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Nightswimming - Page 106

  • I want (you) to go home

    isabelle.jpgIsabelle, la directrice : " - Ooohhh, le joli dessin que vous nous avez fait là, Monsieur Resnais ! Cette lumière, ces couleurs, cette composition... Cela me rappelle vos anciens tableaux... Écoutez, nous n'allons pas vous laisser partir comme ça. Infirmiers !!! Infirmiers !!! Est-ce qu'il nous reste un porte-clef pour Monsieur Resnais ? Non ? Ou alors un pin's ? Ah, voilà, celui-là est très joli... Bien, bien... Il me reste à vous dire au revoir. L'infirmier va vous reconduire... Non, non... C'est que, voyez-vous, il ne faut pas rester là, Monsieur, nous avons une compétition, ici, d'accord ? J'ai rendez-vous avec le Dr Mendoza et je suis déjà affreusement en retard... Allez, portez-vous bien... Amitiés à Sabine..."

    resnais.jpg
  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1960)

    Suite du flashback.


    cahiers103.JPGpositif33.JPG1960 : C'est l'année Godard pour les Cahiers (texte de Luc Moullet sur A bout de souffle). La Nouvelle Vague est à son zénith et la revue s'en félicite, même si la défense du mouvement est finalement moins véhémente que ne le laisse croire l'abondance des couvertures, comme si cela allait de soi. Un numéro rend hommage au disparu Jacques Becker, un autre est consacré à Joseph Losey (préparé par Pierre Rissient et l'école du Mac-Mahon). Cannes 1960 est l'édition du double scandale L'avventura / La dolce vita et l'on est alors sommé de choisir : Antonioni ou Fellini. Sous l'impulsion d'André S. Labarthe, les Cahiers penchent du côté du premier.
    Contrairement à ce que l'on pouvait attendre, pas de position aussi tranchée à Positif. Si L'avventura est bien le plus grand film moderne, La dolce vita n'est pas loin derrière. Autre surprise : le Nazarin de Bunuel divise la rédaction (pas moins de quatre textes tentent d'en faire le tour, et ce n'est pas fini...). Ado Kyrou parle de W.C. Fields et du burlesque américain, Roger Tailleur du western. Une jeune femme débarque, Michèle Firk, qui mèlera vigoureusement et jusqu'au bout, dans ses textes, cinéma et politique.


    Janvier : A bout de souffle (Jean-Luc Godard, Cahiers du Cinéma n°103) /vs/---

    Février : L'eau à la bouche (Jacques Doniol-Valcroze, C104) /vs/ W.C. Fields (Positif n°32)

    Mars : Le bel âge (Pierre Kast, C105) /vs/---

    Avril : Jacques Becker (C106) /vs/ Les yeux sans visage (Georges Franju, P33)

    Mai : Party girl (Nicholas Ray, C107) /vs/ Etoiles (Konrad Wolf, P34)

    Juin : L'Amérique insolite (François Reichenbach, C108) /vs/---

    Juillet : Le petit soldat (Jean-Luc Godard, C109) /vs/ L'avventura (Michelangelo Antonioni, P35)

    Août :  L'avventura (Michelangelo Antonioni, C110) /vs/---

    Septembre : Joseph Losey (C111) /vs/---

    Octobre : La pyramide humaine (Jean Rouch, C112) /vs/---

    Novembre : Psychose (Alfred Hitchcock, C113) /vs/ Les dauphins (Francesco Maselli, P36)

    Décembre : Bertholt Brecht (C114) /vs/---

     

    cahiers107.JPGpositif35.JPGQuitte à choisir : Antonioni en vedette des deux côtés, le merveilleux film de Franju également choisi à la fin de l'année précédente par les Cahiers... Il ne reste plus beaucoup de munitions pour Positif, qui peine toujours à paraître régulièrement. Becker, Godard, Losey, Ray et Hitchcock font la différence. Allez, pour 1960 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Dernier maquis

    (Rabah Ameur-Zaïmeche / France / 2008)

    ■■□□

    Dernier maquis 07.jpgTroisième long-métrage de Rabah Ameur-Zaïmeche après les remarqués Wesh wesh, qu'est-ce qui se passe ? et Bled Number One, Dernier maquis est une drôle de fable politique née d'un double désir de cinéaste : réaliser une œuvre à la fois engagée et plastiquement marquante. Abordant frontalement des problématiques religieuses et sociétales, le filme relate un conflit opposant un groupe de manœuvres musulmans à leur patron, ce dernier tentant d'acheter la paix sociale avec la mise à disposition d'un lieu de prière. L'ambition politique est explicite mais nuancée, notamment dans le portrait complexe qui est fait du patron de cette entreprise de rénovation de palettes. En cantonnant son récit dans un lieu quasi-unique, Ameur-Zaïmeche élude le rapport à la société extérieure et l'éventuelle confrontation qui pourrait en découler, posant ainsi la situation comme étant naturelle, ici et maintenant. Il est donc difficile de parler de film social, au sens où nous l'entendons habituellement, Dernier maquis ne se pliant pas aux codes du genre.

    Le réalisateur a une autre ambition, celle de proposer une œuvre à l'identitié visuelle très forte. Le parc de palettes rouges qui s'étale sous nos yeux en tous sens prend l'allure d'une scène de théâtre, à la fois unique et mouvante, le matériau travaillé et son stockage rendant possible une grande variété d'empilements et de constructions. Le discours politique se déploie sur un fond bien réel (le tournage s'est fait manifestement dans une véritable entreprise) que la mise en scène élève à un niveau autre, en exacerbant sa puissance expressive. Véhiculer une émotion esthétique pour mieux soutenir la réflexion est le but du cinéaste. Celui-ci se tient au centre du dispositif, littéralement, puisqu'il interprète le rôle de Mao, le patron de la PME. Ses déplacements, son attention et ses directives caractérisent le personnage autant qu'ils font venir à l'esprit une analogie avec le rôle du metteur en scène. Ce double jeu est ici parfaitement perceptible. Le plus souvent séduits par ces séquences, nous pouvons toutefois, par endroits, penser que le poids de fiction s'en trouve trop allégé : dans son bureau, est-ce Mao qui dialogue avec son employé ou Rabah qui écoute, regarde et dirige son acteur ?

    Cependant, cette interrogation n'entame pas l'impression de réalisme dégagée par ces échanges, dans lesquels Mao, personnage relativement opaque, laisse transparaître successivement une sincère disponibilité et une volonté de manipulation psychologique. Si les revendications émises par les ouvriers peuvent sembler énoncées de manière schématique, elles ne s'éloignent pas pour autant de la réalité. Cette réussite est due principalement à l'immersion totale du cinéaste dans son environnement et au naturel des ses acteurs, non-professionnels pour la plupart, certains jouant en quelque sorte leur propre rôle. Ameur-Zaïmeche s'appuie sur eux pour filmer le travail de manière juste, s'attachant à rendre le rythme des tâches et leur répétition sans tomber dans la dénonciation simplificatrice.

    Singulier et ambitieux, Dernier maquis ne convainc cependant pas totalement. Documentaire et allégorie s'opposent au fil de séquences trop autonomes les unes par rapport aux autres, donnant le sentiment d'une alternance plutôt que d'une interpénétration harmonieuse. Les relances de la fiction (révélation d'une intention ou changement de situation) ne se font que par les dialogues, l'assise dramatique peinant alors à s'équilibrer avec les envolées poétiques. L'utilité et la longueur de certains plans sont remises en question et l'intérêt porté à chaque séquence est par conséquent très irrégulier. La digression provoquée par un ragondin ou la description d'une prière collective finissent par lasser.

    Partant d'un questionnement sur l'utilisation qui peut être faîte de la religion, Ameur-Zaïmeche fait glisser son récit vers une prise de conscience politique culminant dans un mouvement de révolte. Le cinéaste lance ainsi de nombreuses pistes pour traîter des communautés, de la religion ou du travail, mais il semble ne pas les creuser vraiment, de peur de paraître trop didactique (l'équilibre étant, il est vrai, très difficile à trouver). En voulant à tout prix éviter d'enfoncer des portes ouvertes, le film laisse trop de choses en suspens et, marchant par à-coups, laisse sur un sentiment mitigé, coincé que l'on est entre la reconnaissance d'une recherche stimulante, dans les thèmes et la forme, et la déception devant un manque d'ampleur et de force narrative.

    (Chronique DVD pour Kinok)

  • Êtes-vous Tavernophile ?

    coupdetorchon.jpgC'est calme en ce moment, non ? Tiens, si l'on parlait de Tavernier ?

    Celui qui, depuis des années, sert d'épouvantail à certains qui se plaisent à le renvoyer régulièrement vers l'ignoble "qualité française" de la même façon que Saint François étrillait Autant-Lara ou Clouzot (Tavernier ne manquât pas, d'ailleurs, de travailler plusieurs fois avec les scénaristes honnis par la Nouvelle Vague : Aurenche et Bost). Pour ceux-là, éventuellement prêts à reconnaître l'activisme de cinéphile du bonhomme et son rôle de passeur passionné, il n'y aurait rien à sauver de sa filmographie. Sauf peut-être dans les marges. Car une certaine unanimité critique est venu avec Dans la brume électrique, soit son film "américain", après s'être cristallisée presque uniquement autour de ses documentaires (surtout La guerre sans nom et De l'autre côté du périph), documentaires dont les détracteurs du cinéaste passent régulièrement sous silence les titres lorsqu'il s'agit pour eux de s'interroger sur le manque d'intervention de nos réalisateurs nationaux face aux problèmes de leur temps.

    Loin de moi l'idée de faire de Bertrand Tavernier le meilleur cinéaste français. Je continue toutefois à le placer parmi les plus intéressants et les plus solides. Aucun véritable chef d'oeuvre à son actif mais de nombreuses réussites et des ratages rarissimes. La permanence de l'oeuvre frappe : les succès publics sont réguliers, sans rien devoir au commerce, et surtout, le plaisir de la découverte pour des générations successives de spectateurs semble le même d'une époque à l'autre (L'horloger de Saint-Paul était aimé pour les mêmes raisons que, plus tard, Autour de minuit, L'appât ou Dans la brume électrique).

    Les qualités de Tavernier ne sont pas uniquement celles du technicien. Son amour des acteurs est toujours perceptible : Noiret, Rochefort, Mitchell, Galabru, Azéma, Torreton, Gamblin, Carré lui doivent de formidables rôles. Dans ses bons jours, il reste également l'un des rares, parmi les "classiques" français, à savoir filmer l'action et la guerre. Généralement, le passé lui réussit bien : il dépoussière le film historique (Que la fête commence), filme vigoureusement les batailles de Capitaine Conan, et se sort des chausses-trappes de la reconstitution biographique (Laissez-passer).

    Son volontarisme l'entraîne parfois vers des chemins trop didactiques (notamment dans les films consacrés à l'éducation). Personnellement, je prends ces quelques lourdeurs pour des excès, non comme un défaut rédhibitoire qui pousserait à déclasser l'ensemble de l'oeuvre.

    Mes préférences, bien groupées :

    **** : -

    *** : L'Horloger de Saint-Paul (1974), Que la fête commence (1975), Le Juge et l'Assassin (1976), Coup de torchon (1981), Autour de minuit (1986), La Vie et rien d'autre (1989), La Guerre sans nom (1992), L.627 (1992), L'Appât (1995), Capitaine Conan (1996), De l'autre côté du périph (1998), Histoires de vies brisées (2001), Laissez-passer (2002), Holy Lola (2004)

    ** : Des enfants gâtés (1977), La Mort en direct (1980), Mississippi Blues (1984), Un dimanche à la campagne (1984), La Passion Béatrice (1987), Ça commence aujourd'hui (1999), Dans la brume électrique (2009)

    * : Une semaine de vacances (1980), La Fille de d'Artagnan (1994)

    o : -

    Pas vu : Daddy nostalgie (1990)

    N'hésitez-pas à faire part des vôtres en commentaires...

  • La mémoire neuve

    En parcourant un ancien numéro de Positif l'autre jour, je suis retombé par hasard sur le compte rendu cannois du documentaire d'Edgardo Cozarinsky, Le cinéma des "Cahiers" (2001). Serge Toubiana y révèlerait des propos que lui avait tenus François Truffaut en 1974 : "Vous vous êtes servis des Cahiers, de ce qu'était la revue d'André Bazin. Si vous aviez eu du courage quand vous étiez politisés, vous auriez dû créer une autre revue, mais laisser les Cahiers tels qu'ils étaient dans l'esprit de Bazin."

    Évolution d'un titre, prestige d'un nom, trahison d'un esprit... Cela me fait penser à une autre publication, abandonnée pour ma part depuis longtemps. Une publication qui, progressivement, a tourné le dos à tous ses anciens lecteurs en reniant un à un ses principes rédactionnels originels (audace des choix, sobriété de mise en page, longues interviews, articles de fond, publicité contenue, photographes-maison). Une publication qui a cherché à affirmer son identité et étendre son influence en investissant de nouveaux supports/médias/publics/champs-d'action-culturels et qui, au final, ne ressemble plus à rien. J'ai toujours pensé que son passage en 1995 à un rythme hebdomadaire après 9 ans de parutions bimestrielles ou mensuelles aurait dû s'accompagner d'un changement de nom.

    Car franchement, en arriver là aujourd'hui...

    inrocks09.jpg

    ... quand on a connu ça...

    inrocks92.jpg
    ... il y a de quoi baisser les yeux.


    Ma mémoire m'a / M'a déserté / Enfin je vais profiter / De tout sans rien / En regretter / Affranchi le lendemain / Du souvenir

    Fatalement ça / N'a pas duré
    / La mémoire m'est revenue mais / J'eus l'intuition que ça n'était / Pas la mienne que je retrouvais

    A mesure que me gagnaient
    / Quelques souvenirs je doutais / Qu'ils m'aient un jour appartenu / Eux qui défilaient sans parler

    Mais comme ils pesaient
    / Moins que rien / Et que cette mémoire n'avait / Nulle trace de jour faste ou mauvais / A merveille elle me conviendrait

    Moi qui la croyait calme
    / Au moment où elle s'accrochait / A moi je crus qu'elle saurait m'épargner / Les rancoeurs et le vin mauvais

    Et aujourd'hui j'accuse / Encore le coup, elle m'a bien eu / Elle m'a bien sûr depuis tout dévoilé / Du passé lourd qui m'incombait

    Ma vraie mémoire / Reparaîtrait / Elle rirait bien fort de moi

    L'autre en tous cas
    / Bien arrimée / Parraine chacun de mes pas / Et je ne me reconnais pas / Le dos courbe et les yeux baissés / Ces yeux qui balaient le plancher / Sans doute pour la première fois

    (La mémoire neuve, Dominique A, 1995)

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1959)

    Suite du flashback.


    cahiers92.JPGpositif30.JPG1959 : Il se passe un truc, non ? Après quelques signes annonciateurs, vient donc la naissance "officielle" de la Nouvelle Vague : sortie du Beau Sergeet évènement cannois créé par Truffaut. Les Cahiers sont bien sûr en première ligne pour soutenir le mouvement : couvertures, comptes-rendus, entretiens, table ronde (autour d'Hiroshima mon amour)... On note le renouvellement (forcé par les passages à la mise en scène des cadors) des plumes (Moullet, Douchet, Domarchi) et l'arrivée des "Mac-Mahoniens" (et donc de leurs cinéastes : Lang, Losey, Walsh, Fuller...). Un numéro spécial est consacré à André Bazin et le centième paraît sous une couverture signée par Jean Cocteau.
    Du numéro 100, Positifen est bien loin. La revue de Kyrou, Tailleur et cie ne propose même en 59 que deux livraisons ! Le n°30 soutient Antonioni (le cinéma italien continuant, à cette époque, à donner le vertige). Quant à la Nouvelle Vague, une table ronde tente d'en faire le tour en novembre, savoureusement introduite par une citation de Fantômas ("Ils sont une douzaine, dîtes-vous ? C'est plutôt vague comme nouvelle !"). Au-delà du scepticisme général de la rédaction, les films de Resnais, de Kast et celui de Truffaut s'en sortent finalement sans trop d'égratignures, voire avec des louanges.


    Janvier : André Bazin (Cahiers du Cinéma n°91) /vs/---

    Février : Sueurs froides (Alfred Hitchcock, C92) /vs/---

    Mars : Le beau Serge (Claude Chabrol, C93) /vs/---

    Avril : Roberto Rossellini (C94) /vs/---

    Mai : Les fraises sauvages (Ingmar Bergman, C95) /vs/---

    Juin : Les 400 coups (François Truffaut, C96) /vs/---

    Juillet : Hiroshima mon amour (Alain Resnais, C97) /vs/ Le cri (Michelangelo Antonioni, Positif n°30)

    Août : L'impératrice Yang Kwei Fei (Kenji Mizoguchi, C98) /vs/---

    Septembre : Fritz Lang (C99) /vs/---

    Octobre : Numéro 100 (C100) /vs/---

    Novembre : Les yeux sans visage (Georges Franju, C101) /vs/ Cendres et diamants (Andrzej Wajda, P31)

    Décembre : Le déjeuner sur l'herbe (Jean Renoir, C102) /vs/---

     

    cahiers96.JPGpositif31.JPGQuitte à choisir : Même en faisant la fine bouche sur Le beau Serge, il est difficile de ne pas reconnaître que les Cahiersfont un sans faute, mêlant sans problème les valeurs sûres et les petits nouveaux pour donner, au final, une image parfaitement juste de l'époque. De l'autre côté, les choix d'Antonioni et Wajda sont tout aussi pertinents mais nous ne saurons jamais ce qu'il en aurait été réellement si la revue avait tenu un rythme normal cette année-là. Allez, pour 1959 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Les trois royaumes

    (John Woo / Chine / 2008)

    ■□□□

    les3royaumes.jpgLes trois royaumes (Chi bi) c'est :

    - le cinéma comme un livre d'images bruyant,

    - l'art de faire croire que l'on propose une réflexion originale sur la guerre alors que l'on ne fait qu'accumuler de banales considérations stratégiques,

    - le cinéma pensé en termes de morcellement et la transformation des rares plans-séquences en jeu vidéo,

    - l'adhésion à une vision moderne de la guerre, rendant compte de la confusion totale des combats, mais seulement réduite ici à une toile de fond servant à mettre en valeur les exploits physiques hors du commun (et en apesanteur) de quelques héros,

    - 2h30 de plans centrés sur une poignée de généraux et 4 secondes sur une femme pleurant au milieu de dizaines de cadavres de soldats (flash appuyé, il est vrai, par une sage parole du vainqueur de l'homérique bataille : "Aujourd'hui, nous avons TOUS perdu"),

    - une troupe de comédiens photogéniques et compétents (Tony Leung et Takeshi Kaneshiro en tête),

    - une débauche d'effets numériques ne parvenant toujours pas à lester du poids du réel un passé lointain et se limitant à donner une certaine idée (transparente) du gigantisme,

    - le cinéma de grande consommation de John Woo, ni pire ni meilleur aujourd'hui qu'hier (Volte/Face) ou avant-hier (The killer).

  • Tokyo sonata

    (Kiyoshi Kurosawa / Japon / 2008)

    ■■■□

    tokyosonata.jpgAprès dix ans de rendez-vous manqués, je rencontre enfin Kiyoshi Kurosawa. Il me plaît.

    La singulière réussite de Tokyo sonata tient tout d'abord à son imprévisibilité. Le thème abordé (le délitement d'une cellule familiale) n'a pourtant rien de novateur et l'argument moteur (le licenciement du père, qui n'en dit mot à personne) a déjà été utilisé ailleurs. Au départ, chacun se trouve dans la position attendue : le père stressé par son travail, la mère discrète au foyer, l'ado toujours absent de la maison et le petit dernier sensible et doué. Les subterfuges du chef de famille et l'organisation de ses journées, entre recherche d'emploi humiliante et soupe populaire, tracent la voie principale du récit, qui frappe assez vite par ses constantes ruptures de ton. Kurosawa ayant souvent oeuvré dans le genre du fantastique, il excelle à faire naître l'étrange par petites touches esthétiques (la lumière projetée par un téléviseur, le bruits des trains) et il nous entraîne, dans les pas de son héros malheureux, à la découverte d'un monde insoupçonné et absurde, là où derrière un groupe de cadres supérieurs cravatés et pendus à leur mobile peut se cacher une armée de l'ombre de chômeurs au bord du gouffre.

    A ce premier point de vue, le film en ajoute deux autres : celui du fils aîné qui, lassé des petits boulots ne menant nulle part, décide de s'engager dans l'armée américaine et celui du plus jeune qui prend des cours de piano en cachette. Ces développements narratifs parallèles pourraient être unifiés par une mise en scène chorale et unanimiste privilégiant la fluidité des transitions. Or, ces histoires (toutes secrètes) sont étanches. En effet, Kiyoshi Kurosawa use d'ellipses et de raccords brutaux, heurtant ses séquences. La coupe, c'est un mur. Tout est séparation.

    Tokyo sonata est un précis de dynamique, soit l'étude des forces et des mouvements qu'elles provoquent. A ce stade du récit, l'édifice familial ne semble tenir que par la présence en arrière-plan de la mère. Celle-ci n'a pas encore eu droit à son histoire à elle (ça viendra). Elle se contente de faire le lien. Mais la pression est trop forte et le foyer doit exploser. Une série de crises familiales éclate donc et les déflagrations successives affolent les trajectoires : trois fuites opposées, trois courses effrénées en résultent (la quatrième, celle du fils aîné, se fait hors-champ). Le sentiment de liberté que procure cette prise de vitesse soudaine est toutefois de courte durée. Finalement, la plus grande douleur ne vient pas de l'explosion elle-même, mais de son souffle, projetant les personnages trop violemment. Il leur faudra reprendre tous leurs esprits pour repartir à zéro, après avoir, en quelque sorte, ressuscité.

    Dans le dernier tiers du film, Kurosawa ne cesse donc de tordre son récit. Comme il nous a habitué au fur et à mesure à cette avancée chaotique, il peut tout se permettre et laisser flotter d'admirables moments de cinéma (l'accompagnement par la caméra de la fuite en voiture, la révélation sur la plage au petit matin). Il peut surtout, au final, faire converger toutes les lignes qu'il a tracé, à l'occasion de l'un des plus beaux dénouements qu'il nous ait été donné de voir depuis longtemps. La musique, si parcimonieusement mais si remarquablement utilisée jusque là, envahit alors l'espace et les différentes histoires ne font plus qu'une, enfin.

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1958)

    Suite du flashback.


    cahiers81.JPGpositif27.JPG1958 : Les tiraillements rédactionnels ont toujours été lisibles dans les Cahiers, des débuts à aujourd'hui. Beaucoup plus rarement à Positif. Paul-Louis Thirard en met un à jour à la faveur d'une défense de Fellini, par-delà la confusion idéologique et la dimension religieuse de son cinéma. Sur un autre sujet, les points de vue s'accordaient plus facilement, ainsi pour Positif, si 1955 fut l'année Aldrich, 1956 l'année Bergman, 1957 avait été l'année Tashlin. Un solide dossier en prend acte en septembre. Forcément plus réactifs, les Cahiers accompagnent la révélation de Louis Malle en lui consacrant leur couverture pour ses deux premiers films. Il y a comme une odeur de Nouvelle Vague... Toutefois, Truffaut et Godard écrivent encore, entre autres contre Positif pour le premier et sur Bergman pour le second. Pour les Cahiers, 1958 est surtout l'année Welles (longuement entretenu pour le n°87 qui lui est largement consacré) et celle de la mort d'André Bazin (en novembre).


    Janvier : Ascenseur pour l'échafaud (Louis Malle, Cahiers du Cinéma n°79) /vs/---

    Février : Bonjour tristesse (Otto Preminger, C80) /vs/ Louise Brooks (Positif n°27)

    Mars : La ronde de l'aube (Douglas Sirk, C81) /vs/---

    Avril : Mon oncle (Jacques Tati, C82, ) /vs/ Senso (Luchino Visconti, P28)

    Mai : L'eau vive (François Villiers, C83) /vs/---

    Juin : La soif du mal (Orson Welles, C84) /vs/---

    Juillet : Monika (Ingmar Bergman, C85) /vs/---

    Août : Le mécano de la General (Buster Keaton, C86) /vs/---

    Septembre : Orson Welles (C87) /vs/ Un vrai cinglé de cinéma (Frank Tashlin, P29)

    Octobre : Ava Gardner (C88) /vs/---

    Novembre : Les amants (Louis Malle, C89) /vs/---

    Décembre : Ivan le Terrible (2ème partie) (Sergeï M. Eisenstein, C90) /vs/---

     

    cahiers87.JPGpositif28.JPGQuitte à choisir : Trois numéros seulement pour Positif. Même Visconti et l'éternelle Louise Brooks ne peuvent donc rivaliser avec une pertinente série de couvertures des Cahiers, qu'ils se tournent vers l'ancien (Keaton, Eisenstein), vers le moderne (Welles, Malle, Bergman) ou vers l'entre-deux (Sirk). Allez, pour 1958 : Avantage Cahiers.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • On r'fait l'palmarès

    palmedor.jpgJe vous signale une amusante initiative de Rob Gordon, à l'occasion du Festival de Cannes. Jour après jour, il dévoile sur son blog son palmarès personnel des douze dernières éditions. Pour les amateurs (comme moi) de listes et autres questionnaires...