- Cela ne t'interpelle pas cette volatilité des écrits sur le net ?
- Comment ça ?
- Mon mot est peut-être mal choisi. Disons cet empilement perpétuel qui fait qu'une note, au bout de quelques jours, devient presque invisible...
- Tout dépend de ce que l'on veut faire de son propre blog. Si il sert de journal intime, ce n'est pas forcément gênant... Mais, en ce qui me concerne, oui, peut-être, un peu... Ce qui est écrit est là, archivé, certes, mais il est ensuite recouvert, effectivement... Voilà sans doute l'inconvénient d'un outil au fonctionnement vertical comme internet, opposé à l'horizontalité de la lecture de support papier.
- Oui, les textes disparaissent de la vue et ensuite, il faut vraiment aller les chercher...
- En fait, une idée me trotte dans la tête depuis quelques temps. Je tenterai bien une expérience, qui pourrait être à la fois ludique, informative et propice à un certain maintien de cette visibilité.
- Ah bon, dis-moi tout...
- Je souhaiterais établir un tableau étoilé mensuel faisant le bilan de la recension des sorties de films par les tenanciers des principaux blogs cinéphiles, comme dans cette fameuse revue de cinéma que les lecteurs feuillettent toujours en commençant par la fin afin de prendre connaissance rapidement des positions des rédacteurs.
- Houlà... Avoir une vue relativement large sur le paysage serait effectivement intéressant mais n'as-tu pas peur de manier là un outil largement utilisé par cette presse si régulièrement critiquée sur vos blogs ? Et puis on pourrait se dire que la démarche ne sert qu'à vous faire plaisir à vous...
- Bah, ce ne serait déjà pas si mal en cette période grisâtre... Mais bon, il ne s'agit pas d'une rédaction, ni même d'un conseil, mais de "conseils", avec un "s". Des recommandations personnelles. S'en dégageront aussi bien les convergences que la pluralité et la singularité des jugements. Surtout, il existe un moyen de tirer un avantage incontestable, selon moi, qui permettrait non seulement d'éviter la sécheresse accompagnant ce type de tableau dans les publications papier mais surtout de dépasser la futilité de l'exercice.
- Je crois avoir compris... C'est là que tu reviens à la visibilité des écrits : grâce aux liens hypertexte !
- Et voilà. C'est bien l'outil qui, à mon avis, donne son sens à l'expérience, qui n'en aurait guère si on ne l'utilisait pas. Chaque cote dans le tableau renverrait à une critique. D'ailleurs, j'imagine déjà très bien un sous-titre comme ça : "Sous les étoiles, des textes". Pas mal, non ?
- Ouais, pas mal... Par contre, il faudrait vérifier que la publication de ce tableau n'aspire pas les visiteurs au détriment des pages sources, comme le font certains agrégateurs mieux référencés que les blogs dont ils reprennent les notes.
- Oui... Je ne m'y connais pas trop mais je ne pense pas que cela soit le cas. J'essaierai d'y veiller. Si c'est préjudiciable, je stopperai là. Il s'agit de proposer un aiguillage, pas un détournement.
- Et tu ferais ça sur ton blog ?
- Justement non. Je pense qu'il faut une interface spécifique et "neutre", clairement distincte, donc, de mon blog.
- D'accord. Mais dis-moi, du coup, ta petite expérience va te demander encore un peu plus de boulot tous les mois.
- Oui, mais pas tant que ça en fait. Il suffit d'avoir un peu de méthode. Et puis, au fil des sorties et de la publication des notes, je pourrai anticiper. Puis, comme tu dois le savoir, j'aime plutôt bien faire ce genre de recensement.
- Auprès de qui, d'ailleurs ?
- Ahem... Comme je te l'ai dit, j'irai voir sur les principaux blogs... Enfin, tu vois bien que dans les différents liens proposés par chacun, on retrouve toujours un peu les mêmes... Du moment que les écrits sont un minimum "sérieux", bien "informés" et passionnés... Et puis ça pourra tourner, en fonction de ce que chacun aura traité dans l'actualité du mois passé.
- Au passage : tu ne renverras donc pas vers certains excellents blogs qui n'abordent pas cette actualité...
- Hélas... Mais il me faut absolument poser un principe de base pour rendre la chose réalisable. Je ne peux pas élargir plus. Je ne suis pas l'imdb.
- Tu risques te creuser la tête pour adapter certaines cotes à l'échelle que tu imposes à tous...
- C'est sûr. J'ai vu qu'il y en avait même certains qui mettaient des demi-points... Au pire, j'établirai un tableau mathématique de correspondances. Mais souvent, dans le doute, il suffit de bien lire les textes pour savoir quel nombre d'étoiles leur coller. De tout façon, j'espère bien que les blogueurs concernés me corrigeront si ils pensent que mon évaluation est erronée.
- Bon. Et tu as trouvé ta bannière ?
- Il me faudrait un terme générique qui rappelle les notions de regard, de cinéma et de réseau...
- Pas évident...
- J'ai cherché autour des Mille yeux du Dr Mabuse, le titre "original" d'un célèbre Fritz Lang. Mais je ne peux pas convoquer 500 contributeurs... Ou alors autour du Voyeur, mais les implications sexuelles sont trop fortes...
- Hum... Sors des titres de films... Et Panoptique ?
- Ouais... un peu carcéral peut-être, mais pourquoi pas ? Il faudrait alors préciser "Surveiller mais sans punir", sinon ça va effrayer...
- Et bien voilà... Tu démarrerais quand ?
- Je pensais que l'idéal serait de faire le point tous les 15 du mois suivant, pour laisser quelques jours, nécessaires à la plupart d'entre nous qui ne sommes pas Parisiens, pour voir les films, et avoir ainsi un maximum de contributions. Donc : premier test le 15 septembre.
- Oui parce que là, on est le 17...
- Non !?! P..., j'suis déjà en retard !
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Cela se passe donc là : PANOPTIQUE
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Notez bien, chers lecteurs, que ceci est avant tout un test. Vos commentaires sont souhaités, encouragés même, de façon à ce que je me rende bien compte de "l'utilité", ou pas, de la chose. Pour cette première, j'ai convoqué des blogs que je connais et apprécie pour leurs qualités diverses. Il est fort possible, et même inévitable, que j'en oublie. Vous pouvez me le faire savoir. De même, si l'un des blogueurs enrôlés ne souhaite pas l'être, qu'il me le signale. Je modifierai bien entendu mon tableau en conséquence...
Les deux précédents longs métrages de Lee Chang-dong, Oasis et 
Inutile de perdre du temps à évoquer les deux derniers Gendarmes, suivis du coin de l'œil, toujours aussi minables. Mais pour rester avec De Funès, on peut dire quelques mots d'Oscar. Si il est moins catastrophique dans sa réalisation et moins idiot dans son registre comique que les pitreries baclées par Jean Girault sous le soleil de Saint-Tropez, le film de Molinaro ne satisfait guère plus et rarement spectacle comique m'aura autant épuisé. Partant d'une pièce de théâtre de boulevard (adaptée pour l'occasion, entre autres, par De Funès lui-même, qui la joua plusieurs fois sur scène), le scénario accumule, en une seule journée et en un seul lieu, des surprises, des révélations, des tromperies et des méprises toutes plus improbables les unes que les autres. Cette succession effrénée (à chaque séquence son ou ses rebondissements) est rendue plus sensible encore par des choix de mise en scène visant à augmenter la vitesse du récit : claquements de portes, déplacements continus des personnages d'une pièce à l'autre, montage très sérré des actions, donnant l'impression que les acteurs déboulent dans le champ, voire qu'ils sont en avance sur le plan (on se demande par exemple, parfois, si Claude Rich quitte vraiment les lieux comme il est censé le faire en plusieurs occasions, avant de revenir). Cet emballement mécanique serait à la limite supportable si le fond n'était si déplaisant (médiocrité générale des caractères, misogynie et cupidité utilisés comme ressorts comiques essentiels) et surtout si il n'était pas ponctué toutes les dix secondes d'éclats de voix crispants dûs à De Funès, à Rich ou à la jeune Agathe Natanson qui, bien que légèrement vêtue, a l'hystérie horripilante. Le premier cité, attraction de tous les plans ou presque, est en colère de la première à la dernière scène. En caracolant ainsi, sans jamais atteindre une dimension absurde qui réhausserait le vaudeville de base, le film laisse les rares bons mots et les sympathiques trouvailles se faire oublier aussitôt, emportés qu'ils sont par le courant de ces échanges-mitraillette, de ces cris et de ces grimaces incessantes. Épuisant, vraiment.

Une ligne de force inattendue se dégage de ce mois-ci : la célébration des noces du cinéma et de la musique pop-rock. Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre, troisième volet de la saga de George Miller créait l'événement. Mel Gibson en partageait l'affiche avec la tigresse soul Tina Turner. Le film fut, dans notre souvenir, reçu de manière assez tranchée, les uns affichant une déception tenant à la débauche spectaculaire et à l'humanisme messianique dont l'auteur chargeait son personnage principal, les autres saluant l'originalité de sa vision et son dépassement formel. Du haut de nos 13 ans et quelques, nous nous étions ralliés alors au deuxième groupe. Y resterions-nous aujourd'hui ?
Il n'est pas jusqu'à James Bond qui n'ait succombé à cette vague. Dangereusement vôtre de John Glen, avec un Roger Moore dangereusement vieillissant (ce serait son dernier effort dans le costume de 007), bénéficiait non seulement d'un titre, bientôt hit mondial (A view to a kill), signé des garçons coiffeurs de Duran Duran, mais aussi de la présence singulière de Grace Jones en bras droit du méchant Christopher Walken. Plus sincèrement et plus profondément lié à la culture musicale contemporaine, porté également par un succès discographique renversant (qui m'est devenu aujourd'hui, pour de multiples raisons, quasiment inécoutable), (Don't you) Forget about me de Simple Minds, Breakfast Club de John Hughes a marqué durablement de nombreux cinéphiles de ma génération (bien qu'assez "secrètement", la plupart d'entre nous, et moi le premier, hésitant à jeter à nouveau un œil sur cette histoire de lycéens astreints à une journée de "colle" dans leur établissement désert).
Deux grands auteurs étaient au rendez-vous de septembre : Maurice Pialat et Akira Kurosawa. Si nous reconnaissons que Police et Ran tiennent la dragée haute à presque tous les autres films de ce mois-là, nous avouons qu'ils ne font ni l'un ni l'autre partie de nos opus préférés au sein des belles filmographies des deux cinéastes. Venant après les superbes A nos amours et Kagemusha, et malgré leurs beautés respectives, ils peinent légèrement, selon nous, à réussir le grand écart entre un univers singulier et un genre bien défini (le polar) pour le Français et à faire oublier plusieurs longueurs (sur 2h45) et un hiératisme un peu pesant pour le Japonais. A l'inverse, Louis Malle en réalisant Alamo Bay effectuait sans doute son meilleur travail aux Etats-Unis. Très solidement charpenté, son film traitait avec une certaine force du racisme anti-vietnamien gangrénant une petite communauté de pêcheurs américains (emmenés par Ed Harris).
Dans les kiosques, du côté des mensuels (Cinéma devenant, pour quelques temps, hebdomadaire), les couvertures se faisaient sur le film de Pialat (Cahiers du Cinéma (375), Cinématographe (113)), celui de Miller (Starfix (28), L'Ecran Fantastique (60), Premiere (102), qui publia par ailleurs un numéro en août avec Alain Delon en vedette (101)
Avec La révélation, titre français passe-partout remplaçant le Storm original mais pas forcément plus approprié, Hans-Christian Schmid a eu le mérite de se frotter à un sujet politique actuel et complexe. Développer une fiction à partir de l'activité d'une institution comme le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie n'est pas chose aisée. Le cinéaste allemand le fait sans complaisance vis à vis des magistrats y exerçant leur métier, n'hésitant pas à évoquer leur lassitude, la tentation des petits arrangements et, plus généralement, la difficulté à résister au pragmatisme politique international qu'impose, entre autres choses, la construction européenne. Tourné en 2008, le film entre en résonance avec le procès Slobodan Milosevic et l'arrestation de Radovan Karadzic et tente d'accompagner les réflexions autour de la place à donner à la Serbie dans l'U.E. Pour étoffer sa base documentaire, que l'on sent très travaillée en amont, Schmid brosse le portrait de deux femmes, l'une, véritable héroïne de cette histoire, procureure à La Haye, l'autre, victime de la guerre de Bosnie, et donne à son film l'apparence d'une enquête policière dont l'aboutissement est censé interroger les notions de responsabilité individuelle et de droiture morale.
Le Britannique Michael Winterbottom est un réalisateur moyen, dont les résultats oscillent entre le pas terrible et le pas mal, du moins pour ce que j'en sais, celui-ci tenant en effet une cadence de production impressionnante et difficile à suivre (une vingtaine de titres accumulés depuis le début des années 90). Précédé d'une légère odeur de souffre, essentiellement due à la sauvagerie de quelques meurtres (notre homme aimant se faire parfois provocateur comme lorsqu'il réalisa ce 9 songs alternant scènes de sexe et captations de performances rock, expérience au final plus ennuyeuse qu'autre chose, si l'on en croit la très grande majorité des spectateurs y ayant goûté), The killer inside me ne change en rien la position du cinéaste, ce dernier opus en date, bien que s'assurant l'une des meilleures places au sein de la filmographie, drainant en quantités égales qualités et défauts, habiletés et maladresses.