(Marcel Trillat et Frédéric Variot / France / 1970)
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 Étranges étrangers est au centre de la nouvelle livraison de la collection "Histoire d'un film, mémoire d'une lutte", dirigée par Tangui Perron pour Scope Editions et Périphérie, centre de création cinématographique. Après un premier livre-dvd qui s'appuyait sur le film de Jean-Pierre Thorn, Le dos au mur, ce deuxième numéro confirme que nous tenons là l'une des initiatives éditoriales les plus passionnantes de ces dernières années, redonnant vie à des oeuvres cinématographiques militantes rares et les accompagnant d'une documentation extrèmement riche et instructive.
Étranges étrangers est au centre de la nouvelle livraison de la collection "Histoire d'un film, mémoire d'une lutte", dirigée par Tangui Perron pour Scope Editions et Périphérie, centre de création cinématographique. Après un premier livre-dvd qui s'appuyait sur le film de Jean-Pierre Thorn, Le dos au mur, ce deuxième numéro confirme que nous tenons là l'une des initiatives éditoriales les plus passionnantes de ces dernières années, redonnant vie à des oeuvres cinématographiques militantes rares et les accompagnant d'une documentation extrèmement riche et instructive.
Le documentaire de Marcel Trillat et Frédéric Variot fut conçu pour le magazine filmé Certifié exact de la Scopcolor, une coopérative ouvrière de production émanant du CREPAC (Centre de recherche pour l'éducation permanente), association de syndicalistes et d'économistes soucieux de proposer une alternative à l'information gouvernementale relayée par une ORTF fermement reprise en main à la suite des évènements de Mai 68. La diffusion du magazine (une vingtaine de numéros, de 1969 jusqu'à la liquidation de la coopérative en 1980) était assurée, selon un système d'abonnement, par des MJC, des foyers, des comités d'entreprises, des syndicats...
Étranges étrangers est tourné en janvier 1970, au moment où l'état français décide enfin de se pencher sur le problème des bidonvilles de la région parisienne et où naît, dans la presse et l'opinion publique, le premier véritable débat autour de l'immigration, tout cela à la suite de l'émotion que suscita un drame à Aubervilliers : la mort, le soir de la Saint-Sylvestre, de quatre travailleurs africains, asphyxiés dans leur taudis. Le film prend la forme d'une enquête sur les conditions de vie des immigrés, construite classiquement. La caméra nous plonge tout d'abord dans la nuit de la gare d'Austerlitz où arrivent des Portugais, accueillis par quelques compatriotes et surtout des policiers. Ensuite, nous serons menés de chantiers en foyers, de bidonvilles en taudis, pour finir aux côtés d'ouvriers maghrébins poussés à la grève.
Sont donc mises en lumière (parfois au sens propre, lorsqu'il s'agit de descendre dans les caves), par les réalisateurs, les conditions de vie déplorables de ces travailleurs que l'on ne veut pas voir. Parallèlement, sont enregistrés les fantasmes xénophobes d'une partie de la population française (les violences racistes se multiplieront dans les années 70) et les tensions que provoquent l'omniprésence de la police et le cynisme des patrons.
Le style du film est celui du cinéma direct. Les réalisateurs gardent au montage les présentations faites lorsqu'ils arrivent dans un foyer ou sur un chantier, ne gomment pas les difficultés d'approches de certains travailleurs, les refus et les échecs, passent outre les brèves défaillances sonores ou lumineuses (ce qui ne nous renvoie nullement vers l'amateurisme). Cette méthode de travail, le passage du temps aidant, nous vaut une belle piqûre de rappel, coincés que nous sommes dans notre époque moderne où la télévision (et parfois le cinéma) nous abreuve de reportages mensongers, faussement empathiques, mis en scène grossièrement sous le prétexte du "refus de l'ennui du documentaire". Notre télévision transpire la peur du réel.
Dans Étranges étrangers, le réel est bien là, dans toute sa brutalité et sa complexité. Il affleure essentiellement grâce au déploiement d'une parole, celle des immigrés, qui peut prendre possession du large espace qui lui est laissé. Cette parole, que l'on ne comprend pas toujours très bien, se présente dans toute sa singularité. Nous sommes devant l'évidence de l'altérité et au-delà du jugement puisque le regard n'est pas dirigé pour encadrer ou pour classifier, seulement pour rendre compte d'une certaine réalité.
La forme de l'enquête éloigne des tentations du film-tract. Si la parole des immigrés est mise en avant, s'entendent également celle des syndicalistes accompagnant les luttes de ces travailleurs invisibles, celle des maires communistes de Seine-Saint-Denis confrontés à la concentration forcée, sur leurs communes, de cette population et celle des passants compatissants ou au contraire, dédaignant ces indigènes bien heureux de s'entasser dans des caves insalubres. La séquence la plus forte rendant le point de vue de "l'autre bord" est sans aucun doute l'enregistrement d'un entretien avec Francis Bouygues. Bousculé par les questions faussement ingénues de Marcel Trillat, celui qui dit vivre "au milieu des étrangers" et donc les connaître parfaitement (88% de ses ouvriers étant des immigrés), ne met pas longtemps à lâcher de longues jérémiades sur l'instabilité de cette main d'oeuvre qui cause bien des soucis à son groupe.
Tout en affirmant sa démarche militante, il s'agit de débusquer plutôt qu'asséner et cette façon de procéder - faire tomber les masques des adversaires ou pousser les opprimés à témoigner - permet au film de préserver aujourd'hui encore toute sa force. L'implication des auteurs est évidente et leur volonté de montrer des immigrés en lutte arrache ces derniers à leur éternelle image de victime. Étranges étrangers est un film éloquent et clair. Les qualités d'interviewer de Marcel Trillat, qui sait, à la manière de Marcel Ophuls, provoquer des blancs très parlants dans le discours de Mr Bouygues, et qui enregistre, comme Raymond Depardon, aussi bien la parole que son refus, achèvent de convaincre de l'importance de cette oeuvre de témoignage.
(Chronique dvd pour Kinok)



















 Whatever works commence avec l'interpellation du spectateur par le personnage principal, Boris Yellnikoff. Cette apostrophe est déstabilisante tout d'abord par l'indécision du degré de distanciation qui la caractérise : débarquant au milieu d'une conversation entre amis, nous croyons bien déceler deux ou trois coups d'oeil de l'un des protagonistes vers la caméra avant que celui-ci s'adresse à nous directement, à la surprise de ses compagnons, qui continuent tout de même, tous comme les passants, à vivre leur vie de fiction.
Whatever works commence avec l'interpellation du spectateur par le personnage principal, Boris Yellnikoff. Cette apostrophe est déstabilisante tout d'abord par l'indécision du degré de distanciation qui la caractérise : débarquant au milieu d'une conversation entre amis, nous croyons bien déceler deux ou trois coups d'oeil de l'un des protagonistes vers la caméra avant que celui-ci s'adresse à nous directement, à la surprise de ses compagnons, qui continuent tout de même, tous comme les passants, à vivre leur vie de fiction. En revoyant le King Kong de Schoedsack et Cooper, frappe d'abord l'évidence d'un coup de génie des auteurs, celui d'avoir voulu faire de leur grand film d'aventure, un film qui réfléchit en même temps sur le pouvoir extraordinaire du cinéma. Grâce au choix initial du scénario de lancer l'expédition sous le prétexte d'un tournage exotique, nombre de séquences acquièrent par la suite une toute autre dimension. L'essai filmé que Carl Denham demande à son actrice Ann Darrow, sur le pont du navire en route pour Skull Island, consiste à la faire crier et à enregistrer son effroi. Celui-ci inquiète par anticipation Jack Driscoll, compagnon bientôt amoureux de la belle. A travers cette scène, le spectateur, lui, perçoit bien plus que cela : l'affirmation que de l'artifice pourra naître l'émotion.
En revoyant le King Kong de Schoedsack et Cooper, frappe d'abord l'évidence d'un coup de génie des auteurs, celui d'avoir voulu faire de leur grand film d'aventure, un film qui réfléchit en même temps sur le pouvoir extraordinaire du cinéma. Grâce au choix initial du scénario de lancer l'expédition sous le prétexte d'un tournage exotique, nombre de séquences acquièrent par la suite une toute autre dimension. L'essai filmé que Carl Denham demande à son actrice Ann Darrow, sur le pont du navire en route pour Skull Island, consiste à la faire crier et à enregistrer son effroi. Celui-ci inquiète par anticipation Jack Driscoll, compagnon bientôt amoureux de la belle. A travers cette scène, le spectateur, lui, perçoit bien plus que cela : l'affirmation que de l'artifice pourra naître l'émotion. Rééditer l'exploit à la faveur d'une suite rapidement mise en chantier (pour une sortie en salles seulement neuf mois après le premier) était une gageure impossible à tenir. Certaines des beautés de King Kong, telles que la charge érotique et la libération de l'imaginaire sont tellement volatiles que l'on peut considérer qu'elles ont échappé aux auteurs. Fatalement, Le fils de Kong (The son of Kong) est loin d'être porteur de la même fascination. Beaucoup plus court (65 minutes), il est bâti en deux parties distinctes et très inégales.
Rééditer l'exploit à la faveur d'une suite rapidement mise en chantier (pour une sortie en salles seulement neuf mois après le premier) était une gageure impossible à tenir. Certaines des beautés de King Kong, telles que la charge érotique et la libération de l'imaginaire sont tellement volatiles que l'on peut considérer qu'elles ont échappé aux auteurs. Fatalement, Le fils de Kong (The son of Kong) est loin d'être porteur de la même fascination. Beaucoup plus court (65 minutes), il est bâti en deux parties distinctes et très inégales. Nouvelle variation, seize ans plus tard. Joe est un gorille géant vivant depuis sa naissance près de Jill, aujourd'hui une jeune femme héritière du domaine africain de son père. Max O'Hara (interprété, comme le personnage de Carl Denham, par Robert Armstrong), un entrepreneur de spectacle américain, finit par les rencontrer et faire signer un contrat à Jill afin de produire Joe dans son nouveau night-club new yorkais.
Nouvelle variation, seize ans plus tard. Joe est un gorille géant vivant depuis sa naissance près de Jill, aujourd'hui une jeune femme héritière du domaine africain de son père. Max O'Hara (interprété, comme le personnage de Carl Denham, par Robert Armstrong), un entrepreneur de spectacle américain, finit par les rencontrer et faire signer un contrat à Jill afin de produire Joe dans son nouveau night-club new yorkais.

 Le jeune ado que j'étais pu aller voir une petite poignée de films familiaux : Signé Lassiter (de Roger Young, avec Tom "Magnum" Selleck en Arsène Lupin au pays des Nazis) me laissa relativement indifférent tandis que Roar, probablement pas meilleur, me séduisit un peu plus (un film de Noel Marshall où, pour moi, les stars étaient les dizaines de fauves que l'on y croisait, plutôt que les inconnues Tippi Hedren et sa fille Melanie (Griffith)). Toutefois, sur le moment, l'expérience la plus emballante fut incontestablement la découverte d'un drôle de film d'aventures signé par un protégé de Spielberg, Robert Zemeckis : A la poursuite du diamant vert. Gros succès en salles (relativement inattendu, semble-t-il me rappeler, malgré sa "recette") puis à la télévision pendant de longues années, il reste peut-être encore aujourd'hui fréquentable, son auteur ayant par la suite assez vite prouvé qu'il était un peu plus qu'un sous-Steven S.
Le jeune ado que j'étais pu aller voir une petite poignée de films familiaux : Signé Lassiter (de Roger Young, avec Tom "Magnum" Selleck en Arsène Lupin au pays des Nazis) me laissa relativement indifférent tandis que Roar, probablement pas meilleur, me séduisit un peu plus (un film de Noel Marshall où, pour moi, les stars étaient les dizaines de fauves que l'on y croisait, plutôt que les inconnues Tippi Hedren et sa fille Melanie (Griffith)). Toutefois, sur le moment, l'expérience la plus emballante fut incontestablement la découverte d'un drôle de film d'aventures signé par un protégé de Spielberg, Robert Zemeckis : A la poursuite du diamant vert. Gros succès en salles (relativement inattendu, semble-t-il me rappeler, malgré sa "recette") puis à la télévision pendant de longues années, il reste peut-être encore aujourd'hui fréquentable, son auteur ayant par la suite assez vite prouvé qu'il était un peu plus qu'un sous-Steven S. Vu d'ici et aujourd'hui, dans la liste de l'été 84, que regrette-t-on de ne pas encore connaître ? En premier lieu, Les années déclic, l'autoportrait de Raymond Depardon, sorti en catimini à l'époque et encore peu diffusé de nos jours. Ensuite, le remake, apparemment pas déshonorant, de L'homme qui aimait les femmes de Truffaut par Blake Edwards : L'homme à femmes (campé par Burt Reynolds). Enfin, malgré le peu d'enthousiasme réel qu'ont pu susciter chez moi les quelques films que j'ai pu voir d'Abel Ferrara (hormis Nos funérailles) : New York, deux heures du matin, l'un de ses polars poisseux s'étant taillé une petite réputation.
Vu d'ici et aujourd'hui, dans la liste de l'été 84, que regrette-t-on de ne pas encore connaître ? En premier lieu, Les années déclic, l'autoportrait de Raymond Depardon, sorti en catimini à l'époque et encore peu diffusé de nos jours. Ensuite, le remake, apparemment pas déshonorant, de L'homme qui aimait les femmes de Truffaut par Blake Edwards : L'homme à femmes (campé par Burt Reynolds). Enfin, malgré le peu d'enthousiasme réel qu'ont pu susciter chez moi les quelques films que j'ai pu voir d'Abel Ferrara (hormis Nos funérailles) : New York, deux heures du matin, l'un de ses polars poisseux s'étant taillé une petite réputation. Un second wagon fait un peu peur : Bingo Bongo (conte pour enfants autour d'un homme-singe, signé Pascale Festa-Campanile, avec Carole Bouquet), La nuit des loups (film de bande ouest-allemand de Rüdiger Nüchtern), Le challenger (film de David Fischer, sorti du fond du tiroir suite à la starification coppolesque de Matt Dillon), C'est dans la poche (une comédie de Daniel Mann sur un ex-champion de boxe et un kangourou, avec Elliot Gould et Robert Mitchum !), Tonnerre (Larry Ludman), Le gang des BMX (film d'aventures familial à l'Australienne, signé Brian Trenchard-Smith, avec notamment une certaine Nicole Kidman), Règlement de compte (de Paul Aaron, pas de Fritz Lang), Les maîtres du soleil (SF française de Jean-Jacques Aublanc), Le sang du dragon (polar hongkongais de Jimmy Tseng), Le palace en délire (Neel Israel).
Un second wagon fait un peu peur : Bingo Bongo (conte pour enfants autour d'un homme-singe, signé Pascale Festa-Campanile, avec Carole Bouquet), La nuit des loups (film de bande ouest-allemand de Rüdiger Nüchtern), Le challenger (film de David Fischer, sorti du fond du tiroir suite à la starification coppolesque de Matt Dillon), C'est dans la poche (une comédie de Daniel Mann sur un ex-champion de boxe et un kangourou, avec Elliot Gould et Robert Mitchum !), Tonnerre (Larry Ludman), Le gang des BMX (film d'aventures familial à l'Australienne, signé Brian Trenchard-Smith, avec notamment une certaine Nicole Kidman), Règlement de compte (de Paul Aaron, pas de Fritz Lang), Les maîtres du soleil (SF française de Jean-Jacques Aublanc), Le sang du dragon (polar hongkongais de Jimmy Tseng), Le palace en délire (Neel Israel). En se tournant vers les productions érotiques soft, mis à part le Carmen cité plus avant, on ne tombe que sur des propositions peu engageantes : Où sont les hommes ? (espagnol de Ignacio F. Iquino) et Histoire d'O, chapitre 2 (Eric Rochat). Tant qu'à faire, autant choisir Sodopartouzes clandestines (de "Joanna Morgan") ou Pénétrations multiples (de "Mike Strong"), sans doute moins décevants par rapport à ce que l'on en attend.
En se tournant vers les productions érotiques soft, mis à part le Carmen cité plus avant, on ne tombe que sur des propositions peu engageantes : Où sont les hommes ? (espagnol de Ignacio F. Iquino) et Histoire d'O, chapitre 2 (Eric Rochat). Tant qu'à faire, autant choisir Sodopartouzes clandestines (de "Joanna Morgan") ou Pénétrations multiples (de "Mike Strong"), sans doute moins décevants par rapport à ce que l'on en attend.

 C'est au dernier moment que je me suis aperçu que le film d'Emmanuel Mouret diffusé par Arte hier soir n'était pas
C'est au dernier moment que je me suis aperçu que le film d'Emmanuel Mouret diffusé par Arte hier soir n'était pas  [Seconde contribution personnelle au
[Seconde contribution personnelle au