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Nightswimming - Page 66

  • La piel que habito

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    Il arrive quelque fois que, soudain, dans un film, un plan ou un simple détail nous fasse dire : "Voilà, c'est ça !" Il arrive qu'un instant nous semble tout à coup porter en lui la réussite de l'ensemble et la cristalliser mieux que d'autres. Dans La piel que habito, lorsque le Dr Robert Ledgard inflige une douche au jeune homme qu'il séquestre depuis plusieurs jours dans son garage, le jet d'eau froide plaque le tee-shirt sale à la peau, la faisant apparaître en transparence entre les plis humides. La caméra d'Almodovar ne manque pas de s'attarder sur ce spectacle. Ici se rencontrent idéalement, plastiquement, le sujet (l'identité, le corps, la peau) et les habituelles préoccupations (homo-)érotiques du cinéaste. Bien sûr, ce n'est pas le seul endroit où se signale la réussite d'Almodovar dans ce travail d'adaptation du roman de Thierry Jonquet, Mygale, pour donner naissance à un vrai film de genre (au sens cinématographique du terme, voire sexuel puisqu'avec ce cinéaste, on peut toujours élargir le champ).

    Un autre détail, un autre plan, tout aussi révélateur. Au terme d'une étreinte ayant mal tourné, Vicente rajuste la robe de Norma, inanimée, recouvre ses seins dénudés, remonte sa culotte. Vicente veut effacer les traces. Mais disons plutôt : il veut réparer. Cette idée de réparation court tout le long et le Dr Ledgard est évidemment celui qui en est prisonnier de la manière la plus évidente. Savant fou, obsédé, il ne cesse de vouloir réparer, repriser, recréer, sans même voir que les fautes et les responsabilités de tous ces "accidents" sont les siennes et que sa quête de perfection est totalement vaine.

    Le docteur doit recoudre les lambeaux, recoller les morceaux. Justement, l'art du collage d'Almodovar aura rarement été aussi performant qu'ici. Collages entre les plans tout d'abord, qui rendent étranges bien des séquences (par exemple celle du suicide de la femme, séquence pourtant, au départ, pas forcément bien embarquée). Collages à l'intérieur des plans ensuite. L'irruption de Zeca en costume de tigre fait pencher vers le grotesque. Moins agressif est le jeu visuel proposé à partir de la silhouette de Vera, ses combinaisons entièrement noires ou couleur chair la découpant parfaitement du fond du décor. Et plus vertigineux se révèlent ces plans composés à partir d'une différence d'échelle, qu'ils convoquent un écran géant ou une maison de poupée. Ce principe du collage va au-delà du visuel : il autorise les débordements, les envolées musicales, les cris et les coups de théâtre.

    Il n'est donc pas étonnant que la figure de l'emboîtement ne concerne pas seulement l'esthétique du film mais également son déroulement. Certes la première partie de La piel que habito peut à l'occasion paraître plate ou du moins la mise en place (pseudo-)scientifique qui s'y effectue impose quelques plans que l'on peut considérer comme étant peu utiles. Mais ils le sont plutôt a posteriori. La construction narrative est singulière, faisant advenir une série de flash-backs après l'exposition, si longue et déjà si dense qu'il ne restera finalement pas grand chose à y ajouter lorsque se fera le retour au présent. Avec ces sauts dans le passé, le film commence à tourner sur lui-même, tout en se décentrant légèrement à chaque tour. En devenant de plus en plus précis, en tendant vers l'explication de toutes choses, le récit annexe toujours plus de personnages et ne cesse de se complexifier. Ce faisant, pour aborder les problématiques de l'identité et de la ressemblance, il est aisé pour un cinéaste aussi habile de créer du trouble et de susciter le plaisir d'être manipulé. Plaisir aussi de voir ses intuitions concernant les rotations et les déplacements qui s'opèrent (sensation d'un récit qui se termine "pas loin" mais tout de même "à côté" de là où il avait commencé) validées par l'image en fond de générique de fin, une structure d'ADN, porteuse de sens à bien des égards.

     

    lapielquehabito00.jpgLA PIEL QUE HABITO

    de Pedro Almodovar

    (Espagne / 117 min / 2011)

  • Melancholia

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    L'accueil qui nous est réservé à l'orée du film comble nos attentes et au-delà. Au cours de ce pré-générique, Lars von Trier compose une série de plans d'une beauté à couper le souffle. Il invente une peinture en léger mouvement au fil de tableaux centrés sur deux héroïnes confrontées à la fin du monde. La lumière qui les enveloppe est incroyable, jamais vue peut-être, et la musique de Wagner les élève encore. Il y a l'humidité qui impregne les sols, la moiteur, la lourdeur des gestes, les effets soulignés de l'attraction terrestre mais aussi le geste pictural, les cieux imposants et les accords de Tristan et Isolde. Le prologue de Melancholia n'annonce pas seulement sa fin, il en pose d'emblée les enjeux : étudier un système de forces entre deux pôles opposés et naviguer entre la pesanteur et la grâce.

    D'un tel morceau d'anthologie, il faut savoir se relever, si possible le prolonger, même en sourdine, le temps de retrouver en toute logique son onde de choc au moment de boucler l'œuvre. Malheureusement, Lars von Trier, pendant les deux heures qui suivront, n'aura pas grand chose à ajouter à sa brillante introduction, rien qui intéresse particulièrement en tout cas. La sidération esthétique ne sera plus au rendez-vous, les tableaux apocalyptiques ne revenant que très brièvement, sans avoir la même densité.

    Choisissant une construction narrative en deux parties, Lars von Trier a choisi de consacrer la première à la description d'une cérémonie dont le fiasco renvoie clairement à l'excellent Festen (1998) de son ancien collègue du Dogme, Thomas Vinterberg. L'agacement qu'elle a provoqué chez moi a rendu impossible mon attachement à la seconde et donc au film. Il faut dire que la mise en scène de von Trier, en dehors du prologue et de ses quelques prolongements, est une nouvelle fois basée sur la proximité et la mobilité de la caméra. Superficiellement, ce principe passe pour un signe de spontanéité et de liberté. Pourtant, il y a là une feinte car ces plans à l'allure mal assurée n'en pointent pas moins des composants ultra-signifiants. Le "pic du plan", c'est bien le recadrage d'une photo laissée sur un divan, c'est bien l'entame sur la chaise vide de la mariée quand tout le monde s'impatiente, c'est bien le regard lourd de sous-entendus, c'est bien le gag récurrent du jeu de main devant les yeux. Dans ce maelstrom supposé vivifiant, combien de plans vraiment allégés, vraiment arrachés ?

    Cette façon de faire serait peut-être acceptable si elle n'était redoublée par la lourdeur des propos et des comportements. En guise de dialogues, nous avons une ribambelle de mots-coups de poings, des "I hate you so much", des "Get the hell out of here", des "I hate you and your society"... Le moindre des membres de cette famille réunie en l'occasion est un cas pathologique et le patron de la mariée ne peut être que détestable. La jeune femme en crise peut se refuser à son mari et chevaucher le premier venu. Stratagèmes douteux et inimitiés profondes éclatent de toute part. Règle du genre, dira-t-on... La fête n'en est pas moins ennuyeuse, la narration relâchée et les ellipses inopérantes.

    Ce trop plein de névroses est-il au moins causé par les bouleversements cosmiques à l'œuvre ? Rien ne le laisse véritablement penser. Seule la légendaire misanthropie de l'auteur semble l'expliquer.

    La seconde partie, où le champ d'observation se resserre sur la figure principale, sa sœur, son beau-frère et son neveu, laisse espérer que Lars von Trier parvienne enfin à s'approcher des sommets bergmano-tarkovskiens qu'il vise. Mais la patte reste toujours aussi lourde, dans le traitement des détails (le tube de médicaments, le refus par le cheval puis la voiturette de passer le pont) comme dans la caractérisation des personnages (l'opposition entre les sœurs, les doutes cachés du mari, le dialogue sur le départ du majordome). L'éblouissement esthétique ne naît ici que de coups massues, par le montage (apparition de Justine nue) ou le tour de force scénaristique (la disparition de John). Le flux majestueux s'est bel et bien retiré dès le générique de début. Il ne nous reste, peut-être, que la beauté de Kirsten Dunst.

     

    PS : En vous laissant un mot l'autre jour, j'annonçais tenir, concernant ce film, une position minoritaire. J'avais en fait, pour un temps, oublié que la blogosphère cinéphile était l'un des endroits les moins prévisibles qui soient, contrairement à la presse cinéma. Minoritaire, ma position ne semble finalement pas l'être si l'on s'enquiert des nombreuses réserves exprimées notamment sur Une fameuse gorgée de poison, Il a osé !, Baloonatic, La Cinémathèque de Phil Siné, Le blog de Dasola, princécranoir, Christoblog ou Le Ciné-Club de Caen.

     

    melancholia00.jpgMELANCHOLIA

    de Lars von Trier

    (Danemark - Suède - France -Allemagne / 136 min / 2011)

  • Une éclipse totale de huit jours

    Ce blog est mis, à partir d'aujourd'hui, en pause.

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    La publication de ma note sur Melancholia de Lars von Trier attendra la reprise d'activité. Je tiens une position apparemment minoritaire et je préfère être pleinement disponible au moment de recueillir les réactions consécutives à mon post sur ce film, qui aura été entre temps, je suppose, largement commenté chez mes meilleurs camarades blogueurs.

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    Pour patienter, je vous invite dès maintenant à prendre connaissance du Panoptique du mois de juillet, battant pavillon britannique, et qui se dévoile en cliquant sur le logo :panoptique.jpg****

    Enfin, en mon absence, je vous laisse en compagnie de notre hôtesse Cuca qui, si elle n'a jamais véritablement pu percer à Hollywood, espère bien profiter de cette seconde chance que lui offre Nightswimming :

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    (en légende : "CUCA MARTINEZ, danseuse mexicaine, la dernière découverte de Hollywood")

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    A très bientôt !

  • The Green Hornet

    gondry,etats-unis,comédie,2010s

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    Exercice gondrien plaisant que ce Green Hornet. S'annonçant clairement moins personnel que la plupart des précédents du réalisateur, il risquait moins de décevoir à l'arrivée comme ce fut parfois le cas auparavant.

    Narration rectiligne et bricolages toujours présents mais à la marge : la forme est relativement classique. Le film est sans prétention (ce qui nous repose après Batman commence et Le chevalier foncé) mais pas sans ambition. Son scénario est balisé et le parcours du super-héros mis en scène ici est traditionnel. Le traumatisme niché au cœur de l'enfance, le choix de la double vie et la complication amoureuse qui en découle ne sont pas écartés. Il sont au contraire pleinement assumés, et avec le sourire. Le regard est amusé mais pas moqueur. Les auteurs ne se nourrissent pas des clichés du genre pour mieux le dévitaliser à leur seul profit : The Green Hornet est un pastiche, non une parodie.

    Il est certain que sur près de deux heures, et compte tenu de la tonalité humoristique de l'ensemble, d'une part la tension dramatique n'est pas vraiment au rendez-vous et d'autre part le rythme paraît inégal. Par endroits, à l'amorce de la dernières partie notamment, les courroies de transmission patinent. Par excès de graisse peut-être. Mais ce gras, pour l'essentiel fourni par Seth Rogen, n'est pas que mauvais cholestérol et peut même être bénéfique. L'idée de faire de la naissance d'un super-héros le simple prolongement d'un gros délire de jeune adulte immature et fêtard est particulièrement féconde. Pour ce nigaud de Britt Reid, se déguiser en justicier de la nuit, c'est continuer la "teuf". Ceci étant posé, fonctionnent bien à l'écran les passages obligés que sont les transformations (costume, armes et accessoires), l'éclatement de la rivalité entre partenaires et autres tourments sentimentaux.

    Le film est donc distrayant, en particulier grâce au duo que forment le Green Hornet et son acolyte Kato (Jay Chou), le mérite de cette réussite particulière revenant certainement moins à Gondry qu'à cet acteur-scénariste-producteur-issu du stand up et du cinéma de Judd Appatow qu'est Seth Rogen. Toutefois, le réalisateur a bien mené sa barque, encadré, pas entravé.

    Parmi les multiples clins d'œil parsemant ce Green Hornet, je retiens avec joie celui adressé aux amateurs de Blake Edwards et de La Panthère rose : ce pugilat destructeur entre Britt et Kato qui rappelle, armure comprise, ceux auxquels se livraient dans le temps le grand inspecteur Clouzeau et son serviteur... Kato.

     

    gondry,etats-unis,comédie,2010sTHE GREEN HORNET

    de Michel Gondry

    (Etats-Unis / 115 min / 2010)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2003)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2003 : A la rentrée s'opèrent des bouleversements à la tête des Cahiers : Jean-Michel Frodon devient directeur de la rédaction et Emmanuel Burdeau rédacteur en chef. Mia Hansen Love, François Bégaudeau et Antoine Thirion entrent au comité de rédaction. Pour la revue, les principaux événements de l'année sont les sorties de Gangs of New York et d'Histoire de Marie et Julien, la palme d'or à Elephant, les nouvelles séries télévisées américaines, la ressortie des films de João César Monteiro. On peut lire au fil des numéros des entretiens avec Alain Resnais, Lucas Belvaux, Lars von Trier, Kiju Yoshida (Femmes en miroir), Mahamet-Saleh Haroun (Abouna), Arnaud et Jean-Marie Larrieu (Un homme un vrai), Lester James Peries (Le domaine), André Téchiné (Les égarés), Larry Clark (Ken Park) ou Woody Allen (Anything else). Une présentation est faite du cinéma de Daniele Cipri et Franco Maresco, comme de celui de Claire Doyon (Les lionceaux). Les rédacteurs reviennent sur Serge Daney, Numéro zéro de Jean Eustache, La nuit du chasseur de Charles Laughton, Wanda de Barbara Loden, Sans soleil de Chris Marker, sur le cinéma politique français des années 70, sur la RKO ou sur le cinéma chinois. Des disparus sont évoqués : Maurice Pialat, Stan Brackage, Leslie Cheung, Jean-Claude Biette, Ingmar Bergman (par Catherine Breillat et André Téchiné), Elia Kazan. Le cinéma américain est étudié à travers un spécial Hollywood (John McTiernan, Steven Soderbergh, Jonathan Mostow, Ed Lachman, Todd Haynes, Larry Clark, Gus Van Sant) et un dictionnaire de 100 nouveaux cinéastes. D'autres écrits portent sur l'explosion du DVD, une exposition Jean Cocteau, les rapports entre cinéma et art contemporain. Enfin, Blake Edwards, Claude Berri, France Gall (à propos de Godard), Jeanne Balibar, Eric Rohmer et Leonor Silveira sont successivement rencontrés.
    Pour rendre compte de l'actualité, Positif publie de son côté une pléthore d'entretiens : avec Belvaux, Scorsese, Soderbergh, Corneau, Haynes, Yoshida, Bruni Tedeschi, Rappeneau, Peries, Dumont, Clark, Eastwood, Lvovsky, Van Sant, Campion, Resnais, Kitano (Dolls puis Zatoichi), mais aussi Raymond Depardon (Un homme sans l'Occident), Jia Zhangke (Plaisirs inconnus), Peter Mullan (The Magdalene sisters), Claude Chabrol (La fleur du mal), Lynne Ramsay (Le voyage de Morvern Callar), Hong Sang-soo (ses trois premiers films), Carlos Sorin (Historias minimas), Emmanuelle Bercot (Clément), Marco Tullio Giordana (Nos meilleures années), Jacques Doillon (Raja), Patrice Chéreau (Son frère), Denys Arcand (Les invasions barbares), Bahman Ghobadi (Les chants du pays de ma mère), Lucian Pintilie (Niki et Flo), Adoor Gopalakrishnan (Le serviteur de Kali), Lee Chang-dong (Oasis), Andreï Zviaguintsev (Le retour) et Chirstopher Boe (Reconstruction). La parole est également donnée à Charlotte Rampling, Kristin Scott Thomas, Jean Rochefort et Claude Berri. Un dialogue Pasolini-Bellocchio, des contributions des frères Dardenne sur Krzysztof Kieslowski et de Bertrand Tavernier sur Jacques Deray sont publiés. Des textes portent sur George Clooney, sur le cinéma soviétique, sur les nouveaux cinémas thaïlandais, indonésiens, tchèques, et sur celui de Hong Kong. Des dossiers sont consacrés à Allan Dwan, Federico Fellini, la restauration, le documentaire (Nicolas Philibert, Karel Vachek, Jana Bokova, Ruth Beckermann, Sergueï Loznitsa, Harun Farocki, Peter Forgacs), l'animation (Sylvain Chomet, Jan Svankmajer, Michael Dudok de Wit, Caroline Leaf, Wendy Tilby, Isao Takahata), le cinéma espagnol, le western, les œuvres ultimes à Hollywood, le cinéma coréen. Des hommages sont rendus notamment à Pialat, Kazan, Alberto Sordi, Gregory Peck.

     

    Janvier : Gangs of New York (Martin Scorsese, Cahiers du Cinéma n°575) /vs/ Un couple épatant / Cavale / Après la vie (Lucas Belvaux, Positif n°503)

    Février : Maurice Pialat (C576) /vs/ Solaris (Steven Soderbergh, P504)

    Mars : Loin du Paradis (Todd Haynes) et Arrête-moi si tu peux (Steven Spielberg) (C577) /vs/ Stupeur et tremblements (Alain Corneau, P505)

    Avril : Il est plus facile pour un chameau... (Valeria Bruni Tedeschi, C578) /vs/ Dolls (Takeshi Kitano, P506)

    Mai : Nicole Kidman (Dogville, Lars von Trier, C579) /vs/ Bon voyage (Jean-Paul Rappeneau, P507)

    Juin : Les acteurs d'Elephant (Gus Van Sant, C580) /vs/ Les Triplettes de Belleville (Sylvain Chomet, P508)

    Eté : Séries télévisées (24 heures chrono, C581) /vs/ Le western (James Stewart, P509-510)

    Septembre : Jeanne Balibar (Saltimbank, Jean-Claude Biette, C582) /vs/ Twentynine Palms (Bruno Dumont, P511)

    Octobre : Elephant (Gus Van Sant, C583) /vs/ Mystic River (Clint Eastwood, P512)

    Novembre : Histoire de Marie et Julien (Jacques Rivette, C584) /vs/ Les sentiments (Noémie Lvovsky, P513)

    Décembre : Le DVD & Pas sur la bouche (Alain Resnais) (C585) /vs/ In the cut (Jane Campion, P514) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Les films de Belvaux, Soderbergh, Corneau, Kitano, Rappeneau, Chomet, Eastwood et Campion me furent à l'époque agréables, au contraire de ceux de Dumont et Lvovsky, Les sentiments prenant de surcroît la place d'Elephant en couverture d'une revue qui, malheureusement, tergiverse toujours quand il est question de Gus Van Sant. Dans la maison d'en face, je retiens la présence des films de von Trier, Haynes, Resnais. J'aime un peu moins ceux de Scorsese, Spielberg et Bruni Tedeschi. Ce sont donc plutôt mes lacunes (les séries TV, le Biette, le Rivette) qui font pencher la balance. Allez, pour 2003 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Au grenier (3)

    En exclusivité, voici dévoilé le Panoptique du mois de janvier 1979 :

    (cliquez sur le tableau pour l'agrandir)

    pariscope

    Document tiré d'un vieux numéro de Pariscope, publication dont les colonnes de publicités imposaient alors, parfois, de surprenants voisinages.

    pariscope

  • Un amour de jeunesse

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    Assurément, Un amour de jeunesse est un joli film mais des flux contraires l'animent et il peut donc, alternativement, charmer et agacer, émouvoir et laisser pensif ou impatient. En décrivant la passion adolescente puis l'amour adulte de son héroïne Camille, Mia Hansen-Love traque l'irréductible singularité de toute expérience dans une histoire déjà racontée cent fois.

    D'apparence souple et libre, le récit est en fait assez solidement charpenté. L'écriture a donné à chacun des blocs dont la succession fait la narration une place et un enchaînement des plus logiques. On pourrait parler, à propos de cette écriture, d'une "subtilité affichée", tant les éléments et les détails la constituant sont rendus "visibles mais pas trop". On note ainsi l'importance des accessoires qui font retour, tels les lettres ou le chapeau offert, le recours en des endroits stratégiques à de styles musicaux discrètement signifiants ou le tissage de quelques fils thématiques comme, sur la fin, le désir d'enfant. Mais de tous, l'apport le plus décisif semble concerner l'architecture. Dans la deuxième partie, cette discipline prend concrètement place dans le récit et c'est bien sûr par ce biais professionnel que Camille (re)construit sa vie.

    L'une des choses qui déçoivent quelque peu dans Un amour de jeunesse, c'est que, généralement, ces éléments arrivent alors que l'on a déjà perçu ce qu'ils sont chargés de rendre explicite. Ainsi, les cours d'architecture interviennent quand on est déjà séduit par le traitement de l'espace par la cinéaste. De même, on réalise que chaque bloc narratif sera précisément daté à l'écran (encore une fois, "subtilement" : sur un carnet ou un tableau de classe) au moment où l'on se dit que Mia Hansen-Love saisit fort bien la question du temps, sans en passer par ces repères, notamment en détachant complètement (de la narration comme "du reste du monde") l'intermède lumineux du séjour en Ardèche. Ce fragment, d'ailleurs, est bel et bien une parenthèse, l'échelle de temps utilisée se révélant beaucoup plus grande qu'attendu.

    Le récit court en effet sur dix ans. Étrangement (volonté romantique ?), sur cette durée, les corps ne changent absolument pas. Camille (comme son amoureux) est la même à 15 ans et à 25 ans. En revanche, les ambiances ne cessent de s'opposer, entre celles de la campagne et de la ville, de l'école et du bureau, de la rue et de la chambre.

    Relativement long, inégal, le film peine à nous tenir jusqu'au bout. Mia Hansen-Love crée une belle dilatation des temps courts, qui, paradoxalement, est plus touchante lorsqu'elle se fait par assemblage de plans furtifs, par fragmentation, par montage en parallèle, que par l'intermédiaire de plans séquences. Mais concentrer les événements pour enjamber les années s'avère pour la cinéaste plus difficile. Quand Un amour de jeunesse cherche à magnifier des moments privilégiés (comme déjà envolés), il est réussi. Quand il en montre les à-côtés et les conséquences sur toute une vie, il l'est moins.

     

    unamourdejeunesse00.jpgUN AMOUR DE JEUNESSE

    de Mia Hansen-Love

    (France - Allemagne / 110 min / 2011) 

  • Entre adultes

    Brizé,France,2000s

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    Tourner Entre adultes en quatre journées, pour trois fois rien, avec un groupe de douze comédiens issus du théâtre, se frotter sans tergiverser à la tradition du cinéma psychologique à la française, avec son cortège de chambres à coucher et ses variations infinies à l'intérieur du discours amoureux, et enfin s'appuyer sur un dispositif bien ferme pour brosser douze tableaux de couples en autant de séquences autonomes, se succédant en ne gardant de l'une à l'autre qu'un seul des deux personnages en présence pour le confronter à un nouveau venu, lequel se retrouvera à son tour dans la suivante face à un autre et ainsi de suite... : le projet de Stéphane Brizé ne manquait pas d'audace et je m'en veux presque de juger le résultat si sévèrement.

    Mais enfin qu'il est exaspérant, ce film ! Écris au ras de la réalité, les dialogues prolongent des pensées et verbalisent des états partagées et vus mille fois déjà, la variété des situations exposées n'aidant pas à approfondir les choses (successivement et pour autant de clichés : le couple légitime, l'adultère, le "coup" de passage, l'amitié trouble, les ex-amants, le client et la prostituée, l'employeur et l'employée etc...). Dans cette série de douze duos, Brizé fait alterner, selon les épisodes, plans séquences assez larges et découpage plus classique à partir de deux positions de caméra. Il filme ses acteurs de face, de dos ou de profil. Il souhaite ainsi, d'une part, éviter l'ennui, et d'autre part, dégager du sens. Malheureusement, l'ensemble est bien trop terne pour que l'on se fatigue à tirer ce fil stylistique. Par ailleurs, toujours pour ne pas trop lasser, le cinéaste prend soin de désaxer, à un moment ou à un autre, chacune de ses douze séquences en introduisant une révélation qui fait basculer notre perception de la scène ou qui éclaire brutalement sur la réalité des enjeux (cela lui est d'autant plus facile qu'il démarre chaque segment sans prendre la peine de détailler la situation, de façon très directe, juste derrière un carton annonçant les prénoms du nouveau couple étudié). Tous ces efforts sont vains. Le film est désespérément répétitif, la dramaturgie ne débordant jamais des strictes limites des différents épisodes.

    De l'un à l'autre, Brizé place chacun de ses personnages dans deux situations différentes et ne montre en fait que des tristes duplicités, des pathétiques renoncements et des médiocres trahisons. Le spectateur est uniquement amené à percevoir les signes de ces mesquineries, rien de plus.

    De ces petits instantanés, le désir et l'érotisme sont absents. L'amour est déjà fait lorsque nous arrivons, ou bien il n'est qu'analysé ou fantasmé. Un acte sexuel est certes suggéré, hors cadre, mais il est de nature perverse. Stéphane Brizé ne flatte ni les corps ni les caractères et son film se refuse à toute séduction. Il en est d'autres, contemporains, du côté de l'Allemagne, de l'Autriche ou de la Roumanie, mais Entre adultes n'a ni leur puissance formelle, ni leur singularité morale et reste petit jusqu'au bout, comme l'indiquent les quelques notes de musique à l'ironie insupportable servant de lien entre les séquences.

    Le rapprochement avec La ronde de Max Ophuls, relevé notamment dans le Positif de l'époque, est pour le moins abusif, presque aussi mensonger que l'affiche choisie par le distributeur. Pour avoir une idée plus précise d'Entre adultes, vous devez au contraire imaginer une sitcom du type Un gars, une fille ou Scènes de ménage, mais parfaitement sérieuse, ce qui, faut-il le préciser, retirerait beaucoup à l'intérêt déjà maigre de ces produits télévisuels.

     

    Brizé,France,2000sENTRE ADULTES

    de Stéphane Brizé

    (France / 85 min / 2007)

  • Au grenier (1)

    Souvenir d'un avenir

    Dans L'armée des ombres, nous entendons Luc Jardie (Paul Meurisse), l'un des chefs de la Résistance, dire (à peu près) ces mots à son ami Philippe Gerbier (Lino Ventura), alors qu'ils sortent d'une projection londonienne d'Autant en emporte le vent : "Les Français en auront véritablement fini avec la guerre lorsqu'ils pourront voir ce film merveilleux."

    Pour cette séquence, Jean-Pierre Melville s'est-il souvenu de cette une de l'ancêtre de Paris Match, datée de janvier 1940 ?

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    (en légende : "VIVIAN LEIGH Quand vous verrez son dernier film, la guerre sera finie...")