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France - Page 8

  • Des hommes et des dieux

    (Xavier Beauvois / France / 2010)

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    deshommesetdesdieux.jpgXavier Beauvois est tout de même un drôle de bonhomme. Voilà quelqu'un capable de signer à 24 ans un premier long-métrage assez impressionnant de sécheresse (Nord, 1991) avant de s'abîmer dans le pathos (N'oublie pas que tu vas mourir, 1995), puis, après un troisième essai que j'avais alors soigneusement évité (Selon Matthieu, 2000), de dresser un portrait anecdotique de la police française au travail (Le petit lieutenant, 2005) avant d'effectuer, avec Des hommes et des dieux, un geste plus essentiel, qui lui a valu un Grand Prix cannois et un beau succès public.

    La réussite est d'abord rendue possible par l'intelligence dans la manière de camper les personnages. Dans les premières séquences, il n'y a que le Frère Luc que nous entendons parler, soit Michael Lonsdale, acteur le plus évidemment écclesiastique de la troupe (par son aura et son parcours). Ses camarades du monastère sont, eux aussi, suivis dans leurs activités quotidiennes, mais silencieusement. Au commencement est donc le geste. Et pour celui dont le visage est le mieux reconnu, Lambert Wilson, l'incarnation passe en premier lieu par l'adoption d'une démarche et de postures singulières. Au début du film, se trouve une scène dans laquelle les moines assistent à une cérémonie organisée par l'une des familles du village. Ce moment montre, de manière très simple, ce qui lie les trappistes et la population locale musulmane, en les mêlant chaleureusement aux habitants, mais également ce qui les distingue, puisque l'on perçoit un léger décalage entre les gestes et les allures des uns et des autres.

    Bien aidé par l'implication des acteurs, Beauvois impose ainsi d'emblée une crédibilité. Le travail sur les dialogues est également, dans cette optique, à souligner. Les formulations entendues, qui dans d'autres bouches pourraient paraître soit simplistes soit empesées, sont, dans ce monde-là, parfaitement à leur place. De plus, cette simplicité et cette clarté de l'élocution permet d'évoquer avec force et concision les enjeux politiques, comme c'est le cas, par exemple, lors des visites des moines aux autorités inquiètes du village, belles et émouvantes séquences.

    Émouvantes car Beauvois enregistre là, comme ailleurs dans le récit, ces dialogues inter-religieux que l'on sent (ou que l'on nous dit) aujourd'hui impossible. Il passe dans ces séquences le sentiment d'une perte, sans forcer le trait ni verser dans l'angélisme (les propos du responsable algérien qui avance l'idée d'une présence des moines français comme prolongement du colonialisme). Certains ont trouvé que Beauvois ne s'est pas mouillé. Je pense pour ma part que son propos est suffisamment clair et que son film n'aurait pas vraiment gagné à être accompagné d'un message plus appuyé.

    Bénéficiant d'une belle lumière ciselée par Caroline Champetier et usant intelligemment de ses échelles de plans, le cinéaste façonne des petits blocs aux coupes très franches. Le montage est brutal, pouvant enchaîner d'un seul coup l'agitation d'un marché populaire et le silence d'un couloir du monastère. Il est coupant comme le froid hivernal qui enserre la région, rigoureux comme les rituels des trappistes. Il procure ce sentiment d'un temps qui passe de façon très particulière.

    Cette avancée par succession de segments a son revers. Il faut trouver le moment et le lieu où le récit doit s'arrêter. Beauvois semble hésiter (ce que tendrait à confirmer les propos du cinéaste et de ses acteurs avouant que la scène des "têtes coupées" a bien été tournée, bien qu'elle n'ait pas été retenue dans le montage final) et si Des hommes et des dieux manque de peu de passer pour un très grand film, la cause est sans doute à chercher dans le fléchissement de la dernière partie. Ainsi, la scène, maintenant fameuse, du dernier repas au son du Lac des cygnes, me paraît, malgré certains gros plans très beaux, un peu trop longue, trop découpée et surtout gâchée par le mixage ne gardant que la musique. A l'image de celle-ci, plusieurs séquences viennent à nous comme des fins possibles. Des hommes et des dieux dure deux heures alors que les Fioretti de Rossellini ne débordent pas des quatre-vingt-dix minutes et la Thérèse de Cavalier à peine. Voilà la légère réserve que je formulerai à l'encontre de ce beau film.

  • En famille (3)

    En zappant, un soir d'été :

    "- Eh, Papa, attend, on dirait Louis de Funès...

    - Oui, c'est lui. C'est un film de la série du Gendarme de Saint-Tropez. Ils sont en train de la passer tout l'été, je crois. Un par semaine.

    - Je veux les regarder !

    - Oh, non...

    - Allez, s'il te plait...

    - Heu, de toute façon, c'est l'un des derniers celui-là. Il ne doit en rester qu'un ou deux après.

    - Ça fait rien, laisse. Je veux le voir... et l'autre aussi la semaine prochaine.

    - Bon, si tu veux... Mais je ne les regarde pas avec toi. Je vais faire autre chose à côté.

    - Pourquoi ?

    - Parce que je connais et je sais que ce n'est pas terrible.

    - Mais c'est drôle !... Pffff... T'aimes jamais rien toi...

    - Si : tu as vu que j'aimais bien la série de la Panthère Rose par exemple..."

    *****

    oscar.jpegInutile de perdre du temps à évoquer les deux derniers Gendarmes, suivis du coin de l'œil, toujours aussi minables. Mais pour rester avec De Funès, on peut dire quelques mots d'Oscar. Si il est moins catastrophique dans sa réalisation et moins idiot dans son registre comique que les pitreries baclées par Jean Girault sous le soleil de Saint-Tropez, le film de Molinaro ne satisfait guère plus et rarement spectacle comique m'aura autant épuisé. Partant d'une pièce de théâtre de boulevard (adaptée pour l'occasion, entre autres, par De Funès lui-même, qui la joua plusieurs fois sur scène), le scénario accumule, en une seule journée et en un seul lieu, des surprises, des révélations, des tromperies et des méprises toutes plus improbables les unes que les autres. Cette succession effrénée (à chaque séquence son ou ses rebondissements) est rendue plus sensible encore par des choix de mise en scène visant à augmenter la vitesse du récit : claquements de portes, déplacements continus des personnages d'une pièce à l'autre, montage très sérré des actions, donnant l'impression que les acteurs déboulent dans le champ, voire qu'ils sont en avance sur le plan (on se demande par exemple, parfois, si Claude Rich quitte vraiment les lieux comme il est censé le faire en plusieurs occasions, avant de revenir). Cet emballement mécanique serait à la limite supportable si le fond n'était si déplaisant (médiocrité générale des caractères, misogynie et cupidité utilisés comme ressorts comiques essentiels) et surtout si il n'était pas ponctué toutes les dix secondes d'éclats de voix crispants dûs à De Funès, à Rich ou à la jeune Agathe Natanson qui, bien que légèrement vêtue, a l'hystérie horripilante. Le premier cité, attraction de tous les plans ou presque, est en colère de la première à la dernière scène. En caracolant ainsi, sans jamais atteindre une dimension absurde qui réhausserait le vaudeville de base, le film laisse les rares bons mots et les sympathiques trouvailles se faire oublier aussitôt, emportés qu'ils sont par le courant de ces échanges-mitraillette, de ces cris et de ces grimaces incessantes. Épuisant, vraiment.

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    Débutant au même moment que celle des Gendarmes, la série de la Panthère Rose s'élève à des hauteurs inconnues de son concurrent français. Signalons tout d'abord que cette dernière a des limites assez fluctuantes, que le coffret dvd édité par la MGM en 2003 ne précise que très imparfaitement. Cinq épisodes y sont en effet compilés. Le septième, L'héritier de la Panthère Rose (Curse of the Pink Panther, 1983), et le huitième, Le fils de la Panthère Rose (Son of the Pink Panther, 1993, avec Roberto Benigni), n'y figurent pas. Ce n'est pas forcément une aberration puisque ce sont là des suites dans lesquelles nous ne pouvions pas retrouver, et pour cause, l'acteur principal de la série, Peter Sellers. Il faut noter, d'ailleurs, qu'elles n'ont, ni l'une ni l'autre, été distribuées en salles en France et qu'elles ont très mauvaise réputation (L'héritier de la Panthère Rose n'apparaissant même pas dans certaines filmographies de Blake Edwards). Beaucoup moins compréhensible, sauf à invoquer des problèmes de droits, est l'absence du troisième épisode, Le retour de la Panthère Rose (The return of the Pink Panther, 1975). Fort heureusement, le deuxième, Quand l'inspecteur s'emmêle (A shot in the dark, 1964) est présent... bien que, contrairement aux autres, ni son titre, ni son générique, ni son intrigue, ne mentionnent la Panthère Rose (le fameux animal dessiné qui devient en fait, dans les scénarios, un bijou). Se démarquant du premier mais imposant la plupart des thèmes comiques des suivants, cet opus est à la fois en dehors et en plein dedans. Vous suivez toujours ? Oui ? Alors je peux, afin d'être exhaustif, évoquer pour finir l'existence de L'infaillible Inspecteur Clouseau (Inspector Clouseau, 1968), un hors-série non signé par Edwards mais par Bud Yorkin et non interprété par Sellers mais par Alan Arkin, et celle des deux récents "remakes" ayant pour vedette Steve Martin (La Panthère Rose / The Pink Panther de Shawn Levy, 2006, et La Panthère Rose 2 / The Pink Panther 2 de Harald Zwart, 2009).

    La Panthère Rose de 1963 est un mélange comique et plaisant, bien que parfois languissant, de burlesque, de policier et de romance. C'est en fait un véritable film choral qui montre une poignée d'escrocs internationaux de haut vol échaffauder tous les stratagèmes possibles destinés à dérober à une princesse orientale le plus beau bijou du monde, cela au nez et à la moustache d'un inspecteur de police français. Il est certain que Claudia Cardinale, en descendante de royale lignée skiant dans les Alpes, ne manque pas de charme mais son duo amoureux avec David Niven a tendance à traîner en longueur. Heureusement, le fil du récit subit à intervalles réguliers de salvatrices déflagrations dues à l'Inspecteur Jacques Clouseau. Portées par le génie burlesque de Peter Sellers, ces scènes se détachent nettement du reste. Quand il s'agit d'accompagner les gestes maladroitement destructeurs ou ridiculement emphatiques du personnage, d'orchestrer d'invraisemblables chassés-croisés dans une chambre d'hôtel (il s'agit de cacher deux amants au mari) ou d'organiser un délirant bal costumé dans un château, la mise en scène d'Edwards marche à merveille. Le ballet automobile final, réglé avec précision et dans un rythme parfaitement dosé, disqualifie toutes les productions franchouillardes à la Oury que l'on peut trouver à la même époque.

    Quand l'inspecteur s'emmêle est, de loin, le meilleur film de la série, touchant au chef d'œuvre au même titre que The Party (1968), l'autre joyau du couple Edwards-Sellers. Le cinéaste ne garde de la première trame que le personnage de Clouseau. Celui-ci est chargé d'enquêter sur un meurtre commis dans la vaste demeure de Mr Ballon. La suspecte est la domestique Maria Gambrelli (Elke Sommer, à croquer), qui semble provoquer une mort violente dans chaque endroit où elle passe. Cependant, contre toute logique, Clouseau décide à chaque fois de la remettre en liberté, persuadé de son innocence. En simplifiant l'intrigue et en se concentrant sur la puissance comique de son acteur principal, Edwards réalise un ouvrage très cohérent, échappant aux ruptures de rythme qui handicapent les autres épisodes et provoquant l'hilarité d'un bout à l'autre (chaque séquence repose sur un ou deux gags qui fonctionnent idéalement). Peter Sellers est ici à son sommet, grandiose dans la maladresse, le geste avorté, raté, contrarié, et peut-être plus encore dans la réaction désinvolte ou d'une impeccable mauvaise foi. La scène de la confrontation dans le salon, organisée dans le but de démasquer l'assassin, atteint, grâce au travail de l'acteur, le burlesque le plus pur et rivalise dans l'invention corporelle avec l'extraordinaire final de Dr Folamour. Ajoutons que plusieurs figures imposées développées le long de la série trouvent leur origine ici : la folie du Commissaire Dreyfus, le supérieur de Clouseau, la séduction paradoxale qu'exerce ce dernier sur les belles femmes qu'il croise, son goût pour le travestissement et l'étrange contrat qui le lie à son serviteur Kato, chargé de l'attaquer à n'importe quel moment, de façon à l'aider à parfaire ses techniques de combat.

    Quand la Panthère Rose s'emmêle est le plus référentiel du lot, le récit (et les génériques de début et de fin) étant parsemé de clins d'œil cinématographiques. La première moitié est assez éblouissante, qui retrace une irrésistible enquête londonienne de Clouseau. La reprise des motifs (l'armure, le pyjama, le kimono, les chambres) et des scènes-clés (réunion de suspects, flirts) s'accompagne de variations souvent brillantes. Peu à peu, toutefois, avec l'internationalisation de l'intrigue, les gags ont tendance à retomber et le virage effectué vers la parodie de science-fiction, avec machine à faire disparaître monuments et populations, n'est pas très heureux, ni en termes rythmiques, ni en termes esthétiques. Le grimaçant Herbert Lom, dans le rôle de Dreyfus, devient envahissant et le recours au déguisement devient la règle (Clouseau y recourait seulement en de brèves occasions dans le deuxième épisode et le voir guindé et satisfait dans son costume d'inspecteur était finalement beaucoup plus drôle). La farce s'alourdit donc, heureusement sauvée par la traversée impossible des douves du château par Clouseau et par son strip tease final.

    La malédiction de la Panthère Rose faiblit de même à l'approche de son terme (une escapade cartoonesque à Hong Kong). Edwards et Sellers fatiguent quelque peu et les jeux sur le corps burlesque doivent ici beaucoup à Burt Kwouk (dans le rôle de Kato). Plusieurs passages réussis rendent le film encore appréciable (la rituelle et très longue scène d'entraînement-destruction, l'enquête du côté du port et du club privé, la remise de la médaille...).

    A la recherche de la Panthère Rose est l'un des projets les plus singuliers qui soient. Réalisé deux ans après la mort de Peter Sellers, il fait pourtant apparaître amplement ce dernier à l'écran. Blake Edwards utilise en effet des scènes inédites résultant des précédents tournages, qu'il monte de façon à ce qu'elles s'intègrent à une nouvelle histoire de vol du diamant. Puis, il reprend quelques moments connus qu'il relie à une enquête menée auprès de plusieurs témoins par une journaliste, suite à l'annonce de la disparition en pleine mer de l'inspecteur. L'hommage du cinéaste à son acteur est touchant mais la construction du film est très faible. Les séquences exhumées se révèlent de bonne facture, ce qui rend le début agréable. Mais l'intérêt se dissout lorsque l'inévitable Dreyfus arrive au premier plan. Quand le troisième personnage principal débarque, en la personne de la journaliste, le récit n'avance plus, la jeune femme se contentant de récolter quelques souvenirs (on retrouve notamment David Niven endossant à nouveau, pour l'occasion, son rôle de Sir Charles créé pour le premier épisode). Ce patchwork, aussi sincère soit-il, ne fait malheureusement pas un film à part entière...

    ashotinthedark.jpg

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    Le gendarme et les extra-terrestres (Jean Girault / France / 1979) / □□□□ / Le gendarme et les gendarmettes (Jean Girault / France / 1982) / □□□□

    Oscar (Edouard Molinaro / France / 1967) / □□□□

    La Panthère Rose (The Pink Panther) (Blake Edwards / Etats-Unis / 1963) / ■■□□ / Quand l'inspecteur s'emmêle (A shot in the dark) (Blake Edwards / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 1964) / ■■■■ / Quand la Panthère Rose s'emmêle (The Pink Panther strikes again) (Blake Edwards / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 1975) / ■■□□ / La malédiction de la Panthère Rose (Revenge of the Pink Panther) (Blake Edwards / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 1978) / ■■□□ / A la recherche de la Panthère Rose (Trail of the Pink Panther) (Blake Edwards / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 1982) / □□

  • Le bruit des glaçons

    (Bertrand Blier / France / 2010)

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    bruitglacons.jpgLe grand retour de Blier ? Mon cul, oui !

    Il est cramé le mec... Le ressort est pété, rouillé, émietté. Depuis longtemps d'ailleurs. Depuis Un, Deux, Trois, Soleil, minimum. Ça fait près de 20 ans ! C'est foutu maintenant... Le moteur tourne à vide, il ne produit plus rien : là l'intro qui fait mouche pour faciliter le travail des journalistes ciné ("Je suis votre cancer" repris partout), là la mort qui rôde, là le flash-back poreux, là la scène-d'amour-qui-dérange-mais-qui-en-fait-est-très-pure, là, là, là, là et là aussi, les apostrophes lancées à la caméra. Cinéma de photocopieuse (et une photocopie de photocopie cela dégrade fortement la qualité), celle qui est à côté de la machine à café, là où l'on entend les meilleures vannes des collègues ("Ça colle au cul un cancer !"). On avait la petite musique stridante de Blier, il ne nous reste plus que son bon gros théâtre de l'absurde. Quatre acteurs (ou un peu plus à l'occasion) entre quatre clôtures d'une belle villa pour une histoire qui avance si peu. Une histoire qui avance si mal. A coups de coups de théâtre et d'idées purement littéraires. Attends, mais c'est quoi ce dénouement à la con ? Une trouvaille de scénariste tombant du ciel et que rien ne peut justifier dans tout ce qui précède (elle est passée où, tout à coup, l'omniscience du Cancer ?). Ou alors on n'a qu'à dire que le fameux style Blier, son fantôme plutôt, impose par sa distanciation qu'on lui passe tout : l'anonymat esthétique, la grossièreté des blagues, l'aléatoire des apparitions (Dupontel : Vous me voyez, Vous ne me voyez pas, Vous me voyez, Vous ne me voyez pas...). Et puis franchement, passer 90 minutes avec un poivraud... Rien de plus soûlant qu'un alcoolo. Un alcoolo ça finit toujours par plomber l'ambiance. Un alcoolo ça se casse la gueule dans l'escalier mais ça ne fait pas rire, ça se fait juste mal à la jambe. Toute façon, Dujardin n'a pas la carrure. Et Dupontel l'a trop. Lui je ne l'aime pas. Putain Bertrand... Dupontel et Dujardin... L'acteur de Jean Becker et celui de James Huth ! Kervern et Delépine ont pas voulu te rendre Depardieu ou quoi ?

  • En famille (2)

    corniaud.jpgLe Corniaud n'est pas désagréable dans sa première heure y compris sous son aspect touristique (la séquence documentaire de la cadillac avançant au pas au milieu de la foule des ruelles napolitaines, les vues de Rome...), du moins jusqu'à ce qu'il se rapproche des personnages italiens, aussitôt traînés dans les pires clichés. Reconnaissons aussi que quelques gags portent.

    La mise en scène est purement fonctionnelle lorsqu'il s'agit de faire rire, elle est transparente, voire calamiteuse, dans les transitions. La poursuite automobile entre les deux groupes de truands est ainsi montée en dépit du bon sens et composée d'images en accéléré, d'horribles raccords et de plans tournés alternativement de jour et de nuit ! Elle débouche heureusement sur la scène de l'affrontement nocturne dans le parc, plutôt réussie, grâce à deux ou trois heureuses trouvailles comiques (De Funès se croyant tenu en joue par son adversaire alors qu'il n'a fait que reculer vers une statue pointant son doigt, meilleur gag du film, ou le chassé-croisé à la Tex Avery dans le tronc creux d'un arbre).

    Au bout d'un moment, le film devient tout de même franchement médiocre, jusqu'à la fin, le "retournement" vengeur du personnage de Bourvil à l'égard de ses poursuivants et de celui qui l'a trompé étant parfaitement nul. Tout du long, l'acteur est lui-même peu supportable (De Funès est inégal mais a ses intuitions). Ses scènes d'amourettes sont d'une grande niaiserie, parfois même d'une bêtise confondante.

    Mais le film fait rire allègrement les plus jeunes...

    stagecoach.jpgComme on me le fit remarquer à son terme, La chevauchée fantastique ne propose finalement "pas beaucoup d'aventures", seule l'anthologique attaque de la diligence par les Indiens pouvant être décrite comme telle. Le classique de Ford dispose une série de figures comme autant d'archétypes : la façon dont chaque voyageur est présenté au début de l'histoire, en le caractérisant avec beaucoup de vigueur et de netteté, est en cela très significative, sans même parler du cadre (la petite ville puis le désert), de la simplicité de l'argument, des différents évènements parsemant le périple.

    Du point de vue narratif, cela rend parfois le déroulement un peu mécanique mais au niveau des personnages, ces hommes et ces femmes si "typés" au départ se voient magistralement "humanisés" par John Ford. Il n'y a qu'à voir la scène du repas lors de la première halte. Ringo Kid installe en bout de table Dallas mais Mrs Mallory et son "protecteur", le trouble Hatfield, se lèvent aussitôt pour s'éloigner. Une dame de la bonne société ne saurait se retrouver assise à côté d'une prostituée. Nous voilà choqués par cet ostracisme (d'autant plus qu'au sein de ce couple attachant qui est en train de se former, Ringo pense, à tort, que c'est lui, le fugitif, que l'on repousse) et prêts à mépriser ces Sudistes sans cœur. Or, après les plaintes, dents serrées, de Ringo et Dallas, que nous montre Ford ? Mrs Mallory et Hatfield à l'autre bout de la table, évocant avec émotion et retenue un passé commun que l'on imagine douloureux même si leurs propos restent flous pour le spectateur. Le recours à l'archétype n'implique pas forcément le manichéisme.

    John Wayne en Ringo Kid apparaît jeune mais en quelque sorte déjà mûr. Le regard qu'il porte sur Dallas (Claire Trevor), fille de mauvaise vie, n'est pas naïf mais droit (il a décidé de l'aimer et ce n'est pas ce qu'il pourra apprendre de sa condition réelle qui le fera changer d'avis). Toutes les scènes, y compris les premières, les réunissant dégagent une incroyable émotion.

    La chevauchée fantastique est célèbre pour l'attaque déjà évoquée (qui garde, il est vrai, toute sa force aujourd'hui encore) et pour ses plans de Monument Valley. On y trouve aussi du théâtre avec une orchestration rigoureuse dans des espaces réduits et, en certains endroits, de beaux exemples plastiques de l'expressionnisme fordien. On y trouve aussi, dans le final, ce mouvement incroyable de Wayne plongeant à terre pour tirer, lors de son face à face avec les trois frères Plummer et une ellipse foudroyante différant notre connaissance du dénouement.

    toystory3.jpgToy story 3 est une source de plaisir continu. Il s'agit d'abord d'un film d'évasion mené à un rythme époustouflant (tout en gardant une lisibilité totale de l'action et l'espace nécessaire à l'approfondissement des personnages). Ensuite, il propose quelques images stupéfiantes, notamment lors de la longue séquence de la décharge avec ses sublimes visions de l'Enfer. La projection en 3D ne donne pas exactement le vertige mais la technique se révèle tout à fait appropriée pour ce film jouant sur l'animation de jouets et donc sur les changements d'échelle. Cette différence de perception autorise à trouver de la beauté et de l'étrangeté à un décor à priori banal ou criard comme le sont les salles de la garderie Sunnyside. Une machine vulgaire, telle un distributeur de friandises, peut de la même façon devenir un fantastique refuge à explorer.

    C'est également un film de groupe, le formidable travail d'écriture et l'invention dans l'animation permettant de développer les différents caractères sans qu'aucun protagoniste ne donne l'impression de faire son numéro au détriment de l'équipe, même lorsqu'il a son "temps fort" (et il y en a, parmi lesquels l'irrésistible histoire d'amour entre les fashion victims Ken et Barbie). Dans la duplicité de certains, dans la volonté de faire d'un nounours et d'un poupon les méchants de l'histoire, de filmer des bambins comme des monstres détruisant tout sur leur passage et de faire de Sunnyside une prison, se niche l'idée d'un retournement. Ces renversements sont grâcieusement réalisés et ne font pas verser le récit dans le second degré et l'ironie facile à destination unique des adultes.

    Dernier tour de force réalisé : développer un discours sensible sur l'adieu à l'enfance, sur la séparation nécessaire, sur la transmission et sur les valeurs d'une communauté sans tomber dans la mièvrerie. Message à tendance conservatrice, certes... comme chez Ford.

    PS : Je me souviens très mal du premier volet et je n'avais pas vu le deuxième. 

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    Le Corniaud (Gérard Oury / France - Italie / 1965) / ■□□□

    La chevauchée fantastique (Stagecoach) (John Ford / Etats-Unis / 1939) / ■■■□

    Toy Story 3 (Lee Unkrich / Etats-Unis / 2010) / ■■■□

  • L'illusionniste

    (Sylvain Chomet / France - Grande-Bretagne / 2010)

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    lillusionniste.jpgSi le film ne décante pas si mal dans mon esprit depuis quelques jours, j'avoue qu'à regret je suis resté un peu extérieur au spectacle de L'illusionniste. N'en ayant vu aucun extrait et m'étant gardé de lire la moindre critique avant d'entrer dans la salle, je fus d'abord surpris, déconcerté, de voir que Sylvain Chomet tentait de façon si littérale de faire revivre le cinéma de Jacques Tati... et l'acteur lui-même. Son Tatischeff dessiné a exactement les mêmes postures, la même raideur, le même rythme de marche saccadé, la même retenue verbale, la même politesse excessive que les personnages créés par l'auteur de Playtime. Il m'a en fait fallu un temps certain avant de faire abstraction de ce fait, comme parfois on peut se voir gêner pendant les premières minutes d'un biopic consacré à une personnalité que l'on connaît. Cette idée du mimétisme, de la performance, resurgit d'ailleurs à la fin du métrage, au moment du générique se déroulant sur fond d'une chanson dont chaque couplet est chanté "à la manière de" (tous les grands sont imités, de Brel à Brassens, en passant par Piaf, Trenet, Gainsbourg etc...). Cela peut relever de l'anecdote mais ce choix me semble assez symptomatique de la démarche de Chomet, qui n'aboutit pas selon moi à un résultat totalement convaincant.

    Je ne sais pas si le film est un succès en salles mais celle dans laquelle j'ai assisté à sa projection ne m'a pas semblé transportée outre mesure. Le cinéma de Sylvain Chomet a un tempo particulier qui peut désarçonner facilement le spectateur. Il aime prendre son temps dans la scène, l'étirer, jouer de la répétition (on se rappelle du début des Triplettes de Belleville). De ce point de vue, déjà, la rencontre avec Tati n'est pas dénuée de sens. Seulement, le scénario de L'illusionniste, avec sa trame chaplinienne, n'est pas d'une originalité folle et, une fois passé par le prisme du "style Chomet", distille parfois un ennui discret. C'est aussi que cette histoire de magicien voyant les temps changer dégage plus de tristesse que de drôlerie, la galerie de comparses artistes (clown suicidaire, acrobates réduits à travailler dans la publicité) tirant régulièrement l'ambiance vers le dépressif. Pour ne pas sombrer, il reste les plaisirs simples, suite à la rencontre du vieux magicien et de la petite bonne, d'une relation nouvelle, rafraîchissante, et qui en annonce peut-être, au final, une autre. Entre ces deux teintes, dépression et réconfort, il ne reste plus de place pour le grotesque inquiétant qui irriguait La vieille dame et les pigeons (1998), sinon dans les quelques séquences décrivant les allées et venues des pensionnaires dans le hall de cette maison d'artistes sur le retour.

    Ces réserves faites, il serait difficile de passer sous silence les qualités dont fait preuve L'illusionniste, la cohérence du projet n'étant pas la moindre. Ainsi, la brève rencontre fortuite de Tatischeff, entrant accidentellement dans une salle de cinéma, et de Monsieur Hulot (Mon Oncle sur l'écran), si elle ne produit pas un effet totalement renversant, est d'une logique imparable. Le magicien se retrouve face à son double comme Tati pouvait, dans ses derniers films, multiplier dans le plan les "faux" Hulot. Mais là où Chomet est à son meilleur, c'est dans l'animation. Par les couleurs et la lumière, il fait vivre remarquablement son cadre écossais. Surtout, il a le grand talent de savoir animer subtilement les fonds, les bords et les coins, y créant de petits mouvements qui attirent l'œil. Non pour distraire mais pour faire participer au mouvement général du plan, pour créer un cheminement du regard. Tati faisait la même chose, de manière certes plus complexe, avec ses gags visuels parfois imperceptibles. Finalement, si le pari de Chomet peut être considéré comme gagné, c'est que L'illusionniste parvient à prendre une place dans l'œuvre de Jacques Tati. Certes pas la plus essentielle, mais disons comparable à celle de ces appendices que sont Parade ou Forza Bastia.

  • Copie conforme

    (Abbas Kiarostami / Italie - France / 2010)

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    copieconforme.jpgComme tous les grands films de Kiarostami, Copie conforme raconte une histoire en même temps qu'il la montre en train de s'écrire. Ce double niveau n'est pas rendu sensible par un emboîtement. La caméra ne recule pas pour dévoiler un dispositif de représentation. Non, le jeu est plus subtil et plus mystérieux.

    Il est pris en charge d'abord par les personnages. Au fast-food, le fils expose clairement ce qu'il pense qu'il se passe entre sa mère et l'écrivain, puis ces deux derniers ne vont cesser de faire des propositions permettant autant de mises en scène de récit : aller se promener, entrer dans un café, observer un rituel (la première de ces propositions étant bien sûr de faire une conférence sur le thème "copie et original", sans compter celle, encore en amont et "hors du film", de lancer le "jeu"). Les dialogues concourent à cette mise à distance, s'appuyant sur des thèmes propices puisque le statut de l'oeuvre d'art est au centre des conversations. Du tableau (ou de la statue) au film, il n'y a qu'un pas et c'est donc, de manière évidente, la position du cinéaste lui-même qui est questionnée ici. Avec le travail sur le hors-champ, les cadrages et les reflets, la mise en scène n'est pas en reste lorsqu'il s'agit de naviguer dans l'entre-deux. Le procédé le plus saisissant est sans doute celui qui consiste à briser le rythme des séquences entamées avec des plans assez larges et mobiles par l'intrusion de plans fixes rapprochés. Cette frontalité soudaine est très déconcertante, surtout lorsqu'elle concerne Juliette Binoche. Régulièrement, l'actrice semble regarder la caméra et la frontière avec le spectateur s'abolit. Un isolement brutal du personnage est réalisé par ce déchirement, pratiquement une extraction. Personnage ou actrice au travail ? Le film se met, sinon en danger, du moins en équilibre précaire. Parfois, dans les dialogues, des hésitations se font, on bute sur des mots. L'accident du réel est intégré avec le maîtrise habituelle du cinéaste.

    La beauté de Copie conforme tient à ce flottement (sensation amplifiée par cette césure narrative, si radicale que l'on met quelques minutes à s'y faire, à la digérer, à l'accepter) et à ce que l'indécidabilité se diffuse sur un fond de mise en scène de la "transparence". Cette simplicité apparente du geste kiarostamien laisse une nouvelle fois pantois : merveilleux choix de cadrages faisant réellement vivre le décor, admirable photographie des visages (jusque dans les jeux de pénombre), trame sonore précise dans l'emploi des différentes langues comme dans celui des éléments environnants (surtout les cloches d'église, cela bien avant le plan final).

    Que le sujet de la réflexion passe progressivement de l'art au couple et que le cinéma englobe les deux, est une autre raison d'aimer ce film qui, sous ses apparences d'oeuvre mineure, confirme encore, si besoin était, l'importance de Kiarostami. L'homme a ce don unique et précieux de transcender la mélancolie, voire le pessimisme, de ses récits par une forme qui permet d'avancer (aux personnages et aux spectateurs). Même lorsque l'on y parle de la mort ou de la fin d'une histoire, nous ne restons jamais à l'arrêt.

    Vu par un nombre manifestement inhabituel de spectateurs, pour un Kiarostami, et largement recensé ici ou là, Copie conforme a globalement déçu. Dommage.

    Un dernier mot : j'ai été assez ému de retrouver Juliette Binoche.

  • White material

    (Claire Denis / France - Cameroun / 2010)

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    whitematerial.jpgRévoltes, coups d'états, guerres civiles, génocides : l'Afrique n'en finit pas de sombrer et tout cela n'a pas de sens. Des causes, oui, mais pas de sens. Pas plus que n'en a le comportement de Maria Vial, gérante d'une vaste plantation qui, au moment où rebelles et militaires prennent la région en étau, refuse d'être évacuée avec l'armée française, continue à embaucher des gens lorsque ses ouvriers fuient, et nie le danger devant tout le monde, ses employés et sa famille. L'héroïne de White material refuse de voir et Claire Denis se sert de cette cécité pour faire passer à l'écran l'impression de dissolution du sens, la difficulté qu'il y a à saisir (aussi au sens de la rattraper) cette Afrique qui s'écroule. Ainsi, abondent les plans obstrués, la vision se trouvant gênée par la végétation, les grillages, la poussière soulevées par les hélicoptères, les vitres des véhicules. Toujours, quelque chose fait écran.

    La sensation d'observer un pays qui part à vau-l'eau est amplifiée par la construction chaotique du récit. L'avancée s'y fait sans repères politiques (le pays n'est jamais nommé; groupes rebelles, armée régulière et milices sont impossibles à différencier au premier abord), ni temporels (l'histoire ne se déroule que sur une poignée de jours mais la chronologie est bousculée et si l'on distingue bien un large flash-back, constituant l'essentiel du film, certaines séquences restent difficiles à situer). De même, il faut souvent attendre sa troisième ou quatrième intervention pour comprendre le statut de tel ou tel personnage.

    Pour faire tenir ensemble ces séquences flottantes, la cinéaste utilise l'art le moins figuratif qui soit : la musique. La superbe partition est signé des Tindersticks, collaborateurs maintenant réguliers de Claire Denis, et sa qualité étonnera ceux qui, comme moi, sont devenus au fil des ans plutôt indifférents à la routine discographique du groupe. Cependant, à la valoriser ainsi, à la laisser épouser si parfaitement le flux des images, à faire qu'elle soit garante de l'unité esthétique des séquences, la réalisatrice courre le risque de creuser un écart entre les séquences musicales et les autres, ces dernières apparaissant tout de suite plus ingrates et plus explicatives.

    Car si Claire Denis joue avec talent de l'ellipse, de l'ombre et de la suspension, elle ne s'appuie pas moins sur des situations et des personnages qui sont autant d'archétypes. Et ces modèles finissent par poser problème. La figure mythique populaire (le "boxeur"), le chien fou, le vieux maître... Bankolé paraît sacrifié, Duvauchelle incompréhensible, Subor monolithique, Lambert réduit à apporter les éclaircissements dramatiques jugés nécessaires. Les éléments éparpillés par le montage trouvent finalement leur place logique dans la narration et l'ordonnancement déçoit. Comme nous le pressentions, tout était donné d'avance, dès l'introduction du film, celui-ci apparaissant au final refermé sur lui-même. La mise en scène escamote la montée en puissance que l'on serait en droit d'attendre, préférant verser dans un symbolisme appuyé. White material perd de sa force au fur et à mesure qu'il avance, dans un mouvement inverse à celui espéré. La fin était au début. Certes, cette dévitalisation redouble celle des personnages et du pays entier qui semblent se vider sous nos yeux mais la conscience de ce lien entre la mise en scène et le sujet n'empêche malheureusement pas de trouver que le film ne tient pas toutes ses promesses.

  • Mammuth

    (Benoît Delépine et Gustave Kervern / France  / 2010)

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    Mammuth.jpg

    Je n'ai pas beaucoup aimé Mammuth, ma première expérience du cinéma de Delépine-Kervern.

    Je n'ai pas beaucoup aimé le grain de cette image qui, s'il est inhabituel, enlaidit encore un peu plus les gens et les lieux.

    Je n'ai pas beaucoup aimé que des réminiscences de The Wrestler m'assaillent (l'allure de Depardieu, la caméra portée cadrant sa nuque, les scènes de supermarchés, le portrait de marginal, le chemin vers la rédemption, les retrouvailles, la relation entre un homme âgé et une fille plus jeune de la même famille), car elles sont toutes très défavorables à Mammuth.

    Je n'ai pas beaucoup aimé que la Charente soit filmée comme le Nord de la France et de l'Europe. Je n'y vois pas d'intérêt, à part celui qu'ont les cinéastes de rattacher à tout prix leur œuvre à d'autres, celles de la famille qu'ils se sont choisi (l'équipe de C'est arrivé près de chez vous, Aki Kaurismäki, Noël Godin...).

    Je n'ai pas beaucoup aimé l'humour du film. Voir Depardieu bafouiller des banalités au téléphone, à moitié à poil, assis sur son lit, me fait très moyennement rire. Quant au trash, c'est une affaire de goût. En revanche, il est problématique de trouver des séquences comme celle de l'expédition punitive de Yolande Moreau et sa copine : celle-ci ne tient que par sa chute (les deux femmes réalisent tardivement qu'elles n'ont aucun moyen de localiser la voleuse de portable), chute qui se fait attendre et qui laisse le spectateur dans une position désagréable puisqu'il se demande si elle va vraiment venir ou si les auteurs n'ont tout simplement pas décidé de passer outre la vraisemblance (qui voudrait que l'absence totale de piste empêche les deux femmes de se "monter la tête" ainsi).

    Je n'ai pas beaucoup aimé m'apercevoir que Delépine et Kervern ont pensé leur film uniquement en termes de saynètes. Cela peut marcher, comme, pour rester parmi les nordistes, dans le cinéma de Roy Andersson, mais il y a chez le Suédois un réel travail sur le temps, l'espace, la symbolique. Si ses séquences restent cloisonnées, elles n'en contiennent pas moins une dynamique interne et leur empilement provoque en bout de course un mouvement général, un déplacement qui ne tient pas uniquement au scénario (de plus, Andersson fait une toute autre chose de la médiocrité des figures qu'il met en scène). A l'opposé, Mammuth ne repose que sur une série d'idées (tel dialogue, tel cadrage). Les auteurs se sont demandés pour chaque séquence comment la rendre originale et ils en ont oublié toute notion de continuité. Cela nous vaut une succession d'apparitions de vedettes-amis du duo (de Poelvoorde à Siné) mais entrave constamment notre adhésion aux personnages principaux, contrairement à ce que les deux cinéastes semblaient souhaiter.

    Je n'ai pas beaucoup aimé ce qu'ils font d'Adjani, c'est-à-dire rien. Au risque de ne pas être cinéphiliquement correct, je préfère amplement voir le couple star réuni, aussi brièvement qu'ici, dans le Bon voyage de Jean-Paul Rappeneau.

    Je n'ai pas beaucoup aimé que l'on me force à passer tout ce temps avec des neus-neus. En ne plaçant devant la caméra que des personnages de cons, il y a de fortes probabilités d'obtenir un film qui le soit aussi. Dans Mammuth, la bêtise est unanimement partagée. De nombreux critiques et commentateurs ont loué la tendresse de Delépine et Kervern pour les petites gens. Je trouve pour ma part qu'ils ont une drôle de façon de les aimer.

    En revanche, j'ai beaucoup aimé la scène où Depardieu est pris de panique, entraîné qu'il est par un groupe de vieux se pressant pour grimper dans leur autocar. C'est cruel et touchant. Cela dure peut-être vingt secondes. Ce n'est malheureusement relié à rien (il est impossible de se rappeler de ce qui précède et de ce qui suit).

    J'aime aussi beaucoup Anna Mouglalis.

  • Le mariage à trois

    (Jacques Doillon / France / 2010)

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    J'étais venu pour une projection spéciale du film, rare, de Christian de Chalonge sur l'émigration des ouvriers portugais, O Salto (1967). Malheureusement, contrairement à ce qu'annonçait le programme, la copie présentée s'est révélée dépourvue de sous-titres. Étant tout sauf lusophone, je dus donc rapidement déclarer forfait. Il me fut alors proposé, afin de ne pas m'être déplacé pour rien, d'assister à l'une des autres séances du soir.

    lemariagea3.jpgLe choix de ce Mariage à trois a donc été fait par défaut et je n'aurai probablement pas été voir ce nouveau Doillon sans ce concours de circonstances, ce que j'en savais jusque-là ayant faiblement stimulé ma curiosité (malgré l'estime que je peux avoir pour certains films de l'auteur, Raja étant, en ce qui me concerne, le dernier en date). J'avoue donc que je n'étais pas dans les meilleures dispositions...

    Il faut dire aussi que Doillon tend un fagot entier pour se faire battre : thème rabattu de la valse des sentiments entre quatre personnages (thème se croisant avec celui non moins fréquent des affres de la création), dialogues très soutenus, respect des régles (unité de temps et de lieu) et des figures de style (entrées et sorties de champ) théâtrales, cadre bourgeois d'une vaste demeure campagnarde, casting venant du sérail du cinéma d'auteur national... La liste est trop longue pour que la barrière dressée entre le cinéaste et moi ne soient pas insurmontable. Consistant en une série d'affrontements plus ou moins feutrés, à deux, à trois ou à quatre, la majorité des séquences s'étire pour finir par filer entre les doigts, par laisser l'esprit vagabonder ailleurs, loin des petits problèmes de cœur et de cul qui nous sont exposés, analysés, décortiqués sans fin jusqu'à se vider de toute substance. De même, l'ahurissante inconstance à laquelle obéissent les émotions et les réactions des personnages (l'imprévisibilité étant ici érigée en règle) rendent celles-ci totalement insignifiantes. Enfin, l'artifice est partout. Longuement les acteurs déroulent leur texte tout en faisant semblant de mettre la table, de placer les couverts, de cuisiner, de manger, et nous ne voyons de ces actions que les rouages. L'effet de réel est nul.

    Comment, dans ces conditions, le film parvient-il à échapper au naufrage absolu ? Par l'envie, malheureusement bien trop intermittente et trop peu assumée, qu'a eu le cinéaste de prendre un peu de distance avec son sujet. Ce mouvement de recul se traduit par des mises en abîme légères et quelques touches humoristiques. Ainsi, à de rares instants, l'œuvre se déleste de son poids, cela lorsque les personnages "fictionnalisent", imaginent ce qui peut se passer en d'autres lieux ou ce qui pourrait advenir dans le futur, bref, s'abandonnent à créer eux-mêmes du récit au lieu de se cantonner à une réflexion stérile sur leur art et sur leur rapport aux autres. L'humour, quant à lui, est essentiellement amené par Louis Garrel, seule personnalité du groupe à dégager un peu de vérité comportementale et de légèreté intellectuelle. C'est à cet acteur que l'on doit les rares scènes quelque peu appréciables d'un film plombé.

  • Finis Terrae

    (Jean Epstein / France / 1929)

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    FiniTerrae.jpgBeau mais assez déroutant.

    L'histoire contée dans Finis Terrae est particulièrement simple. Quatre pêcheurs basés à Ouessant passent l'été à travailler sur l'île inhabitée de Bannec. Les deux plus jeunes, Ambroise et Jean-Marie, en viennent à se disputer. Le premier s'étant blessé à la main avec un bout de verre, il ne peut plus participer aux travaux et s'éloigne de ses camarades. Fiévreux, incapable de quitter seul la petite île, il est enfin pris en charge par Jean-Marie. Dans le même temps, le docteur officiant à Ouessant, alerté par les mères des deux jeunes hommes après qu'elles aient perçu d'inquiétants signes, prend la mer avec sa trousse de soins.

    Étrange sensation que d'assister à un spectacle à la fois très réaliste et très pictural. En effet, d'une part Jean Epstein tourne sur les lieux mêmes de l'action, fait appel à la population locale pour tous les rôles, filme avec précision le travail et place de nombreux cartons pédagogiques, et d'autre part, compose avec un soin extrême le moindre de ses plans, use d'étonnants ralentis sur des visages et insère dans le cours des séquences de brefs plans de nature à forte résonance symbolique. Le courant documentaire et le courant expérimental ont chacun leur intérêt mais avouons que les deux nous ont paru avoir du mal à converger.

    Les ruptures symboliques font que l'enchaînement des plans peine parfois à libérer une véritable dynamique et que le réel n'a pas trop le temps de déployer ses plis. Malgré qu'elle soit basée aussi sur un phénomène de répétition (la reprise inlassable des plans de rivages soumis à la force des vagues), la beauté plastique du film est toutefois indéniable, sidérante à certains endroits. Les acteurs ont le statut de figures, de modèles hyper-expressifs (jusqu'à abuser de certaines réactions, postures ou gestes, comme celui de menacer l'autre du poing, dans ce récit donnant la part belle aux conflits entre les individus). Mise à distance (involontairement) par le soin apporté à l'image et par la recherche d'un langage cinématographique particulier, l'émotion finit par affleurer dans les toutes dernières séquences, lorsqu'il n'y a finalement plus d'enjeu dramatique et qu'il ne reste plus qu'à observer silencieusement les hommes terrassés par la fatigue de l'épreuve.