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Nightswimming - Page 105

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1953)

    Suite du flashback sur les deux revues de cinéma, par le biais de leurs couvertures.

     

    cahiers20.JPGpositif7.JPG1953 : Sur les couvertures des Cahiers, la présence de Renoir et Rossellini a tendance à masquer le fait que la revue ne suit pas encore vraiment de ligne éditoriale stricte, sous la double direction de Doniol-Valcroze et Bazin. Jean Mitry revient longuement sur le pionnier Thomas Ince, Jacques Rivette proclame le "Génie de Howard Hawks" et rencontre Otto Preminger. Un hommage est rendu (comme dans Positif) à Jean Epstein, un ensemble de textes sur le cinemascope est publié. Autres noms croisés dans les sommaires : Murnau, Poudovkine et Ivens.

    Cet éclectisme se retrouve peu ou prou dans la revue d'en face (Positif, à une exception près, ne met toujours pas de photo en une et nous continuons donc à ajouter entre parenthèses les films défendus dans chaque numéro). Orson Welles, Jacques Tati, Carl Dreyer, William Wellman, Preston Sturges, Erich von Stroheim, Robert Mennegoz, Pierre et Jacques Prévert et surtout Jean Vigo sont les personnalités mises en avant en ce temps-là. Les lignes bougeront plus clairement à partir de l'année suivante, 1954 constituant un tournant pour les deux titres.

    Janvier : Viva Zapata (Elia Kazan, Cahiers du Cinéma n°19) /vs/---

    Février : Le carrosse d'or (Jean Renoir, C20) /vs/---

    Mars : La mort d'un commis voyageur (Lazlo Benedek, C21) /vs/---

    Avril : Les vacances de Monsieur Hulot (Jacques Tati, C22, ) /vs/ Positif n°6 (Othello, Les vacances de Monsieur Hulot, Le carrosse d'or, Jean Epstein)

    Mai : La mer cruelle (Charles Frend, C23) /vs/ L'Atalante (Jean Vigo, numéro spécial Positif n°7)

    Juin : Niagara (Henry Hathaway, C24) /vs/---

    Juillet : Europe 51 (Roberto Rossellini, C25) /vs/---

    Septembre : La lune était bleue (Otto Preminger, C26) /vs/ Positif n°8 (Crin Blanc, Le bon dieu sans confession, Carl Dreyer, William Wellman, Preston Sturges)

    Octobre : Madame de... (Max Ophuls, C27) /vs/ Positif n°9 (Les vacances de Monsieur Hulot, Et tournent les chevaux de bois, Noblesse oblige, Stazione termini, Pierre et Jacques Prévert, Robert Mennegoz)

    Novembre : Les orgueilleux (Yves Allégret, C28) /vs/---

    Décembre : La tunique (Henry Koster, C29) + "La femme et le cinéma" (La red, Emilio Fernandez, C30) /vs/---

     

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    Quitte à choisir : Rien à redire aux différents choix de Positif mais plusieurs couvertures des Cahiers en imposent. Les films de Kazan, Renoir, Tati, Rossellini et Ophuls sont indiscutables. Celui d'Hathaway un peu moins malgré Marylin. Cerise sur le gâteau : l'affolante Rossana Podesta en couverture du numéro de fin d'année. En revanche, j'ai des Orgueilleux un souvenir relativement pénible. Enfin, il est étonnant de voir l'importance qu'avait Benedek à cette époque. Allez, pour 1953 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Au printemps fleurissent les listes

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    Trois propositions de listes sur trois blogs recommandables : l'une concernant le cinéma français des années 70, l'autre celui des années 80 et la troisième l'âge d'or du film noir. Je vous invite à en prendre connaissance et à y apporter vos contributions.

     

    En photo : Série noire (Alain Corneau, 1979), Thérèse (Alain Cavalier, 1986), Acte de violence (Fred Zinnemann, 1948)

  • 24 City

    (Jia Zhangke / Chine / 2008)

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    24city.jpgMoi qui, il y a peu, trouvais que l'année cinéma 2009 démarrait bien et promettait une belle moisson dès le printemps, je commence à déchanter sérieusement. Je prie pour que le prochain Barnum cannois change la donne, sans quoi je vais finir par limiter mon activité de cinéphile au cercle domestique et à la chronique de dvd (sur lesquelles j'ai d'ailleurs du retard). La déconvenue du jour vient de Jia Zhangke, duquel j'attendais pourtant beaucoup. Mais après avoir trouvé ses trois premiers longs-métrages admirables (Xiao Wu pickpocket, Platform, Unknown pleasures) puis émis quelques réserves sur les deux suivants (The World, Still life), il était sans doute fatal que le sixième m'ennuie pour de bon.

    24 City (Er shi si cheng ji) est un documentaire-joué ayant pour cadre la ville de Chengdu et plus précisemment son usine d'armement nationale, démantelée pièce par pièce pour laisser sortir de terre un gigantesque projet immobilier privé ultra-moderne (portant le nom donnant son titre au film). Il est entendu que le cinéaste continue là sa formidable entreprise d'enregistrement des soubresauts de la société chinoise contemporaine. Ce qui me gêne cependant de plus en plus dans son travail, c'est l'emprise du concept. Entre de magnifiques mais brèves prises de vues documentaires de l'usine agonisante, Jia Zhangke filme, dans d'interminables plans-séquences, les monologues récités par d'anciens ouvriers (ou des comédiens jouant les ouvriers) et abordant leur expérience professionnelle dans les ateliers et surtout des souvenirs personnels douloureux. Dès le premier vrai-faux entretien, j'avoue m'être peu intéressé à ces histoires et le mélange entre documentaire et fiction ne m'a pas paru concluant.

    Le projet, lié à la mémoire collective et individuelle, la fabrication et les intentions sont plus stimulants que le film lui-même, ce qui est relativement embêtant. Cela me ramène à cette idée de concept étouffant. Pour ses trois dernières réalisations en date (hors court-métrages), le cinéaste investit un lieu fort, singulier et propice au développement d'une métaphore politique et sociale (parc d'attractions dans The World, ville engloutie dans Still life, usine désafectée ici) et il y déroule des récits minimalistes, tout en espérant en dégager de profondes réflexions. A cette démarche de grand témoin-auteur de son temps, je préférais définitivement la tension parcourant Xiao Wu, le ballottement historique et le tissage scénaristique de Platform, le travail sur la durée et les surprises du quotidien d'Unknown pleasures.

  • Dans la brume électrique

    (Bertrand Tavernier / Etats-Unis / 2009)

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    danslabrume.jpgDans la brume électrique (In the electric mist), directed byBertrand Tavernier, est un polar d'ambiance, estimable et soigné, mais trop classique pour que l'on ne s'étonne pas d'un accueil critique aussi enthousiaste (jusque dans feu-Les Inrockuptibles et dans les Cahiers !, si j'en crois allociné).

    Le film s'ouvre sur une scène de crime, nous plongeant instantanément dans le vif du sujet. Le récit ne cessera pourtant d'emprunter par la suite des chemins de traverses, reléguant l'enquête menée par Tommy Lee Jones quasiment au second plan. Si cette construction en virages a son charme, on n'échappe pas toujours au "détour qui en dit long", chaque scène adjacente à l'intrigue principale étant chargée d'évoquer un thème profond (l'esclavage, les plaies laissées par l'ouragan Katrina, les problèmes de couple, le poids du passé...). Par conséquent, le scénario semble presque trop touffu, ménageant des pauses qui n'en sont finalement pas, lestées qu'elles sont de sous-entendus bien perceptibles.

    Tavernier a voulu donner à son film une teneur somnambulique. Le dosage entre le surnaturel et le policier demande une adresse de chaque instant, ce que le cinéaste n'a pas toujours. Les témoins et les sages parlent invariablement par énigmes et l'intrusion du fantastique se réalise de manière littérale (les dialogues avec les morts en toute simplicité, la voix-off d'outre-tombe).

    La caractérisation se fait à base d'archétypes (flic fatigué, homme d'affaires mafieux, bluesman philosophe, vedette de cinéma désinvolte...) et la mise en scène est pour le moins efficace, la contrepartie étant un manque de surprise évident : le cadrage et la place réservés à un certain personnage laissent deviner que celui-ci reviendra plus tard dans le jeu et, dès sa deuxième apparition, il n'y a plus guère de doute sur son rôle dans l'histoire. On apréciera en revanche la sobriété de la photographie, la sêcheresse de la violence, la maîtrise des moments de tension (la séquence du bâteau sous l'orage, l'approche du campement du tueur), un peu moins la façon de rendre compte, "pour la bonne cause", des petits arrangements avec la loi (l'une des traces du cinéma d'Eastwood sur le film).

    La ballade n'a rien de touristique, l'oeuvre est solide et Tavernier a réalisé son rêve de film américain, mais de là à placer Dans la brume électrique aux côtés de Zodiac et de No country for old men, voire même de Trois enterrements, il y a un pas que je ne franchirai pas.

  • Chéri

    (Stephen Frears / Grande-Bretagne / 2009)

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    cheri.jpgFred, surnommé Chéri, est un jeune homme nageant dans les eaux d'un demi-monde aisé, celui des courtisanes vieillissantes de la fin de la Belle Époque, dont fait partie sa mère et sa protectrice favorite, Léa. Cette dernière passe bientôt du statut de "marraine" de Chéri à celui de maîtresse. Malgré la différence d'âge, la liaison est passionnée et semble indestructible, jusqu'à l'annonce d'un mariage arrangé qui sépare les deux amants avant des retrouvailles douloureuses. Christopher Hampton adapte Colette pour Stephen Frears et Michelle Pfeiffer joue Léa. Le trio des Liaisons dangereuses est ainsi reformé. J'ai eu beau chercher, je n'ai trouvé à Chéri absolument aucune des qualités du beau film d'il y a vingt ans...

    Dès le début, Frears tâtonne pour trouver le ton qui convient. Un narrateur invisible (le cinéaste lui-même) pose une voix ironique sur une intrigue pourtant restituée dans toute son intensité. Pendant une bonne moitié du métrage, la mise en scène ne fait que se caler sur des dialogues si spirituels. Le découpage ne réserve pas la moindre surprise, soulignant chaque bon mot d'un gros plan carnassier. Tout cela n'est rien d'autre que du théâtre en boîte.

    Il faut un certain temps pour saisir le véritable sujet de Chéri : celui de la peur du vieillissement. De ce point de vue, une séquence comme celle de la réunion des vieilles courtisanes croulant sous les bijoux et les perruques devrait libérer une cruauté réelle ou une morbidité carnavalesque alors qu'elle ne prend finalement que la forme d'une saynète boulevardière. Le temps qui passe et l'angoisse qui l'accompagne sont supposés se refléter sur le corps et le visage de Léa. Trop respectueux de son actrice principale, Frears multiplie les caches et les cadrages étudiés afin de ne pas trop en montrer. En 90 minutes, je ne fus saisi d'aucun trouble devant Miss Pfeiffer, un comble... En contrepoint, Kathy Bates fait son numéro habituel, insupportable de cabotinage. Rupert Friend est le jeune premier, fadasse.

    Chéri n'est pas plus passionnant dans sa seconde partie, plus mélancolique et moins dialoguée. Incapable de faire passer la moindre émotion, Frears en est réduit à insérer des flash-backs subliminaux et nostalgiques entre deux gros plans sur des visages affligés et à bien nous faire entendre la Pfeiffer murmurer "Reviens" lorsque Chéri s'éloigne pour la dernière fois en contrebas de l'immeuble et hésite à se retourner.

    Entre deux réussites, les ouvrages mineurs du cinéaste étaient jusqu'ici au moins sauvés par leur charme et leur vitalité. Dépourvu de tout intérêt, Chéri est, assurément, le plus mauvais de tous.

  • Tulpan

    (Sergey Dvortsevoy / Kazakhstan / 2008)

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    tulpan.jpgLe rude quotidien d'une famille d'éleveurs kazakhs, en pleine steppe, et les espoirs d'Asa, le jeune frère de la mère. Le sujet du film appelle la captation de paysages grandioses et la méditation devant les grands espaces mais par sa mise en scène, Sergey Dvortsevoy refuse d'un bout à l'autre cette posture. Tulpan s'ouvre par un plan dont la surface est envahie, brutalisée, agressée. Ce qui s'avère être un troupeau de moutons met un certain temps à évacuer le cadre et à laisser enfin le lieu du récit être indentifié (la yourte plantée au milieu de nulle part). Poussière ou bruit, tout fait écran, du début à la fin (comme Tulpan, la fille que convoite Asa, restera cachée jusqu'au bout, derrière un rideau ou une porte). Ce ne sont pas seulement les objets qui font obstruction : les corps prennent toute la place, cadrés à la poitrine ou traversant incessamment le champ, à l'image du petit dernier de la famille, intenable.

    L'horizon s'offre donc rarement au regard. Quand il le pourrait, les tourbillons de sable sont là pour brouiller les repères, boucher les lignes de fuite et par conséquent, entraver toute échappée. Asa et son oncle s'échinent à contenir leur troupeau, mais à l'écran, nous avons bien l'impression que ce sont les deux hommes qui se trouvent régulièrement encerclés par les animaux. Chacun rêve d'un ailleurs, mais l'ailleurs est inaccessible. Toutes les forces ramènent au centre (au centre du plan, comme ces cadavres de moutons que l'on trouve ici et là, points noirs dessinés sur la terre sablonneuse). Dans cet espace, la yourte est un point de fixation. D'ordinaire, cela revêtirait un caractère rassurant et protecteur. Or ici, l'impression ressentie est plutôt celle d'une pression centripète indétournable, exercée par les mouvements des animaux ou la puissance du vent. Asa est coincé ; Tulpan n'est pas derrière la porte et le tracteur destiné à l'évasion finale ne l'emportera pas bien loin.

    Dvortsevoy, parfois à la frontière du documentaire, use de plans-séquences enregistrés par une caméra portée à l'épaule et travaille sa pâte sonore. Au tout début, le son était arrivé avant l'image. Par la suite, il nous parviendra souvent d'un hors-champ menaçant. Nul suspens ne découle cependant de ce procédé, plutôt le sentiment de l'inéluctable. Dans Tulpan, la vigueur, jusqu'à l'agressivité, caractérise aussi le comique (la séquence de la chamelle poursuivant le vétérinaire, le magnéto-cassette libérant de manière assourdissante un tube de Boney M). Tout au long de ce film extrèmement physique, on se retrouve bien loin d'un pittoresque exotique confortable.

  • Arsenal

    (Alexandre Dovjenko / URSS / 1928)

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    Arsenal07.jpgS'il est bien un segment de l'histoire du septième art qui n'est pas facile à aborder les mains dans les poches, c'est bien le cinéma révolutionnaire soviétique des années 20. Un certain Cuirassé a beau garder son aura mythique, décennie après décennie, se confronter à lui de nos jours demande un effort particulier devant la singularité narrative, esthétique et idéologique de l'objet. Autre pilier de l'édifice, Arsenal d'Alexandre Dovjenko (ou Dovzhenko) ne se laisse pas appréhender plus aisément.

    Le déroulement du film est relativement obscur et le spectateur est loin de saisir tous les tenants et aboutissants d'un récit économe en inter-titres, mêlant plusieurs niveaux d'expression (réaliste, pictural, symbolique) et caractérisant très succinctement les groupes de personnages s'y côtoyant. Sans doute un lieu, un nom, une image, liés à l'histoire ukrainienne suffisaient en 1928 à situer exactement l'action aux yeux des spectateurs d'alors, mais vu d'ici et aujourd'hui, l'affaire est loin d'être évidente. Dovjenko lui-même semblait le reconnaître, qui expliquait à la fin de sa carrière : "J'écrivis le scénario en quinze jours, fis la mise en scène et le montage en six mois. (...) Je travaillais comme le soldat qui combat l'ennemi, sans la moindre conscience de règlements ou de théorie à suivre." Toutefois, la complexité du récit est loin de ne découler que d'un soit-disant manque de métier.

    Arsenal nous plonge dans l'Ukraine déchirée des années 1917-1920, là où, après la rupture avec le régime tsariste et entre les alliances et les conflits avec l'Allemagne et la Pologne, s'exacerbent les tensions entre nationalistes et bolchéviques. Si, tournant dix ans après les faits, Dovjenko se place résolument du côté de ces derniers, le regard qu'il porte sur ce monde en guerre civile (à laquelle il prit part à l'époque, étant ukrainien lui-même) n'est pas manichéen. Dans ce noir récit, les images de cadavres de soldats abondent sans que les uniformes ne les renvoient dans un camp ou dans l'autre. De même, lorsque le cinéaste filme une cérémonie religieuse orthodoxe, il le fait avec la même attention et la même ferveur que lorsqu'il décrit la détresse du paysan ukrainien. Il faut alors attendre le contrechamp tardif sur le héros assistant à la scène et refusant l'accolade de son voisin pour cerner le point de vue de l'auteur sur la scène. C'est ainsi que Dovjenko évite de tomber dans la dénonciation sans mesure et rend la complexité de la situation.

    Du point de vue stylistique, si l'emballement des événements peut se traduire de façon attendue par celui du découpage, une différence se fait jour entre la mise en scène de Dovjenko et celle du maître-étalon Eisenstein. Au montage des attractions du réalisateur de Potemkine, on pourrait presque opposer ici un montage des répulsions. Dans Arsenal, les plans sont très composés (Dovjenko s'est formé à la peinture et au dessin) et semblent se heurter les uns aux autres, sans créer de continuité. Au sein de ceux-ci, notamment dans la magnifique première partie rendant compte des horreurs de la guerre sur le front et à l'arrière, la durée s'installe. Bâtis comme des tableaux doloristes, disposant d'un côté des paysans immobiles, plantés dans la terre ukrainienne, et d'un autre des soldats en mouvement, ces plans paraissent annoncer les recherches sur le temps et l'histoire menées un demi-siècle plus tard par Miklos Jancso ou Theo Angelopoulos. De cette esthétique, de ce choix de ne faire apparaître son héros, au visage fermé, que durant la moitié du métrage, de ce récit de la défaite d'un mouvement ouvrier, de ce lyrisme triste naît moins un élan qu'un plainte.

    Parfois difficile à suivre, Arsenal provoque moins d'enthousiasme que La terre (1930), probablement le chef d'oeuvre de Dovjenko, mais par ses intuitions plastiques et son intensité émotionnelle, il reste un film fort et assez passionnant dans ce qu'il dit de cette période-là du cinéma et de l'histoire.

    (Chronique DVD pour Kinok)

  • OSS 117 : Le Caire, nid d'espions

    (Michel Hazanavicius / France / 2006)

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    Le cinéma comique français propose d’ordinaire de si affligeants produits de consommation que l’on ne peut s’empêcher d’apprécier d’abord cet OSS 117 par défaut, c'est à dire en remarquant l'absence des écueuils les plus partagés dans cette branche. Tout d'abord, le film ne joue (presque) pas sur la vulgarité (à deux ou trois exceptions près : on se serait passé du gag du pistolet-phallus et des répliques de la fin sur le "kiki" qui enfoncent un clou qui n’en avait guère besoin, celui de l’homosexualité latente du héros). Il ne s’éparpille pas non plus dans ses références et ses renvois. Aucun clin d’œil à la télévision ou la publicité ; il n’est ici question que de cinéma, l’habillage du film parodiant l'esthétique d'un certain genre cinématographique et les séquences étant pensées en ces termes et non balancées comme autant de sketchs autonomes. De manière toute aussi agréable, le film ne se réduit pas à un support de merchandising : la séquence musicale n’est pas là pour faire vendre un disque ou lancer une danse idiote mais repose uniquement sur l’efficacité comique. De plus, Jean Dujardin est la seule vedette d'un casting pour lequel on a préféré les gueules de l’emploi aux apparitions people. Enfin, les millions d'euros du budget ne sont pas gaspillés puisque l’idée d’une certaine époque est bien rendue (les signes de richesses renvoient au genre et l’ironie de la vision évite l'écueil de la reconstitution pompeuse).

    Plus méritoire encore, le n’importe quoi de l’intrigue se développe dans un contexte étonnement précis pour ce genre de production (l’Egypte de Nasser, le mandat du président Coty). Parmi les scénes comiques les plus percutantes, on retient d'ailleurs celles qui font accumuler à OSS 117 les pires énormités colonialistes (le rapport paternaliste que celui-ci entretient avec l'employé de son usine est particulièrement savoureux). C'est que cet Hubert Bonisseur de la Bath est un con, un vrai. Lorsqu'il désoude ses adversaires, ce ne sont pas sa force et son adresse qui le démarquent, ce sont sa suffisance et son incommensurable connerie. L'agent secret ne retiendra rien de son séjour chez les Égyptiens, sinon l'apprentissage du mambo ! Cet abruti le restera et cela nous épargne tout message.

    Si le film est drôle, on ne peut pas dire qu'il soit réellement hilarant. Le soin apporté à l'ambiance (jusque dans les transparences et les trompe-l'oeil) tend à lisser un peu trop l'image. Les séquences qui étirent les effets comiques sont assez convaincantes (ces rires interminables, ces dialogues bâtis sur des phrases toutes faîtes), mais la mise en scène ne laisse pas de place au burlesque et la folie attendue ne se libère pas (le potentiel d'un dénouement à rebondissements multiples et improbables ne semble pas bien exploité). Dans le rôle-titre, Dujardin est assez bon, même s'il a un peu trop tendance à vouloir cligner de l'oeil vers le spectateur. Il suffirait d'un rien, parfois, pour qu'il sorte de son personnage, ce que Peter Sellers, l'un de ses probables modèles, ne faisait jamais.

  • 13 fois 5 films

    Dans les périodes où les notes s'espacent, rien de mieux que de répondre à un questionnaire. Cela tombe bien, l'ami Joachim en a encore sorti un de sa poche.

    Voici mes réponses, jetées en une soirée, sans trop creuser.

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    5 films dont la deuxième vision est meilleure que la première, puis la troisième meilleure que la deuxième puis la quatrième meilleure que la troisième puis la cinquième... : Les aventures de Robin des bois (Curtis / Keighley), La règle du jeu (Renoir), La prisonnière du désert (Ford), Les sept samouraïs (Kurosawa), L'ange exterminateur (Bunuel)

    5 films que j’ai dû voir trois, quatre, cinq, six fois et plus, mais je  n’aimerais pas trop que ça se sache : Mission (Joffé), Subway (Besson), Birdy (Parker), Angel heart (Parker), Les sous-doués (Zidi)

    5 réussites incontestables (qui plus est, signées de grands cinéastes) mais qui ne me touchent pas trop : Sylvia Scarlett (Cukor), Le doulos (Melville), Identification d'une femme (Antonioni), Le ventre de l'architecte (Greenaway), L'Anglaise et le Duc (Rohmer)

    5 films qui m’ont laissé de mauvais souvenirs, mais vu le calibre de leurs auteurs, j’ose à peine le dire : La vie est un roman (Resnais), Ordet (Dreyer), Prenez garde à la sainte putain (Fassbinder), Les harmonies Werckmeister (Tarr), La veuve joyeuse (Lubitsch)

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    5 films réputés mineurs ou oublié, signés par des cinéastes reconnus, mais qui m’ont davantage impressionné que certains de leurs titres emblématiques : La femme aux deux visages (Cukor), 5x2 (Ozon), L'assassinat de Trotsky (Losey), Maadadayo (Kurosawa), Alamo Bay (Malle)

    5 grands chocs cinématographiques malgré les conditions déplorables de leur découverte : Shining (Kubrick, petite TV), Cinq femmes autour d'Utamaro (Mizoguchi, mauvaise copie), Cité de la violence (Sollima, en VF), Pulp fiction (Tarantino, avec un voisin qui commentait toutes les répliques, genre "Yeah, Baby !"), Limite (Peixoto, enregistrement de mauvaise qualité)

    5 films dont j’ai (ou aurais) eu une vision totalement différente selon la période de la vie à laquelle je les ai vus : La grande vadrouille (Oury), Les aventures de Rabbi Jacob (Oury), et en rapport avec le lien père/fils : The kid (Chaplin), Le voleur de bicyclette (De Sica), L'avion (Kahn)

    5 films dont j’ai dit à tout le monde que je les avais vus, alors que ce n’était que par fragments, parfois espacés de plusieurs années, au hasard des diffusions télé, de la disponibilité du magnétoscope ou du DVD : Je ne vois pas. Je remplace donc par autre chose. 5 films que je n'ai pas eu besoin de voir tellement on m'en a parlé : Cannibal holocaust (Deodato), Requiem for a dream (Aronofsky), Le secret de Brokeback Mountain (Lee), A l'intérieur (Bustillo/Maury), Bienvenue chez les Ch'tis (Boon)

    5 films que tout le monde aime, mais moi j’y arrive pas : Lune de miel mouvementée (McCarey), Les douze salopards (Aldrich), Ma saison préférée (Téchiné), Clean (Assayas), Les plages d'Agnès (Varda)

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    5 films où j’ai d’abord souffert / été déçu au début de la projection puis au bout d’un moment, whaoooaaaaah : Nostalghia (Tarkovski), Pauline à la plage (Rohmer), Naked (Leigh), Eurêka (Aoyama), 21 grammes (Inarritu)

    5 films que je continue à défendre bien que signés de cinéastes qu’on adore détester : Panique (Duvivier), Le bon dieu sans confession (Autant-Lara), Sicko (Moore), Dogville (Von Trier), Holy Lola (Tavernier)

    5 films d’abord aimés puis ensuite rejetés : Les aventures de Rabbi Jacob (Oury), Les bronzés (Leconte), 37,2 le matin (Beineix), Subway (Besson), Birdy (Parker)

    5 films d’abord incompris ou rejetés puis ensuite aimés voire adorés : Onze fioretti de François d'Assise (Rossellini), Madame de... (Ophuls), Chinatown (Polanski), Le sacrifice (Tarkovski), La chasse aux papillons (Iosseliani)