d'éviter les salles obscures,
pensant que les bons films ne seraient pas légion ?
Et bien vous avez eu tort !
Pour preuve, le Panoptique du mois d'août, qui se dévoile en cliquant sur le logo :
****
Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm ont scénarisé et joué leur propre histoire, celle de leur couple et de l'épreuve qu'il eut à traverser très tôt : la grave maladie de leur petit garçon détectée à l'âge de 18 mois. Ils l'ont titrée La guerre est déclarée, reprenant ainsi une terminologie régulièrement entendue dans les témoignages de parents d'enfants atteints de cancer ou de handicap. Leur "film d'hôpital" est plein de vigueur, sans cesse tiré vers le haut par leur décision de repousser toute lamentation et tout apitoiement, au point d'en sourire, souvent (ou de pousser la chansonnette). L'idée est donc d'aller à rebours de tout ce qui peut être attendu devant un tel sujet et il est vrai que le ton du film, léger, a de ce point de vue le goût de l'inédit.
Toutefois, ce film, couvert d'éloges, ne m'a pas entièrement convaincu. Son originalité est louable mais la recherche de celle-ci me semble un peu trop systématique. Pour le dire autrement, j'ai eu l'impression, à plusieurs moments, de voir Valérie Donzelli en train d'essayer d'être absolument originale. C'est particulièrement sensible lorsque les saynètes qu'elle compose se mettent en place plus lentement que les autres (la séquence où elle doit annoncer par téléphone, depuis Marseille, la mauvaise nouvelle à son compagnon resté à Paris). On voit là, trop bien, les efforts déployés pour éviter les clichés.
La mise en scène de Donzelli repose sur la re-création de moments de vie mais réhaussés par des trouvailles, des trucs, des collages. Alors bien sûr, des choses fonctionnent très bien. Mais d'autres moins. C'est que l'assemblage de ces petites séquences manque légèrement de fluidité narrative (de même que l'esthétique générale n'a rien de renversant). Par conséquent, le spectateur est rapidement amené à soupeser chaque proposition qui lui est faite, à établir une hiérarchie à partir de ce collier de petites scènes décalées.
Cela m'a détaché, m'a éloigné quelque peu du film. J'ai vu un écart, une différence de degré selon les séquences : premier ou deuxième en fonction de leur teneur, plus ou moins référencées (nous avons notamment des voix off dont nous ne savons pas trop d'où elles viennent à part d'autres œuvres de cinéma), plus ou moins humoristiques, plus ou moins réalistes, plus ou moins esthétisantes, plus ou moins musicales... L'écart, je l'ai perçu aussi dans le jeu du couple Donzelli - Elkaïm, inégal sur la durée (et, malgré moi, j'ai parfois senti un "parasitage" dû à ma connaissance du fait que tout ceci soit, si l'on peut dire, "rejoué" par les protagonistes). Mais de la justesse il y en a, bien sûr. Par exemple dans la vision de l'hôpital, dans le rapport à ce monde si particulier (malgré quelques inévitables (?) raccourcis dramatisant ce rapport).
Ce couple est attachant et parvient à transmettre son volontarisme et son énergie. Leur film est vif, assez beau sur le rapport amoureux, et parfois émouvant. Je regrette cependant qu'il ne m'ait pas bouleversé. Jusqu'à un certain point, il me parle de choses vécues et me renvoie à des souvenirs peu agréables. Ma relative déception n'est pas une sorte de protection car il me semble vraiment qu'il y a dans La guerre est déclarée, une balance à faire entre qualités et défauts. Beaucoup de critiques et de camarades blogueurs sont passés outre ces derniers mais j'avoue, pour ma part, avoir un peu plus de mal à le faire.
LA GUERRE EST DÉCLARÉE
de Valérie Donzelli
(France / 100 min / 2011)
(le cinéma de Mikhaël Hers, prochainement ici et sur Kinok)
Message :
"Bonjour, Nous avons le plaisir de vous inviter à la soirée STAR WARS organisée par FPE (Fox Pathé Europa) pour fêter la mise en vente de «Star Wars l’intégrale de la saga » en Blu-ray : Mardi 13 septembre 2011 à partir de 20h00 au Virgin Megastore Champs-Elysées MERCI DE RÉPONDRE AVANT LE VENDREDI 9 SEPTEMBRE. Cet évènement sera l'occasion de réunir tous les fans de Star Wars autour de nombreuses animations. Dès 20h, il y aura la présence des stormtroopers de la célèbre 501st Legion French Garrison (des fans de la saga de George Lucas, costumés en soldats de l'Empire galactique). A 23h, Cauet et l'équipe de l’émission C'Cauet (NRJ) seront sur la scène du Virgin Megastore. Enfin à minuit, les fans pourront être les premiers en France à pouvoir acheter l’intégrale Star Wars en Blu-ray. Que la force soit avec nous ! Bien cordialement, PS: Cet évènement est ouvert à tous."
Franchement, Star Wars, la 501st Legion French Garrison et Cauet, ça fait rêver, non ? Dommage que j'ai piscine...
(Chers consultants dans l'événementiel, même s'il est bon de rire parfois, par pitié, essayez de mieux cibler vos envois, merci)
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Didactique et poétique, concret et réflexif, abordant simplement des sujets aussi complexes que la connaissance humaine, le mystère des origines, la naissance de la représentation ou le progrès en art, La grotte des rêves perdus est un documentaire qui réussit à s'adresser avec la même intelligence à des publics divers (j'en ai fait l'expérience familiale).
L'entrée en matière me semble idéale. Suivant un petit groupe de scientifiques, Werner Herzog et ses techniciens s'approchent puis pénètrent pour la première fois dans la grotte de Chauvet. Avant de s'engager dans les salles principales, leurs accompagnateurs énoncent les derniers conseils et de strictes consignes. Leur matériel et la répartition des tâches qu'imposent les conditions de travail très particulières nous sont décrites. Sans doute ces explications servent-elles avant tout à faire comprendre le caractère exceptionnel de ce tournage, dans un lieu clos, interdit à tout autre regard que ceux de quelques professionnels (n'y ayant d'ailleurs accès que sur une très courte période dans l'année), mais elles passionnent déjà, en mêlant l'éblouissement de la découverte aux démarches pratiques et techniques qui le rendent possible.
Le temps imparti étant relativement court (une petite poignée d'heures par jour), le naturel des interventions des chercheurs, effectuées le plus souvent à l'intérieur de la grotte, est préservé. On n'y sent jamais la trop grande perfection due à la répétition des prises de vue et aux recadrages des propos que l'on trouve dans la majorité des documentaires pédagogiques télévisés. Les informations sont délivrées de manière vivante, "en direct" à l'équipe et donc au spectateur. Tout au long de son film, Herzog équilibre bien les séquences de discours scientifique et la pure contemplation des joyaux de l'art rupestre ornant les murs de la grotte. Et il y a certes de quoi les admirer, le décor, parois et sols recouverts d'ossements, se révélant de toute beauté.
Le recours à la 3D se justifie aisément (autant que chez le coreligionnaire d'Herzog, Wim Wenders, inspiré lui aussi au même moment). Ici, elle prolonge l'effet obtenu par cet art préhistorique du dessin qui joue déjà parfaitement du relief du support. Elle permet de s'approcher au plus près des peintures, des stalactites et des crânes d'ours, autant de choses qu'Herzog et ses techniciens n'ont bien sûr pas le droit de toucher mais que l'image 3D rendent presque palpables. Cet art de 30 000 ans, on peut donc l'effleurer, le faire venir à nous et les scientifiques peuvent l'analyser, déduire que ces deux figures ont été tracées par la même main ou préciser un ordre chronologique dans la succession des traces laissées sur les murs.
Mais comprendre l'Homme du paléolithique est une autre histoire... Pour saisir un surprenant dessin sur une roche conique, si la caméra s'approche, elle ne peut toutefois pas en faire le tour complet. De la même façon, les pensées des ces ancêtres sont inaccessibles. Il nous reste donc à imaginer. Et à nous projeter dans ces temps-là nous voyons vite se confondre imaginaire et spirituel. Herzog est alors en terrain connu. Pour finir (ou presque), il peut nous faire communier et sacraliser dans un dernier hommage ces magnifiques peintures et gravures, les filmant longuement (sur la musique prenante signée par Ernst Reijseger, très importante dans la réussite poétique du film) comme jadis Tarkovski le fit pour Roublev.
LA GROTTE DES RÊVES PERDUS (Cave of forgotten dreams)
de Werner Herzog
(France - Etats-Unis - Canada - Allemagne - Grande Bretagne / 90 min / 2011)
Suite du flashback
2005 : Les Cahiers mettent en valeur cette année-là le cinéma coréen, d'Im Kwon-taek à Hong Sang-soo (par Claire Denis), le cinéma allemand (Henner Winckler, Jan Krüger, Angela Schanelec), Aviator, Million dollar baby, Broken flowers, Les amants réguliers, A history of violence et Le petit lieutenant (Xavier Beauvois) et s'interrogent sur les films de l'après 11 septembre que sont Batman begins (Christopher Nolan), L'interprète (Sydney Pollack) et La guerre des mondes (Steven Spielberg). Ils vont à la rencontre d'Amos Gitai (Terre promise), Peter Watkins, Frédéric Sojcher (Cinéastes à tout prix), Nicolas Klotz, Katsuhito Ishii (The taste of tea), Edward Yang, Abbas Kiarostami, Jia Zhangke, Lodge Kerrigan (Keane), Philippe Colin (Aux abois), Wim Wenders (Don't come knocking), Hou Hsiao-hsien, Abel Ferrara (Mary), Jacques Rancière et André S. Labarthe. Ils s'intéressent à Michael Mann, Peter Lorre, Carmelo Bene, Raymond Depardon, Jean-Pierre Gorin, Virginia Mayo, Jean-Louis Comolli, Apichatpong Weerasethakul, Arnaud Desplechin, Leo McCarey, Chris Marker, Germaine Dulac, Monte Hellman, Werner Herzog, Yasujiro Ozu, Guy Debord, Harold Lloyd, David Perlov, Avi Mograbi et au cinéma israélien, au documentaire espagnol, au cinéma dada. Ils publient des ensembles sur Rainer Werner Fassbinder et les acteurs contemporains (d'Asia Argento à Mathieu Amalric). Ils proposent enfin deux numéros exceptionnels : le 600e avec un Ciné-manga imaginé par Takeshi Kitano et 14 autres cinéastes et le 607e pour lequel Michel Piccoli est promu rédacteur en chef.
Du côté de Positif, les numéros s'ouvrent sur les œuvres et les propos de Woody Allen, Martin Scorsese, Mike Leigh, Jacques Audiard, Clint Eastwood, Jia Zhangke, Sydney Pollack, Brigitte Roüan, Patrice Chéreau, Lodge Kerrigan, Wim Wenders, Michael Haneke, David Cronenberg, Hou Hsiao-hsien, Tommy Lee Jones, Oliver Stone (Alexandre), Ermanno Olmi (En chantant derrière les paravents), Lucile Hadzihalilovic (Innocence), Robert Guédiguian (Le promeneur du Champ de Mars), Paolo Sorrentino (Les conséquences de l'amour), Raphaël Nadjari (Avanim), Todd Solondz (Palindromes), Johnnie To (Breaking news), Pirjo Honkasalo (Les trois chambres de la mélancolie), Bill Plympton (Hair high), Pawel Pawlikowski (My summer of love), Tim Burton (Charlie et la chocolaterie), Eric Khoo (Be with me), Vincenzo Marra (Vento di terra), Ira Sachs (Forty shades of blue). Sylvie Testud et Eva Marie Saint sont également rencontrées. Des articles sont consacrés à Michelangelo Antonioni, João César Monteiro, René Clair, Kim Ki-duk, Sergueï M. Eisenstein, Thorold Dickinson, Michael Cimino, Stanley Kubrick, Peter Watkins, Roman Polanski, Guy Debord, Yves Allégret, Bollywood et la comédie cantonaise et des dossiers à Anthony Mann, Michael Powell, Orson Welles, Jean Renoir, Louis Malle, Marlon Brando et son héritage, aux "exotismes" (de Lang à Iosseliani), au documentaire (Volker Koepp, Bruno Muel, Jonathan Nossiter, Ross McElwee, Haskell Wexler, Jorgen Leth...), à la comédie française (Jean-Paul Rappeneau, Pascal Thomas, Pierre Salvadori, Fabrice Lucchini), au montage (Kevin Brownlow, Dede Allen, Pietro Scalia, Yann Dedet...) et aux Européens à Hollywood.
Janvier : Aviator (Martin Scorsese, Cahiers du Cinéma n°597) /vs/ Melinda et Melinda (Woody Allen, Positif n°527)
Mars : Clint Eastwood (Million dollar baby) (C599) /vs/ De battre mon cœur s'est arrêté (Jacques Audiard, P529)
Avril : La blessure (Nicolas Klotz, C600) /vs/ Million dollar baby (Clint Eastwood, P530)
Mai : Sharon Stone (Broken flowers, Jim Jarmusch, C601) /vs/ The World (Jia Zhangke, P531)
Juin : The World (Jia Zhangke, C602) /vs/ Travaux (Brigitte Roüan, P532)
Eté : Acteurs (Asia Argento, C603) /vs/ Marlon Brando (P533-534)
Septembre : Broken flowers (Jim Jarmusch), Le parfum de la dame en noir (Bruno Podalydès) & Une aventure (Xavier Giannoli) (C604) /vs/ Gabrielle (Patrice Chéreau, P535)
Octobre : Les amants réguliers (Philippe Garrel, C605) /vs/ Caché (Michael Haneke, P536, là)
Novembre : A history of violence (David Cronenberg, C606) /vs/ Three times (Hou Hsiao-hsien, P537)
Décembre : Michel Piccoli (C607) /vs/ Trois enterrements (Tommy Lee Jones, P538)
Quitte à choisir : Les années se suivent et ne se ressemblent pas, celle-ci n'étant, à mon sens, pratiquement entâchée d'aucune anomalie, d'un côté comme de l'autre (à l'exception toutefois du film de Chéreau). S'il existe de meilleurs Jia Zhangke, Scorsese, Allen, Leigh ou Jarmusch, je n'en défends pas moins leurs opus 2005. Le Roüan fut pour moi une excellente surprise, tout comme le Tommy Lee Jones, mais plus marquants encore furent les films d'Eastwood, Audiard, Garrel, Haneke et Cronenberg. Enfin, ayant eu l'occasion d'apprécier d'autres titres de leur auteur respectif, je suis très curieux de découvrir Edvard Munch et La blessure. Allez, pour 2005 : Match nul.
A suivre...
Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma
****
"Car tel quel, le film paraît bloqué au même endroit
que son avatar robert-smithien de héros :
en plein milieu du pire des années 80"
(Joachim Lepastier, Cahiers du Cinéma n°669, juillet-août 2011)
Salut les potes !
Pfff… L'année scolaire n'a pas encore démarré que mes parents me mettent déjà la pression par rapport au Bac ! Du coup, hier, j'ai mis mon walkman sur les oreilles et je suis parti faire un tour. Comme le disquaire d'à côté n'a toujours pas reçu The Joshua Tree, le nouveau U2 qui a l'air d'enfer, je me suis fait une toile. Super 8 semble pas mal mais les films de Spielberg, je préfère les voir avec les copains et comme j'étais tout seul, j'ai choisi This must be the place de Paolo Sorrentino. Je n'étais pas spécialement chaud au départ mais la bande annonce, que j'ai vu l'autre jour avec Steph juste avant L'aventure intérieure, m'a plutôt accroché en me promettant de la bonne musique et un récit tordu.
Le problème, c'est que, en fait, j'ai perdu deux heures de mon temps à regarder un film débile.
Déjà, l'idée du cinéaste est bizarre : il a choisi de se lancer dans une sorte de science-fiction puisque son scénario se déroule dans le futur, en 2011 pour être précis. Il nous montre ce que pourrait devenir une star du rock d'aujourd'hui dans une vingtaine d'année. Il imagine donc la vie d'un certain Cheyenne alors que celui-ci, après avoir vendu des millions de disques, a arrêté les drogues et la musique et s'ennuie dans son immense baraque, en compagnie de sa femme et de son chien, tout en s'habillant et se maquillant chaque jour comme s'il allait monter sur scène.
Alors, dès le début, on touche le fond et jamais on ne remontera, au contraire de la caméra qui, elle, vole dans les airs autant que celle d'Alan Parker dans Birdy dont le sujet, au moins, justifiait les acrobaties. C'est clair, la photo est soignée, les cadres étudiés et les mouvements millimétrés. Tous les plans sont hyper-expressifs. Le hic, c'est qu'on ne respire plus, que tout se réduit à l'image. Inutile de chercher, il n'y a rien derrière les masques ou les décors.
Faisant tout tomber dans la caricature, Paolo Sorrentino n'évite aucun cliché sur la gloire passée, la rock'n'roll attitude et le décalage qu'elle peut créer avec la réalité environnante. Je préviens tout de suite : je ne suis pas en train de me plaindre que l'on se moque de cette culture-là, qui m’attire aussi. Récemment, j’ai adoré The Rutles d'Eric Idle ou Spinal Tap de Rob Reiner, qui montrent que l'on peut rire des travers des rockers sans prendre les spectateurs, amateurs ou pas, pour des cons. De toute façon, le film de Sorrentino n'est pas drôle un instant et joue en plus sur une corde sensible absolument détestable. Le réalisateur nous met en garde, nous les jeunes : écouter Cure trop longtemps peut nous conduire au suicide ! Voilà l'un des détails qui me font dire que Sorrentino, au fond, s'en cogne totalement de la musique. Il n'y a qu'à voir comment il la filme, mixée n'importe comment et sans aucune idée visuelle. Je suis prêt à parier que la séquence du concert a été pensée par David Byrne et non par lui, la trouvaille étant purement scénique.
David Byrne, justement, est présent à travers le titre du film (qui est bien sûr celui d’une chanson de ses Talking Heads) et, largement, sur la bande-son. Dans le scénario, il intervient dans son propre rôle et, pour le faire apparaître plus vieux de 25 ans, Sorrentino a en fait engager son père (enfin, je crois). Du coup, la version de This must be the place que l’on entend en concert est un peu mollassonne. Quant à la scène dialoguée qui suit, elle n’est là que pour offrir un nouveau grand moment d’émotion à Sean Penn, le père de Byrne n’étant qu’un faire valoir.
Oui, vous avez bien lu, c’est bien le petit Sean Penn qui est la star du film. Le mari de Madonna n’a pas de chance : à peine sorti du bide de Shanghai surprise, il se voit embarqué dans cette galère, maquillé, vieilli artificiellement pour qu’il ait l’air d’avoir 50 ans. Dans ce rôle, il en fait des caisses comme c'est pas permis, en alignant les tics énervants. À Côté, Robert De Niro dans Angel heart c’est Erland Josephson...
Bon bien sûr, il n’y a pas que la petite histoire du rocker fatigué dans le film, loin de là. Il y a aussi une errance à travers les States, une leçon sur la nécessité des liens familiaux et la recherche d’un ancien nazi. Vu que le début est déjà complètement nul, le reste ne nous étonne pas plus que cela, aussi improbable soit-il. Les dix dernières minutes vont certes encore plus loin dans le ridicule, mais je n’ai guère envie de m’appesantir dessus.
Il faut seulement que je vous parle, avant de partir, de deux personnes. La première est Wim Wenders. Sorrentino a fait, avec This must be the place, une espèce de Paris Texas pour les nuls. Il a même été chercher Harry Dean Stanton (qui a quand même pris un sacré coup de vieux en trois ans seulement !). A un moment, j’ai eu peur que la femme à la fenêtre, à Dublin, ce soit Nastassja Kinski. Mais non, ouf ! Sur la recherche du lien, sur l’espace traversé, sur la musicalité de la narration, sur l’étrangeté du réel, dois-je vraiment préciser que Wenders se situe cent coudées au dessus ? D’ailleurs, il est déjà passé à autre chose avec Les ailes du désir, que j’ai eu la chance de voir le mois dernier en avant-première. On y trouve une séquence de concert avec Nick Cave qui disqualifie déjà les pauvres petites tentatives de Sorrentino. Mais je ne vous en dis pas plus, vous découvrirez tous ce chef d'œuvre prochainement… La seconde personne est Jonathan Demme. Voilà sans doute un autre modèle de Sorrentino, modèle qu’il ne parvient pas à approcher de plus près que le premier. Demme, lui, est un authentique cinéaste rock (comme Wenders, d'ailleurs). Son récent film-concert avec les Talking Heads, Stop making sense, est peut-être le plus beau du genre (David Byrne a dû sentir la différence en passant de l’un à l’autre) et l’an dernier Dangereuse sous tous rapports réussissait un mélange des genres auquel Sorrentino ne parviendra certainement jamais. Mon magazine Première me dit que Demme prépare un film sur la mafia avec Michelle Pfeiffer. Je suis très impatient.
Quant à Sorrentino, que deviendra-t-il ? Peut-être doit-on lui conseiller de rester en Italie, de se tourner vers les problèmes de son pays, de s’exercer à la bouffonnerie à partir d’un sujet sur un homme politique par exemple (pas sûr que le résultat soit mémorable, mais cela ne pourra pas être pire). Sinon, je crains vraiment que dans 25 ans, personne ne se souvienne de lui…
Bon, il est temps que je vous laisse. Ma mère m’appelle pour manger et la note du Minitel va encore être salée (déjà que ma mob est en panne !). Et puis tout à l’heure, je dois aller chez Jean-Bapt regarder un concert d’Echo and the Bunnymen.
Allez, tchao !
PS : En cherchant bien, j’ai trouvé un mérite à Sorrentino, celui d’avoir fait participer (mais est-ce vraiment sa responsabilité ?), pour la bande originale, un certain Will Oldham. Celui-là n’a pour le moment sorti aucun disque (et pour cause, il n’aurait, apparemment que 17 ans !), mais s’il le fait dans l’avenir, je pense que je les achèterai tous, tellement ses chansons me plaisent.
THIS MUST BE THE PLACE
de Paolo Sorrentino
(Italie - France - Irlande / 118 min / 1987 - 2011)
Après n'avoir que trop tardé à les visionner, je prends enfin le temps d'évoquer ici trois courts métrages dont l'existence, en ce qui concerne les deux premiers, m'avait été signalée par leur auteur respectif.
Paris, capitale du XIXe siècle de Benjamin Bardou (2010, 10 min) est un étrange film expérimental au dessein plutôt difficile à saisir au premier abord et dont l'accompagnement par un texte de présentation citant Walter Benjamin est bienvenu. Des images de la ville en mouvement saccadé sont propulsées dans le passé par le simple fait d'être filmées en noir et blanc et altérées aux niveaux visuel et sonore. Ces imperfections volontaires nourrissent le film, lui confèrent son étrangeté et sa dimension onirique. Ce qui est frappant ici, c'est la capacité sans cesse renouvelée du cinéma de créer du rêve en ne jouant au fond que sur quelques éléments, tels que le défilement des images ou les variations de lumière. C'est aussi la vie qu'il peut donner à tout décor, y compris le plus anodin.
Le film en ligne ici.
Smoke de Grzegorz Cisiecki (2008, 7 min) est une autre plongée dans le rêve mais réalisée de toute autre manière, plus directe. La nature des images et leur succession heurtée annoncent clairement leur appartenance à un monde irréel, fantasmé. Le film est également beaucoup plus référencé : de l'ambiance musicale aux flashs mentaux en passant par les personnages masqués, chacun y trouve matière à se remémorer de fameux titres à dominante fantastique. L'impeccable réalisation harmonise les emprunts et les idées personnelles et le style reste cohérent. Comme un rêve, tout cela pourrait durer des heures et être à l'origine d'une certaine frustration (narrative ou plastique, tant certains "tableaux" très composés passent rapidement, recouverts par le suivant).
Le film en ligne ici.
Le retour à Sceaux de Mehdi Benallal (2010, 12 min), pour être le moins spectaculaire des trois n'en est pas le moins remarquable. Si le réalisme est cette fois de mise et l'idée du rêve certes peu évidente, deux ou trois détails me font dire qu'elle n'est peut être pas forcément à écarter. Mais bien sûr, l'important n'est pas là. Il est dans la sûreté de la progression. Celle-ci s'effectue au rythme de l'arpentage d'un quartier, capté par des cadrages très purs, avec l'apparition progressive de dialogues aidant à ce qui se révèle être une recherche et, tout au bout, une belle chute doublée d'une merveilleuse ponctuation musicale. A voir ce court, on pense à la notion de temps exact et nécessaire à un plan, réflexion qui se fait sans doute de manière plus pressante quand on se trouve face à une approche du réel, comme ici, que lorsque l'on nous entraîne vers l'imaginaire. Le retour à Sceaux ne laisse qu'un regret, celui que son histoire ne se poursuive pas plus longtemps.
Le film en ligne ici.
Suite du flashback
2004 : Pour les Cahiers, créent l'événement, successivement : le cinéma chinois de Tian Zhunangzhuang (Printemps dans une petite ville) à Wang Bing (A l'ouest des rails), S21, la machine de mort khmère rouge de Rithy Panh, Triple agent d'Eric Rohmer, Sarabande d'Ingmar Bergman, The Brown Bunny de Vincent Gallo et Shara de Naomi Kawase, Adieu d'Arnaud des Pallières et Clean d'Olivier Assayas, Le village de M. Night Shyamalan, Tropical malady d'Apichatpong Weerasethakul, Rois et reine d'Arnaud Desplechin (également à l'honneur pour Léo en jouant "Dans la compagnie des hommes"), Les temps qui changent d'André Téchiné et A tout de suite de Benoît Jacquot. Dans l'année sont publiés des entretiens avec Jafar Panahi (Sang et or), Kiyoshi Kurosawa (Séance), Lucrecia Martel (La niña santa), Wong Kar-wai (2046), Yousry Nasrallah (La porte du soleil) et Jonathan Caouette (Tarnation), ainsi que des textes de Jean-Louis Comolli et Arnaud Desplechin. Les rédacteurs se penchent sur les œuvres de Jacques Tourneur, Vincente Minnelli, Monte Hellman, Pier Paolo Pasolini, Jonas Mekas, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Sergio Leone, Peter Weir, Jean Grémillon, Béla Tarr, Samuel Fuller, Paul Verhoeven, Alan Clarke, sur le cinéma allemand, l'enseignement du cinéma, le court métrage, le documentaire, sur L'hirondelle d'or de King Hu, Les idoles de Marc'O, La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo, Les oliviers de la justice de James Blue, L'homme de la plaine d'Anthony Mann. François Truffaut est au cœur du numéro d'été, Mia Hansen-Love fait un éloge de Jacques Doillon et des hommages sont rendus à Jean Rouch et à Jean-Daniel Pollet.
Les croisements sont pour une fois peu nombreux entre les Cahiers et Positif. La seconde, qui accueille alors plusieurs nouveaux rédacteurs comme Fabien Baumann, Jean-Christophe Ferrari ou Adrien Gombeaud, recueille les paroles de Nuri Bilge Ceylan, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Tim Burton, Patty Jenkins, Emir Kusturica, les frères Coen, Wong Kar-wai, Arnaud Desplechin, pour leurs films mis en couverture, ainsi que celles de Sofia Coppola, Eric Rohmer (sur Triple agent puis sur Murnau), Wang Bing, Gilles Marchand (Qui a tué Bambi ?), Marco Bellocchio (Buongiorno, notte), Cédric Kahn (Feux rouges), Emmanuel Carrère (Retour à Kotelnitch), Kim Ki-duk (Printemps, été, automne, hiver... et printemps), Quentin Tarantino (Kill Bill), Hong Sang-soo (La femme est l'avenir de l'homme), Theo Angelopoulos (Eleni), Agnès Jaoui (Comme une image), Lætitia Masson (Pourquoi (pas) le Brésil), Fernando Solanas (Mémoire d'un saccage), Michael Mann (Collateral), Park Chan-wook (Old boy), Jean-Pierre Jeunet (Un long dimanche de fiançailles), Zhang Yimou (Le secret des poignards volants), Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll (Whisky), Im Kwon-taek (La pègre), Karin Viard, Charlie Kaufman, Chu Tien-wen et Jacques Gamblin. Des textes sont consacrés à Laura Morante, Monica Vitti, Maya Sansa, Robert Bresson, Joseph Losey, Sun Yu, Victor Erice, Stavros Tornes, Jean Cocteau, Joseph L. Mankiewicz, Francis Bacon, à Sarabande de Bergman, Five d'Abbas Kiarostami, Mulholland Drive de David Lynch et Sunset Boulevard de Billy Wilder, à la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson et au cinéma polonais. Quant aux dossiers de 2004, ils concernent Jacques Tourneur, Maurice Pialat, Elia Kazan, Friedrich Wilhelm Murnau, Rainer Werner Fassbinder, Vincente Minnelli, les scénaristes, les écrans larges (du kinetoscope au CinemaScope), le passage du muet au parlant et l'érotisme.
Janvier : Lost in translation (Sofia Coppola, Cahiers du Cinéma n°586) /vs/ Uzak (Nuri Bilge Ceylan, Positif n°515)
Mars : Eric Rohmer (Triple agent) (C588, là) /vs/ Big fish (Tim Burton, P517)
Avril : The Brown Bunny (Vincent Gallo, C589) /vs/ Monster (Patty Jenkins, P518, là)
Mai : Maggie Cheung (C590) /vs/ La vie est un miracle (Emir Kusturica, P519)
Juin : Tropical malady (Apichatpong Weerasethakul, C591) /vs/ Ladykillers (Joel et Ethan Coen, P520)
Eté : François Truffaut (C592) /vs/ Sexe et érotisme (Mulholland Drive, David Lynch, P521-522)
Septembre : Adieu (Arnaud des Pallières) & Clean (Olivier Assayas) (C593) /vs/ L'aurore (Friedrich Wilhelm Murnau, P523)
Octobre : Basse-Normandie (Patricia Mazuy et Simon Reggiani, C594) /vs/ Eternal sunshine of the spotless mind (Michel Gondry, P524)
Novembre : Tropical malady (Apichatpong Weerasethakul, C595) /vs/ 2046 (Wong Kar-wai, P525)
Décembre : A tout de suite (Benoît Jacquot, C596, là) /vs/ Rois et reine (Arnaud Desplechin, P526)
Quitte à choisir : Deux listes avec quelques trous d'air. J'aime l'entrée en matière des Cahiers (Coppola/Panh/Rohmer) mais ensuite, je confesse plusieurs lacunes (Gallo, Weerasethakul, Mazuy). Pour le reste, le Jacquot me paraît intéressant mais bancal et surtout je déteste assez cordialement les deux films proposés conjointement en septembre. De l'autre côté, m'avaient beaucoup plu, à leur sortie, ces Iñarritu et Gondry-là. Les Kusturica, Wong Kar-wai et Desplechin de l'année, un cran en-dessous par rapport à leur régime habituel, me semblent tout de même bien figurer, tout comme Uzak. Les mentions de Murnau (comme de Truffaut en face) et de Lynch (pour ce qui ressemble tout de même à un "rattrapage" de l'oubli de 2001) sont peu contestables. En revanche, le Coen n'a pas une bonne réputation (il m'est inconnu), le Burton est un ratage et le Jenkins est plutôt moyen. C'est donc sans enthousiasme excessif que je laisse pencher ma balance. Allez, pour 2004 : Avantage Positif.
A suivre...
Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma