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  • La grande guerre

    (Mario Monicelli / Italie / 1959)

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    grandeguerre.jpgDéception devant cette Grande guerre (La grande guerra) concoctée par un Mario Monicelli sortant pourtant tout juste du Pigeon. Le sujet est prometteur, qui lance deux bons à rien dans la bataille que se livrent italiens et autrichiens pendant la première guerre mondiale. Dino De Laurentiis a mis le paquet pour permettre au cinéaste de réaliser une fresque ambitieuse et documentée mais pimentée d'ironie. Seulement, Monicelli ne trouve pas l'équilibre nécessaire entre la peinture réaliste d'une époque et sa critique. Tournant essentiellement en plans séquences (et en scope) pour faire bouger le maximum de figurants, il étire inutilement la plupart des scènes et plante un cadre peu propice à l'épanouissement du comique. Ainsi paralysée par le poids de la reconstitution, la première partie est extrêmement bavarde, accumulant blagues de militaires et traits d'humours provinciaux.

    Ainsi forcés de prendre le film par son versant le plus sérieux, nous reconnaissons une certaine application dans la description historique mais la vision du conflit n'est guère novatrice (les années 30 avaient déjà proposé plusieurs oeuvres fortes). L'injustice de la guerre, notamment, frappe exactement là où on l'attend. J'ai eu également bien du mal à m'attacher aux deux héros-nigauds campés par Gassman et Sordi, dans leurs numéros habituels respectifs : la grande gueule et le médiocre. Ils sont meilleurs en bien d'autres occasions. Le cheminement de leur personnage vers une vague prise de conscience passe souvent par des scènes au bord de la sensiblerie. Ainsi, le rapport entre le personnage de Gassman et celui de Silvana Mangano (une prostituée-mère de famille que l'on ne voit, bien évidemment, jamais avec un autre homme) n'est pas très crédible.

    Bref, je me suis poliment ennuyé.

    Vu au 19e Festival International du Film d'Histoire de Pessac.

  • Requiem pour un massacre

    (Elem Klimov / URSS / 1985)

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    requiem.jpg1943. La Biélorussie est occupée par les nazis. Le jeune Floria trouve un fusil et s'engage auprès des partisans. Comme celui de la Glasha, la fille avec qui il partagera quelques brefs instants de liberté, son regard sera vite confronté à l'innommable.

    Le heurt

    Glasha à un visage étrange : rond et pâle, il est transpercé de deux yeux d’un bleu clair irréel. Belle et terrifiante à la fois, menaçant toujours de sombrer dans la folie, la jeune fille peut passer en quelques secondes des larmes au rire. A Glasha et à quelques autres, Elem Klimov consacre de nombreux gros plans, en conférant à ceux-ci un caractère surnaturel par la brutalité du montage. Tout le film est vu par les yeux du garçon Floria. On le sait, les enfants ont tous cette étonnante capacité à changer en un instant d’état émotionnel. En conséquence, le monde décrit dans Requiem pour un massacre (Idi i smorti) sera sans cesse soumis à des ruptures brutales.

    Dès le début, le montage heurté, la variété des échelles de plans dans une même séquence et la variation des niveaux sonores déroutent. La réalité de la guerre se faisant de plus en plus oppressante, la sensation ne fera que s’accentuer à coups de raccords brutaux. Explosions soudaines des obus trouant le paysage, sifflement des balles… Un homme est vivant. Dans le plan suivant, il est déchiqueté. La dislocation se rencontre aussi dans les dialogues. Le symbolisme les contamine et les rend parfois déplacés ou tout simplement incompréhensibles.

    Le viscéral

    Cette esthétique du choc prend aux tripes. Par l’utilisation de focales déformantes, les visages rouges de rage, baignés de larmes ou éclatant de rire tirent vers la grimace. Par le filmage en caméra portée, les courses nous font respirer difficilement. Un gamin fait le chien, un os dans la bouche, un autre se met la tête dans la boue, telle une autruche.

    Le son participe aussi de cette volonté de nous plonger dans le chaos. Suite au bombardement de la forêt, Floria perd de l’audition. La surdité passagère et les sifflements qui l’accompagne se répercutent alors sur la bande-son. L’effet est connu mais Klimov est sans doute l’un des premiers à en avoir ainsi tiré parti et il le prolonge de façon radicale pendant une bonne demie-heure, saturant l’ambiance sonore de musique bourdonnante, d’éclats ou de bruits étouffés.

    La partie centrale, la meilleure du film, transmet de manière inédite le sentiment de la peur. Courses affolées et pauses se succèdent. La forêt change d’aspect au gré des bombardements ou des averses, tantôt lumineuse, tantôt maléfique. L’ennemi est invisible. Après la survie dans le bois, le retour au village mort (extraordinaire séquence) nous dévoile la vérité d’un terrible hors-champ, vu du coin de l’œil.

    Il y a cependant un risque : le viscéral peut limiter la réflexion.

    La représentation

    En épousant le regard de l’enfant, Klimov a d’abord privilégié le motif de la trace pour rendre compte de la violence : nuages de terre provoqués par les mines et les obus, chemins lumineux des balles dans la nuit et cadavres, lambeaux, plaies. L’hyper-réalisme se lestait de métaphores.

    Arrive le trou noir du film, le point vers lequel tout converge : l'anéantissement d'un village entier par un détachement SS. Le cinéaste passe alors à une description frontale d'un processus d'extermination. Rien de plus difficile. Pour représenter la barbarie, resserrer sur un seul personnage permet généralement de faire passer toute la souffrance imaginable, mais filmer des mouvements de foule, englober des centaines de victimes peut provoquer, par réflexe défensif sans doute, le retrait du spectateur, qui ne veut alors voir que des figurants en train de crier. J'ai suffisamment insisté ailleurs sur mon désaccord avec la position critique voulant poser un interdit absolu sur la question de la représentation des atrocités nazies pour m'étonner ici que personne ne trouve à redire sur ce long passage de Requiem pour un massacre. Je ne suis pas sûr que travailler la durée des séquences et la perception auditive suffise pour que l'on place Klimov au-dessus du débat, alors que l'on en finit plus de déblatérer sur tel travelling ou telle pomme de douche, reléguant des cinéastes, peut-être moins brillants mais pas moins honnêtes, au rang d'irresponsables. Non, Elem Klimov n'a pas réalisé l'impossible et son morceau de bravoure est moins fort que l'heure et demie qui le précède.

    Ce sentiment est conforté ensuite par une séquence tout aussi ambiguë dans sa manière : celle de la vengeance. Pour peindre l'horreur du massacre des villageois, Klimov a choisi de mettre l'accent sur la bouffonnerie bravache et révoltante des bourreaux, plutôt que de les montrer par exemple plein de froideur inexplicable. A peine quelques minutes plus tard, par une ellipse collant quasiment l'une à l'autre les deux séquences de façon assez gênante, il montre les dignes partisans face aux piteux pantins nazis faits prisonniers. Il s'autorise de plus, au cas où, un insert d'images d'archives des camps de la mort : la piqûre de rappel se fait coup de marteau sur le crâne. La fin de Requiem pour un massacre laisse un arrière goût de religiosité et de patriotisme et l'ombre de ce que l'on appelait alors le cinéma officiel plane.

    In extremis, le bruit et la fureur retrouvent un vecteur plus symbolique lorsque Floria tire sur le portrait d'Hitler, tentant littéralement de refaire l'histoire puisque défilent sous nos yeux, dans un grand fracas et à l'envers, des images d'archives de la guerre remontant à la source : le visage du petit enfant Adolf. C'est bien dans ce registre que Klimov est le plus convaincant.

    L'anti-Malick

    Après le bombardement, apparaît sous les yeux des deux jeunes gens un étrange oiseau, une sorte d'échassier gracieux se déplaçant avec précaution au milieu de la végétation calcinée. Chez Terrence Malick, la présence animale, au-delà de son étrangeté et de sa poésie, renvoie à l'immuabilité et à l'indifférence de la nature face à la folie humaine. Chez Klimov, l'animal est déplacé, détourné, dépossédé : la vache doit courir, le lémurien est réduit à un objet décoratif, sur l'épaule d'un officier allemand.

    Malick nous baigne de spiritualité mais questionne sans cesse l'idée de Création. On dirait, à première vue, que Klimov se préoccupe moins de la dimension spirituelle. Elle me semble pourtant souterraine et le sacré finit par recouvrir certaines images. Il est posé tel quel. Il n'y a pas, ici, d'interrogation.

    Quand Klimov recherche la sidération du spectateur par le heurt, Malick embrasse le monde harmonieusement et bâtit une oeuvre musicale. 

    Le cinéma de Malick est empreint de mélancolie mais nous tire vers la lumière. Klimov fait s'entrechoquer rires et larmes dans un voyage vers le néant, l'impensable.

    Requiem pour un massacre...

    ...est une oeuvre éprouvante, un choc plastique indéniable et une source de problèmes.

     

    A lire aussi sur Inisfree et sur A la poursuite du vent.

     

  • Les vacances de Mr Hulot

    (Jacques Tati / France / 1953)

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    "La plus belle carte postale de l'histoire du cinéma" peut-on lire je ne sais plus où. En effet, nulle part ailleurs que dans Les vacances de Mr Hulot nous épousons mieux le rythme de ces moment particuliers où tout semble être mis en parenthèse. Nous avons là le Tati le plus harmonieux, le plus calme, le plus équilibré, le plus tendre.

    vacancesHulot1.jpg

    Dans la petite station balnéaire perturbée par l'arrivée de Hulot, certains personnages, comme le patron de l'hôtel renfrogné ou le vieux militaire dirigiste, gardent leur part de ridicule et hésitent encore à faire tomber leur masque. Cependant, même eux, il est difficile de ne pas les considérer avec sympathie. Tati joue moins ici qu'ailleurs sur le principe d'opposition. Il arrive à nous faire croire à la vertu égalitaire des vacances. Sur la plage, plus de différences. Par conséquent, Hulot est moins mis à l'écart par principe que par une réaction exaspérée, provoquée par sa série de maladresses mal comprises.

    Certes, notre rêveur reste résolument du côté des enfants. Le gamin avec ses glaces à la main ne monte-t-il pas les marches aussi précautionneusement que Hulot encombré de valises ? De nombreuses saynètes font ainsi le rapprochement. Mais il arrive que de vraies rencontres se fassent et pas toujours avec ceux que l'on attend. Le plus surprenant pensionnaire de l'Hôtel de la Plage est assurément cet homme silencieux se tenant toujours cinq mètres derrière sa femme lors de leurs promenades quotidiennes. On pense d'abord que sa position en retrait lui permet quelques regards en biais vers de belles jeunes filles ou que cet éloignement lui permet de respirer en laissant sa femme s'émerveiller devant le moindre bateau ou le moindre coquillage, avant de réaliser que cet homme est celui qui sait regarder. Car c'est bien lui, le discret, qui viendra contre toute attente serrer chaleureusement la main à Hulot pour le remercier du spectacle. C'est bien lui qui l'aura apprécié à sa plus juste valeur.

    La jeune femme d'à côté, la dame anglaise, un groupe de scouts s'attachent aussi à Hulot. On sent qu'il ne faudrait pas grand chose de plus pour que tout l'Hôtel suive et imite ce pas de côté. Les travers de chacun sont si gentiment moqués. Tout cela n'est pas bien grave. Pour chasser les problèmes politiques, il suffit de couvrir le discours de la radio par la musique de l'électrophone. Attention, absence de méchanceté ne veut pas dire mièvrerie. La netteté avec laquelle est dessinée chaque silhouette permet d'éviter l'écueil.

    vacancesHulot2.jpg

    L'extraordinaire travail d'unification par la mise en scène se traduit par ce rythme parfait, alternant avec autant de bonheur gags et pauses, mêlant les deux registres parfois. Du rire poétique, rendu possible par le sens de l'observation du cinéaste, qui commence avec ce second long-métrage à construire des gags visuels très élaborés, pas toujours décelables à la première vision.

    Enfin, le son a toujours énormément compté dans ce cinéma-là. Dans Les vacances, son utilisation se fait touchante. Une dimension émotionnelle s'en dégage, transmise par la musique. La dame anglaise qui s'inquiète de ne plus trouver nulle part Mr Hulot entend soudain résonner le tintamarre jazz venant de la chambre de celui-ci et son visage s'illumine. Plus tard, c'est la jeune femme qui le cherche en vain lors des prémisses du bal masqué, caché qu'il est par un paravent. Revenant donc sur ses pas, elle s'apprête à sortir de la pièce quand retentit le thème du film. Elle suspend donc son geste, se retourne et tombe sur lui. La musique illustrative est entrée dans la fiction. Tout est possible.

     

    Pour continuer, cette visite de Tatiland, motivée, je le rappelle, par un partage avec le fiston (qui a bien reçu celui-ci également), je passerai par dessus Playtime et Trafic. Parade sera donc la prochaine station (et cette fois-ci, une découverte pour moi aussi).

    Photos : Premiere.fr

  • Appaloosa

    (Ed Harris / Etats-Unis / 2008)

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    appaloosa.jpgAppaloosa s'inscrit dans la lignée la plus classique du western. Ed Harris réalisateur choisit en effet d'assumer entièrement tous les stéréotypes du genre qu'il met en scène. L'attitude est d'ailleurs revendiquée, d'assez jolie manière, jusqu'au générique de fin défilant sur une série d'images d'objets emblématiques : une selle de cheval, un chapeau, un colt etc... Passé un prologue sec où une fusillade est filmée sans fioritures, le récit démarre par l'arrivée de deux cavaliers, introduction d'autant plus typique qu'elle s'accompagne d'une voix off. Deux heures plus tard, cette voix reviendra pour fermer le livre, se posant sur un plan de cowboy s'éloignant à cheval. On ne peut guère faire plus simple et ce refus de moderniser se révèle pour le spectateur plutôt reposant, tant au niveau esthétique que psychologique.

    Le revers de la médaille est le peu de surprises scénaristiques avant la dernière demie-heure. De plus, les chevilles narratives sont assez voyantes. Le fait qu'un événement soit toujours concomitant à un autre, dans la même scène, provoque un certain déséquilibre entre moments d'actions et séquences réflexives. Désireux d'oeuvrer à tout prix dans la sobriété, Harris ne fait malheureusement qu'effleurer certaines choses comme la problématique de la loi (son établissement, son respect, ses limites) ou plus tard celle de la fin d'un monde (celui de la conquête) coïncidant avec la naissance d'un autre (celui du capitalisme).

    L'aspect le plus intéressant du film est le lien indémêlable tissé entre deux hommes, Virgil Cole et Everett Hitch, ces deux professionnels engagés pour rétablir l'ordre dans les petites villes. Sans nous assommer avec un sous-texte homosexuel, Ed Harris parvient à faire ressentir cette forte amitié qui passe par les regards plus que par les mots (le jeu d'opposition entre les deux, Everett parlant peu mais toujours à bon escient et Virgil, butant souvent sur des mots dont il maîtrise mal la signification, est d'ailleurs un peu appuyé). L'interprétation est homogène et crédible. Face au Mal représenté par Jeremy Irons et aux côtés d'Ed Harris, Viggo Mortensen dégage une présence imposante. On n'oubliera pas ses regards et son look d'étrange cowboy élancé. Renée Zellweger hérite, elle, d'un rôle féminin difficile et d'un personnage peu aimable.

    Avec ses décors et sa photo impeccables, Appaloosa passe agréablement. Mais en restant un peu trop sur les rails, il reste en deça, dans le registre du classicisme tranquille, du mésestimé Open Range de Kevin Costner, qui était porteur de plus de beauté et d'émotion.

  • Pension d'artistes & Gabriel over the White House

    (Gregory La Cava / Etats-Unis / 1937 & 1933)

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    De temps à autre fleurissent dans la presse de cinéma des articles visant à replacer l'oeuvre de Gregory La Cava dans les mêmes hautes sphères que celles de ses contemporains Capra ou McCarey. Pour l'instant, la croisade se fait sans moi...

    Premier temps. Je tombe (il y a de cela fort longtemps) sur une diffusion télé de Gabriel over the White House. Je n'aime pas.

    pension.jpgDeuxième temps. Début 2007, j'ai l'occasion de voir en DVD, Pension d'artistes (Stage door), l'un des plus fameux titres de La Cava. Je vous livre telles quelles les notes griffonnées à l'époque :

    Tiré d'une pièce, film extrêmement bavard, uniquement basé sur l'effet comique des réparties des pensionnaires (toutes féminines) d'une maison abritant des apprenties comédiennes à la recherche de producteurs. Rien de très emballant dans la mise en scène du groupe (une réplique / une coupe / un plan fixe / une réplique...). Les piques échangées portent surtout sur les origines de chacune, venant de telle ville des USA, blagues qui nous parlent peu. La vision du métier est assez noire mais la simplification des référents culturels (Sarah Bernard, Shakespeare... pour que tout le monde comprenne bien) et des techniques de jeu (Hepburn, touchée par la mort d'une pensionnaire qui convoitait son rôle, ressent soudainement l'émotion qui la rend brillante et émouvante le soir de la première, alors que les répétitions la montraient exagérément mauvaise) rend tout cela bien artificiel. Ginger Rogers n'est pas drôle et j'ai du mal à juger Katharine Hepburn. Bien sûr, c'est l'aristocrate qui réussit...

    gabrielover.jpgTroisième temps. Le Cinéma de Minuit rediffuse Gabriel over the White House(c'était dimanche dernier). Je tente à nouveau le coup. Le film est une fable politique. Le premier quart d'heure est assez réussi. Judson Hammond est élu à la Présidence des Etats-Unis. Il prend possession de la Maison Blanche, entouré des ses amis du parti (jamais nommé, sauf inattention de ma part) et de ses conseillers. Les bons mots pleins de cynisme fusent, chacun s'amusant à penser que nul élu n'est obligé de tenir les promesses de sa campagne. Devant la presse, le Président use d'une parfaite langue de bois pour répondre aux questions alarmistes. Peu après, nous le voyons jouer avec son petit neveu dans son bureau, totalement indifférent à l'appel radiophonique poignant lancé par le leader de "l'armée des chômeurs" regroupée dans des camps de fortune, aux portes de Washington. Jusque là, tout va bien.

    Conduisant lui-même sa voiture, le Président finit dans le fossé. Donné pour mort, il semble recevoir sur son lit de souffrance un signe divin (apporté, selon l'interprétation de sa secrétaire personnelle, par l'ange Gabriel). Notre miraculé se remet alors aux affaires, mais cette fois-ci, de manière réfléchie et en se mettant au service du peuple. Les auteurs poussent alors à l'extrême l'image mythologique du guide de la Nation, la confondant presque avec l'image de Dieu. Hammond passe outre les décisions du Congrès, décrète l'état d'urgence, tend vers un exercice du pouvoir dictatorial (mais, assure-t-il, cette dictature serait "fondée sur la définition jeffersonienne de la démocratie") et finit par imposer par la force aux pays européens et asiatiques le paiement de leurs dettes contractées à la sortie de la guerre de 14. La paix mondiale et la prospérité nationale par les voies du totalitarisme : on en reste coi.

    La rigidité de la mise en scène s'accordait avec le ton cassant de la première partie. Ensuite, elle ne fait qu'accuser l'assommante dignité du héros. On note de nombreux faux raccords dans des scènes pourtant simples (il faut dire que le film a été apparemment beaucoup censuré à l'époque, ceci expliquant peut-être cela), d'affreuses transparences (la séquence sur le bateau est très laide) et des accélérations criardes (la course effrénée en voiture). Surtout, la narration ne rend jamais compte de l'écoulement du temps. Ainsi, la lutte contre le gangstérisme est condensée en quelques plans, dont une grotesque séquence d'embuscade. Un riche truand symbolise toute la pègre, un syndicaliste le peuple et bien sûr, le Président réglera directement les problèmes avec eux.

    La transformation spectaculaire, qui peut évoquer une sorte de Jekyll et Hyde, reste inexpliquée, sinon par la main de Dieu. Ne réfléchissez pas. Faîtes confiance. Je vous guide...

    Je ne comprends pas ce film.

    A lire, un avis opposé : Avis sur des films.

    A lire également dans le numéro de Positifdu mois de septembre, un intéressant article (de Francis Bordat) replaçant précisément le film dans son contexte.

  • Vicky Cristina Barcelona

    (Woody Allen / Espagne - Etats-Unis / 2008)

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    vickycristina.jpgCristina prend un verre à la terrasse d'un café, en compagnie de Vicky et son mari Doug. Elle leur avoue avoir fait l'amour avec Maria Elena, l'ex de son amant Juan Antonio. Un flashback s'amorce pour illustrer la scène en question. Passés les premiers baisers et caresses, nous revenons au présent, à la terrasse, pour continuer le dialogue. Cristina et Vicky sont filmées côte à côte, se détachant d'un fond animé, dissemblables mais complices, parlant avec naturel et sérieux. Suit alors le contrechamp sur Doug, cadré seul, sans rien autour de lui, comme aspiré par le vide de la perspective. Sa défense d'une sexualité "normale" cache bien mal son trouble, suscité par la superposition de cette vision de sa femme et son amie, réunies face à lui, et des propos de cette dernière.

    Comment faire la fine bouche devant le trente-huitième long-métrage de Woody Allen alors qu'il est truffé de ce genre de trouvailles discrètes ? La moindre séquence est ici un modèle d'élégance : la série de plans rapprochés qui retarde l'arrivée sur l'écran de celui dont tout le petit groupe parle à l'exposition (Juan Antonio), les fondus enchaînés précédents le premier baiser entre Vicky et Juan Antonio, la coupe en miroir entre deux plans symétriques lorsque Cristina téléphone à Vicky (leurs hommes respectifs placés dans la profondeur), ce pré verdoyant pentu où l'on suivra Cristina en un plan étonnamment long... Pour autant, le film, convoquant l'art photographique et le tourisme, n'est pas qu'une série de brillants instantanés. Allen y fait à nouveau preuve de son art musical des transitions. Les liaisons entre les plans sont notamment assurées par une voix off que d'aucuns jugent impersonnelle alors qu'elle apporte justement la distance et le soupçon d'ironie qui transforment le simple récit en conte moral.

    Clichés touristiques ! reproche-t-on au film. Les deux héroïnes sont des jeunes femmes aisées et cultivées en vacances à Barcelone. Dîtes-moi alors comment n'iraient elles pas faire un tour à la Sagrada Familia ou au Parc Guell ? Oui, les personnages sont également stéréotypés. Mais l'avantage d'un stéréotype, c'est qu'il nous plonge directement dans le vif du sujet, qu'il plante le décor dès la première minute. Et à partir de là, on peut l'approfondir. Il suffit de se rappeler de ce que Woody Allen est parvenu à tirer l'an dernier de Ewan McGregor et de Colin Farrell pour se persuader qu'il est l'un des plus grands directeurs d'acteurs en activité. Cette fois-ci encore, il fait jouer un quatuor époustouflant. Trouble de Rebecca Hall, voix cassante de Scarlett Johansson, intensité de Penelope Cruz, oscillation entre force et tendresse de Javie Bardem (si j'étais une fille, je referai sûrement ma vie avec lui). Une idée géniale parmi d'autres : au sein du triangle amoureux, imposer, parfois sans succès, à Maria Elena (Cruz) de parler en anglais et non en espagnol, y compris dans ses crises de nerfs. Le mélange des langues et l'aisance de la comédienne dégage alors un extraordinaire sentiment de vie.

    La comédie est des plus plaisantes mais cache, comme souvent chez Allen, un pessimisme certain. L'amour inassouvi est le thème du film. "Je ne veux pas de cette vie-là" hurle-t-on pendant la crise finale. Le drame c'est que les désirs ne s'accordent pas et s'il arrive que ce soient les mêmes, les moyens de les assouvir diffèrent. Pire, une simple "insatisfaction chronique" peut déséquilibrer l'édifice que l'on croyait idéal.

    Vicky Cristina Barcelonaest le meilleur Woody Allen de la décennie.

  • Profils paysans : la vie moderne

    (Raymond Depardon / France / 2008)

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    viemoderne.jpgComme tout le monde le sait maintenant, on entre dans La vie modernepar un travelling avant automobile sur une route de campagne et on en sort par un travelling arrière. Morale ou esthétique, Depardon ne triche pas. S'il est, dans son domaine, le plus grand cinéaste français, c'est que son style symbolise exactement ce que devrait être le travail de tout documentariste : approche patiente et documentée de son sujet et inscription dans une forme précise et pensée.

    En guise de générique de fin, une touchante série de "photos animées" nous rappelle à quel point Raymond Depardon est un portraitiste hors-pair. Mais tout au long du film, c'est chaque entretien qui pourrait s'analyser en termes de composition. Pendant l'échange avec les deux vieux frères Privat, on remarque vite la présence de l'horloge dans le coin. Paul Argaud, lui, est filmé en train de regarder l'enterrement de l'Abbé Pierre à la télévision; le son et la lumière l'entourant paraissent venir de nulle part et chargent ce plan magnifique d'une étrange dimension spirituelle.

    Très strict, le dispositif, décidé une fois arrivé sur place, laisse aussi bien entrer l'imprévu : un chien s'invite à la table, un jeune garçon qui se balance sur sa chaise rentre à nouveau dans le cadre... La scène du petit déjeuner chez les Chalaye est à cet égard magnifique. Invité par ses hôtes à s'asseoir pour partager le café, Depardon entre dans le cadre qu'il a fixé. Puis, il se relève pour décaler légèrement sa caméra vers la droite afin d'obtenir un plan mieux équilibré. Tout l'art du cinéaste est condensé dans la gestion de ce petit accident du réel.

    Moins spectateur qu'auparavant, Raymond Depardon intervient beaucoup pour relancer les conversations avec les paysans. Le plus souvent, il n'obtient que des réponses brèves, accompagnées d'un regard évasif. Les "oui" ou les "non" suffisent et la rareté de cette parole interpelle et fascine. Quels silences entre ces phrases ! Des silences qui en disent long, dirait-on. A ceci près, qu'ils trahissent moins des pensées inavouées qu'ils ne font comprendre tout de suite le caractère de la personne.

    La vie moderne clôt de manière admirable une trilogie inestimable (dont le deuxième volet, Le quotidien, a déjà été évoqué ici). L'éternel retour et le passage du temps font de cet ultime épisode le plus émouvant. Le plus beau aussi, avec ce format scope (contrairement aux deux autres, celui-ci a été tourné directement pour le cinéma et non la télévision). Les images du début se seraient presque suffi à elle-mêmes, sans la musique de Fauré, tout comme celles de la fin, sur lesquelles Depardon avoue son attachement à cette terre. Sauf à considérer, à propos de ces dernières, qu'il y a des choses qu'il faut un jour savoir dire.

  • C'était mieux avant... (Novembre 1983)

    Voyage dans le temps, troisième étape. Octobre est passé. Il est donc temps de se remémorrer ce que nous proposaient nos salles de cinéma en Novembre 1983 :

    honkytonk.jpgEn ce temps-là, les contempteurs du fasciste Clint Eastwood, qui avaient eu beau jeu l'année précédente de déblatérer devant Firefox, l'arme absolue, durent ravaler leur salive et réviser leur jugement asséné depuis le début des années 70. En effet, le bonhomme livrait avec Honkytonk man non seulement son plus grand film (provisoirement), mais aussi une oeuvre profonde, inattaquable et attachante. De sale réac, Eastwood passait enfin en France au statut d'auteur.

    Ce statut, Maurice Pialat, lui, l'avait déjà et la sortie d'A nos amours allait lui assurer une place définitive au sommet puisqu'elle lui apporta le beurre et l'argent du beurre : éloges critiques et succès public. Pas vue depuis longtemps, l'oeuvre (qui est bien sûr aussi l'acte de naissance de l'une des plus grandes actrices françaises) reste dans ma mémoire comme l'une des plus intenses du cinéaste. Est-ce utile de rappeler que l'on y trouve notamment l'une des plus sidérantes scènes d'engueulade familiale qui soient ?

    poursuite.jpgCinq après son sublime Arbre aux sabots, Ermanno Olmi se lançait A la poursuite de l'étoile. J'ai une tendresse particulière pour ce récit étonnant, à la fois picaresque et réaliste. Pour rester dans les pointures de l'époque, il faut évoquer le Garçon ! de Claude Sautet, cette fois-ci un peu dépassé par son interprète (Yves Montand) et pour le coup, moins libre qu'à l'accoutumée. Je ne connais, en revanche, ni le Wajda de l'année (Un amour en Allemagne, avec Hannah Schygulla), ni La tragédie de Carmen de Peter Brook, ni Surexposé (un James Toback à mauvaise réputation).

    De Boat people, d'Ann Hui, il fut beaucoup question dans la presse. Je n'en ai aujourd'hui guère d'autre souvenir que celui d'une oeuvre intéressante et solide.

    Quelques autres titres semblent mériter le détour : Les Princes (Tony Gatlif), Les cœurs captifs (Michael Radford), Faux fuyants (Alain Bergala et Jean-Pierre Limosin)... Ou, peut-être plus risqués : Paura in citta (polar italien de Giuseppe Rosati avec James Mason et Raymond Pellegrin) et Du rouge pour un truand (Lewis Teague). Dans la foulée de la tornade Papy fait de la résistance, les comiques nationaux se retrouvaient ici ou là (dans Signes extérieurs de richesse pour Brasseur, Marielle, Balasko, Giraud et dans Un homme à ma taille pour Lhermitte et Anémone). Quant à Androïde (une SF américaine avec Klaus Kinski), Classe (comédie de Lewis John Carlino, avec Jaqueline Bisset, Rob Lowe et l’apprécié John Cusack dans son premier rôle) et Combat mortel Shaolin (Meng Hua Ho), je doute de croiser un jour leur route.

    fauteuil.jpgJe n'ai pas encore abordé les films que j'ai pu effectivement voir en salles à cette époque précise. Ils sont, je pense, au nombre de trois et comptent bien sûr parmi les plus grands succès. En nous poussant vers le film de Robert Enrico Au nom de tous les miens (d'ailleurs peut-être vu dans sa version télé), la presse et l'éducation nationale nous faisait ingurgiter du bien mauvais cinéma sous prétexte de devoir de mémoire. Heureusement, il y avait les comédies. Le film de John Landis, Un fauteuil pour deux, a encore de nos jours de sérieux défenseurs. Il me faudrait le revoir pour porter un quelconque jugement. Inutile, par contre, de me pencher à nouveau sur Les compères, qui, s'il n'avait pas déplu à l'ado que j'étais, m'est vite apparu ensuite comme étant le maillon le plus faible (et le plus gnan-gnan) de la trilogie de Veber basée sur le couple Depardieu/Richard.

    Pour finir ce tour d'horizon d'un mois assez riche, je ne résiste pas au plaisir d'ajouter que sortirent également, dans des salles sans doute moins bien éclairées : La belle-mère perverse, Baby Cat et Plein les petits culs.

    cahiers353.jpgDu côté des revues de cinéma, Cinématographe (94) et les Cahiers du Cinéma (353) saluaient à la fois Maurice Pialat et Sandrine Bonnaire quand La revue du cinéma (388) revenait sur L’ami de Vincent, de Granier-Deferre. Starfix (9) osait Staying alive et, en parlant de cinéma fantastique, Cinéma 83 (299) trouvait une bonne occasion d'offrir au Retour du jedi une nouvelle surface d'exposition. Fidèle à sa ligne, Première (80) mettait en couverture une photo de Francis Veber, Gérard Depardieu et Pierre Richard pour Les compères. Enfin, Positif (273) faisait l'éloge d'A la poursuite de l’étoile.

    Voilà pour Novembre 83. La suite le mois prochain...

  • Vive le sport

    (Fred Newmeyer et Sam Taylor / Etats-Unis / 1925)

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    vivelesport.jpgIl n'y a pas que Chaplin et Keaton dans la vie. Il est vrai que diffuseurs et distributeurs ne nous laissent pas trop le choix quand ils s'intéressent à l'âge d'or du burlesque hollywoodien (aura-t-on droit sur Arte, cette année encore pour Noël, aux films, certes géniaux, de Chaplin ?). Ainsi, je crois bien n'avoir jamais rien vu signé d'Harold Lloyd avant cette semaine. Et ne parlons même pas de Fatty, Charlie Chase, Harry Langdon ou Larry Semon... Rappellons toutefois que tout le monde connaît au moins une photo d'Harold Lloyd : celle où on le voit suspendu au-dessus du vide, accroché à l'aiguille d'une horloge, au sommet d'un building (image tirée de Safety last / Monte là-dessus).

    Vive le sport (The freshman, soit "le nouveau") nous conte le récit, maintes fois réactivé par le cinéma hollywoodien, de l'homme simple tentant d'intégrer, armé de ses seuls rêves et de sa bonne volonté, un milieu très codé (ici universitaire, ailleurs politique, culturel ou social...). D'abord bousculé, moqué, pris pour un idiot par la plupart de ses condisciples, le héros saura in fine retourner les événements à son avantage et gagner l'estime de chacun, ce dont quelques rares personnes dans leur coin (et toujours, parmi elles, une jeune femme) n'avaient jamais douté.

    Le film débute calmement et de manière classique, avec les préparatifs et l'arrivée de Harold à l'Université de Tate : quelques gaffes se retournant immanquablement vers le doyen, les brimades des anciens... Puis, progressivement, on se rend compte que la mise en scène (officiellement signée Newmeyer et Taylor mais ne laissant aucun doute sur le statut d'auteur de Lloyd, à l'image par exemple du Cameraman de Keaton, réalisé par Edward Sedgwick) use remarquablement de tous les ressorts comiques, jusqu'aux plus inattendus : des gags "sonores" (Harold pense s'être brisé le dos en se penchant quand un voisin casse du petit bois dans son jardin), des jeux graphiques dans les cartons (les onomatopées s'inscrivant en désordre sur l'écran quand le héros pousse les cris de guerre de son équipe sportive), des formules percutantes ("Le coach est un dur, du genre à se raser au chalumeau").

    L'inévitable histoire d'amour donne lieu à de merveilleux petits instants comiques et ce dès sa naissance. Dans le train qui le mène à l'université, Harold aide Peggy, assise à ses côtés, à faire ses mots croisés. Le mot sur lequel elle bute a pour définition : "Ce que vous aimez dire à votre amoureux". Les deux jeunes gens cherchent alors à haute voix tous les deux et égrènent en toute innocence des "Mon coeur", "Amour", "Chéri"..., sous les yeux attendris de la vieille dame installée derrière eux. Le couple se retrouvera bien sûr plus loin (et d'aussi belle manière, dans un reflet de miroir), pour ne plus se quitter. L'actrice Jobyna Ralston est délicieuse et d'une justesse rare.

    Quelques chutes et bris de vaisselle parsemaient la première partie, qui n'était bien qu'une mise en place. La narration, fidèle en cela à la tradition burlesque, se base sur un effet de crescendo. Une première séquence d'entraînement de football nous le montre : Harold Lloyd est bien l'un des génies de l'expression comique corporelle. A partir de ce moment-là, le héros sera sans cesse malmené, cogné, déshabillé. Comme si le masque de l'Américain modèle, devait être déchiré afin que celui-ci assume sa vulnérabilité et ose afficher sa corporéité, si besoin jusqu'au graveleux. Une extraordinaire séquence traduit cette évolution nécessaire. Harold organise le bal de l'université pour épater tout le monde. Bien évidemment, il est retardé par la confection de son costume, confiée à un tailleur victime de vertiges réguliers. Pressé par le temps, il déboule à la fête avec ses habits à peine cousus, le tailleur à ses basques, au cas où... Lloyd tient alors à peu près vingt minutes sur ce seul point de départ : un costume qui se découd de partout au fur et à mesure. Une inventivité folle nous entraîne vers un gag toutes les dix secondes, dans une progression redoublée par les mouvements des danseurs et par une mise en scène jouant merveilleusement des différents espaces (la salle, la petite pièce derrière le rideau où se tient le tailleur et l'entrée où Peggy tient le vestiaire).

    Une autre séquence d'anthologie clôturera le film : celle du match de football où brille le héros, pourtant au départ simple porteur d'eau de l'équipe. Lloyd parvient là à développer une scène que l'on trouvait dans Les trois âges de Keaton, et à en décupler la force comique, par la variété des gags et la mobilité de la caméra.

    J'ai parlé plus haut d'Américain modèle. Avec son visage blanc, ses petites lunettes et ses habits de tous les jours, Harold  Lloyd, même dans Vive le sport, finit toujours par s'intégrer à la société. Il n'est ni Chaplin le paria, ni Keaton l'éternel décalé. Si critique il y a, elle vient de l'intérieur et le burlesque ré-ajuste les valeurs plus qu'il ne les piétine. Ici, les flèches portent sur l'esprit de compétition, l'envie d'être populaire à n'importe quel prix. Au final, porté en triomphe par la foule, comme il en avait rêvé, Harold ne croise qu'un seul regard, celui de Peggy, puisque bien évidemment tout ça ne vaut pas l'amour...