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Nightswimming - Page 82

  • L'illusionniste

    (Sylvain Chomet / France - Grande-Bretagne / 2010)

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    lillusionniste.jpgSi le film ne décante pas si mal dans mon esprit depuis quelques jours, j'avoue qu'à regret je suis resté un peu extérieur au spectacle de L'illusionniste. N'en ayant vu aucun extrait et m'étant gardé de lire la moindre critique avant d'entrer dans la salle, je fus d'abord surpris, déconcerté, de voir que Sylvain Chomet tentait de façon si littérale de faire revivre le cinéma de Jacques Tati... et l'acteur lui-même. Son Tatischeff dessiné a exactement les mêmes postures, la même raideur, le même rythme de marche saccadé, la même retenue verbale, la même politesse excessive que les personnages créés par l'auteur de Playtime. Il m'a en fait fallu un temps certain avant de faire abstraction de ce fait, comme parfois on peut se voir gêner pendant les premières minutes d'un biopic consacré à une personnalité que l'on connaît. Cette idée du mimétisme, de la performance, resurgit d'ailleurs à la fin du métrage, au moment du générique se déroulant sur fond d'une chanson dont chaque couplet est chanté "à la manière de" (tous les grands sont imités, de Brel à Brassens, en passant par Piaf, Trenet, Gainsbourg etc...). Cela peut relever de l'anecdote mais ce choix me semble assez symptomatique de la démarche de Chomet, qui n'aboutit pas selon moi à un résultat totalement convaincant.

    Je ne sais pas si le film est un succès en salles mais celle dans laquelle j'ai assisté à sa projection ne m'a pas semblé transportée outre mesure. Le cinéma de Sylvain Chomet a un tempo particulier qui peut désarçonner facilement le spectateur. Il aime prendre son temps dans la scène, l'étirer, jouer de la répétition (on se rappelle du début des Triplettes de Belleville). De ce point de vue, déjà, la rencontre avec Tati n'est pas dénuée de sens. Seulement, le scénario de L'illusionniste, avec sa trame chaplinienne, n'est pas d'une originalité folle et, une fois passé par le prisme du "style Chomet", distille parfois un ennui discret. C'est aussi que cette histoire de magicien voyant les temps changer dégage plus de tristesse que de drôlerie, la galerie de comparses artistes (clown suicidaire, acrobates réduits à travailler dans la publicité) tirant régulièrement l'ambiance vers le dépressif. Pour ne pas sombrer, il reste les plaisirs simples, suite à la rencontre du vieux magicien et de la petite bonne, d'une relation nouvelle, rafraîchissante, et qui en annonce peut-être, au final, une autre. Entre ces deux teintes, dépression et réconfort, il ne reste plus de place pour le grotesque inquiétant qui irriguait La vieille dame et les pigeons (1998), sinon dans les quelques séquences décrivant les allées et venues des pensionnaires dans le hall de cette maison d'artistes sur le retour.

    Ces réserves faites, il serait difficile de passer sous silence les qualités dont fait preuve L'illusionniste, la cohérence du projet n'étant pas la moindre. Ainsi, la brève rencontre fortuite de Tatischeff, entrant accidentellement dans une salle de cinéma, et de Monsieur Hulot (Mon Oncle sur l'écran), si elle ne produit pas un effet totalement renversant, est d'une logique imparable. Le magicien se retrouve face à son double comme Tati pouvait, dans ses derniers films, multiplier dans le plan les "faux" Hulot. Mais là où Chomet est à son meilleur, c'est dans l'animation. Par les couleurs et la lumière, il fait vivre remarquablement son cadre écossais. Surtout, il a le grand talent de savoir animer subtilement les fonds, les bords et les coins, y créant de petits mouvements qui attirent l'œil. Non pour distraire mais pour faire participer au mouvement général du plan, pour créer un cheminement du regard. Tati faisait la même chose, de manière certes plus complexe, avec ses gags visuels parfois imperceptibles. Finalement, si le pari de Chomet peut être considéré comme gagné, c'est que L'illusionniste parvient à prendre une place dans l'œuvre de Jacques Tati. Certes pas la plus essentielle, mais disons comparable à celle de ces appendices que sont Parade ou Forza Bastia.

  • C'était mieux avant... (Été 1985)

    Comme promis, après la version espagnole, vient la VF.

    *****

    Juin n'est déjà qu'un lointain souvenir. Abordons donc les rivages cinématographiques qui s'offraient à nous en Juillet-Août 1985 :

    Une fois que le tri est fait, afin de garder le meilleur pour la fin, nous nous retrouvons devant une vague estivale de sous-produits qui commence par donner à ce panorama l'apparence d'un morne catalogue de médiocrités. Anciennes réalisations de metteurs en scène ayant entre-temps rencontré le succès, productions plagiant sans vergogne des réussites antérieures, suites à l'utilité contestable, films de série dont on se débarasse en attendant la rentrée... en cette période, rien n'est épargné au spectateur.

    lamourpropre.jpgQu'il vienne de France, d'Angleterre ou des Etats-Unis, le genre comique n'offre a priori rien de remarquable, à en juger par cette série de titres : Le facteur de Saint-Tropez (de Richard Balducci, avec Paul Préboist), L'amour propre (premier film de Martin Veyron), Les débiles de l'espace (de Mike Hodges), Les zéros de conduite (de Neal Israel), Police Academy 2 : Au boulot ! (de Jerry Paris), Porky's contre-attaque (de James Komack), Une défense canon (de Willard Huyck avec Dudley Moore et Eddie Murphy). On suppose tout de même moins insignifiants Comment claquer un million de dollars par jour de Walter Hill (avec Richard Pryor) et les deux premiers longs métrages d'un Robert Zemeckis profitant du récent succès public de son A la poursuite du diamant vert (Crazy day, 1978, chronique autour de la Beatlemania en 64 aux USA et La grosse magouille, 1980, satire de l'Amérique profonde avec Kurt Russell).

    Dans le film d'action, l'heure est au cassage de gueule des Jaunes (Nom de code : Oies sauvages, italo-ouest-allemand d'Antonio Margheriti, avec Lee Van Cleef, Klaus Kinski et Ernest Borgnine ; Gymkata, de Robert Clouse, dans lequel un brave Américain gagne une chasse à l'homme organisée dans un petit royaume d'Asie) et à la dénonciation des Rouges (Goulag de Roger Young, dont le héros est un journaliste sportif, encore une fois américain, qui s'évade d'un camp soviétique). Avec Amazonia, la jungle blanche, l'Italien Ruggero Deodato, réalisateur de Cannibal Holocaust, nous éclaire (?) sur le trafic de drogue en Amazonie, avec La cavale impossible, Stephen Gyllenhaal invente la virée entre femmes bien avant Thelma et Louise, avec Marathon killer, Robert L. Rosen filme un énième survival, avec Même les anges tirent à droite, E.B. Clucher donne une suite (datée de 1974) aux Anges mangent aussi des fayots, avec Prison de femmes en furie, Michele Massimo Tarantini propose une nouvelle variation dans le sous genre... prison de femmes.

    legend.jpgAu rayon SF et horreur, nous ne sommes pas mieux lotis avec 2072, les mercenaires du futur (de Lucio Fulci), Diesel (de Robert Kramer, dans lequel Gérard Klein, Agnès Soral, Richard Bohringer et Niels Arestrup jouent à Mad Max), Horror (de Philippe Mora, avec Christopher Lee), Les frénétiques (de David Winters, crimes au Festival de Cannes, vus sous l'angle parodique, dix ans avant Les Nuls) et Vendredi 13 – Chapitre 5 (de Danny Steinmann, où l'on se rend compte que le "chapitre final" sorti quelques mois auparavant n'était donc pas le dernier...). Dans ce désert, ne semblent exister que quatre oasis éventuelles. Dreamscape, de Joseph Ruben, montre un homme, Dennis Quaid, qui se bat dans les rêves des autres. Runaway, l'évadé du futur, de Michael Crichton, conte le combat mené par Tom Selleck contre les robots. De son côté, Ridley Scott, sortant d'Alien et de Blade runner, proposait sa fable médiévalisante et merveilleuse Legend. Derrière le travail visuel époustouflant, perce-t-il quelque chose de consistant ? A vrai dire, ma mémoire me trahit... Enfin, Starman, avec sa trame ET-esque de la créature venue d'ailleurs, ne semble pas vraiment être considéré comme un John Carpenter majeur mais mérite sans doute le détour.

    En cet été 85, les polars de série, eux aussi, étaient légion, la plupart du temps ressassant le thème de la vengeance personnelle. Alain Delon était de retour en ex-policier devenu justicier (Parole de flic de José Pinheiro), après les promesses de Tir groupé, Jean-Claude Missiaen continuait de décevoir avec son nouveau polar banlieusard La baston, Michel Gérard se mettait au cinéma "sérieux" en réalisant Blessure, film noir situé dans le milieu du rock et interprété et co-écrit par Florent Pagny (!), tandis que Michel Vianney signait Spécial police. Habitués du genre, Chuck Norris et Burt Reynolds occupaient toujours l'espace, avec, respectivement, Sale temps pour un flic d'Andy Davis et Stick, le justicier de Miami de Reynolds lui-même. Mentionnons également Un été pourri de Phillip Borsos, polar journalistique avec Kurt Russell. En ce qui concerne le film de kung fu, on note, en plus des productions courantes (Les enragés du kung fu et La rage bouddhiste du kung fu de Godfrey Ho, Shaolin contre Mandchou de Marlon Lee, Shaolin, temple de la tradition de Kwok Siu Ho), quelques hybridations trans-continentales entre l'Asie et l'Amérique (Le dernier dragon de Michael Schultz, Le retour du Chinois de James Glickenhaus, avec Jackie Chan qui s'associe à Danny Aiello et va de NY à HK).

    rougemidi.jpgDans des démarches plus auteuristes, les propositions de Dominique Crevecœur (le film-rêve Contes clandestins), de Lazlo Szabo (le décousu David, Thomas et les autres, production franco-hongroise avec Trintignant, Rochefort et Cottençon) et de Joy Fleury (Tristesse et beauté, d'après Yasunari Kawabata, avec Charlotte Rampling et Andrzej Zulawski) n'ont guère fait date, mais Pierre Jolivet séduisait avec son premier film, Strictement personnel, polar rêveur avec Pierre Arditti, Alain Tanner poursuivait son singulier parcours avec No man's land (quelques personnages, de part et d'autre de la frontière franco-suisse, exposent leur désir de vivre une autre vie) et Robert Guédiguian faisait déjà preuve d'une belle ambition en contant 50 ans de la vie d'un quartier marseillais dans Rouge midi (avec, bien sûr, Gérard Meylan et Ariane Ascaride). Toutefois, le projet le plus intrigant est à chercher du côté des Etats-Unis : dans Strangers kiss, Matthew Chapman imagine ce qui aurait pu se passer lors du tournage du Baiser du tueur (Killer's kiss, 1955), le deuxième long métrage de Stanley Kubrick, les interprètes vivant dans la réalité, peu ou prou, les mêmes (més)aventures que dans la fiction.

    stopmakingsense.jpgPour beaucoup, l'événement de l'été fut la sortie de Pale rider de Clint Eastwood. Ce western à la fois classique et détaché, mythique et réaliste, j'avoue l'avoir apprécié à chaque vision mais jamais "totalement". Le caractère non-chronologique de ma découverte de l'œuvre eastwoodienne y est sans doute pour quelque chose mais j'ai toujours préféré à ce titre Josey Wales ou Impitoyable. Le véritable film-phare de juillet-août 85 serait alors le Sang pour sang de Joel Coen (à peine mentionnait-on à l'époque le prénom de son frère-scénariste Ethan). Le jugement me paraît cependant légèrement biaisé : l'amour que l'on peut lui porter dépendant à mon sens beaucoup plus de ce que l'on connaît de la suite que de la réalité du film lui-même, habile exercice de style annonçant des vertiges plus prononcés. Pour moi, donc, le chef-d'œuvre est ailleurs. Dans la case "Documentaire". Il ne s'agit certes pas de Carné, l'homme à la caméra, hommage plan-plan au réalisateur du Jour se lève par Christian-Jacque, ni de Pumping Iron 2, l'enquête de George Butler sur le culturisme féminin, mais de Stop making sense, indépassable sommet du film-concert. Derrière la caméra : Jonathan Demme (dont le premier film, Cinq femmes à abattre, série B cormanienne de 1974 sortait au même moment). Devant : David Byrne et ses Talking Heads. Scénographie, son, lumières, montage : tout concourt à faire de cette prestation, donnée spécialement pour le film et gardant pourtant la fraîcheur et l'intensité d'un live "classique", le modèle du genre. Le génie du groupe et l'amour du réalisateur pour la musique achèvent de rendre le résultat miraculeux.

    Terminons notre survol de façon plus anecdotique en remarquant qu'à côté des (soft) Nuits chaudes de Cléopâtre (de Cesar Todd) et parmi les films X distribués alors mais dont nous rechignons à égrenner les titres, se retrouvent pas moins de six réalisations de José Benazeraf (Olinka, grande prêtresse de l'amour, Le yacht des partouzes, Perverse Isabelle, Orgies révolutionnaires, Le cul des mille plaisirs et Lady Winter, perversités à l'Anglaise).

    jeunecinema168.jpgDans les kiosques, hormis Positif (293-294) et La Revue du Cinéma (407) qui mettent le même film en couverture (La forêt d'émeraude de John Boorman, sorti en juin), les revues et magazines font preuve de diversité. Le choix se porte sur le Nostalghia d'Andreï Tarkovski (sorti en mai) pour Cinéma 85 (319-320), sur Les enfants de Marguerite Duras (sorti en mai) pour les Cahiers du Cinéma (374), sur l'Adieu Bonaparte de Youssef Chahine (sorti en mai) pour Jeune Cinéma (168), sur Starman pour L'Ecran Fantastique (58). Du côté de Cinématographe (112), on propose un dossier sur le cinéma beur (avec Abdellatif Kechiche, alors acteur, en couverture) et à Premiere, on fête le centième numéro.

    Voilà pour l'été 1985. La suite à la rentrée...

  • Méprise

    meprise1.jpg

    De la même manière que, comme vous le savez depuis la semaine dernière au moins, il ne faut surtout pas confondre Shortbus et Short cuts, il convient de ne pas prendre L'Italien pour L'Anglais...

    ... ni d'ailleurs RRRrrrr!!! pour Hair, Le tronc pour T.R.O.N., Safari pour Hatari !, Madame Irma pour Irma la douce, Coco pour Koko, Fatal pour Fatale, La Tour Montparnasse infernale pour La poursuite infernale, La maison du bonheur pour La mélodie du bonheur, Cash pour Crash, Palais royal pour Mariage royal, Le clone pour Les clowns, L'âme sœur pour L'âme sœur, Monsieur N. pour Madame de...

    rrrrrrrr.jpghair.jpgletronc.jpgTRON.jpgsafari.jpghatari.jpgmadameirma.jpgirmaladouce.jpgcoco.jpgkoko.jpgfatal.jpgfatale.jpglatourmontparnasse.jpglapoursuiteinfernale.jpglamaisondubonheur.jpglamelodiedubonheur.jpgcash.jpgcrash.jpgpalais royal.jpgmariageroyal.jpgleclone.jpglesclowns.jpglamesoeurB.jpglamesoeurM.jpgMonsieurN.jpgmadamede.jpg

     

  • Era mejor antes de... (Verano de 1985)

    espana.jpgEn hommage à la Roja, championne du monde 2010, je commence par publier ma note mensuelle en espagnol.

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    Junio ya es sólo una memoria lejana. Abordemos pues las orillas cinematográficas que se nos ofrecían en julio-agosto de 1985:

    En cuanto la selección es hecha, con el fin de guardar la mejor para el fin, nos encontramos delante de una ola estival de subproductos que comienza por dar a este panorama la apariencia de triste catálogo de mediocridades. Al haber encontrado entre tanto antiguas realizaciones de escenógrafos el éxito, las producciones que plagian sin vergüenza éxitos anteriores, séquitos a la utilidad discutible, las películas de serie de las que se débarasse esperando la reapertura en este período, nada es ahorrado al espectador.

    lamourpropre.jpgQué venga de Francia, de Inglaterra o de los Estados Unidos, el género cómico no ofrece a priori nada notable, a juzgar por esta serie de títulos : El factor de Saint-Tropez (de Richard Balducci, con Paul Préboist), El amor limpio (la primera película de Martin Veyron), Los endebles del espacio (de Mike Hodges), Los ceros de conducto (de Neal Israel), Policía Academy 2: manos a la obra (de Jerry Paris), De Porky contraataca (de James Komack), Una defensa canon (de Willard Huyck con Dudley Moore y Eddie Murphy). Suponemos sin embargo menos insignificantes Cómo abofetear un millón de dólares al día de Walter Hill (con Richard Pryor) y los dos primeros largometrajes de Robert Zemeckis que saca provecho del éxito reciente y público de sonido A la persecución del diamante verde (Crazy day, 1978, crónico alrededor de Beatlemania en 64 a USA y El chanchullo grueso, 1980, sátira de América profunda con Kurt Russell).

    En la película de acción, la hora está en el cassage de boca de los Colores amarillo (Nombre de código: Gansos salvajes, italo-alemán del Oeste de Antonio Margheriti, con Lee Van Cleef, Klaus Kinski y Ernesto Borgnine; Gymkata, de Robert Clouse, en el cual un estadounidense bueno gana una persecución organizada en un pequeño reino de Asia) y a la denuncia de los Rojos (Gulag de Roger Young, que el héroe es un periodista deportivo, una vez más americano, que se evade de un campo soviético). Con Amazonia, la selva blanca, italiano Ruggero Deodato, el realizador de Cannibal Holocaust, nos alumbra (?) sobre el tráfico de droga en Amazonia, con La fuga imposible, Stephen Gyllenhaal inventa la vuelta entre mujeres bien antes de Thelma y Luisa, con Maratón killer, Robert L. Rosen propone un enésimo survival, hasta con Los ángeles tiran a la derecha, E.B. Clucher les da una continuación (fechada de 1974) a Los Ángeles comen también a pelotas, con Prisión de mujeres en furia, Michele Massimo Tarantini propone una nueva variación en él bajo género prisión de mujeres.

    legend.jpgAl rayo SF y el horror, no somos loteados mejor con 2072, los mercenarios del futuro (de Lucio Fulci), Diesel (de Robert Kramer, en el cual Gérard Klein, Agnès Soral, Richard Bohringer y Niels Arestrup juegan a Mad Max), Horror (de Philippe Mora, con Christopher Lee), Los frenéticos (de David Winters, crímenes al Festival de Cannes, vistos bajo el ángulo paródico, diez años antes de Los Nulos) y el Viernes, 13 - Capítulo 5 (de Danny Steinmann, donde se da cuenta que el " capítulo final " sacado algunos meses antes no era pues el último). En este desierto, parecen existir sólo cuatro oasises eventuales. Dreamscape, de José Ruben, muestra a un hombre, Dennis Quaid, que se pelea en los sueños de otros. Runaway, el evadido del futuro, de Michael Crichton, cuenta el combate llevado por Territorio de ultramar Selleck contra los robots. Por su parte, Ridley Scott, saliente de Alien y de Blade runner, proponía su fábula médiévalisante y maravillosa Legend. ¿ Detrás del trabajo visual pasmoso, perfora algo consistente? A decir verdad, mi memoria me traiciona... Por fin, Starman, con su trama ET-esque de la criatura venida por otra parte, no parece verdaderamente estar considerado como Juan Carpenter superior sino merece sin duda el rodeo.

    En este verano de 85, las novelas de serie también, eran legión, la mayoría de las veces volviendo a cerner el tema de la venganza personal. Alain Delon estaba de vuelta en expolicía vuelto justiciero (Palabra de poli de José Pinheiro), después del prommesses de Tiro agrupado, Jean-Claude Missiaen continuaba decepcionando con su nueva novela a habitante de las afueras El baston, Michel Gérard se ponía en el cine "seriedad" realizando Herida, película negra situada en el medio del rock e interpretada y coescribir por Florencio Pagny (!) Mientras que Michel Vianney firmaba Especial policía. Acostumbrado por el género, Chuck Norris y Burt Reynolds ocupaban siempre el espacio, con, respectivamente, Tiempo de perros para un poli de Andy Davis y Bastón, el justiciero de Míami de Reynolds mismo. También mencionemos Un verano podrido de Phillip Borsos, novela periodística con Kurt Russell. En cuanto a la película de kung fu, anotamos, además de las producciones corrientes (Los fanáticos del kung fu y La rabia budista del kung fu de Godfrey Ho, Shaolin contra manchuriano de Marlon Lee, Shaolin, templo de la tradición de Kwok Siu Ho), algunas hibridaciones transcontinentales entre Asia y América (El último dragón de Michael Schultz, La vuelta de Chino de James Glickenhaus, con Jackie Chan que se asocia con Danny Aiello y va de NY a HK).

    rougemidi.jpgEn pasos más auteuristes, las propuestas de Dominique Crevecœur (la película-sueño Cuentos clandestinos), de Lazlo Szabo (deshilvanado David, Thomás y otros, producción franco-húngara con Trintignant, Rochefort y Cottençon) y de Joy Fleury (Tristeza y belleza, según Yasunari Kawabata, con Carlota Rampling y Andrzej Zulawski) apenas hicieron época, sino Pierre Jolivet seducía con su primera película, Estrictamente personal, novela soñadora con Pierre Arditti, Alain Tanner perseguía su trayecto singular con No man's land (algunos personajes, de una y otra parte de la frontera franco-suiza, exponen su deseo de vivir otra vida) y Robert Guédiguian ya daba prueba de una bella ambición, contando 50 años de la vida de un barrio marsellés en Mediodía Rojo (con, por supuesto, Gérard Meylan y Ariane Ascaride). No obstante, el proyecto más intrigante tiene que buscar del lado de los Estados Unidos: en Strangers kiss, Matthew Chapman imagina lo que habría podido pasar en el momento del rodaje del Beso del asesino (Killer's kiss, 1955), el segundo largometraje de Stanley Kubrick, los intérpretes que vivirían en la realidad, poco o mucho, a los mismos arriesgas que en la ficción.

    stopmakingsense.jpgPara muchos, el acontecimiento del verano fue la salida de Pala arrugar de Clint Eastwood. Este western a la vez clásico y suelto, mítico y realista, reconozco haberlo apreciado a cada visión pero "jamás "totalmente". El carácter no cronológico de mi descubrimiento de la obra eastwoodienne está allí sin duda para algo pero siempre preferí a este título(acción) Josey Wales o Despiadado. La película-faro verdadera de julio-agosto de 85 sería entonces la Sangre para sangre de Joel Coen (apenas como mencionábamos en la época el nombre de su hermano-guionista Ethan). El juicio ligeramente me parece sin embargo torcido: el amor que se le puede llevarle dependiendo a mi juicio muchos más de lo que conoce de la continuación que de la realidad de la película misma, ejercicio hábil de estilo que anuncia vértigos más pronunciados. Para mí, pues, la obra maestra está en otro lugar. En el compartimiento "Documental". No se trata por cierto de Carné, el hombre a la cámara, homenaje plano-plano al realizador de Día se levanta por Christian-Jacque, ni de Pumping Iron 2, la encuesta de Jorge Butler sobre el culturismo femenino, pero de Stop making sense, infranqueable cumbre de la película-concierto. Detrás de la cámara: Jonathan Demme (el que la primera película, Cinco mujeres que hay que matar, dispone en serie B cormanienne de 1974 salía en el mismo momento). Delantera: David Byrne y su Talking Heads. Escenografía, sonido, luces, montaje: Todo concurre a hacer esta prestación, dada especialmente para la película y que guarda sin embargo toda la frescura y la intensidad de un live "clásico", el modelo del género. El genio del grupo y el amor del realizador para la música terminan de devolver el resultado milagroso.

    Acabemos nuestro sobrevuelo de modo más anecdótico observando que al lado de El noches calientes de Cléopâtre (de Cesar Todd) y entre las películas X distribuidos entonces pero que rechazamos égrenner los títulos se encuentran no menos de seis realizaciones de José Benazeraf (Olinka, grande prêtresse del amor, El yate del partouzes, Perversa Isabelle, Orgías revolucionarias, El culo de los mil placeres y Lady Winter, perversidades al Inglés).

    jeunecinema168.jpgEn los quioscos, excepto Positivo (293-294) y La Revista del Cine (407) que ponen la misma película en cobertura (El bosque de esmeralda de Juan Boorman, salido en junio), las revistas dan prueba de diversidad. La elección se llevará pues a Nostalghia d' Andreï Tarkovski (sacado en mayo) para Cine 85 (319-320), sobre Los niños de Margarita Duras (salido en mayo) para los Cuadernos del Cine (374), sobre el tercer postigo de Mad Max (a venir en septiembre) para Starfix (28), sobre el Adiós Bonaparte de Youssef Chahine (sacado en mayo) para Joven Cine (168), sobre Starman para La Pantalla Fantástica (58). Del lado de Cinematógrafo (112), proponemos un expediente sobre el cine beur (con Abdellatif Kechiche, entonces actor, en cobertura) y en Premiere, celebramos el centésimo número.

    He aquí para el verano de 1985. La continuación a la reapertura...

  • Shortbus

    (John Cameron Mitchell / Etats-Unis / 2006)

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    shortbus.jpgContre toute attente, le seul intérêt véritable de Shortbus est musical, la série de pop songs que l'on y entend étant tout à fait agréable (de Yo La Tengo à Animal Collective).

    Il y en aurait bien un autre, que n'ont bien sûr pas manqué de mettre en avant la majorité des critiques au moment de sa sortie en salles en 2006 (jusqu'à en faire, tout à fait abusivement, un hymne à l'hédonisme) : voici une œuvre sexplicite, dans laquelle la chose est filmée frontalement et joyeusement. Avec humour même. Enfin, je dois avouer que voir une giclée de sperme atterrir inopinément sur un tableau abstrait ou un sex toy télécommandé rendre incontrôlable une jeune femme jusqu'à lui faire donner à chaque impulsion des coups de boule à ses interlocuteurs ne m'a pas plongé dans une hilarité délirante. D'ailleurs, si la représentation que propose John Cameron Mitchell est délestée de l'animalité morne ou de l’établissement de rapport de force, voire de la violence, accompagnant souvent ce genre d'expérience des limites, elle ne se développe pas moins sur un fond de mal-être général. Les spécimens new-yorkais qui défilent devant la caméra (blancs, noirs, asiat’, homos, héteros, jeunes, vieux, dominateurs, dominés) ont tous leur blocage, leur blessure secrète, leur névrose, et la construction du récit les pousse à les exposer un par un devant un tiers, dans une succession d'aveux ennuyeux au possible.

    Surtout, le scénario, concocté en collaboration avec chaque comédien engagé, n'a ni queue ni tête (si l’on peut dire…), Mitchell s'efforçant de raccorder chaque histoire individuelle en faisant se croiser les personnages, la plupart du temps n'importe comment, donnant ainsi l'impression de bâtir un Magnolia du pauvre. Ce lieu singulier, ce club où se retrouvent tous ces naufragés du cul pour partouzer dans une ambiance bon enfant et au son d’un orchestre pop, ce "Shortbus" donc, aurait pourtant pu suffire à tisser les liens nécessaires. La dimension utopique, quasi-fantastique, de ce refuge aurait également gagné à être poussée plus avant. Le spectacle érotique manque sans doute de rituel et la réalité du monde extérieur encombre encore trop le lieu. Les mêmes histoires s’y prolongent et la mise en scène ne change pas lors du passage des appartements au club, toujours aussi mal fichue. Changements de supports (pellicule ou vidéo), décadrages intempestifs, faux raccords volontaires, coupes dans les phrases… John Cameron Mitchell s’offre une resucée du Dogme danois, avec dix ans de retard.

    Mais le pire est pour la fin, avec ces dernières séquences de fête unanimiste, d’une niaiserie effarante. Où l’on réalise tout d’un coup qu’un film démarrant par le montage parallèle d’une auto-fellation, d’une séance SM et d’une baise acrobatique peut se terminer comme une gentille œuvrette de Christophe Barratier... Pas très excitant tout ça…

  • The Devil and Daniel Webster

    (William Dieterle / Etats-Unis / 1941)

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    devil11.jpgValse des titres au fil des présentations, des sorties et des reprises (Here is a man, A certain Mr Scratch, All that money can buy, The Devil and Daniel Webster, et, en France, Tous les biens de la terre) et distribution de plusieurs versions (dont une amputée de vingt minutes) : ces aléas en disent déjà beaucoup sur le caractère inclassable de ce film. Américain depuis 1937 mais ayant vécu en Allemagne jusqu'en 1930, William Dieterle, qui avait notamment interprété, en 1926, le rôle de Valentin dans le Faust de Murnau, propose là un déplacement géographique et temporel du mythe, une variation sur le thème de l'homme vendant son âme au diable, développée à partir d'une iconographie et d'une histoire appartenant au folklore des Etats-Unis naissants. Fort du succès de La vie de Louis Pasteur (1936), de La vie d'Emile Zola (1937), de Juarez (1939) et, surtout, de Quasimodo (1939), le cinéaste s'était fait producteur et profitait alors du savoir-faire des équipes de la RKO.

    Démarrant comme un classique morceau d'Americana, The Devil and Daniel Webster se signale vite par son empreinte expressionniste. Les rais de lumière aveuglent et strient les visages, les ombres sont démesurées. Une fois le virage vers le fantastique effectué, les personnages semblent par endroits comme absents à eux-mêmes et les apparitions diaboliques se succèdent. Se manifestent ainsi, de manière fulgurante, la féline Simone Simon en tentatrice enjôleuse et un Walter Huston moderne en diable, sarcastique, aux gestes précis, au sourire carnassier et au phrasé percutant.

    Le fantastique, si bien  exploré par Dieterle, est l'irruption dans la vie quotidienne du surnaturel et de l'irrationnel. Le pittoresque, lui, caractérise ce qui attire l'attention par son aspect original, sa fantaisie, son relief. Dans les deux cas, nous avons donc quelque chose qui se détache d'un fond (ce qui renvoie aussi à l'expressionnisme et à ses représentations picturales des tourments des personnages). Le mélange de ces registres n'est pas a priori évident mais il trouve là une cohérence. La chronique paysanne et la fable fantastique marchent donc, d'un bout à l'autre, main dans la main. Le cliché (la douce épouse mise à l'épreuve, la mère attentionnée et soucieuse, la femme tentatrice) prend dès lors une autre couleur. Le Diable mène la danse, et en maltraitant son violon (les stridences de Bernard Hermann aidant), il bouscule la musique folklorique, entraîne jusqu'au vertige la valse des paysans. Il peut aussi transformer un bal mondain en réunion de spectres.

    Mais cette hybridation n'est pas la seule à être tentée par un Dieterle qui parsème son film de réflexions politiques, par le biais de l'humour avec les discussions malicieuses entre le sénateur et les villageois ou de manière plus frontale avec le plaidoyer final de Webster en faveur de l'Union. Le message est progressiste : les usuriers qui étranglent financièrement les fermiers sont pointés du doigt, l'appât du gain est dénoncé comme responsable de tous les maux, les efforts des paysans pour mettre sur pied une coopérative sont soulignés, les pêchés originels sont évoqués (les violences faites aux Indiens et aux Noirs). Toutefois, le respect entre adversaires politiques est prôné et surtout la loyauté envers la constitution est donnée comme indispensable à la bonne marche de la nation. Nous sommes en 1940-41. L'Amérique n'est pas encore en guerre, mais l'Europe est déjà à feu et à sang.

    Cette dimension politique est rendue explicite par la longue scène de procès qui recouvre toute la dernière partie du film. Ce passage obligé pour bien des drames hollywoodiens de l'époque est ici soumis à un décalage, par son lieu (une grange), son ambiance (surnaturelle), ses enjeux (le sauvetage d'une âme), ses protagonistes (quelques fantômes) et le discours politique qui est tenu. La ferveur des personnages et la fermeté narrative suffisent à préserver l'adhésion, mais en même temps, un certain recul est perceptible. Et finalement, c'est tout le film qui aura joué de ce petit écart, en mêlant différents genres, en alternant visions idylliques et apparitions diaboliques, en osant quelques clins d'œil vers le spectateur (le villageois demandant à Belle si elle est Française, le dernier mot, ou geste, laissé au Diable...). Ainsi, nous pouvons dire, en assumant cet anachronisme total, que le plaisir distillé par cet étrange Devil and Daniel Webster est en fait le même que peut procurer un grand film post-moderne.

     

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  • Histoire d'une femme

    (Mikio Naruse / Japon / 1963)

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    histoirefemme.jpgDès les premières séquences, tout sonne juste. Mikio Naruse commence par passer d'un personnage, ou d'un groupe, à un autre, laissant assez longtemps flotter son récit avant d'en désigner plus clairement la ligne directrice (la vie d'une femme japonaise depuis son mariage dans les années 30 jusqu'au moment où elle devient grand-mère, dans les années 60). Ces premières descriptions de parcours professionnels, sentimentaux et domestiques, ce brassage choral se font sans ostentation aucune, le regard restant à hauteur d'homme et de femme sans jamais les surplomber. Peu à peu, des flash-backs brisent la linéarité temporelle. Leur articulation avec le présent de la narration est aussi fluide que le sont les transitions entre les séquences consacrées aux différents personnages et si le déroulement de l'histoire peut surprendre ou dérouter, il le fait à la façon de la vie elle-même. La subtile subjectivité qui s'affirme dans ces retours en arrière (le point de vue adopté étant d'abord celui de la grand-mère puis celui de sa belle-fille, qui finit par être placée au centre du film) est déjà un premier signe du talent de Naruse pour façonner des caractères et dégager une psychologie d'une remarquable justesse.

    L'itinéraire familial dessiné sous nos yeux, accompagné de ses petites arborescences, finit par donner vie à un tableau sociologique du Japon de l'avant à l'après-guerre et ce sont les destinées individuelles qui éclairent les moments historiques et non l'inverse. De la même manière, les flash-backs ne sont pas là pour illustrer scolairement une idée de scénario ou un thème cher au cinéaste. Ils sont déclenchés par le souvenir que provoque tel comportement ou par une association d'idée, et ils prennent le temps de détailler un contexte, de laisser se développer chaque composant du "sous-récit", avant d'exposer l'événement dramatique qui, pour le coup, devient inattendu. Cette délicatesse de construction, obtenue grâce à un enchaînement fluide plutôt qu'à un empilement répétitif et arbitraire des malheurs de l'existence, gouverne l'avancée du mélodrame. Dans ce qui est peut-être la plus belle scène du film, la lecture par l'héroïne, en pleine rue, de la lettre d'adieu laissée par l'homme qu'elle aime entraîne la perte (provisoire) de son petit garçon dans la foule (situation qui sera reprise à la fin, de manière encore une fois très délicate, lorsque l'arrière-grand-mère, dans le parc, relâchera brièvement sa surveillance du petit dernier de la lignée).

    Histoire d'une femme, Histoire de la femme voire Une histoire de femme : l'existence de ces différents titres français donnés à Onna no rekishi par les diffuseurs dit bien l'ampleur que Naruse parvient à donner à cette évocation d'un destin singulier. Il faut se garder cependant de chercher là une exaltation du sens du sacrifice qui caractériserait la femme japonaise. Pour Naruse, il s'agit plutôt de faire un constat tragique, en suivant les générations successives sur cette trentaine d'années : les femmes survivent et les hommes meurent. Et ce ne sont pas ces derniers qui sont le plus à plaindre. La mort de l'être aimé est une épreuve mais c'est une épreuve qui en annonce presque toujours une autre, plus terrible encore : la révélation tardive d'une erreur, d'un malentendu, d'une tromperie ou d'une trahison. La tristesse recouvre ce film pluvieux et nocturne. Seule la scène finale semble laisser une place au soleil. Il faut le chercher loin ce rayon annonçant un avenir moins douloureux, reposant sur... un petit garçon.

    Chez Naruse, la moindre silhouette impose sa présence en quelques secondes, les plans durent exactement le temps qu'il faut, la mise en scène a l'apparence de la simplicité (du Ozu en plus souple, en moins intimidant peut-être). Réalisé six ans avant sa mort et quatre ans avant son dernier film, Histoire d'une femme infirme le jugement qui consiste à stopper le temps des beaux mélodrames "narusiens" à la fin des années 50 (après la série comportant, entre autres, les magnifiques Frère et sœur, Le repas, L'éclair, Le grondement de la montagne et Nuages flottants).

  • Le fils du désert

    (John Ford / Etats-Unis / 1948)

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    filsdudesert.jpgTrois bandits volent l'argent de la banque d'une petite ville de l'Arizona. Avec le sheriff et ses adjoints à leurs trousses, ils se retrouvent dans le désert sans eau et sans chevaux. Ils y rencontrent une femme mourante sur le point d'accoucher dans son chariot ensablé. Après l'avoir aidé à donner vie à son bébé, ils lui promettent de sauver ce dernier et d'en devenir les parrains. Les trois hommes reprennent ensuite leur éprouvant périple, portant tour à tour le nourrisson dans ses couvertures.

    Le fils du désert (Three godfathers) est un western prenant la forme d'une parabole biblique. Respect de la parole donnée, évocation des rois mages, indication du chemin à suivre par une étoile ou du choix à faire par l'ouverture de la bible à la bonne page, actes rédempteurs, lumière divine transperçant le ciel, apparitions miraculeuses, villes bien nommées (Welcome, New Jerusalem), dénouement le jour de Noël, tout y est. A tel point que le film ne se réduit malheureusement qu'à cela, le reste, ce qui encadre le récit principal, n'étant que signe de reconnaissance n'allant pas au-delà du cliché (à l'image de la jeune femme, fille du banquier, séduite par John Wayne, qui apparaît au début puis en conclusion). Ainsi, le scénario, une fois la situation posée, offre finalement peu de surprises et une progression assez mécanique, impression accentuée par la succession des trépas (et les mourants se lançant à chaque fois dans de longues tirades, l'émotion peine à percer).

    Au moment où l'accumulation des correspondances commence à saturer le spectateur, le Kid, le personnage d'Harry Carey Jr, fait lui-même le lien entre l'aventure qu'il vit avec ses deux camarades et le texte de l'évangile. Si Ford insiste tellement, se dit-on, c'est que la surcharge de signification va peut-être finir par donner quelque chose d'intéressant, distancié, flamboyant ou monstrueux. Un film "malade". Mais il n'en est rien. Ce n'est pas nouveau, le cinéma de Ford est à prendre au pied de la lettre, et ici, cette scène n'est rien d'autre qu'un moyen de faire accepter à tous une évidence. Certes, au centre de cette œuvre d'évangélisation, le cinéaste prend soin de placer Robert Hightower (Wayne), ce mécréant (le dernier "miracle" lui fait lever les yeux au ciel, puis, tout de même, jeter un coup d'œil autour de lui, dans la continuité du mouvement et de façon plus prosaïque, comme pour "contrebalancer" son premier réflexe). Mais ce sera bien la seule trace d'ambiguïté d'un film qui semble d'ailleurs ne jouer que sur deux registres : selon les scènes, les protagonistes sont soit enjoués et blagueurs (le comique n'y est pas des plus fins), soit affectés et recueillis. Les caractères ne s'offrent à nous ni dans la demie-teinte, ni dans la profondeur (le rapport de fascination, ou du moins, l'estime qui existe entre le sheriff et Hightower est exposée d'entrée, le premier affirmant, dès le début de la chasse, qu'il aimerait jouer aux échecs avec le second).

    A cela s'ajoutent quelques soucis d'ordre narratif (à quoi sert cette ellipse lors de la découverte par Wayne du charriot dans le désert si elle ne provoque qu'un exposé bavard de la situation par ce dernier à l'attention de ses deux compagnons ?) et esthétique (ces multiples plans de coupes sur un vrai bébé emmaillotté déboulant entre ceux montrant les acteurs encombrés d'un paquet bien léger et bien rigide : le réalisme fordien en prend un coup...).

    Que reste-t-il alors ? La composition de quelques plans et surtout, essentiellement, le secret de la mise en scène des gestes et des postures, perceptible à certains endroits : Wayne tenant son chapeau à bout de bras pour faire de l'ombre à l'agonisant, Pedro Armendariz roulant sur lui-même et se cassant la jambe, Harry Carey Jr réclamant le nourrisson et se mettant à le bercer en marchant et en chantonnant...

    Tout de même, "Ford mineur" est le mieux que je puisse dire.

  • Noé Programme

    "Bad trip (...) Les films de Noé sont toujours éprouvants, jamais « aimables », à la limite parfois du supportable..." (Le journal cinéma du Dr Orlof)

    "Un bad trip. L'album de Programme, Agent réel, s'y apparente. Moment acerbe, perceptions aiguisées à l'extrême, frôlant l'insoutenable." (Millefeuille)

    Je n'ai toujours pas vu Enter the Void mais la sortie récente d'Agent réel, troisième album de Programme a remis à jour un rapprochement entre deux univers qui me semble évident depuis dix ans maintenant.

    Rythme de production équivalent (trois longs-métrages et trois albums "officiels", auxquels s'ajoute un bon nombre de travaux parallèles), étonnante concordance des dates (1999, 2002, 2010 pour Noé, 2000, 2002, 2010 pour Programme), volonté partagée de montrer/dire ce que l'on ne saurait voir/entendre, même soif d'expérimentation visuelle/sonore et même risque assumé de se retrouver bloqué dans une impasse (sur Agent réel, les 30 minutes bruitistes de Nous, aussi interminables que le tunnel d'Irréversible), goût commun pour la déconstruction narrative, même tension entre la description sans concession d'un réel asphyxiant et le désir d'élévation, réactions similaires devant leurs œuvres, entre agacement et admiration, et, finalement, même impérieuse nécessité de leur présence active en ces temps où rien ne doit dépasser...

    (les ultimes propos tenus lors de cet entretien, paru il y a de cela quelques jours à peine, ne semblant pas me contredire)

    Site de Programme