(Hirokazu Kore-eda / Japon / 1995 & 1998)
■■■□ / ■■■□
Partant d'une histoire digne du mélo le plus lacrymogène, Maborosi (Maboroshi no hikari) est un film conduit sur une note basse, d'une manière très sûre et très sensible, particulièrement remarquable pour un premier long métrage (de fiction, s'entend, puisque Hirokazu Kore-eda, le futur auteur de Nobody knows et Still walking, avait à l'époque une expérience de documentariste, information qui n'étonne guère et qui explique en partie l'acuité du regard s'exerçant ici).
Passé un prologue intrigant - visualisation d'une réminiscence du passé de l'héroïne dont la nécessité s'imposera a posteriori tant du point de vue esthétique que psychologique -, éclate l'évidence d'une mise en scène singulière, bien que trouvant un point d'appui revendiqué en celle de Yasujiro Ozu. La durée et la fixité des plans confèrent la même dignité aux personnages de Kore-eda qu'à ceux du maître. Les nombreuses incisions que provoquent des plans d'extérieurs citadins dépeuplés donnent au récit un tempo et un ton très particuliers. Mais une telle reprise serait de bien peu d'intérêt si elle ne s'accompagnait d'une modulation. Les fameux inserts d'Ozu prennent souvent l'allure d'une pause entre deux scènes chargées de paroles et de présence humaine alors qu'ici ils se différencient moins franchement de ce qui les entoure, les dialogues n'abondant pas et les figurants se faisant rares, disparaissant même, autour du couple auquel s'attache la caméra. Enfin, là où le réalisme d'Ozu soutient un discours sur la société japonaise de son temps, celui de Kore-eda entraîne ailleurs.
La mise en scène de Maborosi produit un effet étrange, comme si l'attention très soutenue au réel finissait par tirer vers l'irréel. Le montage dicte une progression non dramatique, qui ne naît pas de l'enchaînement des événements mais qui accumule les ellipses. Il y a bien un drame, à l'origine, et quel drame !, la mort, par un suicide inexplicable, de l'être aimé. Mais la vie continue avec l'acceptation d'un nouveau partenaire et les changements que cette situation provoque, au potentiel dramatique si fort, sont absorbés par la sérénité apparente de l'ambiance : la relation entre l'homme et la femme semble immédiatement harmonieuse, leurs enfants respectifs s'entendent à merveille... Cette absence d'accrocs peut surprendre. Elle est pourtant d'une certaine vérité.
Un léger mouvement de bascule finit tout de même par s'opérer, en deux temps. Une onde de choc issue du drame initial, peut-être refoulé jusque là par l'héroïne, se répercute à l'occasion d'un retour sur les lieux de cette vie antérieure puis au moment de la disparition temporaire d'une voisine du village, partie pêcher en mer avant la tempête. La douleur refait alors surface. Kore-eda s'en tient cependant toujours à l'observation digne.
L'attente de nouvelles de la pêcheuse de crabes s'étire sur plusieurs séquences. Il est toutefois étonnant que, durant ce temps, à aucun moment, la caméra de Kore-eda ne se tourne vers la mer. C'est que les plans de Maborosi, même peuplés de un, deux ou trois personnages, sont déjà creusés par l'absence. Et cela est perceptible dès le début du film : lors du prologue, la grand-mère du personnage principal, alors jeune fille, quitte cette dernière au milieu d'un pont, l'angle choisi soustrayant l'aïeule à notre regard quand elle s'éloigne. La mort est ainsi suggérée, la disparition des uns et le désarroi des autres sont purement affaires de mise en scène.
Hirokazu Kore-eda tient un équilibre difficile en nous imposant une certaine mise à distance du regard tout en préservant une proximité sensible. Plusieurs plans le concrétisent, très larges, englobant tout le paysage et laissant pourtant entendre parfaitement les voix de ceux que l'on distingue à peine. Voilà qui signe aussi, peut-être, l'accès à une autre dimension, pressentiment qui existait déjà à la vue de quelques admirables compositions plastiques (s'appuyant sur les lignes d'horizon, sur l'architecture "naturelle"), devant l'absence presque irréelle déjà évoquée de l'homme dans certains plans ou encore à entendre cette brève évocation d'une "lumière fantôme" (donnant son titre au film) attirant parfois les êtres qui se perdent alors et laissent derrière eux les vivants, à l'âme entamée, sans réparation possible.
Il est étrange de constater à quel point After life (Wandâfuru raifu) peut être considéré comme l'envers exact de Maborosi, les deux semblant séparés par un miroir sans teint. Le point de vue a changé, nous sommes passés de celui des vivants à celui des morts. Le titre ne ment pas : tout se déroule ici après la vie, dans des limbes à l'organisation bureaucratique. Inversant les données par rapport au premier film, l'argument est ici fantastique mais il subit un traitement parfaitement réaliste. La caméra est le plus souvent portée pour suivre les déplacements des personnages, les échanges entre les nouveaux arrivants et ceux qui les accueillent sont soumis à la frontalité du recueil de témoignages dans les reportages, la lumière naturelle éclaire sans apprêt des décors fonctionnels et rudimentaires.
Avançant au rythme des jours d'une semaine, le récit génère plusieurs blocs. Le premier est essentiellement composé d'une suite d'entretiens destinés à l'élection d'un souvenir précis chez chacun des vingt-deux morts défilant devant les "fonctionnaires" du lieu. Le procédé entraîne forcément un sentiment de répétition et, comme la situation est d'une grande singularité et que la parole devient l'élément moteur, le spectateur peut se sentir plus "dirigé" dans sa réflexion et ses émotions. L'intérêt ne faiblit pas, cependant, notamment grâce à l'humour discret se faufilant dans les dialogues ("Vous êtes morte hier. Toutes mes condoléances."), au contrepoint apporté par la vie quotidienne des agents, à la surprise provoquée par certains récits, dont les plus émouvants ne portent pas forcément sur les sujets les plus attendus (ainsi du choix d'un souvenir lié à un vol en avion).
Déjà attachant, le film prend une réelle ampleur en relatant la mise en images des souvenirs des défunts. Ces derniers sont en effet conduits dans un bâtiment transformé en studio, où s'affairent plusieurs techniciens tentant de recréer au plus près l'ambiance qui leur a été demandée. A travers la réalisation de ces petites séquences, Kore-eda célèbre l'artisanat cinématographique. Il insuffle une nouvelle dimension, sans jamais insister, liée à la capacité qu'aurait le cinéma de faire revivre un instant précis. L'émotion de ces hommes et de ces femmes, troublés par cette possibilité offerte, devient la nôtre. Le cinéaste termine son récit à l'aide d'un rouage astucieux du scénario qui laisse les personnages reprendre la main, histoire que l'émotion produite ne soit pas uniquement "réflexive".
L'œuvre, particulièrement originale, presque ludique, traite avec tact de questions essentielles. Quels souvenirs garde-t-on d'une vie ? Habite-t-on le souvenir d'un(e) autre ? After life complète Maborosi pour donner naissance à un univers artistique délicat et cohérent, hanté par la mort, l'absence, le deuil et l'idée de la trace laissée par la présence humaine.

Me voilà rassuré.
La première heure de L'exorciste relate très peu d'événements et place tout juste, de ci de là, quelques signes rendus volontairement énigmatiques par le défaut d'explication données, par l'éclatement spatio-temporel du récit et par la suspension de la plupart des séquences au sein desquelles ils apparaissent (nous retrouverons plus loin ce procédé). Il ne s'y passe donc pas grand chose mais ce prologue décrivant des fouilles archéologiques en Irak, ce suivi des faits et gestes d'un ecclésiastique en pleine crise de foi et ces scènes de famille à la teneur quasi-documentaire intriguent fortement par le parallélisme imposé par le montage. Friedkin joue du flottement et de l'attente du spectateur, multipliant en ces endroits les ellipses étonnantes (la mort de la mère du Père Karras, par exemple), reportant au plus tard possible le croisement des différentes trajectoires qu'il décrit. Ces trouées et ces prolongations nous laissent dans l'expectative, nous laissent aussi, parfois, dubitatifs (a-t-on là des défauts de construction ou pas ?). Mais le maillage tient pourtant, et l'étrange réalisme de Friedkin (ainsi que la qualité d'ensemble de l'interprétation) fait que l'on s'attache à ces personnages. Par conséquent - mais n'est-ce pas un mécanisme de protection de notre part, redoutant le pire, pourtant connu ? -, plus que la possession elle-même, ce sont les rapports de chacun (scientifique, prêtre, mère de famille) avec la notion d'exorcisme qui passionnent.
... et les bonnes intentions suffisent rarement à faire les meilleurs.
Le Corniaud n'est pas désagréable dans sa première heure y compris sous son aspect touristique (la séquence documentaire de la cadillac avançant au pas au milieu de la foule des ruelles napolitaines, les vues de Rome...), du moins jusqu'à ce qu'il se rapproche des personnages italiens, aussitôt traînés dans les pires clichés. Reconnaissons aussi que quelques gags portent.
Comme on me le fit remarquer à son terme, La chevauchée fantastique ne propose finalement "pas beaucoup d'aventures", seule l'anthologique attaque de la diligence par les Indiens pouvant être décrite comme telle. Le classique de Ford dispose une série de figures comme autant d'archétypes : la façon dont chaque voyageur est présenté au début de l'histoire, en le caractérisant avec beaucoup de vigueur et de netteté, est en cela très significative, sans même parler du cadre (la petite ville puis le désert), de la simplicité de l'argument, des différents évènements parsemant le périple.
Toy story 3 est une source de plaisir continu. Il s'agit d'abord d'un film d'évasion mené à un rythme époustouflant (tout en gardant une lisibilité totale de l'action et l'espace nécessaire à l'approfondissement des personnages). Ensuite, il propose quelques images stupéfiantes, notamment lors de la longue séquence de la décharge avec ses sublimes visions de l'Enfer. La projection en 3D ne donne pas exactement le vertige mais la technique se révèle tout à fait appropriée pour ce film jouant sur l'animation de jouets et donc sur les changements d'échelle. Cette différence de perception autorise à trouver de la beauté et de l'étrangeté à un décor à priori banal ou criard comme le sont les salles de la garderie Sunnyside. Une machine vulgaire, telle un distributeur de friandises, peut de la même façon devenir un fantastique refuge à explorer.
En août 2005, l'année de ses 60 ans, Neil Young remonte sur scène à Nashville après plusieurs mois d'absence, suite à une rupture d'anévrisme et un opération au cerveau. Il y joue les morceaux de Prairie wind, l'album qu'il vient de publier, ainsi qu'une poignée de ses classiques. Le concert est filmé par l'un des cinéastes sachant le mieux mettre en valeur la musique devant une caméra : Jonathan Demme.
- ARGUMENT, nom. Résumé, trame narrative d'une œuvre lttéraire, théâtrale, cinématographique, chorégraphique ou lyrique.











