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Nightswimming - Page 70

  • L'imaginarium du Docteur Parnassus

    gilliam,grande-bretagne,fantastique,2000s

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    Bien sûr, on ne peut pas dire que L'imaginarium du Docteur Parnassus soit une éclatante réussite. C'est même, si l'on veut, un ratage. On grimace devant certains choix esthétiques, on entend plusieurs rouages couiner, on s'ennuie parfois, et surtout on observe Terry Gilliam qui bataille ferme, dans l'incapacité de se rapprocher des mémorables Brazil et Munchausen. Mais ce ratage a quelque chose de touchant. Le cinéaste, dès les années 80, n'eut de cesse d'avancer péniblement contre des vents contraires et ici, une nouvelle fois, il fut servi, avec la mort en plein tournage de son acteur principal. Sans doute Gilliam sait-il jouer, par ailleurs, de cette image d'artiste à l'imagination fabuleuse bridée par les financiers et les évènements malchanceux, mais il est intéressant de voir comment cette friction transparaît maintenant assez clairement dans son cinéma (si tant est que cet opus soit représentatif de l'œuvre récente de Gilliam, car je ne connais ni Tideland, ni Les Frères Grimm).

    Les scènes introductives montrent la mise en place laborieuse, décalée, incongrue, du petit cirque du Docteur Parnassus. Sa mini-troupe se déplace en roulotte, se pose et monte sa scène désuète et encombrée sur les parkings des night clubs londoniens, créant ainsi, par sa simple apparition dans le paysage, une trouée dans le présent, un saut en arrière dans le temps (et ce que ce spectacle propose est bien sûr plus étonnant encore : un saut dans les rêves de chacun). Cet écart donne tout son sel à la première partie.

    La construction de l'ensemble étant particulièrement chaotique, nous sommes menés par la suite vers un long tunnel central moins inspiré (la rencontre du groupe avec le personnage de Heath Ledger) puis vers un dernier segment pas beaucoup plus enthousiasmant. Pour les séquences fantastiques qu'il ne put tourner avec lui, Gilliam a eu l'excellente idée de remplacer Ledger successivement par trois acteurs différents. Il faut dire cependant que notre intérêt, au fil du récit, suit à peu près la même courbe descendante que celle dessinée par ce défilé : on tombe en effet de Johnny Depp à Jude Law puis à Colin Farrell... En revanche, pour rester du côté de l'interprétation, on apprécie sur toute la durée, dans un rôle diabolique, un Tom Waits pas forcément indigne de Walter Huston chez Dieterle, cabotinage effréné compris.

    A l'aise pour rendre l'agitation, réussissant plusieurs séquences de cohue, Gilliam fait toutefois, en quelques endroits, pencher dangereusement son véhicule à force de surcharge plastique. Il agglomère quantité d'éléments disparates : le numérique côtoie le trucage à la Méliès, l'imaginaire pur se déploie près des spectacles les plus basiques, archaïsme et modernité s'opposent constamment, le beau succède au laid. Cela ne fonctionne pas toujours, loin de là, et il ne reste parfois que l'imagerie. Ou le ressassement, comme avec ces variations autour d'anciens intermèdes monty-pythonesques à base de destructions soudaines, de policiers en bas résilles et de changements d'échelle. L'usage fréquent, au-delà du nécessaire et du raisonnable, de focales déformantes est plus intéressant. Un certain malaise naît de ces images, la surface, ailleurs un peu trop lisse, prend un étrange relief et la monstruosité n'est pas loin.

    Terry Gilliam semble à nouveau nous chanter les louanges des raconteurs d'histoires. Le Docteur Parnassus, comme lui fait remarquer sa charmante fille, ne finit jamais les siennes. Ne pas les finir (ou qu'elles n'aient ni queue ni tête) est une chose mais les commencer n'importe quand et n'importe comment en est une autre. Et Gilliam, sur ce plan-là, n'est guère regardant...

    Tout compte fait, la foi et la pugnacité du réalisateur de L'armée des douze singes me lui font pardonner bien des errements narratifs et des impasses esthétiques. Sans doute accentuée par le dédain exprimé depuis quelques années par nombre de commentateurs à son encontre, ma bienveillance, finalement, se rapproche de celle que j'ai pu assumer dans les premiers temps de ce blog à propos d'une autre gloire de la fin du siècle dernier, Emir Kusturica.

     

    imaginarium00.jpgL'IMAGINARIUM DU DOCTEUR PARNASSUS (The imaginarium of Doctor Parnassus)

    de Terry Gilliam

    (Grande-Bretagne - Canada - France / 123 mn / 2009)

  • Une séparation

    farhadi,iran,2010s

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    Le premier plan d'Une séparation s'étire dans la longueur pour présenter un couple en plein débat, face à un juge, à propos de l'opportunité d'un divorce. Le rythme des dialogues et le cadrage choisi (fixe, réunissant l'homme et la femme et mettant le spectateur, littéralement, à la place du juge), s'ils semblent attacher d'entrée le film à une tradition cinématographique iranienne, souffrent d'une certaine rigidité. Dans ce dispositif, la véhémence des expressions et les regards adressés à la caméra paraissent un peu forcés. Or la suite va brillamment contredire cette impression d'entrave et les deux axes dévoilés dans ce plan séquence initial, la parole et le regard, vont structurer tout le récit pour donner au film sa dynamique.

    Une séparation, comme ce titre l'indique, est un film sur l'écart et la distance. L'appartement bourgeois dans lequel se noue le drame a une allure parfaitement réaliste et la mise en scène se donne l'air de n'être que fonctionnelle, sans esthétisme particulier. Pourtant, on remarque rapidement que l'endroit est une galerie de glaces et de vitres trompeuses ou opaques, un décor qui, par la présence de ses recoins, met à l'épreuve la circulation des regards. Et il en va de même pour les sons. Que voit-on et qu'entend-on d'une action et d'une discussion ? C'est à partir de cette interrogation que s'enclenche une machinerie policière. Même maintenu dans un cadre restreint, ce registre procure déjà un certain plaisir du récit, mais le film va plus loin. Il parle de l'impossible accès aux pensées profondes de l'autre, impossibilité basée notamment sur un constat tout simple : si proche que nous soyons, jamais nous ne voyons ni entendons exactement la même chose que notre voisin. Une autre donnée, également mise à jour par le cinéaste, rend la fusion impossible : l'écart sensible existant entre les différentes paroles, leur nature, leur usage. D'une part, la langue de la justice n'est pas la même que celle de l'intime, et, d'autre part, le maniement des mots reste un marqueur de classe sociale.

    L'espace qui se crée entre les mots des uns et les mots des autres, entre la pensée et sa mise en forme, la perception différente que peuvent avoir deux personnes d'un même évènement ou d'une simple phrase (ce que les mots veulent dire), voilà ce qui entraîne ici une série de réactions en chaîne. Prenant un aspect choral par sa faculté à s'intéresser de façon égale à chaque personnage, le film parvient à échapper à toute lourdeur, entre autres raisons parce qu'il reste confiné dans l'intime. Brillant par son écriture sans paraître artificiel, il se déroule sur un tempo parfaitement maîtrisé, la plupart des séquences se permettant de "retomber" en leur fin, comme dans la vie. Tendu, le film n'est pas hystérique.

    Enfin, l'un des aspects les plus frappants est l'absence de jugement porté sur les personnages. Ici, chacun a vraiment ses raisons. Pour autant, cela n'indique pas qu'il faille se contenter d'un statu quo car, jusqu'au bout, l'écart de classe est perceptible. Si l'onde de choc est comparable des deux côtés, les gens les plus aisés s'en sortiront toujours mieux que les autres. Les conséquences matérielles, par exemple, ne sont pas du tout du même ordre.

    Tout cela forme au final une trame complexe, qualité qui ne vient pas uniquement d'un scénario excellemment ficellé.

     

    farhadi,iran,2010sUNE SÉPARATION (Jodaeiye Nadre az Simin)

    d'Asghar Farhadi

    (Iran / 123 mn / 2011)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (2000)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif2000 : Sous l'impulsion de Charles Tesson, devenu seul rédacteur en chef de la revue, les Cahiers changent de formule en octobre, faisant quelque peu "reculer" les films dans le corps des numéros. On y lit au fil des mois des propos de Tim Burton, Claire Denis, Olivier Assayas, Clint Eastwood, Im Kwon-taek, Laurent Cantet (Ressources humaines), Nobuhiro Suwa (M/Other), Jonathan Nossiter (Signs and wonders), Brian De Palma (Mission to Mars), Amos Gitaï (Kippour) et Liv Ullmann (Infidèle). Des analyses portent sur A tombeau ouvert, Yi Yi, Tabou  de Nagisa Oshima, U-571 de Jonathan Mostow, La captive de Chantal Akerman, Esther Kahn d'Arnaud Desplechin ou Eureka de Shinji Aoyama, tandis qu'Eyes wide shut est revisité. Des rétrospectives permettent de revenir sur John Stahl, Francis Ford Coppola, William Castle, Tod Browning, Jack Arnold et Otto Preminger, un dictionnaire subjectif de 100 acteurs américains est établi, un dossier est consacré à Luis Buñuel et un supplément-hommage à Robert Bresson. Philippe Sollers, Maurice Pialat, Howard Shore et Jacques Dutronc sont rencontrés par les rédacteurs. La décennie 90, l'animation (Toy story 2 de John Lasseter et les mangas), le cinéma français (rencontres avec Jean-Claude Brisseau, Dominique Cabrera, Laurence Ferreira Barbosa, François Ozon, Philippe Ramos...), le comique (Edouard Baer et Jim Carrey), le procès Barbie à la télévision, les caméras DV, la distribution et le cinéma à l'école font également partie des préoccupations de la revue cette année-là.
    Dans Positif la parole est à Burton, Scorsese, Edward Yang, Im Kwon-taek, Liv Ullmann, Oshima, Desplechin, ainsi qu'à Atom Egoyan, Paul Thomas Anderson, Patricia Mazuy, Dominik Moll, Wong Kar-wai, Lynne Ramsay (Ratcatcher), Woody Allen (Accords et désaccords), Lætitia Masson (Love me), Milos Forman (Man on the moon), Oliver Stone (L'enfer du dimanche), Dominique Cabrera (Nadia et les hippopotames), Claude Miller (La chambre des magiciennes), Alison Maclean (Jesus' son), Joel et Ethan Coen (O Brother), Roy Andersson (Chansons du deuxième étage), James Gray (The yards), Alejandro Gonzalez Iñarritu (Amours chiennes), Zhang Yang (Shower), Lou Ye (Suzhou River), Jean-Pierre Denis (Les blessures assassines) et Michael Haneke (Code inconnu). Révélations de Michael Mann et La Commune de Peter Watkins sont également défendus. Des textes ou des dossiers traitent de l'animation (d'Hayao Miyazaki à Jean-François Laguionie), de l'Antiquité à Hollywood, du cinéma britannique des années 40, des chefs opérateurs, des liens entre Arte et le cinéma et des cinéastes John Stahl, Pier Paolo Pasolini, Joseph L. Mankiewicz, Alfred Hitchcock, Luis Buñuel, Alexandre Dovjenko, Tod Browning, Agnès Varda et Chris Marker. Des hommages sont rendus à Gérard Legrand et à Vittorio Gassman. Un numéro spécial est consacré aux acteurs anglo-saxons (entretiens avec Faye Dunaway, Katrin Cartlidge, Gregory Peck, Albert Finney) et Maggie Cheung est rencontrée.

     

    Janvier : Les années 90 (Eyes wide shut, Stanley Kubrick, Van Gogh, Maurice Pialat, Edward aux mains d'argent, Tim Burton, Les fleurs de Shanghai, Hou Hsiao-hsien, Le vent nous emportera, Abbas Kiarostami, Sur la route de Madison, Clint Eastwood, Cahiers du Cinéma n°542) /vs/ Le voyage de Felicia (Atom Egoyan, Positif n°467)

    Février : Sleepy Hollow (Tim Burton, C543) /vs/ Sleepy Hollow (Tim Burton, P468)

    Mars : La vie moderne (Laurence Ferreira Barbosa, C544) /vs/ Magnolia (Paul Thomas Anderson, P469)

    Avril : Beau travail (Claire Denis, C545) /vs/ A tombeau ouvert (Martin Scorsese, P470)

    Mai : Luis Buñuel (C546) /vs/ Saint-Cyr (Patricia Mazuy, P471)

    Juin : Acteurs américains (C547) /vs/ Princesse Mononoke (Hayao Miyazaki, P472)

    Eté : Les destinées sentimentales (Olivier Assayas, C548) /vs/ Acteurs anglo-saxons (Faye Dunaway, P473-474)

    Septembre : Space cowboys (Clint Eastwood, C549) /vs/ Harry, un ami qui vous veut du bien (Dominik Moll, P475)

    Octobre : Maurice Pialat (C550) /vs/ Yi Yi (Edward Yang, P476)

    Novembre : Jacques Dutronc (Merci pour le chocolat, Claude Chabrol, C551) /vs/ In the mood for love (Wong Kar-wai, P477)

    Décembre : École et cinéma (Le village des damnés, John Carpenter, C552) /vs/ Le chant de la fidèle Chunhyang (Im Kwon-taek, P478) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : La couverture des Cahiers n'étant plus, pour quelques mois, strictement réservée à un film, la comparaison n'est pas très aisée. De plus, je ne connais ni le film de Ferreira Barbosa, ni celui d'Assayas, ni celui d'Eastwood (et je ne suis pas spécialement pressé de les découvrir). Comme mon enthousiasme n'est pas débordant pour ce Chabrol-là, ni pour le Carpenter, il me reste donc le florilège 90's, Burton, Denis, Buñuel, Pialat... Trop peu pour rivaliser avec la revue d'en face, Positif réalisant, à mon sens, un sans faute, que son regard se tourne vers l'Ouest, vers l'Est ou vers chez elle. Allez, pour 2000 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Benvenuta

    delvaux,mélodrame,belgique,80s

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    logoKINOK.jpg

    (Chronique dvd parue sur Kinok)

    Dans le court document proposé en supplément sur ce DVD, on entend Françoise Fabian, sur le tournage, louer son metteur en scène en ces termes : "il fait un cinéma d'Auteur". Quelques instants plus tôt, André Delvaux soulignait la triple nationalité de son film. En effet, Benvenuta est une production européenne de prestige, confiée à un artiste alors reconnu... et elle n'en possède que les défauts (excepté, il est vrai, celui, malheureusement courant, du non-respect des langues de chacun : ici, les voix et les accents sont les bons).

    Auteur, donc, André Delvaux l'est assurément. Mais avec cette adaptation d'une nouvelle de la romancière flamande Suzanne Lilar, il est tellement sûr de son sujet, il se voit tellement près de ses préoccupations de toujours, de sa sensibilité surréaliste, de son attirance pour le rêve et la fiction, qu'il se contente de livrer une plate illustration. Il prend appui sur ses dialogues, ses décors, ses acteurs, mais il ne leur insuffle aucune vie. Ainsi, de ces derniers, nous ne voyons que le travail et jamais nous ne percevons, derrière les masques, les personnages. Des numéros se succèdent : aux plissements des yeux et aux gestes de Vittorio Gassman répondent le regard intensément noir et les jeux de bouche de Fanny Ardant.

    Surjouée à chaque instant, cette histoire est celle d'une passion. Cet amour absolu est posé sans préavis dès le début du récit et toute évolution nous est refusée. Il faut donc s'accrocher, tenter de se persuader que derrière le faux et l'artificiel, se niche l'étrangeté. Peine perdue.

    Deux niveaux de réalité se superposent pour faire naître, finalement, un effet de miroir. Se superposent mais ne se fondent pas, chaque élément apporté restant indépendant des autres. Prenons le délire mystique. Chez Buñuel, il est une source infinie d'ambiguïté et véhicule toutes sortes d'interrogations. Dans Benvenuta, il ne provoque qu'une question : le personnage de Vittorio Gassman est-il sincère ou non ? Jamais nous ne sommes vraiment mis dans les dispositions pouvant nous amener à penser qu'il puisse être à la fois le converti et le manipulateur. En élargissant au film entier, la même remarque est à faire. Malgré le glissement de la fiction à la réalité, opéré à la suite du personnage de la romancière qui passe progressivement, dans son récit, du "elle" au "je", les points de bascule entre les différents niveaux restent inopérants. De l'un à l'autre, si contamination il y a, elle ne concerne que le style apprêté, la joliesse et l'indifférence. Film musical sans musicalité, Benvenuta donne à voir un nivellement : le trivial et le poétique y sont également guindés.

    Prisonnier du littéraire, ce cinéma est parfaitement académique, aussi dépourvu de vie que le sont ces panoramiques sur le mobilier agencé soigneusement par l'ensemblier. Pour admirer l'intégration de vedettes à une trame rêvée par André Delvaux, mieux vaut revoir Un soir, un train, réalisé quinze ans plus tôt. Le rêve, alors, éveillait. Ici, il plonge dans le sommeil le plus profond.

     

    delvaux,mélodrame,belgique,80sBENVENUTA

    d'André Delvaux

    (Belgique - France -Italie / 105 mn / 1983)

  • La dernière piste

    reichardt,etats-unis,western,2010s

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    Je l'avoue : j'étais bien plus impatient de découvrir La dernière piste que The tree of life. Sans doute Terrence Malick est-il un cinéaste plus important que Kelly Reichardt, ne serait-ce que pour ses trois premiers films, mais si je juge l'écart existant entre les promesses formulées auparavant et l'émotion effective ressentie au moment de la réception de la nouvelle proposition de cinéma de chacun des deux, La dernière piste m'est alors infiniment plus chère que la palme d'or cannoise de cette année.

    Le goût de l'errance, l'enregistrement des frémissements de la nature et les variations de lumière d'Old joy (2006), comme le traitement de l'espace et la justesse de l'approche des personnages dans Wendy et Lucy (2008), laissaient penser que Kelly Reichardt pouvait porter un regard singulier sur un genre comme le western. Bien sûr, il convient de préciser d'emblée que La dernière piste (Meek's cutoff en VO, soit le "raccourci de Meek", titre bien plus pertinent, moins trompeur, moins "dramatique" que celui choisi pour nous) est un western comme Macadam à deux voies (Hellman, 1971) est un road movie ou Last days (Van Sant, 2005) un biopic. S'il emprunte au genre les formes et les thèmes, il soustrait sa dramaturgie classique.

    L'un des problèmes posés aux réalisateurs s'attelant à des fictions historiquement situées est de faire entrer facilement le spectateur dans un monde recomposé, de l'acclimater. Puisque nous sommes ici dans un western, l'image, restituant un cadre familier (rochers, rivière, canyons, étendues désertiques), n'a guère besoin de précautions, surtout si un tempo particulier s'y installe tout de suite avec force et évidence, un tempo lent et naturel. Le son assure lui aussi de la présence des choses : le chariot fait réellement un bruit de chariot avançant sur un terrain accidenté ; la terre, l'eau, les cailloux ne se voient pas seulement, ils s'entendent tels qu'ils sonnent. Le décor posé, le corps doit ensuite trouver sa place. Il est présenté actif, en mouvement, à la fois occupé par des détails pratiques et tendu vers un seul but.

    Et, tardivement, vient la parole. Elle brille tout d'abord pas son absence, avant de se faufiler, lointaine et difficilement audible. Saisie, elle se révèle sans rapport avec l'action, quand elle ne passe pas à travers la prière. Elle est indirecte (le guide raconte une histoire à l'enfant, un homme explique à sa femme ce qu'un autre voyageur vient de lui dire). Il faut quelque temps avant qu'elle ne se porte au cœur des choses et du récit. Cette évolution très progressive n'a pas seulement été pensée comme doux accompagnement du spectateur. Elle vise à faire sentir à celui-ci l'importance que revêt cette activité. Meek, le guide fanfaron menant (ou plutôt errant avec) le petit groupe de migrants sur un territoire hostile de l'Oregon, domine par le verbe, tient sa légitimité de ses mots. Dans cette société du milieu du XIXe siècle, la parole vaut le plus souvent comme preuve de l'expérience, s'impose aisément comme vérité. Étant donnée la difficulté à remettre en question son porteur, on mesure d'autant mieux le courage de quelques uns qui, par intuition ou calcul (qui traduit ici l'intelligence), choisissent le temps venu de s'opposer à la violence de la vision qu'a Meek des Indiens.

    La réflexion est prolongée autrement après la rencontre avec l'Autre. Face à l'Indien, la parole, telle qu'elle est employée n'aide en rien à la communication. La langue inconnue nous reste jusqu'au bout aussi mystérieuse que les intentions de celui qui la parle. A ce niveau-là, le mur ne tombe jamais et Kelly Reichardt offre dans toute la dernière partie des séquences magnifiques de coulées de paroles strictement parallèles, ne se fondant à aucun moment.

    Si, dans La dernière piste, l'usage de la parole passionne, il en va de même de l'organisation de l'espace à l'intérieur du cadre (tendant vers le carré primitif plutôt que vers le rectangle moderne). Le monde décrit semble s'ordonner peu à peu sous le regard des femmes. Leur point de vue est adopté. D'abord maintenues en retrait, à l'écart des lieux d'action et des prises de (non-)décision, elles vont ensuite se rapprocher du centre, au point, pour l'une d'elles, de prendre en charge le récit (de prendre en main le fusil). Nous serions donc devant une histoire de l'émancipation de la femme, autant qu'une histoire d'acceptation de l'Autre. Le projet était périlleux mais la très belle mise en scène de Kelly Reichardt évite toute lourdeur et laisse réticent à employer ainsi ces grands mots. La façon dont est traité le couple principal de ce convoi le montre bien. Le trait est discret mais essentiel : d'une part, la femme n'y est pas soumise et d'autre part, au détour d'un bref mais bouleversant dialogue sur la confiance, apparaît toute la complexité du rapport de celle-ci à l'Indien, rapport nullement réductible à l'attirance-répulsion devant le sauvage mais dépendant aussi de la position du mari.

    Errance, répétition des travaux et des jours, renvois des actions vers le hors-champ, nombre réduit de personnages (un guide, trois couples, un garçon, puis un Indien et personne d'autre)... Sans aucun doute la radicalité de Kelly Reichardt ne fera pas l'unanimité. Elle est cependant, selon moi, une manière extraordinaire de faire revivre ce passé. Rarement a-t-on eu ainsi l'impression d'être véritablement plongé dans l'époque décrite, par le naturel des actes, le rendu de l'environnement ou le développement de notions qui lui sont rattachées (importance primordiale de la parole, sentiment de perte des repères dans une nature inviolée, recours expéditif à la violence...). De plus, elle ouvre des pistes plutôt qu'elle ne bloque la pensée sous une forme contraignante. Le final est donc ouvert. Et, à la suite d'une phrase retentissante et d'un sublime champ-contrechamp, dans le fondu au noir qui envahit alors l'écran s'engouffrent soudain, comme à rebours, comme inversées, toute l'histoire de l'Amérique et celle des représentations de la conquète de l'Ouest.

     

    PS : Je ne peux m'empêcher de voir dans La dernière piste le pendant minimaliste du film de Paul Thomas Anderson, There will be blood. Quelques détails incitent au rapprochement : le rapport au genre, l'apparition progressive de la parole, l'utilisation d'une musique très particulière, la présence de Paul Dano... Mais je vois surtout, dans les deux cas, le sommet provisoire d'une ascension constante.

     

     

    reichardt,etats-unis,western,2010sLA DERNIÈRE PISTE (Meek's cutoff)

    de Kelly Reichardt

    (Etats-Unis / 104 mn / 2010)

  • J'ai vu bouger deux lignes...

    (dois-je consulter un ophtalmo ?)

    cahiers du cinéma,positifLa critique "officielle" se voit assez régulièrement brocardée sur nos sites, blogs et autres forums cinéphiles (dès que l'on écrit un peu sur le cinéma, on a tôt fait de trouver plus "conformiste" et "institutionnel" que soi) pour ne pas passer sous silence ses efforts les plus méritoires. Le hasard a fait qu'en ce mois de juin deux éditoriaux à la teneur bien singulière ont été publiés respectivement dans les Cahiers du Cinéma et dans Positif.

    D'un côté, Stéphane Delorme défend The tree of life, derrière la couverture qui lui est dédiée, et tente d'expliquer pourquoi Terrence Malick a toujours été, dans le passé, négligé par les Cahiers. Quoi que l'on pense du film et sans perdre de vue le fait que ces "négligeances" ont été celles d'autres équipes (on sait que la revue a toujours évolué par soubresauts successifs), on peut apprécier la sincérité de la démarche, l'auteur précisant même que Positif fut l'une des rares publications au monde à proposer un entretien avec le cinéaste (en 1975). C'est à lire ici.

    De l'autre, Fabien Baumann a écrit pour l'ouverture du dernier Positif en date un texte à la progression diabolique, semblant sonner la traditionnelle charge contre les Cahiers pour mieux la retourner comme un gant et entamer une pertinente et nécessaire réflexion sur le rôle de la critique, réflexion qui se révèle être en tous points opposée à celle que son directeur de publication Michel Ciment s'évertue à échafauder mois après mois. L'été sera-t-il chaud aussi à la rédaction de Positif ? C'est à lire ici.

  • Animal Kingdom

    animalkingdom.jpg

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    Le prologue, montrant la mort par overdose de la mère du jeune Josh et la récupération de celui-ci par sa grand-mère carnassière, cueille brillamment à froid. Suit le générique et l'apparition du titre, Animal kingdom, qui se pose sur une reproduction kitch de la vie des lions dans la savane, le mâle dominant placé au centre de la composition. Il reste à peu près cent minutes et pourtant le film pourrait s'arrêter là puisque tout le message de David Michôd est contenu dans cette image et ce titre. Le travail du spectateur est pré-mâché : oui, il s'agira bien de la description d'une famille de gangsters qui s'entre-dévorent dans leur lutte pour la survie et le pouvoir, dans un milieu environnant tout aussi gangréné par la violence et la corruption.

    Michôd a l'ambition de devenir le James Gray australien (et la prochaine étape pour lui est, en toute logique, américaine). Il ne veut donc pas réaliser juste un petit polar de plus, si bien troussé soit-il. Il veut déjà toucher à la tragédie et, à l'instar de son personnage principal, trouver tout de suite sa place, si possible au sommet. Mais confondant main ferme et main lourde, il ne décolle pas le nez de son tableau animalier. Par conséquent, tout ce qui ne concerne pas directement la famille de truands est traité au mieux de manière désinvolte, au pire par le cliché, et la conduite du récit est assez catastrophique. Généralement, les grands polars reposent sur une mise à jour impitoyable des mécanismes criminels et sur la description précise des liens et des tensions existant entre le groupe étudié et ce qui lui est extérieur. Dans Animal kingdom, cette acuité est totalement absente, la progression dramatique est mécanique et la monotonie des coups que se rendent successivement les forces de l'ordre et la famille finit par laisser indifférent.

    Si l'on excepte le personnage de la grand-mère, la caractérisation n'a rien d'original, chaque membre du groupe étant très marqué, psychologiquement ou professionnellement. Josh est notre guide, affichant une neutralité apparente (proche de la bêtise sauf, bien sûr, au moment du dénouement puisqu'il faut bien que Michôd boucle son récit en assénant une nouvelle fois son message  : survie et pouvoir). Nous sommes supposés le suivre pour mieux pénétrer les sombres arcanes de cette fratrie. Or, la question du point de vue n'est jamais véritablement prise à bras le corps par le cinéaste, qui détaille quantité d'actions dont Josh ne peut avoir connaissance sur le moment. La présence de la voix off n'est donc qu'un signe d'appartenance au genre, rien de plus.

    Constamment sous-exposée, l'image n'est guère attrayante et la caméra ne s'éloigne pratiquement jamais des acteurs, ce qui rend la perception de l'espace problématique (il paraît que cela se passe à Melbourne). La mise en scène de Michôd tire vers l'épate naturaliste. Mais ce naturalisme est aussi, à de nombreuses occasions, mis à distance (on est moderne ou on ne l'est pas). Allons-y donc, lourdement, avec les ralentis, les contrepoints musicaux ou les envolées lyriques...

    Perdant de son intérêt au fur et à mesure de son avancée, le film devient dans la dernière ligne droite presque pathétique. Le scénario, qui brillait jusque là par son absence, fait tout à coup son coming out, ce qui nous vaut des idées déplaisantes (le suspense autour de la famille de la petite amie de Josh), grossières (le retour du flic pourri des stups, après une seule scène au tout début), débiles (le garde du corps qui pointe son flingue sur Josh) ou "rassurantes" sur le plan de la morale (la vengeance finale)...

    Dans le genre "affiche qui se la pète", le distributeur français a fait fort mais, finalement, je me demande s'il n'a pas cerné involontairement la personnalité du jeune réalisateur. Quant aux louanges de la critique, qui voit en David Michôd une éclatante révélation, elles s'expliquent avant tout, selon moi, par l'absence, ces dernières années, de néo-polars anglo-saxons marquants (si l'on ne tient pas compte de la permanence de certains "vieux maîtres" comme Polanski ou Eastwood et que l'on ne s'intéresse qu'aux jeunes cinéastes, la comparaison avec les effervescentes années 90, celles qui s'ouvrirent avec Miller's Crossing des Coen ou Les arnaqueurs de Frears et se refermèrent avec L'Anglais de Soderbergh, rend diablement nostalgique).

     

    animalkingdom00.jpgANIMAL KINGDOM

    de David Michôd

    (Australie / 113 mn / 2010)

  • The great ecstasy of Robert Carmichael

    robertcarmichael.jpg

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    C'est peu dire que le premier long métrage de Thomas Clay a suscité des réactions viscérales et des jugements opposés. C'est l'apanage des films-choc ou films-scandale. Devant de telles œuvres, il arrive rarement que l'on tienne une position médiane. Je me suis trouvé dans cette situation lors de la découverte du Funny games de Michael Haneke mais pour The great ecstasy of Robert Carmichael, je me placerai plus résolument d'un côté, celui des défenseurs.

    Je viens déjà de lâcher le nom d'un austère autrichien dont le cinéma peut sembler au premier abord très proche de celui de Clay. Toutefois, le film britannique ne fonctionne pas tout à fait de la même manière que ceux de l'auteur du Ruban blanc. Ici, le spectateur n'est pas manipulé de façon perverse. Il ne se retrouve pas soumis à quelques effets de montage tendancieux, à des coups de force scénaristiques ou à des ellipses dérangeantes, moyens dont se prive rarement Haneke, pour le meilleur ou pour le pire.

    Chez Thomas Clay (et le bruit fait autour du film à l'époque de sa présentation cannoise puis au moment de sa sortie en salles y est aussi pour quelque chose), on sait exactement où l'on va : vers l'abyme. Un violoncelle jouant du Purcell strie par endroits cette chronique d'une ville côtière pas plus défavorisée qu'une autre. Ce grondement annonce déjà le pire, même si les actes décrits sont, au départ, banals. L'esthétique du film, elle, ne l'est pas. La lumière et le cadre sculptés par Yorgos Arvanitis, fameux collaborateur de Théo Angelopoulos, rendent admirables le plus morne des paysages urbains écrasé sous le ciel gris. L'usage régulier du plan séquence accentue l'impression.

    Le cinéaste construit son récit à partir d'une structure à la fois fermée et ouverte. Les passages d'un personnage à l'autre, la façon dont on quitte ou prend le pas d'untel, sont absolument remarquables car ne semblant obéir qu'au hasard alors que, peu à peu, tout s'organise. Les nombreuses bifurcations trouvent a posteriori leur validité et la trame, en apparence très libre, se révèle finalement serrée, par la reprise de cadrages, le redoublement des détails qui nourrissent les séquences.

    Le film repose sur une symétrie : deux parties successives se répondent, chacune ponctuée par une séquence de violence interminable et difficilement soutenable. Cet agencement particulier du temps du récit permet de convoquer une autre figure tutélaire, celle de Stanley Kubrick. Le traitement formaliste de la violence (elle a pour cadre des décors légèrement stylisés, en tout cas rendus très particuliers par la scénographie) et l'affirmation que l'art ne protège nullement contre la tentation de la barbarie (l'acte le plus ignoble est l'œuvre du petit prodige musical) sont deux autres pistes qui mènent de toute évidence vers l'univers du réalisateur d'Orange mécanique. Comme le ciel bas et lourd, la référence pèse mais ne va pas jusqu'à écraser.

    The great ecstasy of Robert Carmichael raconte une fin du monde qui a déjà commencé. Plus personne ne peut "tenir" ces jeunes gens, les adultes étant trop résignés et trop faibles et les activités proposées dans le cadre scolaire ou communautaire semblant dérisoires. Dans le même temps, la Nation légitime allègrement l'action violente à travers ses interventions en Irak (le nombre élevé de séquences montrant l'omniprésence d'une télévision aliénante rend le discours insistant). Le caractère symétrique de l'œuvre ne peut mener que vers l'inéluctable. Le premier "trou noir" du film tétanise, bien que l'horreur s'y déploie hors-champ : après un lent et long mouvement circulaire, la fixité de la caméra mime l'effroi du spectateur, laissé près d'une porte entrouverte sur une chambre infernale. Trois quarts d'heure plus tard, le second n'épargne même plus le regard et livre l'abjection telle quelle (ou quasiment). Robert Carmichael est maintenant de face, en gros plan, alors qu'il ne nous offrait dans la première scène violente que son dos. Il est "mûr" pour entrer dans l'action. Et nous, glaçés, de réaliser tardivement que nous avons été dans sa peau à lui, qui est passé de l'état de zombie inconscient à celui d'acteur volontaire.

    Là, les choses les plus répugnantes sont (presque) montrées, longuement. Alors, au plus loin dans l'horreur, Thomas Clay réalise un collage insensé. Une faute de goût peut-être, certainement même. Mais au point où nous en sommes... Du geste le plus violent, il ne montre en fait que l'amorce et enchaîne avec une explosion d'images venues tout droit de la seconde guerre mondiale. A mon sens, le procédé a au moins l'avantage de voiler l'immontrable sans le faire disparaître totalement. Et au moins, Thomas Clay, à la différence d'Haneke, ne nous laisse pas nous questionner sadiquement et inutilement en compagnie des victimes outragées, pas plus qu'il n'intègre à son final un douteux twist. Il filme juste les bourreaux qui s'éloignent dans la campagne anglaise et nous abandonne vacillants, le cœur soulevé.

     

    Film visible gratuitement (avec quelques autres, et jusqu'à une certaine limite de clics) jusqu'au 30 juin sur la plateforme MUBI, dans le cadre d'un partenariat avec la Semaine de la Critique du festival de Cannes.

     

    robertcarmichael00.jpgTHE GREAT ECSTASY OF ROBERT CARMICHAEL

    de Thomas Clay

    (Grande-Bretagne / 96 mn / 2005)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1999)

    Suite du flashback 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positif1999 : Derrière les couvertures des Cahiers consacrant leurs films respectifs, se lisent les propos de Jia Zhang ke, Philippe Garrel, Pedro Almodovar, Luc et Jean-Pierre Dardenne, Jim Jarmusch (Ghost dog), David Lynch et Abbas Kiarostami. L'année est d'ailleurs particulièrement riche en entretiens puisque l'on y trouve également ceux réalisés avec Paulo Rocha (Le fleuve d'or), Alexeï Guerman (Khroustaliov, ma voiture !), Thomas Vinterberg (Festen), Philippe Grandrieux (Sombre), Dario Argento (Le fantôme de l'Opéra), Vincent Gallo (Buffalo 66), Pascal Bonitzer (Rien sur Robert), Catherine Breillat (Romance), Aki Kaurismäki (Juha), David Cronenberg (eXistenZ), Raoul Ruiz (Le temps retrouvé), Noémie Lvovsky (La vie ne me fait pas peur), Hong Sang-soo (Le jour où le cochon est tombé dans le puits), Emmanuel Finkiel (Voyages), Danièle Huillet et Jean-Marie Straub (Sicilia !), Harold Ramis (Mafia blues), Kiyoshi Kurosawa (Charisma et Cure), Solveig Anspach (Haut les cœurs !), Hélène Angel (Peau d'homme, cœur de bête), João César Monteiro (Les noces de Dieu) et Frederick Wiseman (Public Housing). Par ailleurs, François Cluzet, Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Terence Stamp, Paolo Branco et Agnès Godard sont de même rencontrés. Des analyses portent sur Fin août, début septembre, Psycho (Gus Van Sant), New Rose Hotel (Abel Ferrara), Buena Vista Social Club (Wim Wenders), La lettre (Manoel de Oliveira) et Le projet Blair Witch (Daniel Myrick et Eduardo Sanchez), des portraits d'Anna Thomson, Jacques Gamblin ou Asia Argento sont dressés, les vingt ans du festival des Trois continents de Nantes sont fêtés, un retour sur Hitchcock est effectué et un hommage à Robert Kramer est publié. Toutefois, 1999 est bien sûr l'année Kubrick, celle de sa disparition et de la sortie d'Eyes wide shut. Les Cahiers en rendent largement compte.
    Et Positif n'est évidemment pas en reste sur ce plan-là. Mais, pour la revue, deux autres événements marquent l'année : le premier entretien réalisé avec Jean-Luc Godard (autour d'Histoire(s) du cinéma), et la sortie de La ligne rouge. Les autres cinéastes à l'honneur se nomment Brian DePalma (Snake eyes), Woody Allen, Todd Solondz (Happiness), Gaspar Noé (Seul contre tous), Mario Martone (Teatro di guerra), Robert Altman (Cookie's fortune), Tsai Ming-liang, Goran Paskaljevic (Baril de poudre), Rolf de Heer (Dance me to my song), Larry Clark (Another day in Paradise), Arturo Ripstein (Pas de lettre pour le colonel), Steven Soderbergh (L'Anglais), Stephen Frears (The Hi-Lo Country), Samantha Lang (Le puits), Takeshi Kitano (Jugatsu et L'été de Kikujiro), Michel Deville (La maladie de Sachs), Bruno Dumont (L'humanité), Zhang Yimou (Pas un de moins), Shaji Karun (Vanaprastham), Jane Campion, Otar Iosseliani (Adieu, plancher des vaches !), Michel Blanc (Mauvaise passe), et, là aussi, Vinterberg, Grandrieux, Cronenberg, Eastwood, Almodovar, Ruiz, Oliveira, Finkiel, Lynch et Kiarostami. Lee Kang-sheng et Marisa Paredes sont également interrogés, tandis que sont abordés le cinéma de Hong Kong (de Fruit Chan à Leslie Cheung, en passant par Tsui Hark et John Woo), le péplum italien (entretien avec Vittorio Cottafavi), le cinéma muet, le cinéma australien, le remake, le film criminel, ainsi que la carrière de Clara Bow et les travaux de Stanley Cavell. En été, un numéro spécial Kurosawa est publié. On note enfin les arrivées au comité de rédaction de Yannick Dahan, Olivier De Bruyn et Franck Garbarz.

     

    Janvier : Xiao Wu, artisan pickpocket (Jia Zhang Ke, Cahiers du Cinéma n°531) /vs/ Festen (Thomas Vinterberg, Positif n°455)

    Février : Fin août, début septembre (Olivier Assayas, C532) /vs/ Celebrity (Woody Allen, P456)

    Mars : Le vent de la nuit (Philippe Garrel, C533) /vs/ La ligne rouge (Terrence Malick, P457)

    Avril : Stanley Kubrick (C534) /vs/ The hole (Tsai Ming-liang, P458)

    Mai : Tout sur ma mère (Pedro Almodovar, C535) /vs/ Jugé coupable (Clint Eastwood, P459)

    Juin : Rosetta (Luc et Jean-Pierre Dardenne, C536) /vs/ Tout sur ma mère (Pedro Almodovar, P460)

    Eté : Alfred Hitchcock (C537) /vs/ Rêves (Akira Kurosawa, P461-462)

    Septembre : Eyes wide shut (Stanley Kubrick, C538) /vs/ Eyes wide shut (Stanley Kubrick, P463)

    Octobre : Jim Jarmusch (C539) /vs/ Stanley Kubrick (P464)

    Novembre : Une histoire vraie (David Lynch, C540) /vs/ Une histoire vraie (David Lynch, P465)

    Décembre : Le vent nous emportera (Abbas Kiarostami, C541) /vs/ Holy smoke (Jane Campion, P466) 

     

    cahiers du cinéma,positifcahiers du cinéma,positifQuitte à choisir : Les deux se tiennent... Débutée sur les chapeaux de roue avec deux films également renversants de jeunes cinéastes, l'année, après un étrange passage à vide en février (deux titres très moyens), déroule de part et d'autre ses belles rencontres, souvent les mêmes, sans fausse note. Enfin presque : n'y avait-il pas moyen de choisir une autre photo et un autre titre que ce Rêves un peu pâteux pour honorer Kurosawa ? Si, sûrement... Allez, pour 1999 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma