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  • Dans la brume électrique

    (Bertrand Tavernier / Etats-Unis / 2009)

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    danslabrume.jpgDans la brume électrique (In the electric mist), directed byBertrand Tavernier, est un polar d'ambiance, estimable et soigné, mais trop classique pour que l'on ne s'étonne pas d'un accueil critique aussi enthousiaste (jusque dans feu-Les Inrockuptibles et dans les Cahiers !, si j'en crois allociné).

    Le film s'ouvre sur une scène de crime, nous plongeant instantanément dans le vif du sujet. Le récit ne cessera pourtant d'emprunter par la suite des chemins de traverses, reléguant l'enquête menée par Tommy Lee Jones quasiment au second plan. Si cette construction en virages a son charme, on n'échappe pas toujours au "détour qui en dit long", chaque scène adjacente à l'intrigue principale étant chargée d'évoquer un thème profond (l'esclavage, les plaies laissées par l'ouragan Katrina, les problèmes de couple, le poids du passé...). Par conséquent, le scénario semble presque trop touffu, ménageant des pauses qui n'en sont finalement pas, lestées qu'elles sont de sous-entendus bien perceptibles.

    Tavernier a voulu donner à son film une teneur somnambulique. Le dosage entre le surnaturel et le policier demande une adresse de chaque instant, ce que le cinéaste n'a pas toujours. Les témoins et les sages parlent invariablement par énigmes et l'intrusion du fantastique se réalise de manière littérale (les dialogues avec les morts en toute simplicité, la voix-off d'outre-tombe).

    La caractérisation se fait à base d'archétypes (flic fatigué, homme d'affaires mafieux, bluesman philosophe, vedette de cinéma désinvolte...) et la mise en scène est pour le moins efficace, la contrepartie étant un manque de surprise évident : le cadrage et la place réservés à un certain personnage laissent deviner que celui-ci reviendra plus tard dans le jeu et, dès sa deuxième apparition, il n'y a plus guère de doute sur son rôle dans l'histoire. On apréciera en revanche la sobriété de la photographie, la sêcheresse de la violence, la maîtrise des moments de tension (la séquence du bâteau sous l'orage, l'approche du campement du tueur), un peu moins la façon de rendre compte, "pour la bonne cause", des petits arrangements avec la loi (l'une des traces du cinéma d'Eastwood sur le film).

    La ballade n'a rien de touristique, l'oeuvre est solide et Tavernier a réalisé son rêve de film américain, mais de là à placer Dans la brume électrique aux côtés de Zodiac et de No country for old men, voire même de Trois enterrements, il y a un pas que je ne franchirai pas.

  • Chéri

    (Stephen Frears / Grande-Bretagne / 2009)

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    cheri.jpgFred, surnommé Chéri, est un jeune homme nageant dans les eaux d'un demi-monde aisé, celui des courtisanes vieillissantes de la fin de la Belle Époque, dont fait partie sa mère et sa protectrice favorite, Léa. Cette dernière passe bientôt du statut de "marraine" de Chéri à celui de maîtresse. Malgré la différence d'âge, la liaison est passionnée et semble indestructible, jusqu'à l'annonce d'un mariage arrangé qui sépare les deux amants avant des retrouvailles douloureuses. Christopher Hampton adapte Colette pour Stephen Frears et Michelle Pfeiffer joue Léa. Le trio des Liaisons dangereuses est ainsi reformé. J'ai eu beau chercher, je n'ai trouvé à Chéri absolument aucune des qualités du beau film d'il y a vingt ans...

    Dès le début, Frears tâtonne pour trouver le ton qui convient. Un narrateur invisible (le cinéaste lui-même) pose une voix ironique sur une intrigue pourtant restituée dans toute son intensité. Pendant une bonne moitié du métrage, la mise en scène ne fait que se caler sur des dialogues si spirituels. Le découpage ne réserve pas la moindre surprise, soulignant chaque bon mot d'un gros plan carnassier. Tout cela n'est rien d'autre que du théâtre en boîte.

    Il faut un certain temps pour saisir le véritable sujet de Chéri : celui de la peur du vieillissement. De ce point de vue, une séquence comme celle de la réunion des vieilles courtisanes croulant sous les bijoux et les perruques devrait libérer une cruauté réelle ou une morbidité carnavalesque alors qu'elle ne prend finalement que la forme d'une saynète boulevardière. Le temps qui passe et l'angoisse qui l'accompagne sont supposés se refléter sur le corps et le visage de Léa. Trop respectueux de son actrice principale, Frears multiplie les caches et les cadrages étudiés afin de ne pas trop en montrer. En 90 minutes, je ne fus saisi d'aucun trouble devant Miss Pfeiffer, un comble... En contrepoint, Kathy Bates fait son numéro habituel, insupportable de cabotinage. Rupert Friend est le jeune premier, fadasse.

    Chéri n'est pas plus passionnant dans sa seconde partie, plus mélancolique et moins dialoguée. Incapable de faire passer la moindre émotion, Frears en est réduit à insérer des flash-backs subliminaux et nostalgiques entre deux gros plans sur des visages affligés et à bien nous faire entendre la Pfeiffer murmurer "Reviens" lorsque Chéri s'éloigne pour la dernière fois en contrebas de l'immeuble et hésite à se retourner.

    Entre deux réussites, les ouvrages mineurs du cinéaste étaient jusqu'ici au moins sauvés par leur charme et leur vitalité. Dépourvu de tout intérêt, Chéri est, assurément, le plus mauvais de tous.

  • Tulpan

    (Sergey Dvortsevoy / Kazakhstan / 2008)

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    tulpan.jpgLe rude quotidien d'une famille d'éleveurs kazakhs, en pleine steppe, et les espoirs d'Asa, le jeune frère de la mère. Le sujet du film appelle la captation de paysages grandioses et la méditation devant les grands espaces mais par sa mise en scène, Sergey Dvortsevoy refuse d'un bout à l'autre cette posture. Tulpan s'ouvre par un plan dont la surface est envahie, brutalisée, agressée. Ce qui s'avère être un troupeau de moutons met un certain temps à évacuer le cadre et à laisser enfin le lieu du récit être indentifié (la yourte plantée au milieu de nulle part). Poussière ou bruit, tout fait écran, du début à la fin (comme Tulpan, la fille que convoite Asa, restera cachée jusqu'au bout, derrière un rideau ou une porte). Ce ne sont pas seulement les objets qui font obstruction : les corps prennent toute la place, cadrés à la poitrine ou traversant incessamment le champ, à l'image du petit dernier de la famille, intenable.

    L'horizon s'offre donc rarement au regard. Quand il le pourrait, les tourbillons de sable sont là pour brouiller les repères, boucher les lignes de fuite et par conséquent, entraver toute échappée. Asa et son oncle s'échinent à contenir leur troupeau, mais à l'écran, nous avons bien l'impression que ce sont les deux hommes qui se trouvent régulièrement encerclés par les animaux. Chacun rêve d'un ailleurs, mais l'ailleurs est inaccessible. Toutes les forces ramènent au centre (au centre du plan, comme ces cadavres de moutons que l'on trouve ici et là, points noirs dessinés sur la terre sablonneuse). Dans cet espace, la yourte est un point de fixation. D'ordinaire, cela revêtirait un caractère rassurant et protecteur. Or ici, l'impression ressentie est plutôt celle d'une pression centripète indétournable, exercée par les mouvements des animaux ou la puissance du vent. Asa est coincé ; Tulpan n'est pas derrière la porte et le tracteur destiné à l'évasion finale ne l'emportera pas bien loin.

    Dvortsevoy, parfois à la frontière du documentaire, use de plans-séquences enregistrés par une caméra portée à l'épaule et travaille sa pâte sonore. Au tout début, le son était arrivé avant l'image. Par la suite, il nous parviendra souvent d'un hors-champ menaçant. Nul suspens ne découle cependant de ce procédé, plutôt le sentiment de l'inéluctable. Dans Tulpan, la vigueur, jusqu'à l'agressivité, caractérise aussi le comique (la séquence de la chamelle poursuivant le vétérinaire, le magnéto-cassette libérant de manière assourdissante un tube de Boney M). Tout au long de ce film extrèmement physique, on se retrouve bien loin d'un pittoresque exotique confortable.

  • Arsenal

    (Alexandre Dovjenko / URSS / 1928)

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    Arsenal07.jpgS'il est bien un segment de l'histoire du septième art qui n'est pas facile à aborder les mains dans les poches, c'est bien le cinéma révolutionnaire soviétique des années 20. Un certain Cuirassé a beau garder son aura mythique, décennie après décennie, se confronter à lui de nos jours demande un effort particulier devant la singularité narrative, esthétique et idéologique de l'objet. Autre pilier de l'édifice, Arsenal d'Alexandre Dovjenko (ou Dovzhenko) ne se laisse pas appréhender plus aisément.

    Le déroulement du film est relativement obscur et le spectateur est loin de saisir tous les tenants et aboutissants d'un récit économe en inter-titres, mêlant plusieurs niveaux d'expression (réaliste, pictural, symbolique) et caractérisant très succinctement les groupes de personnages s'y côtoyant. Sans doute un lieu, un nom, une image, liés à l'histoire ukrainienne suffisaient en 1928 à situer exactement l'action aux yeux des spectateurs d'alors, mais vu d'ici et aujourd'hui, l'affaire est loin d'être évidente. Dovjenko lui-même semblait le reconnaître, qui expliquait à la fin de sa carrière : "J'écrivis le scénario en quinze jours, fis la mise en scène et le montage en six mois. (...) Je travaillais comme le soldat qui combat l'ennemi, sans la moindre conscience de règlements ou de théorie à suivre." Toutefois, la complexité du récit est loin de ne découler que d'un soit-disant manque de métier.

    Arsenal nous plonge dans l'Ukraine déchirée des années 1917-1920, là où, après la rupture avec le régime tsariste et entre les alliances et les conflits avec l'Allemagne et la Pologne, s'exacerbent les tensions entre nationalistes et bolchéviques. Si, tournant dix ans après les faits, Dovjenko se place résolument du côté de ces derniers, le regard qu'il porte sur ce monde en guerre civile (à laquelle il prit part à l'époque, étant ukrainien lui-même) n'est pas manichéen. Dans ce noir récit, les images de cadavres de soldats abondent sans que les uniformes ne les renvoient dans un camp ou dans l'autre. De même, lorsque le cinéaste filme une cérémonie religieuse orthodoxe, il le fait avec la même attention et la même ferveur que lorsqu'il décrit la détresse du paysan ukrainien. Il faut alors attendre le contrechamp tardif sur le héros assistant à la scène et refusant l'accolade de son voisin pour cerner le point de vue de l'auteur sur la scène. C'est ainsi que Dovjenko évite de tomber dans la dénonciation sans mesure et rend la complexité de la situation.

    Du point de vue stylistique, si l'emballement des événements peut se traduire de façon attendue par celui du découpage, une différence se fait jour entre la mise en scène de Dovjenko et celle du maître-étalon Eisenstein. Au montage des attractions du réalisateur de Potemkine, on pourrait presque opposer ici un montage des répulsions. Dans Arsenal, les plans sont très composés (Dovjenko s'est formé à la peinture et au dessin) et semblent se heurter les uns aux autres, sans créer de continuité. Au sein de ceux-ci, notamment dans la magnifique première partie rendant compte des horreurs de la guerre sur le front et à l'arrière, la durée s'installe. Bâtis comme des tableaux doloristes, disposant d'un côté des paysans immobiles, plantés dans la terre ukrainienne, et d'un autre des soldats en mouvement, ces plans paraissent annoncer les recherches sur le temps et l'histoire menées un demi-siècle plus tard par Miklos Jancso ou Theo Angelopoulos. De cette esthétique, de ce choix de ne faire apparaître son héros, au visage fermé, que durant la moitié du métrage, de ce récit de la défaite d'un mouvement ouvrier, de ce lyrisme triste naît moins un élan qu'un plainte.

    Parfois difficile à suivre, Arsenal provoque moins d'enthousiasme que La terre (1930), probablement le chef d'oeuvre de Dovjenko, mais par ses intuitions plastiques et son intensité émotionnelle, il reste un film fort et assez passionnant dans ce qu'il dit de cette période-là du cinéma et de l'histoire.

    (Chronique DVD pour Kinok)

  • OSS 117 : Le Caire, nid d'espions

    (Michel Hazanavicius / France / 2006)

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    Le cinéma comique français propose d’ordinaire de si affligeants produits de consommation que l’on ne peut s’empêcher d’apprécier d’abord cet OSS 117 par défaut, c'est à dire en remarquant l'absence des écueuils les plus partagés dans cette branche. Tout d'abord, le film ne joue (presque) pas sur la vulgarité (à deux ou trois exceptions près : on se serait passé du gag du pistolet-phallus et des répliques de la fin sur le "kiki" qui enfoncent un clou qui n’en avait guère besoin, celui de l’homosexualité latente du héros). Il ne s’éparpille pas non plus dans ses références et ses renvois. Aucun clin d’œil à la télévision ou la publicité ; il n’est ici question que de cinéma, l’habillage du film parodiant l'esthétique d'un certain genre cinématographique et les séquences étant pensées en ces termes et non balancées comme autant de sketchs autonomes. De manière toute aussi agréable, le film ne se réduit pas à un support de merchandising : la séquence musicale n’est pas là pour faire vendre un disque ou lancer une danse idiote mais repose uniquement sur l’efficacité comique. De plus, Jean Dujardin est la seule vedette d'un casting pour lequel on a préféré les gueules de l’emploi aux apparitions people. Enfin, les millions d'euros du budget ne sont pas gaspillés puisque l’idée d’une certaine époque est bien rendue (les signes de richesses renvoient au genre et l’ironie de la vision évite l'écueil de la reconstitution pompeuse).

    Plus méritoire encore, le n’importe quoi de l’intrigue se développe dans un contexte étonnement précis pour ce genre de production (l’Egypte de Nasser, le mandat du président Coty). Parmi les scénes comiques les plus percutantes, on retient d'ailleurs celles qui font accumuler à OSS 117 les pires énormités colonialistes (le rapport paternaliste que celui-ci entretient avec l'employé de son usine est particulièrement savoureux). C'est que cet Hubert Bonisseur de la Bath est un con, un vrai. Lorsqu'il désoude ses adversaires, ce ne sont pas sa force et son adresse qui le démarquent, ce sont sa suffisance et son incommensurable connerie. L'agent secret ne retiendra rien de son séjour chez les Égyptiens, sinon l'apprentissage du mambo ! Cet abruti le restera et cela nous épargne tout message.

    Si le film est drôle, on ne peut pas dire qu'il soit réellement hilarant. Le soin apporté à l'ambiance (jusque dans les transparences et les trompe-l'oeil) tend à lisser un peu trop l'image. Les séquences qui étirent les effets comiques sont assez convaincantes (ces rires interminables, ces dialogues bâtis sur des phrases toutes faîtes), mais la mise en scène ne laisse pas de place au burlesque et la folie attendue ne se libère pas (le potentiel d'un dénouement à rebondissements multiples et improbables ne semble pas bien exploité). Dans le rôle-titre, Dujardin est assez bon, même s'il a un peu trop tendance à vouloir cligner de l'oeil vers le spectateur. Il suffirait d'un rien, parfois, pour qu'il sorte de son personnage, ce que Peter Sellers, l'un de ses probables modèles, ne faisait jamais.

  • 13 fois 5 films

    Dans les périodes où les notes s'espacent, rien de mieux que de répondre à un questionnaire. Cela tombe bien, l'ami Joachim en a encore sorti un de sa poche.

    Voici mes réponses, jetées en une soirée, sans trop creuser.

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    5 films dont la deuxième vision est meilleure que la première, puis la troisième meilleure que la deuxième puis la quatrième meilleure que la troisième puis la cinquième... : Les aventures de Robin des bois (Curtis / Keighley), La règle du jeu (Renoir), La prisonnière du désert (Ford), Les sept samouraïs (Kurosawa), L'ange exterminateur (Bunuel)

    5 films que j’ai dû voir trois, quatre, cinq, six fois et plus, mais je  n’aimerais pas trop que ça se sache : Mission (Joffé), Subway (Besson), Birdy (Parker), Angel heart (Parker), Les sous-doués (Zidi)

    5 réussites incontestables (qui plus est, signées de grands cinéastes) mais qui ne me touchent pas trop : Sylvia Scarlett (Cukor), Le doulos (Melville), Identification d'une femme (Antonioni), Le ventre de l'architecte (Greenaway), L'Anglaise et le Duc (Rohmer)

    5 films qui m’ont laissé de mauvais souvenirs, mais vu le calibre de leurs auteurs, j’ose à peine le dire : La vie est un roman (Resnais), Ordet (Dreyer), Prenez garde à la sainte putain (Fassbinder), Les harmonies Werckmeister (Tarr), La veuve joyeuse (Lubitsch)

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    5 films réputés mineurs ou oublié, signés par des cinéastes reconnus, mais qui m’ont davantage impressionné que certains de leurs titres emblématiques : La femme aux deux visages (Cukor), 5x2 (Ozon), L'assassinat de Trotsky (Losey), Maadadayo (Kurosawa), Alamo Bay (Malle)

    5 grands chocs cinématographiques malgré les conditions déplorables de leur découverte : Shining (Kubrick, petite TV), Cinq femmes autour d'Utamaro (Mizoguchi, mauvaise copie), Cité de la violence (Sollima, en VF), Pulp fiction (Tarantino, avec un voisin qui commentait toutes les répliques, genre "Yeah, Baby !"), Limite (Peixoto, enregistrement de mauvaise qualité)

    5 films dont j’ai (ou aurais) eu une vision totalement différente selon la période de la vie à laquelle je les ai vus : La grande vadrouille (Oury), Les aventures de Rabbi Jacob (Oury), et en rapport avec le lien père/fils : The kid (Chaplin), Le voleur de bicyclette (De Sica), L'avion (Kahn)

    5 films dont j’ai dit à tout le monde que je les avais vus, alors que ce n’était que par fragments, parfois espacés de plusieurs années, au hasard des diffusions télé, de la disponibilité du magnétoscope ou du DVD : Je ne vois pas. Je remplace donc par autre chose. 5 films que je n'ai pas eu besoin de voir tellement on m'en a parlé : Cannibal holocaust (Deodato), Requiem for a dream (Aronofsky), Le secret de Brokeback Mountain (Lee), A l'intérieur (Bustillo/Maury), Bienvenue chez les Ch'tis (Boon)

    5 films que tout le monde aime, mais moi j’y arrive pas : Lune de miel mouvementée (McCarey), Les douze salopards (Aldrich), Ma saison préférée (Téchiné), Clean (Assayas), Les plages d'Agnès (Varda)

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    5 films où j’ai d’abord souffert / été déçu au début de la projection puis au bout d’un moment, whaoooaaaaah : Nostalghia (Tarkovski), Pauline à la plage (Rohmer), Naked (Leigh), Eurêka (Aoyama), 21 grammes (Inarritu)

    5 films que je continue à défendre bien que signés de cinéastes qu’on adore détester : Panique (Duvivier), Le bon dieu sans confession (Autant-Lara), Sicko (Moore), Dogville (Von Trier), Holy Lola (Tavernier)

    5 films d’abord aimés puis ensuite rejetés : Les aventures de Rabbi Jacob (Oury), Les bronzés (Leconte), 37,2 le matin (Beineix), Subway (Besson), Birdy (Parker)

    5 films d’abord incompris ou rejetés puis ensuite aimés voire adorés : Onze fioretti de François d'Assise (Rossellini), Madame de... (Ophuls), Chinatown (Polanski), Le sacrifice (Tarkovski), La chasse aux papillons (Iosseliani)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1951-1952)

    Mes notes précédentes sur le sujet m'ont laissé insatisfait, je reprends tout. Puisque ma volonté était de retracer deux parcours parallèles, autant me placer résolument au point de départ afin de ne pas donner l'impression que quelque chose manque.

    Il s'agit donc de déterminer crânement qui, des deux principales revues françaises de cinéma, avait raison, en confrontant leurs choix respectifs de films ou de cinéastes mis en couverture. J'en suis conscient, la démarche est contestable, voire totalement idiote. Elle n'est de toute manière, soyez-en sûr, qu'un prétexte à remettre en mémoire ou à faire découvrir de belles unes.

    Nous sommes tous d'accord avec Bo Diddley et les Yardbirds : You can't judge a book by looking at the cover. Il est évident que cette partie émergée de l'iceberg, quelque soit l'intégrité morale et l'honnêteté esthétique des responsables successifs des deux revues, ne dit pas tout de Positif et des Cahiers. D'une part, un choix de couverture pour un mensuel de cinéma est évidemment tributaire de l'actualité. D'autre part, tel film mis en avant à un moment précis pour sa séduction immédiate et pour sa valeur emblématique d'un air du temps, paraîtra de nos jours bien anodin, masquant parfois de surcroît un texte ou un ensemble sur une oeuvre d'une toute autre ampleur parue dans le même numéro. Une fois admis cela, on se rend compte toutefois que, sur la durée, le puzzle prend forme et l'image qui s'en dégage traduit fidèlement l'identité de la revue. Chacune puise d'ailleurs à l'occasion dans l'histoire de ses couvertures, jouant ainsi sur ce lien entre elle et le lecteur : pour fêter son quarantième anniversaire, l'équipe de Positif avait choisi pour chaque année passée une de ses couvertures et programmé le film correspondant lors d'une rétrospective; à l'occasion de leurs 50 ans, les Cahiers avaient reproduit en bas de pages du numéro d'avril 2001 toutes les leurs.

    Enfin, en ces temps où beaucoup de cinéphiles, blogueurs ou non, font la moue devant l'état du cinéma et celui de la critique (je ne suis d'ailleurs pas toujours le dernier à la faire), chacun pourra peut-être mesurer l'importance (ou l'absence) de l'écart entre hier et aujourd'hui et, parallèlement, ceux qui se sont entichés à un moment ou à un autre de l'un des deux titres pourront voir si leur préférence se visualise nettement à travers cette série de couvertures historiques.

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    1951 : Naissance des Cahiers du Cinéma, sous-titrés "Revue du cinéma et du télécinéma". Les parents officiels (rédacteurs en chef fondateurs) sont au nombre de trois : Jacques Doniol-Valcroze, Lo Duca et André Bazin. La première couverture consacre un Wilder mais c'est plutôt Edward Dmytryk et son Donnez-nous aujourd'hui qui se retrouve au centre de ce numéro. Ensuite, ce sont Mankiewicz, Bresson, DeMille, Sternberg, McLaren et Buñuel qui se voient célébrés. Maurice Schérer (Eric Rohmer) écrit son texte "Vanité que la peinture" et l'on se penche sur le nouveau cinéma allemand.

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    Avril : Boulevard du crépuscule (Billy Wilder, Cahiers du Cinéma n°1)

    Mai : Eve (Joseph L. Mankiewicz, C2)

    Juin : Tabou (F.W. Murnau et Robert Flaherty, C3)

    Juillet : Mademoiselle Julie (Alf Sjöberg, C4)

    Septembre : Samson et Dalila (Cecil B. DeMille, C5)

    Octobre : L'auberge rouge (Claude Autant-Lara, C6)

    Décembre : Los olvidados (Luis Bunuel, C7)

    Difficile de trouver mieux que ce film-là et cette photographie pour orner le premier numéro d'une revue cinéphile. Comme Wilder plaçait Gloria Swanson dans l'axe de la lumière du projecteur, les Cahiers voulaient-ils déjà nous montrer le chemin ? Toujours est-il que dans cette année, "blanche" si l'on se place dans l'optique de notre confrontation, ils proposaient pour commencer un sacré tiercé, d'avril à juin.

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    1952 : Pour les Cahiers, l'année commence sous les auspices de Jean Renoir (entretien à l'appui) pour se poursuivre en compagnie de Billy Wilder, John Huston (avec un texte de Gilles Jacob), Orson Welles, Gene Kelly, Charlie Chaplin (par André Bazin puis, entre autres, par Jean Renoir), le producteur Stanley Kramer et le cinéaste d'animation Jiri Trnka. Sont églement proposées des études sur le western, sur l'avant-garde et le cinéma anglais. Une enquête sur la critique est (déjà) publiée, de même que les impressions de quelques rédacteurs revenant des festivals de Cannes et Venise. Après Autant-Lara, Clément, Allégret et Clair sont en couverture : les "jeunes turcs" n'avaient pas encore mordu à pleines dents le cinéma français.

    En mai 52, Bernard Chardère fonde à Lyon la "revue mensuelle de cinéma" Positif. La promesse de periodicité ne pourra guère être tenue que durant les sept premiers mois et il faudra attendre le milieu des années 60 pour que le rythme voulu soit définitivement assuré. Au milieu de la présentation du numéro 1, on peut lire ceci : "Nous voudrions enfin ne pas démériter de la critique de cinéma. Saluons ici nos aînés : les Cahiers du Cinéma, en bonne place dans le haut sillage du regretté Jean-Georges Auriol, Sight and sound, Bianco e nero." Pendant quatre ou cinq ans, la cohabitation fut effectivement cordiale. Le n°1 s'ouvre sur les films d'Autant-Lara et de Buñuel, deux cinéastes destinés à accompagner longtemps (surtout le second) l'histoire de la revue. Le n°3 est presque entièrement consacré à John Huston, intégrant tout de même la première partie d'un long texte de Chardère consacré à Robert Bresson.

    Note : Jusqu'en 1954, les couvertures de Positif étaient vierges de photographies. J'ajoute donc entre parenthèses les films défendus et les thèmes abordés dans ces premiers numéros.

    Janvier : Le fleuve (Jean Renoir, C8)

    Février : Jeux interdits (René Clément, C9)

    Mars : Une place au soleil (George Stevens, C10)

    Avril : Le gouffre aux chimères (Billy Wilder, C11)

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    Mai : La charge victorieuse (John Huston, C12) /vs/ Positif n°1 (L'auberge rouge, Los olvidados)

    Juin : Deux sous d'espoir (Renato Castellani, C13) /vs/ Positif n°2 (Le fleuve, Rashomon)

    Juillet : Un américain à Paris (Vincente Minnelli, C14) /vs/ Positif n°3 (John Huston)

    Septembre : L'homme tranquille (John Ford, C15) /vs/---

    Octobre : La jeune folle (Yves Allégret, C16) /vs/---

    Novembre : Les feux de la rampe (Charlie Chaplin, C17) /vs/ Positif n°4 (cinéma ibérique, La montée au ciel, La grande vie)

    Décembre : Belles de nuit (René Clair, C18) /vs/ Positif n°5 (cinéma soviétique, Deux sous d'espoir, Giuseppe de Santis, Marc Donskoï)

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    Quitte à choisir : Trois premiers numéros de haute volée pour Positif donc et trois couves marquantes des Cahiers, celles consacrées à Renoir, Huston et Chaplin. Jeux interdits ne me bouleverse pas et il y a quand même de bien meilleurs Ford que celui-ci (sous réserve de le revoir). Enfin, sans vouloir négliger le film, je préfère au moins quatre ou cinq autres comédies musicales de Minnelli à cet Américain bien connu. Je ne connais pas les autres. Allez, pour 1952 : Match nul.

    A suivre...

     

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • C'était mieux avant... (Avril 1984)

    Je commence à me plonger dans La guerre de sécession, la série documentaire de Ken Burns, récemment diffusée par Arte et les prochains jours me verront attaquer le deuxième coffret Ivens. Peu de films viendront s'intercaler entre les plats de ce copieux menu et mes notes s'espaceront certainement plus que d'accoutumée. Je profite donc de l'occasion pour vous livrer ma chronique mensuelle.

    Mars est derrière nous. Il est temps de se remémorer ce qui se tramait dans les salles de cinéma françaises en Avril 1984 :

    etoffeheros.jpgL'étoffe des héros de Philip Kaufman n'eut guère de mal à voler à cent coudées au-dessus du reste des sorties de ce mois-là. Il me semble l'avoir découvert en vhs plutôt qu'en salles et je ne pense pas l'avoir revu depuis mais son souvenir est resté assez vivace : celui d'une formidable épopée américaine, portée par une sacrée distribution (Sam Shepard, Scott Glenn, Dennis Quaid, Ed Harris, Fred Ward et Barbara Hershey).

    Qu'y avait-il en face ? Des films d'hommes aussi, mais d'un autre genre. Nous avons déjà remarqué maintes fois que les temps étaient aux duels musclés, à la description du monde de la délinquance en cuir et poing américain, aux histoires de gangs et de prison. Dans ce registre, l'affiche du mois opposait deux Richard, Berry et Bohringer. Le premier se retrouve injustement incarcéré dans un quartier de haute sécurité, sous la surveillance sadique du deuxième. C'est bien sûr L'addition de Denis Amar. Facilement impressionnable, je trouvais cela assez puissant. Je me rappelle encore du dénouement : Berry prend l'identité de Bohringer (ses vêtements, sa démarche) est sort sans problème du bâtiment. Ce souvenir est amplement suffisant, je n'ai nulle envie de revoir le film.

    ostermanweekend.jpgA peu près dans le même panier, on trouvait Les fauves, de Jean-Louis Daniel avec Daniel Auteuil et Philippe Léotard. Il me semble l'avoir vu lui aussi à l'époque, mais rien ne m'en est resté. Idem pour Osterman Weekend du grand Sam (Peckinpah), film d'espionnage confus et généralement peu aimé, y compris par les admirateurs du cinéaste, dans lequel Rutger Hauer se débattait sous les yeux de la CIA. Idem pour Retour vers l'enfer (celui du Vietnam évidemment) de Ted Kotcheff.

    Seul autre titre connu de mes services, bien que visionné plus tard : Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier. Pas désagréable de voir Sabine Azéma converser en costume du début du siècle dernier avec Louis Ducreux dans de beaux jardins, mais un peu trop pépère tout de même...

    Peut-être faut-il chercher ailleurs des choses plus consistantes : du côté d'un Altman théâtral (Streamers), d'un documentaire sur l'évolution du monde paysan trente-huit ans après un premier état des lieux (Biquefarre de Georges Rouquier, après son Farrebique de 1946), d'une rencontre au sommet entre deux acteurs mythiques du free cinema (Albert Finney et Tom Courtenay dans L'habilleur de Peter Yates), de la quatrième réalisation de Paul Newman (L'affrontement) ou d'un solide thriller politique argentin (Le temps de la revanche d'Adolfo Aristarain).

    ladiagonaledufou.jpgMoins réputés, parfois complètement oubliés, d'autres pourraient réserver, pourquoi pas, des surprises : Guerres froides (britannique de Richard Eyre), Peppermint frieden (film historique et personnel, signé par l'Allemande Marianne Rosenbaum), L'ange (un trip de Patrick Bokanowski), Un homme parmi les loups (une production Disney apparemment très regardable de Carroll Ballard), Clin d'oeil (un délire bunuelien de Jorge Amat), Le juge (de Philippe Lefebvre avec Jacques Perrin dans le rôle du juge Michel, assassiné à Marseille alors qui enquêtait sur un trafic de drogue), Panique (du fantastique à l'Espagnole par Anthony Richmond), Cent jours à Palerme (de Giuseppe Ferrara avec Lino Ventura menacé par la mafia, huit ans après Cadavres exquis, l'un des meilleurs Rosi), Vent de sable (de Mohammed Lakhdar-Amina, spécialiste des fresques historiques algériennes), Naïtou (du Guinéen Moussa Kémoko Diakité), La diagonale du fou (dans lequel Richard Dembo fait jouer Piccoli aux échecs), Forbidden Zone (collage absurde par Richard Elfman).

    En revanche, j'hésiterai enormément à me diriger vers Les voleurs de la nuit, film noir avec Véronique Jeannot, malgré la signature de Samuel Fuller, vers Faut pas en faire un drame, remake d'Unfaithfully yours de Preston Sturges par Howard Zieff (avec Nastassia Kinski et Dudley Moore), vers le mélo Tendres passions (James L. Brooks, avec Shirley McLaine, Jack Nicholson et Debra Winger), vers le Yentl de Barbara Streisand et vers Viva la vie ! (Lelouch tendance pensum).

    breakdance.jpgNotons encore trois documentaires-portraits : Ecoutez Bizeau et Ecoutez Mary Picqueray de Bernard Baissat (entretiens avec deux figures de l'anarchisme) et William Burroughs (de Howard Brookner). Et pour les plus courageux (ou les plus pervers) : Break dance and smurf ou comment concilier eau de rose et hip-hop naissant (Vittorio de Sisti), Aldo et Junior (Patrick Schulmann d'après Wolinski), New York nights (porno soft à sketches de Romano Vanderbes) et le croquignolet Sahara (d'Andrew McLaglen avec Brooke Shields et notre Lambert Wilson national). Enfin, ce tour d'horizon, pas très brillant, serait incomplet sans l'évocation des productions de Hong-Kong qui déboulaient en masse en ce temps-là : L'espionne qui venait du soleil levant (Ting Shan-hsi), La fureur des maîtres de Shaolin (Sammy Li), L'incroyable coup de tonnerre de Shaolin (Godfrey Ho), L'Aigle ne pardonne pas (Ho Chung Ty), Shao Lin contre Ninja (Robert Tai).

    cinematographe99.JPGDans les kiosques (mais pas encore dans les supermarchés), nous pouvions voir que Cinématographe (99) osait un drôle de télescopage sur sa une en annonçant un dossier sur Le cinéma adolescent : de Gérard Philipe au vidéo-clip. Cinéma 84 (304) poursuivait son étude du cinéma allemand entamé le mois précédent et mettait Ingrid Caven en couverture. Positif (278) choisissait Carmen de Rosi (voir le mois de mars), La Revue du Cinéma (393) le film de Tavernier et Première (85) s'entretenait avec Ventura. Pour le meilleur film du mois (celui de Kaufman donc), il restait les couves de Starfix (14) et des Cahiers du Cinéma (358).

    Voilà pour avril 1984. La suite le mois prochain...