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Nightswimming - Page 83

  • Life during wartime

    (Todd Solondz / Etats-Unis / 2009)

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    lifeduringwartime.jpgLife during wartime se présente plus (mêmes personnages) ou moins (acteurs différents) comme la suite de Happiness (1998), film le plus réputé, à juste titre, de la filmographie de Todd Solondz. Le cinéaste rejoue sa petite musique grinçante pour traduire toute l’horreur que lui inspire la middle class américaine, proprette en surface mais minée en profondeur par les névroses et les déviances. Cette guerre, il la mène depuis au moins dix ans, et entendre une mère de famille expliquer à son fiston qu’elle s’est sentie toute mouillée lorsque son prétendant l’a touché ou que les pédophiles sont des terroristes ne provoque plus vraiment d'effet de surprise. Les bousculades narratives de Storytelling (2001) et de Palindromes (2004) avaient réussi à masquer le goût de réchauffé (selon moi de manière assez impressionnante en ce qui concerne le deuxième) mais cette fois-ci, il n’y a plus rien pour accompagner cette énième reprise des thèmes obsédant le cinéaste. Que ce soit à l'image ou au montage, Solondz a décidé cette fois de tout mettre à plat.

    Le film paraît lent, notamment à cause d'une succession de scènes très similaires. Toutes sont en effet écrites pratiquement de la même façon, en prenant appui sur des dialogues ressassant l'idée du pardon, le problème étant que ces échanges renvoient la plupart du temps à un passé volontairement mal éclairé (à moins, peut-être, que l'on ait encore très clairement en tête les situations développées dans Happiness). Les confrontations organisées sont de toute façon trop longues. On y tourne en rond. Plus inquiétant encore, on en arrive à prévoir les choses à l'avance : ce panoramique partant d'un répondeur et balayant une chambre ne peut que s'arrêter sur un corps inanimé, cette phrase de Charlotte Rampling ("J'ai besoin d'autre chose qu'une simple caresse") ne peut qu'être collée à un plan sexuel, cette recommandation maternelle ("Si on te touche, tu cries !") ne peut que déboucher plus tard sur un "gag" mécanique (ayant de surcroît une conséquence scénaristique déconnectée de toute vraisemblance comportementale).

    L'échec de Life during wartime est donc aussi bien narratif (les transitions sont laborieuses et les vignettes faussement idylliques et véritablement ironiques ne parviennent pas élever le reste) qu'esthétique (la photographie, neutre, n'a pas dû demander beaucoup de travail à Ed Lachman, l'apparition de fantômes ne faisant en rien dévier la ligne morne du film). Pas de scène-choc, pas de performance d'acteur notable... Il ne reste qu'à prendre acte de la permanence du pessimisme de Solondz, à se satisfaire du fait qu'il n'en fait toujours qu'à sa tête et qu'il ne semble pas prêt à rentrer dans le rang et surtout à espérer qu'il trouve prochainement un second souffle.

  • Copie conforme

    (Abbas Kiarostami / Italie - France / 2010)

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    copieconforme.jpgComme tous les grands films de Kiarostami, Copie conforme raconte une histoire en même temps qu'il la montre en train de s'écrire. Ce double niveau n'est pas rendu sensible par un emboîtement. La caméra ne recule pas pour dévoiler un dispositif de représentation. Non, le jeu est plus subtil et plus mystérieux.

    Il est pris en charge d'abord par les personnages. Au fast-food, le fils expose clairement ce qu'il pense qu'il se passe entre sa mère et l'écrivain, puis ces deux derniers ne vont cesser de faire des propositions permettant autant de mises en scène de récit : aller se promener, entrer dans un café, observer un rituel (la première de ces propositions étant bien sûr de faire une conférence sur le thème "copie et original", sans compter celle, encore en amont et "hors du film", de lancer le "jeu"). Les dialogues concourent à cette mise à distance, s'appuyant sur des thèmes propices puisque le statut de l'oeuvre d'art est au centre des conversations. Du tableau (ou de la statue) au film, il n'y a qu'un pas et c'est donc, de manière évidente, la position du cinéaste lui-même qui est questionnée ici. Avec le travail sur le hors-champ, les cadrages et les reflets, la mise en scène n'est pas en reste lorsqu'il s'agit de naviguer dans l'entre-deux. Le procédé le plus saisissant est sans doute celui qui consiste à briser le rythme des séquences entamées avec des plans assez larges et mobiles par l'intrusion de plans fixes rapprochés. Cette frontalité soudaine est très déconcertante, surtout lorsqu'elle concerne Juliette Binoche. Régulièrement, l'actrice semble regarder la caméra et la frontière avec le spectateur s'abolit. Un isolement brutal du personnage est réalisé par ce déchirement, pratiquement une extraction. Personnage ou actrice au travail ? Le film se met, sinon en danger, du moins en équilibre précaire. Parfois, dans les dialogues, des hésitations se font, on bute sur des mots. L'accident du réel est intégré avec le maîtrise habituelle du cinéaste.

    La beauté de Copie conforme tient à ce flottement (sensation amplifiée par cette césure narrative, si radicale que l'on met quelques minutes à s'y faire, à la digérer, à l'accepter) et à ce que l'indécidabilité se diffuse sur un fond de mise en scène de la "transparence". Cette simplicité apparente du geste kiarostamien laisse une nouvelle fois pantois : merveilleux choix de cadrages faisant réellement vivre le décor, admirable photographie des visages (jusque dans les jeux de pénombre), trame sonore précise dans l'emploi des différentes langues comme dans celui des éléments environnants (surtout les cloches d'église, cela bien avant le plan final).

    Que le sujet de la réflexion passe progressivement de l'art au couple et que le cinéma englobe les deux, est une autre raison d'aimer ce film qui, sous ses apparences d'oeuvre mineure, confirme encore, si besoin était, l'importance de Kiarostami. L'homme a ce don unique et précieux de transcender la mélancolie, voire le pessimisme, de ses récits par une forme qui permet d'avancer (aux personnages et aux spectateurs). Même lorsque l'on y parle de la mort ou de la fin d'une histoire, nous ne restons jamais à l'arrêt.

    Vu par un nombre manifestement inhabituel de spectateurs, pour un Kiarostami, et largement recensé ici ou là, Copie conforme a globalement déçu. Dommage.

    Un dernier mot : j'ai été assez ému de retrouver Juliette Binoche.

  • C'était mieux avant... (Juin 1985)

    - Vous dites ? Plus de quinze jours de retard pour ma chronique mensuelle ? Mais non !

    - Messi !

    - Ah ne commencez pas avec le foot ! J'ai déjà perdu assez de temps comme ça.

    - Je suis sûr que vous allez retrouver votre rythme de croisière, avec Toulalan qui vous caractérise.

    - Vous n'êtes pas drôle.

    - Pourtant, Thierry Henry encore...

    - Bon, ça va bien maintenant ! Vous n'allez quand même pas en faire une avec Kaka ?

    - Non, mais j'en connais une excellente à propos de Schweinsteiger.

    - Ecoutez, si vous voulez, vous pouvez repasser un autre jour avec des jeux de mots sur les cinéastes, du genre "Bela Tarr que jamais".

    - Mais la Hongrie n'est pas qualifiée...

    - Arrêtez. De toute façon, les cinéphiles n'aiment pas le foot.

    - Si, il y a Joachim.

    - Oui, d'accord. Mais depuis qu'il écrit aux Cahiers, il n'a plus trop le temps...

    - Il est pris dans l'Eto'o.

    - S'il vous plaît... Il faut vraiment que je lance ma chronique. Je vais encore perdre une place au classement wikio.

    - C'est peut-être dû à l'habillage du blog. Refaites la Deco.

    - Sortez !

    - Pffff..., Cissé comme ça que vous le prenez, la discussion est Klose. Espèce de Buffon !

    *****

    Mai est déjà très loin et il est plus que temps de revenir sur les sorties cinéma du mois de Juin 85 :

    Autant le dire tout de suite, la livraison n'a pas grand chose d'exaltant et la désagréable impression de toucher le fond se fait ressentir lorsque l'on observe ce corpus par le biais des genres cinématographiques.

    phenomena.jpgIl en va ainsi, en premier lieu, de la comédie avec Les anges se fendent la gueule de Jamie Uys (soit 1h35 de caméra cachée), Y a pas le feu de Richard Balducci et Gros dégueulasse de Bruno Zincone (d'après Reiser avec Maurice Risch dans le rôle titre). Derrière un tel tiercé, on en arriverait presque à être tenté par Patrouille de nuit de Jackie Kong (parodie américaine de film policier) ou Drôle de samedi de Bay Okan (suite franco-suisse de saynètes humoristiques ciblant le quotidien, avec Francis Huster, Carole Laure, Jacques Villeret, Michel Blanc, Jean-Luc Bideau...).

    Au rayon SF, Starfighter de Nick Castle n'a pas l'allure d'un classique et, côté fantastique, le Phenomena de Dario Argento est, la plupart du temps, présenté comme une simple resuçée de Suspiria.Le spectateur friand d'action n'est guère mieux servi avec Destructor de Max Kleven (un sous-Rambo tirant vers la parodie), L'enfer en quatrième vitesse d'Antonio Margheriti (une série B italienne sur les courses de bagnoles), Cocaïne (un film de gangs new yorkais étrangement signé par Paul Morrissey), Portés disparus de Joseph Zito (l'un des pires films sur l'après-Vietnam, avec l'intense Chuck Norris) ou La rage de tuer de René Cardona Jr. (un polar bis italo-mexicain). En serait-il réduit, le spectateur, à chercher le salut dans les produits importés de Hong-Kong (Les douze piliers de Shaolin de Chian Lien, Ninja fury de Godfrey Ho, Shaolin contre Léopard de Cheng Hung Man, Les guerriers du temple maudit de William Lan) ?

    Malheureusement, force est de constater qu'il est aussi peu probable que l'extase soit au rendez-vous devant les productions plus "sérieuses", qu'il s'agisse d'Aspern d'Eduardo de Gregorio (film portugais d'après Henry James, avec Bulle Ogier), du Consul honoraire de John Mackenzie (d'après Graham Greene, film que l'on devine tenu essentiellement (uniquement ?) par les acteurs : Michael Caine, Richard Gere, Bob Hoskins), de Desiderio d'Anna-Maria Tato (un premier film italien, avec Fanny Ardant), de French lover de Richard "Jedi" Marquand (une chronique de l'infidélité située à Paris et qui n'a pas peur des clichés, avec Karen Allen et Thierry Lhermitte), de Marjorie de Martin Ritt (biopic académique (pléonasme ?) sur l'écrivain Marjorie Kinnan Rawlings) ou des Poings fermés de Jean-Louis Benoit (les traumatismes de la guerre étudiés sous l'angle du symbolisme).

    chinablue.jpgCertes, il y a bien dans le lot quelques titres plus connus que ces derniers mais aucun ne m'a laissé de souvenir impérissable. Le baiser de la femme-araignée d'Hector Babenco est un assez fameux film à tiroirs sur les maux de l'Amérique latine, bénéficiant de l'interprétation de William Hurt, récompensé à Cannes, et de Raul Julia. Choose me est une ronde moderne et altmanienne d'Alan Rudolph, lequel m'a quelque fois intéressé sans jamais me passionner réellement, y compris à cette occasion (malgré Geneviève Bujold et Keith Carradine). Escalier C de Jean-Charles Tacchella connut un beau succès mais cette vue en coupe d'un immeuble parisien dans lequel se croisaient entre autres Robin Renucci, Jacques Bonnaffé et Jean-Pierre Bacri, débouche-t-elle sur autre chose qu'un "film sympathique" ? A l'opposé de ce registre de demi-teinte, nous pouvons placer Les jours et les nuits de China Blue du provocateur Ken Russell, qui filmait là Kathleen Turner en train de mener sa double vie dans les quartiers chauds. Cette virée nocturne et allumée s'offrait à nous, adolescents, nimbée de scandale. Vingt-cinq ans après, l'odeur de souffre persiste-t-elle ? Je n'en sais absolument rien, faute d'avoir revu le film depuis. Ce que j'ai fait en revanche pour La forêt d'émeraude de John Boorman, entreprise ambitieuse, spectaculaire et poétique, évènement du mois, probablement. Sauf que... La puissance visuelle et narrative libérée par cette aventure amazonienne m'avait soufflé à quinze ans, puis fortement agacé à vingt-cinq. Peut-être aurais-je dû m'y replonger à trente-cinq, histoire de voir si le balancier se remettait à l'équilibre, bien que la carrière de Boorman me paraisse aussi accidentée qu'un manège à sensations, passant du très haut au très bas sans s'arrêter à mi-chemin.

    repoman.jpgFinalement, dans la jungle de ce mois de juin 85, mieux vaut peut-être chercher son bonheur dans les marges. Profiter de la reprise d'un mélodrame indien réputé de 1957 (Assoiffé de Guru Dutt). Se laisser tenter par l'inclassable Repo man d'Alex Cox (avec Harry Dean Stanton et Emilio Estevez), récit passant par le prisme de divers genres, du film noir à la SF, par Des terroristes à la retraite, documentaire signé Mosco sur le groupe Manouchian, sorti alors en salles à la sauvette et diffusé à la télévision après bien des péripéties (les obstacles rencontrés étant dus à une volonté de protéger l'image du Parti Communiste, mis en cause dans l'affaire) ou par Visages de femmes de l'Ivoirien Désiré Ecaré. Voire, pour les plus aventureux, se frotter à l'improbable drame secouant le milieu de l'aérobic conté par Lawrence Dane dans Heavenly Bodies, au film de prison chaud-bouillant américano-ouest-allemand Chaleur rouge de Robert Collector (Linda Blair y est emprisonnée par le KGB et subit les sévices de Sylvia Kristel, le tout étant à l'époque interdit aux moins de 18 ans), à l'érotique Joy et Joan de Jacques Saurel (pour voir Brigitte Lahaie ailleurs que dans du X). Ou bien, en désespoir de cause, se reporter sur Colossale débauche pour une femme frigide de Youri Berko, porno se distinguant de la production courante au moins par son titre.

    starfix27.jpgDans les kiosques, la plupart des revues proposaient alors des dossiers sur le Festival de Cannes. Cinéma 85 (318) et les Cahiers du Cinéma (373) mettaient en valeur Rendez-vous d'André Téchiné, Starfix (27) un quatuor de films composé de Mishima (Paul Schrader), Pale rider (Clint Eastwood), Witness (Peter Weir) et d'un autre non identifié. Cinématographe (111), qui rendait hommage aux acteurs, affichait Miranda Richardson, alors que Premiere (99) célèbrait la rencontre entre Sigourney Weaver et Gérard Depardieu (dans le film de Daniel Vigne, Une femme ou deux). Positif (292) et La Revue du Cinéma (406), choisissaient pour orner leur couverture Mishima (sorti en mai, comme le Téchiné cité précédemment), Jeune Cinéma (167) Au-delà des murs d'Uri Barbash (sorti en avril) et enfin L'Ecran Fantastique (57) Starfighter.

    Voilà pour juin 1985. La suite le mois prochain...

     

    Pour en savoir plus : Starfighter, La forêt d'émeraude & Phenomena vus par Mariaque.

  • La rage du tigre

    (Chang Cheh / Hong-Kong / 1971)

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    Depuis le lancement de ce blog, de fidèles commentateurs, et non des moindres (Julien, l'ami Vincent d'Inisfree, peut-être même notre bon Dr Orlof), ont profité de diverses occasions (la recension d'un Tarantino et de deux Misumi, entre autres...) pour chanter les louanges de Chang Cheh et de sa fameuse Rage du tigre (Xin du bi dao). Mes réponses furent à chaque fois quelque peu évasives. Aussi, afin de clarifier autant que possible ma pensée, j'ai décidé de retranscrire ici les brèves notes que j'ai pu écrire à l'époque de ma découverte du film, en mai 2006. Je vous les livre sans aucune modification et en assumant parfaitement la démarche, à la limite de la mauvaise foi, qui consiste à évoquer succinctement mais avec beaucoup de réserves un film non revu depuis quatre ans et à se placer ainsi dans une position rendant pratiquement impossible tout débat...

    laragedutigre.jpg"Seules deux scènes retiennent l'attention, et encore... la première est un flash : la mort du chevalier, écartelé par quatre cordes et coupé en deux d'un coup de sabre. La deuxième est l'ultime duel sur le pont, déjà jonché de plusieurs dizaines de cadavres, combattants zigouillés par le héros manchot. Le coup final porté grâce à l'usage de trois sabres (pour un seul bras) est assez beau car il explique d'autres scènes de jonglerie avec des oeufs ou des ustensiles de cuisine qui paraissaient ridicules.

    Il faut quand même être bien indulgent pour admirer ce film de série. Notons qu'en 1971, si on ne volait pas encore vraiment pendant les combats, il y avait déjà des bonds de plusieurs mètres assez improbables. Dernier léger intérêt : le dialogue incessant entre films de sabre asiatiques et western italien (hyper-violence, musique, thème de la vengeance)."

    Voilà, c'est dit...

  • Lola

    (Brillante Mendoza / Philippines - France / 2009)

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    lola.jpgUne immersion.

    Voilà ce que propose Brillante Mendoza avec Lola. Il se cale dans les pas lents mais déterminés de "Lola" ("Grand-Mère") Sepa et "Lola" Carpin, alternativement. La première cherche à enterrer dignement son petit-fils, la seconde à libérer de prison le sien, l'un étant le meurtrier de l'autre. La caméra mobile, portée à bout de bras, suit les déplacements des deux vieilles femmes dans Manille et ses environs, dans les rues bondées, dans les gares, dans les arrière-cours, dans les bureaux de l'administration. Ces héroïnes fatiguées sont placées au premier plan mais ce qui se passe autour d'elle est au moins aussi important : la vie d'une cité est captée, les petits accidents du réel, semblant à peine provoqués, sont enregistrés. Ce n'est pas seulement la population qui affirme sa présence mais bien la ville dans toutes ses dimensions : sociale, géographique, architecturale, sonore. Dans ces conditions de tournage dans la rue, on imagine le travail compliqué et on admire une mise en scène vibrante mais toujours lisible, claire et réfléchie.

    L'immersion, c'est également, au sens premier, la plongée dans un liquide. L'eau est omniprésente dans Lola, que Mendoza a volontairement réalisé au moment de la saison des pluies. Tout le quartier de Lola Sepa se trouve inondé jusqu'aux étages des maisons et les déplacements doivent s'y faire en barque, y compris le cortège funéraire (la séquence est, pour nous, étonnante, même si on saisit bien que la situation n'a sans doute pas pour cette population un caractère si exceptionnel). La force de la pluie est décuplée par celle du vent. Leur conjonction éprouve les corps des deux femmes courbées, mal protégées par des parapluies dérisoires.

    Dans ce qui est quasiment la première séquence, se trouve réuni tout ce qui fait le prix du film. Au coin d'une rue, près d'un groupe d'enfants jouant par terre sans se soucier du reste, Lola Sepa, accompagnée de l'un de ses petits fils, lutte contre les éléments en tentant d'allumer une bougie sous les bourrasques. La finalité du geste n'est pas clarifiée tout de suite, l'effort est répété plusieurs fois et le temps s'étire : une aura mystérieuse s'installe, densifiant le réel enregistré.

    A plusieurs reprises, plus régulièrement avec l'approche de la fin du film, entre les séquences évoluant au ras du quotidien viendront s'intercaler de la même façon des moments qui, s'ils ne se détachent pas du cadre ni du récit, libèrent un lyrisme marqué et orchestrent une progression qui repousse tout sentiment de monotonie. Ils ne prennent toutefois leur valeur que par rapport aux autres, à la beauté moins évidente mais à la nécessité aussi incontestable. En effet, le réalisme absolu de la plupart des séquences permet d'éloigner le spectre du symbolisme pesant et de placer des ponctuations qui ne se transforment pas en grossier nœud dramatique (par exemple, la mise en gage du poste de télévision par la grand-mère provoque une colère mais pas un drame). Surtout, est rendu possible l'éclairage de personnages complexes et évolutifs. Pendant une bonne partie du film, les vieilles femmes semblent les seules à chercher à faire tenir cette société, faisant le lien entre les enclaves familiales et administratives, chapeautant des familles auxquelles il manque, à chaque génération, un membre. L'attachement que l'on ressent en est d'autant plus fort, malgré ce que l'on perçoit aussi chez elles : caractère buté ou manigances. Or, au bout de cette vision pessimiste, on réalise tout de même que l'apaisement recherché est aussi obtenu grâce aux générations suivantes, qui semblaient pourtant bien passives. Ce sont de telles trouvailles d'écriture ou de mise en scène (comme le détail des reporters filmant avec désinvolture le résultat  des inondations sur le quartier, reporters qui sont montrés après un travelling qui pourrait tout aussi bien avoir été réalisé avec leur caméra) qui donnent le sentiment que le film de Brillante Mendoza est au final moins simple qu'il n'y paraît.

  • Blue collar

    (Paul Schrader / Etats-Unis / 1978)

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    bluecollar.jpgLe cadre est celui de la ville industrielle de Detroit : ses usines d'automobiles, ses bars, ses rues bordées de pavillons, bref, tous les endroits que fréquentent les ouvriers. Nous suivons trois d'entre eux, trois amis, deux Noirs et un Blanc, qui, épuisés par les cadences, les exigences des petits chefs et les remboursements de crédits, décident de réaliser un casse au siège de leur propre syndicat. Le butin ne sera pas à la hauteur de leurs attentes et leur attirera au contraire de gros ennuis puisque l'un des documents récupérés leur révèlera les graves irrégularités dont l'organisation s'est rendue coupable.

    S'il n'est pas absolument passionnant, Blue collar, premier long métrage dirigé par Paul Schrader, est intéressant. Ce sont d'abord l'approche réaliste, la sobriété du filmage et le ton adopté, celui de la chronique, qui surprennent chez un (futur) cinéaste plutôt réputé pour son maniérisme. Dès le formidable générique de début, calant les percussions du blues de Captain Beefheart sur les bruits assourdissants de la chaîne de montage des véhicules, la capacité de Schrader à filmer le monde ouvrier réellement de l'intérieur est évidente. Toute la première partie, la meilleure, est ainsi une succession de scènes de la vie quotidienne, au rythme des allers-retours entre le bar, l'atelier et la maison familiale. Comme dans toute chronique, les registres se mêlent, allant de la farce désespérée (Zeke qui présente au contrôleur des impôts des enfants qui ne sont pas les siens) au drame humain en passant par les moments de détente entre potes. Par la suite, s'effectue un virage prononcé vers le thriller paranoïaque, avec son cortège de trahisons et de compromissions traduisant avec un peu trop d'ostentation les intentions morales de l'auteur.

    Sans chercher à nier la facilité qu'il peut y avoir à recourir à cette formule, je dirais que Blue collar est avant tout un film de scénariste. Les situations et les personnages sont dessinés avec précision, sans manichéisme mais avec parfois un peu trop de clarté (la discussion autour du passé de taulard de Smokey, la caractérisation familiale très différenciée de chacun des trois protagonistes...). De plus, les quelques pics dramatiques ne sont guère portés par la mise en scène, beaucoup plus discrète que ne le laissait soupçonner l'introduction du film. Du coup, les coutures n'en sont, à certains endroits, que plus apparentes : dans la "préparation" de la décision concernant le casse avec l'accumulation de déboires financiers et l'accentuation de la pression au travail ou dans la présentation d'un personnage secondaire mais que l'on devine vite important et destiné à revenir avant le terme du récit.

    Le film peut donc difficilement être qualifié de brillant mais son cadre et son sujet méritent l'attention, ainsi que sa dimension politique, glissante, ambiguë, pessimiste, Schrader voyant dans la responsabilité individuelle la seule issue possible dans un monde où  toute organisation, y compris celles supposées être au service des plus vulnérables, ne sert au final que ses dirigeants.

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1985)

    Suite du flashback.

     

    cdc367.jpgPOS288.JPG1985 : Dans les Cahiers, qui, toujours sous la direction de Serge Toubiana, affichent un comité de rédaction plus resserré (et officialisant l'arrivée de Marc Chevrie et Hervé Le Roux), la part belle est faite aux acteurs : on trouve dans les pages de la revue des propos d'Erland Josephson, de Jean Poiret, de Françoise Lebrun, de Mireille Perrier et de Myriam Roussel, ainsi qu'un dossier sur "les jeunes acteurs français". On revient également sur Orson Welles et on réfléchit au "nouveau maniérisme". Dune (David Lynch) est étudié par Michel Chion et Body double (Brian De Palma) par Olivier Assayas mais sont mieux mis en avant Love streams, Après la répétition, La maison et le monde, Ran, Police, L'année du dragon, Sans toit ni loi et bien sûr Je vous salue Marie de Godard. Des entretiens avec Marguerite Duras, Claude Lanzmann, Otar Iosseliani et Clint Eastwood sont par ailleurs proposés.
    Ces deux derniers sont également rencontrés par les rédacteurs de Positif (deux fois en ce qui concerne Eastwood, par Michael Henry) et la revue rejoint sa rivale dans la défense des films de John Cassavetes, Francis Ford Coppola, Ingmar Bergman, Akira Kurosawa et Maurice Pialat. Michel Ciment et Hubert Niogret présentent Lars Von Trier à l'occasion de The element of crime et Robert Benayoun rend hommage à Louise Brooks. Un dossier Lubitsch est concocté et un large retour sur la carrière de Joseph Losey est effectué en juillet. Au fil des sommaires, se croisent les noms de Gérard Brach, Emir Kusturica, Jacques Doillon, Michelangelo Antonioni, Paul Schrader, Théo Angelopoulos, Fernando Solanas, George Miller, Xie Jin, Blake Edwards, Shohei Imamura et, dans une interrogation plus conjoncturelle, ceux de Mark Rydell, Ridley Scott, Roland Joffé et David Puttnam. Cependant, en 85, deux œuvres semblent, pour Positif, se détacher clairement : Brazil et de La forêt d'émeraude.

     

    Janvier : Love streams (John Cassavetes, Cahiers du Cinéma n°367) /vs/ Les favoris de la lune

    (Otar Iosseliani, Positif n°287)

    Février : Les favoris de la lune (Otar Iosseliani, C368) /vs/ Le voyage à Cythère (Théo Angelopoulos, P288)

    Mars : Après la répétition (Ingmar Bergman, C369) /vs/ Brazil (Terry Gilliam, P289)

    Avril : Poulet au vinaigre (Claude Chabrol, C370) /vs/ Micki et Maude (Blake Edwards, P290)

    Mai : Numéro spécial "Scénario" (Détective, Jean-Luc Godard, C371-372) /vs/ La route des Indes (David Lean, P291)

    Juin : Rendez-vous (André Téchiné, C373) /vs/ Mishima (Paul Schrader, P292)

    Eté : Les enfants (Marguerite Duras, C374) /vs/ La forêt d'émeraude (John Boorman, P293-294)

    Septembre : Police (Maurice Pialat, C375) /vs/ Ginger et Fred (Federico Fellini, P295)

    Octobre : Hurlevent (Jacques Rivette, C376) /vs/ Ran (Akira Kurosawa, P296)

    Novembre : L'année du dragon (Michael Cimino, C377) /vs/ Une histoire immortelle (Orson Welles, P297)

    Décembre : Sans toit ni loi (Agnès Varda, C378) /vs/ L'honneur des Prizzi (John Huston, P298)

     

    cdc373.jpgPOS289.JPGQuitte à choisir : A mon grand regret, je ne peux juger ni du Bergman, ni du Angelopoulos., ni du Iosseliani, ni du Rivette, ni du Schrader, ni du Edwards. Plusieurs titres me sont agréables  sans m'enthousiasmer particulièrement (le Chabrol, le Pialat, le Fellini, le Kurosawa, le Varda, le Huston) voire me déplaisent (le Godard, le Boorman) et tout se joue donc pour moi entre le Cassavetes, le Téchiné et le Cimino d'un côté et le Gilliam et le Welles de l'autre. Allez, pour 1985 : Avantage Cahiers.

    Mise à jour novembre 2010 : La route des Indes, ici.

    Mise à jour décembre 2010 : Voyage à Cythère, ici.

    ...et Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • En chantant derrière les paravents

    (Ermanno Olmi / Italie - France - Royaume-Uni / 2003)

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    paravents15.jpgEn chantant derrière les paravents (Cantando dietro i paraventi en italien) : le titre poétique et mélodieux de ce film, ainsi que la signature qui y est apposée, celle d'Ermanno Olmi, préviennent le spectateur. S'il sera question d'aventures maritimes, la mise en scène ne ressemblera guère à celles ayant donné naissance aux épopées flibustières du cinéma à grand spectacle, qu'il provienne d'Hollywood ou de Cinecitta, qu'il mobilise les foules de figurants du début du siècle dernier ou qu'il court aujourd'hui vers le tout numérique. Olmi nous conte bel et bien une histoire de pirates mais il ne cesse d'en questionner le mode de représentation, proposant un jeu théâtral, un dialogue entre la scène et l'écran, le réel et son imitation, le comédien et le personnage, le conteur et le spectateur.

    L'entrée dans le film se fait comme dans un capharnaüm. Tout s'offre à notre regard en même temps, par bribes : le spectacle et sa machinerie, les allées et venues du public et des hôtes, la représentation théâtrale d'un récit et son illustration purement cinématographique, les artistes se donnant en spectacle sur les planches jouant aussi les rôles de la fiction mise en images. Le montage vif, éclatant ainsi les points de vue, semble éclairer les rouages qui mettent en route tout type de récit et s'il commence par déstabiliser, c'est pour mieux souligner que tout conteur doit savoir piquer la curiosité dès son entrée en jeu afin de tenir son auditoire sous sa coupe. Ce désordre apparent montre aussi que la moindre amorce de récit peut capter l'attention.

    Parmi les figures présentées dans cette introduction, celle d'un jeune homme à l'allure ecclésiastique se détache jusqu'à paraître se faire le relais du spectateur (il s'avèrera que le film propose en fait toute une série de relais de ce type, de nombreux personnages se retrouvant en train d'écouter parler quelqu'un ou de regarder un autre agir). Petit occidental perdu en Chine, il croit se rendre à l'Institut de Cosmologie lorsqu'il franchit le seuil de ce cabaret faisant également office de bordel. Forcément troublé par le spectacle offert par une magnifique danseuse-pirate exécutant avec grâce, et dans le plus simple appareil, ses adversaires, ainsi que par l'accueil qui lui est réservé par les hôtesses du lieu, il ne tarde pas à abandonner toute idée de résistance et de fuite (ce parfum d'érotisme contaminera tout le film, jusqu'en des moments délicieusement inattendus). Cet abandon coïncide avec la mise en œuvre véritable du récit principal, à tel point qu'il semble en être l'origine. La représentation et la vie se confondent.

    Devient alors prédominante à l'écran, juste interrompue ça et là de quelques retours dans le cabaret, l'illustration des aventures de la veuve Ching, pirate sillonnant les mers près des côtes chinoises et défiant la marine de l'Empereur. Depuis ses débuts remontant à la fin des années cinquante, Ermanno Olmi a toujours travaillé l'idée de réalisme en la reliant à un savoir légendaire, à des racines mythologiques, au goût qu'ont les hommes pour les contes (le point d'équilibre ayant été trouvé notamment dans les deux magnifiques films que sont L'arbre aux sabots (1978) et À la poursuite de l'étoile (1983)). Ici, il use avec parcimonie des effets spéciaux (à peine semblent-ils se limiter à quelques plans de flotte navale et ils sont de plus au service d'une vision que nombre de cinéastes devrait s'approprier au lieu de s'épuiser à créer numériquement du grand spectacle, celle d'une "menace fantôme") et aux débordements technologiques, il préfère la recréation par l'artisanat, par la réalité d'un lieu redécouvert, d'un bateau reconstruit, d'un canon dépoussiéré. La sobriété dans l'agencement des éléments apparaissant dans le cadre et la recherche constante d'un certain poids de réel éloigne toute tentation simplement décorative. Ce réalisme est donc au service d'une fable. La façon dont a été présenté cet enchevêtrement de récits et d'illustrations permet d'accepter tous les artifices qui les soutiennent : les personnages chinois sont joués par des Asiatiques de tous horizons et doublés en italien, la mise en scène fait croire que nous voguons près de la Chine alors que le tournage s'est déroulé au Monténégro...

    Certes, En chantant derrière les paravents n'est pas une œuvre parfaite. Voilà un film bien plus entraîné par un dynamisme intellectuel que physique (les rares séquences de bataille sont comme filmées "en creux") et qui apparaît par moment un peu trop langoureux. Il reste toutefois hautement stimulant par son jeu narratif célébrant la puissance de la fiction et par la diversité de ses thèmes, tous abordés avec subtilité, comme celui de l'identité féminine dans un monde d'hommes ou comme le questionnement politique autour de la légalité et la notion de révolte juste. Le plus important de tous est celui du pardon. Le renoncement aux armes et au combat devient l'enjeu de la dernière partie. Non seulement ce thème s'impose peu à peu à la suite de la disposition au fil du récit de nombreux éléments scénaristiques importants préparant son déploiement (le changement des règles à bord du navire, l'évolution des rapports entre les pirates et leur "butin humain"...), mais son importance est rendue sensible par la mise en scène elle-même. A la montée en intensité du récit, à la raréfaction des décrochages fictionnels dus aux retours au cabaret, à la promesse d'une bataille, répond finalement une suspension du temps, une longue attente, un intrigant face à face immobile, nous accompagnant pendant la très belle dernière demie-heure du film. Au final, le conteur peut alors revenir sur scène et nous saluer en se félicitant que depuis les temps agités dans lesquels il vient de nous plonger, les mers et les terres du globe connaissent la paix. Il n'en est rien bien sûr, mais le temps d'un récit, nous pouvons croire à tout.

     

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  • The dark knight

    (Christopher Nolan / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 2008)

    ■□□□

    darkknight.jpg"Why so serious ?"

    En effet, pourquoi si sérieux ? Car The dark knight, film de la décennie pour les utilisateurs de l'imdb et pointant au vingtième rang du classement des blogueurs cinéma, est à mon sens bien trop sentencieux, bien trop boursouflé, bien trop long, bien trop froid, bien trop concerné...

    Le choc initial provoqué par cette vision d'une Gotham City présentant tous les aspects du New York contemporain n'est pas trompeur : Batman est devenu le héros d'un blockbuster tout à fait actuel et se montrant à chaque instant soucieux de l'état du monde à l'aube de ce nouveau millénaire. Il nous est donc rigoureusement impossible d'échapper aux réminiscences du 11 septembre 2001, aux réponses que peuvent donner les démocraties face à la menace terroriste,  à la réflexion sur la tentation du totalitarisme sous couvert de politique sécuritaire, à l'évocation d'un banditisme sans frontières (gangsters noirs, mafiosi, hommes d'affaires chinois, hommes de main d'Europe de l'Est : tous appartiennent à la même nébuleuse). De plus, à l'image de la quasi-totalité des affrontements organisés entre les personnages principaux, chaque séquence importante cache en fait un enjeu moral incommensurable et débouche sur un lourd dilemme. Nous en arrivons alors à trouver particulièrement bête une scène comme celle, bien-pensante, des deux ferries bourrés d'explosifs (les passagers, "simples citoyens" d'un côté et dangereux détenus de l'autre, sont poussés par le Joker à faire exploser le navire d'en face pour sauver le leur).

    Ambitieux, The dark knight n'a finalement pas grand chose à voir avec un film de super-héros. Il se rapproche bien plus, selon les moments, du thriller, de l'espionnage (une escapade à Hong-Kong inutile), voire, dans la construction du personnage du Joker, du film de serial killer (les séquences de commissariat). Se voulant éminemment politique, il commence par nager dans les eaux troubles de la criminalité économique et s'y noie régulièrement (je n'ai pas saisi la teneur de plusieurs séquences dans cette première partie) avant de recentrer avec plus de bénéfices son récit sur les trois ou quatre figures principales.

    La noirceur du film et la dualité de Batman ont été applaudi sans mesure. Remarquons qu'il ne s'agit ici que d'un phénomène d'amplification, Nolan ne faisant que pousser le curseur un peu plus loin. Mettre à jour l'ambiguïté et les douleurs nichées dans le coeur du super-héros a tout du programme minimum depuis le travail de Tim Burton (sinon celui de Richard Lester qui pouvait par exemple faire provoquer par son Superman des accidents involontaires et lui faire rater ses sauvetages). La violence, quant à elle, monte également d'un cran, essentiellement véhiculée par la tonalité des séquences de combats ou de tortures, bien que Nolan reste tout de même dans des limites très strictes, de peur de s'aliéner une partie du public de la série, en suspendant les gestes au dernier moment ou en les reléguant dans le hors-champ. Surtout, l'ensemble ne propose guère de singularité stylistique : le cinéaste du plaisant mais limité Memento nous ressert à plusieurs reprises un travelling circulaire pour filmer des conversations et lorsqu'il a la possibilité de créer du décalage, il revient aussitôt dans les rails (quand le Joker est tenu dans le vide par Batman, la tête en bas, la caméra pivote sur elle-même pour le cadrer "à l'endroit").

    Tout n'est heureusement pas dépourvu d'intérêt dans The dark knight : la notion d'enfantements successifs de monstres est assez saisissante, la séquence introductive du hold-up est impressionnante par sa nervosité et celle, centrale, de la poursuite en véhicules blindées est un morceau de bravoure bluffant. Mais derrière l'actualisation à marche forcée du mythe, souffrant ici de l'absence d'une émotion autre que victimaire et d'un déficit de poésie noire, je regrette fortement que transparaisse la défaite de l'imaginaire.

  • Cannes, revu et corrigé (6/6)

    (partie 1 - partie 2 - partie 3 - partie 4 - partie 5)

    *****

    2000

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    In the mood for love de Wong Kar-wai

    Au palmarès aussi : Esther Kahn (Arnaud Desplechin), Tabou (Nagisa Oshima), Code inconnu (Michael Haneke), Eurêka (Shinji Aoyama), Kippour (Amos Gitai), Chansons du deuxième étage (Roy Andersson)

    Fiabilité : 65  % [23 films en compétition, Palme d'or : Dancer in the dark (Lars Von Trier)]

    *****

    2001

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    Mulholland Drive de David Lynch

    Au palmarès aussi : The barber (Ethan et Joel Coen), La chambre du fils (Nanni Moretti), Roberto Succo (Cédric Kahn), Je rentre à la maison (Manoel de Oliveira), No man's land (Danis Tanovic), Kandahar (Mohsen Makhmalbaf)

    Fiabilité : 69  % [23 films en compétition, Palme d'or : La chambre du fils (Nanni Moretti)]

    *****

    2002

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    L'homme sans passé d'Aki Kaurismäki

    ou bien Le sourire de ma mère (Marco Bellocchio)

    Au palmarès aussi : Plaisirs inconnus (Jia Zhangke), All or nothing (Mike Leigh), Ten (Abbas Kiarostami), Le pianiste (Roman Polanski), Punch-drunk love (Paul Thomas Anderson), Intervention divine (Elia Suleiman)

    Fiabilité : 86  % [22 films en compétition, Palme d'or : Le pianiste (Roman Polanski)]

    *****

    2003

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    Elephant de Gus Van Sant

    Au palmarès aussi : Dogville (Lars Von Trier), Les invasions barbares (Denys Arcand), Mystic river (Clint Eastwood), Uzak (Nuri Bilge Ceylan)

    Fiabilité : 50  % [20 films en compétition, Palme d'or : Elephant (Gus Van Sant)]

    *****

    2004

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    Old boy de Park Chan-wook

    Au palmarès aussi : La femme est l'avenir de l'homme (Hong Sang-soo), 2046 (Wong Kar-wai), Carnets de voyage (Walter Salles), La vie est un miracle (Emir Kusturica)

    Fiabilité : 47  % [19 films en compétition, Palme d'or : Fahrenheit 9/11 (Michael Moore)]

    *****

    2005

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    Caché de Michael Haneke

    Au palmarès aussi : Three times (Hou Hsiao-hsien), Election (Johnnie To), Bataille dans le ciel (Carlos Reygadas), Last days (Gus Van Sant), A history of violence (David Cronenberg), Trois enterrements (Tommy Lee Jones)

    Fiabilité : 62  % [21 films en compétition, Palme d'or : L'enfant (Jean-Pierre et Luc Dardenne)]

    *****

    2006

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    Volver de Pedro Almodovar

    ou bien Les lumières du faubourg (Aki Kaurismäki)

    Au palmarès aussi : Le vent se lève (Ken Loach), Flandres (Bruno Dumont), Le labyrinthe de Pan (Guillermo Del Toro), La raison du plus faible (Lucas Belvaux)

    Fiabilité : 60  % [20 films en compétition, Palme d'or : Le vent se lève (Ken Loach)]

    *****

    2007

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    Paranoid Park de Gus Van Sant

    Au palmarès aussi : Import Export (Ulrich Seidl), 4 mois, 3 semaines et 2 jours (Cristian Mungiu), No country for old men (Ethan et Joel Coen), Zodiac (David Fincher), Boulevard de la mort (Quentin Tarantino), Une vieille maîtresse (Catherine Breillat)

    Fiabilité : 64  % [22 films en compétition, Palme d'or : 4 mois, 3 semaines et 2 jours (Cristian Mungiu)]

    *****

    2008

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    Valse avec Bachir d'Ari Folman

    Au palmarès aussi : Entre les murs (Laurent Cantet), Gomorra (Matteo Garrone), Un conte de Noël (Arnaud Desplechin)

    Fiabilité : 50  % [22 films en compétition, Palme d'or : Entre les murs (Laurent Cantet)]

    *****

    2009

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    Bright star de Jane Campion

    ou bien Les herbes folles (Alain Resnais)

    Au palmarès aussi : Thirst, ceci est mon sang (Park Chan-wook), Le temps qu'il reste (Elia Suleiman), Un prophète (Jacques Audiard)

    Fiabilité : 55  % [20 films en compétition, Palme d'or : Le ruban blanc (Michael Haneke)]