(Terence Fisher / Grande-Bretagne / 1966)
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Après Romero, un autre petit maître de l'horreur : Terence Fisher. Pour Dracula, prince des ténèbres (Dracula, prince of darkness), ce cinéaste brodait pour la troisième fois sur le mythe du comte-vampire, en moins de dix ans, toujours au sein de la fameuse firme Hammer. Ce volet est le moins réputé de la série, qui, elle-même, semble moins fertile que celle réalisée à la même époque et par les mêmes équipes autour de l'autre grande figure du genre : Frankenstein.
Si Fisher soigne son décor et ses éclairages, il peine vraiment à nous intéresser jusqu'à l'arrivée des deux couples de visiteurs au château. Il faut attendre une bonne demi-heure pour voir apparaître Christopher Lee dans son costume favori, mais la scène de la résurrection du vampire est sans conteste la plus marquante et la plus étonnante du film (nous suivons les gestes meurtriers et précis du valet, déployant tout son savoir faire pour redonner vie à son Maître). S'emparant tout autant des corps que des esprits, conformément à l'approche habituelle du personnage, ce Dracula n'a pourtant de civilisé que l'apparence. Aucune phrase ne sortira de sa bouche et cet animal insatiable aura vite fait de semer la panique au sein du petit groupe de touristes guindés débarqués dans son antre. Parmi le chapelet de figures imposées, ce choc entre une force brute et incompréhensible et des victimes superficielles nous fait voyager jusqu'aux survivals de notre époque où d'imbéciles étudiantes tombent sous les crocs de boucher de quelques dégénérés campagnards. La dimension érotique est bien sûr présente dans deux ou trois jolies scènes de terreur-soumission et grâce au décolletté affolant de Barbara Shelley, que l'on regrette de voir finir avec un pieu dans le coeur. Pour relancer son récit, Terence Fisher a la mauvaise idée de laisser son couple de héros s'échapper du château pour trouver refuge dans une abbaye, pretexte à de nouveaux bavardages avant un affrontement final original mais bien empesé. On s'étonne également de l'atmosphère générale du film, qui semble se dérouler constamment un plein jour.
Tout cela n'en fait donc pas l'entrée idéale pour qui veut découvrir le petit monde horrifique de la Hammer. Quant à Fisher, après avor vu les intéressants Gorgone et Frankenstein s'est échappé, la très moyenne Nuit du loup-garou et ce Dracula un brin faiblard, je me dirigerai vers d'autres de ses oeuvres pour espérer trouver les véritables pépites fantastiques tant louées par les connaisseurs.
A lire aussi chez le Dr Orlof.
Conçu comme le troisième volet d'une trilogie entamée en 1968 avec La nuit des morts-vivants (Night of the living dead) et poursuivie en 1978 avec Zombie, le crépuscule des morts-vivants (Dawn of the dead), avant que Romero ne propose tardivement un quatrième opus (Land of the dead, 2005), Le jour des morts-vivants (Day of the dead) reprend la simplicité du principe narratif établi dès le premier film : un groupe hétéroclite d'une dizaine de personnes se réfugie dans un lieu clos, assiégé par une horde de monstres affamés de chair fraîche. C'est donc en creusant toujours ce même sillon que Romero construit son oeuvre, apportant cependant plusieurs variations. Le nombre de zombies augmente irrémédiablement à chaque fois, tandis que leur apparence et leur différences sont de plus en plus travaillées (parfois avec humour quand on peut distinguer parmi eux une mariée ou une danseuse en tutu). De même, l'aspect visuel des trois premiers épisodes passe d'un noir et blanc oppressant et fauché (Night...), aux lumières vives éclairant un centre commercial (Dawn...), puis aux couleurs froides d'une base militaire souterraine (Day...). Le titre de ce dernier est trompeur puisque, à part une introduction saisissante en plein jour et l'épilogue, nous ne sortirons pas de ce refuge sous terre, vite transformé en piège.
Aprés la vision de ce film, en revenant sur mes lointains souvenirs de la version que Bunuel proposa ensuite et dans mon ignorance totale du roman d'Octave Mirbeau, je déclarais tranquillement à ma femme : "Bunuel a dû pas mal broder par rapport au livre avec son histoire de meurtre de petite fille. Renoir doit être plus fidèle." Bravo Ed ! Mes recherches d'infos le lendemain m'ont prouvé que j'avais tout faux. Renoir a complètement bouleversé le récit et c'est Bunuel qui s'est montré le plus proche de la vision de Mirbeau. Donc, Moralité n°1 : Je devrai lire plus. Et Moralité n°2 : Même avec les cinéastes que l'on admire le plus, il faut toujours se méfier de ses à-prioris.
Hellboy donc. Oui, oui, le monstre tout rouge qui bataillait sur M6 lundi dernier. Non je ne me suis pas mis au comics. Mes connaissances dans ce domaine se limitent toujours aux deux
Plus que vers le monde des super-héros, mon goût me porte vers le fantastique lié à l'imaginaire et au rêve. Et de ce point de vue, Le labyrinthe de Pan (El laberinto del fauno) est, parmi les films récents, celui qui confronte le plus fortement la réalité et le merveilleux. Del Toro place une fois encore ses personnages dans un monde en guerre. Une grande bâtisse perdue dans la fôret est réquisitionnée par un bataillon franquiste. L'inquiétant capitaine Vidal y mène la chasse aux républicains avec un plaisir sadique de tortionnaire (Sergi Lopez, cabotin, très bon). La petite Ofelia (Ivana Baquero, remarquable) débarque dans cet endroit sur les pas de sa mère, veuve qui a choisi de vivre désormais avec Vidal. Passionnée de contes de fées, l'adolescente a tôt fait de rencontrer plusieurs créatures dans les bois environnants et de se laisser convaincre qu'elle retrouvera son père disparu après une série d'épreuves magiques.
Control est un bon film, peut être excellent même (il a frôlé la Caméra d'or cette année à Cannes), mais il m'est bien difficile de le juger. Il est bien difficile de dépasser le petit jeu des ressemblances physiques. Il est bien difficile d'oublier toute la part de représentation de scènes connues ou déjà imaginées. L'iconographie autour de la figure de Ian Curtis, d'autant plus forte qu'elle est rare, la beauté de cette musique qui nous fait revenir tous les 3 mois à Unknown pleasures et Closer, depuis la fin des années 80 (j'avais 9 ans en 1980, je suis donc forcément arrivé à Joy Division en passant par New Order), tout cela faisait de la tentative de Anton Corbijn un sacré défi.
Le hasard m'avait fait découvrir quelques semaines auparavant 24 hour party people de Winterbottom, oeuvre qui reprend une bonne partie des événements liés au destin de Joy Division, puisqu'elle s'attache à suivre l'aventure de Factory Records et de son créateur Tony Wilson. Englobant une période plus vaste et beaucoup plus de personnages, Winterbottom fait lui le choix du pseudo-reportage distancié. Il reprendra ce même dispositif et le même guide (l'attachant Steve Coogan) dans son Tournage dans un jardin anglais(pour une tentative qui sera, elle par contre, complètement ratée). Des vignettes font ainsi se succéder tous les protagonistes de l'époque. Leur brièveté laisse souvent la désagréable impression de voir de jeunes gens singer les attitudes de musiciens connus. Avec étonnement, je me suis rendu compte plus tard que Sam Riley était déjà de la partie mais cette fois en Mark E. Smith de The Fall. L'aspect pénible du docu-fiction est heureusement atténué par le dynamisme et l'humour de la mise en scène.
Lame de fond (Undercurrent) est l'un des premiers films de Vincente Minnelli. Coincée entre Yolanda et le voleur et Le pirate, deux formidables comédies musicales, l'oeuvre est assez curieuse. Katharine Hepburn y incarne Ann Hamilton, jeune mariée qui ne tarde pas à s'inquiéter de l'état mental de son si charmant mari (Robert Taylor), et qui rencontre le frère plus ou moins caché de celui-ci (joué par Robert Mitchum). Toute la première partie est une chronique mondaine moyenne, où Hepburn apparaît quelque peu en porte-à-faux. Elle partage pourtant une scène fascinante et trouble avec Jane Meadows, qui, dans les toilettes des femmes, lui jette des allusions déconcertantes sur son mari. Mais ce n'est pas un film noir qui démarre alors, plutôt un drame psychologique et conjugal, dans la lignée de Rebecca ou Gaslight. Malheureusement, Minnelli, ici, ne se hisse pas au niveau de ces modèles du genre. L'aspect psychanalytique rend le film bavard et trop explicatif, malgré le soutien d'une mise en scène efficace (parfois trop efficace : on s'aperçoit vite de l'omniprésence dans le cadre des portes et des escaliers ou de ces feuillages soulevés par le vent). Mitchum est mal employé dans ce rôle de frère sensible et secret. Il est aussi au centre d'une scène très faible où il explique lourdement pourquoi et comment il a disparu tout ce temps. De l'autre côté, Robert Taylor ne soulève guère l'enthousiasme et meurt de façon ridicule sous les sabots du cheval de son frère. Déjà maître de son style dans les musicals, Minnelli n'était peut être pas encore prêt pour un grand film dramatique (sous réserve de voir un jour L'horloge, qu'il réalisa en 45). Plus tard, la réussite de Madame Bovary (1949) lui ouvrira cette deuxième voie qui mènera entre autres aux Ensorcelés.

Embarrassant. En sortant de la projection je me suis dit que je traiterais le film de façon ironique en tirant en particulier sur Bruel. Puis, j'ai eu envie de l'expédier en deux-trois phrases. Mais bon, je vais tout de même me forcer à expliquer un minimum pourquoi j'ai vécu l'heure et demie la plus pénible depuis le début de cette année cinématographique.
Cutter's way (titre original, plus utilisé que La blessure) est un étrange film noir, signé par un cinéaste d'origine tchèque, ayant suivi une trajectoire parallèle à celle de Milos Forman, le succès public en moins (des débuts remarqués dans son pays à une série d'oeuvres en exil aux Etats-Unis). Les premières scènes rendent hommage au genre avec la découverte par Bone (Jeff Bridges) d'un cadavre dans une ruelle battue par la pluie, mais par la suite, Passer ne cessera de s'écarter des codes établis. Difficile de parler de véritable enquête tant les digressions abondent, tant la véracité des faits est peu démontrée. C'est Cutter, ami de Bone et ancien du Vietnam, qui se charge de faire avancer l'intrigue. Il y a bien des événements scénaristiques mais l'ambiance est plutôt celle d'une chronique, d'une ballade avec ses ruptures de tons, dans la veine des Huston et Altman des années 70. Le monde décrit est étrange, entre loose et opulence, sous le climat de Miami. Les rapports entre les personnages sont d'une honnêteté rare. Jamais leur passé respectif n'est explicité. Un ménage à trois (Bone, Cutter et sa femme) semble en place depuis longtemps, plus ou moins accepté par chacun. Une impression de flottement se dégage; toute l'affaire ne pourrait finalement être que délire d'imagination de la part de Cutter. Jusqu'à la fin, nous ne savons pas à quoi nous en tenir. Cela se termine sur un coup de feu coupé par le noir tombant tout à coup sur l'écran, laissant le spectateur dans l'expectative, comme le feront plus tard Tarantino ou Kassovitz. Autre attrait de ce faux polar très attachant : Jeff Bridges, cool, poussé sans cesse à l'action par son acolyte et y allant à contre-coeur.
Un village de montagne. La maison du maire. Tous les villageois sont venus. Car le malheur est dans la maison. Pierre le père. Jean son fils. Habillés de noir. Pierrette la petite soeur de Jean. La mère : un cercueil est descendu de l'étage. Voici l'introduction saisissante d'un beau film muet de Jacques Feyder.