(Pedro Almodovar / Espagne / 2009)
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 Etreintes brisées (Los abrazos rotos) m'a laissé insatisfait. Je précise tout d'abord que l'une des raisons est indépendante du film lui-même : je ne l'ai pas "entendu" correctement. Problème de copie ou de salle, le son était faible et très mal équilibré. Difficile de se concentrer dans ces conditions. Malheureusement, ma déception n'est pas uniquement dûe aux mésaventures de la technique.
Etreintes brisées (Los abrazos rotos) m'a laissé insatisfait. Je précise tout d'abord que l'une des raisons est indépendante du film lui-même : je ne l'ai pas "entendu" correctement. Problème de copie ou de salle, le son était faible et très mal équilibré. Difficile de se concentrer dans ces conditions. Malheureusement, ma déception n'est pas uniquement dûe aux mésaventures de la technique.
Au début de la production de "Filles et valises", le film dans le film, Lena fait des essais de maquillages et de perruques devant une partie de l'équipe. Almodovar place logiquement son actrice, Penélope Cruz, devant un miroir mais il ajoute : un appareil photo autour du cou du réalisateur Mateo, un camescope tenu par Ernesto fils (qui porte des lunettes), des boucles en forme d'oeil accrochées aux oreilles de Lena et, pour faire bonne mesure, l'irruption dans la pièce de Judit, dont est souligné le regard porté sur l'homme qu'elle aime (homme qui lui-même regarde la femme qu'il... etc...). Etrangement, cette accumulation de signes ne produit ici aucun débordement, aucun effet baroque. Almodovar organise simplement et avec une grande maîtrise. Tout cela est extrèmement intelligent mais rien ne dépasse. Il manque une vibration, un ailleurs.
Il est généralement assez touchant de voir un grand auteur rendre un hommage direct à son art. Etreintes brisées ne déroge pas à la règle : la passion du cinéma y est évidente, la sincérité dans le traitement du mélodrame et du thriller et l'admiration envers une actrice magnifique également. D'innombrables citations parsèment le film. On y trouve pêle-mêle Antonioni et DePalma, Stahl et Sirk, Bunuel et... Almodovar. Voyons toutefois comment est évoqué Michael Powell. Après de multiples plans montrant Ernesto fils l'oeil collé à son camescope, après une altercation avec Lena au cours de laquelle le trépied est clairement utilisé comme une arme, nous avons droit plus tard à une apostrophe de Mateo : "Tu me fais penser au Voyeur". Le procédé est tout de même insistant et assez scolaire. En sortant du jeu des citations, cette sensation refait surface ailleurs. Nous avons vu Ernesto fils conduire avec sa caméra sanglée sur le siège passager inoccupé. Lorsque Mateo demande à Diego "Comment pouvait-il conduire et filmer en même temps ?", pourquoi nous replacer le plan de coupe déjà vu sur Ernesto dans sa voiture ? Risquait-on l'oublier ?
En voulant approfondir ses thèmes favoris tout en simplifiant sa mise en scène, Almodovar a pris le risque de corseter son film. L'indécision fantomatique de Volver et les rubans temporels de La mauvaise éducation nous emportaient. La construction d'Etreintes brisées n'est toujours pas linéaire, mais le récit se suit sans effort. L'armature est rigoureusement conçue mais il n'y a que la machinerie à contempler.
Royale, Penélope Cruz a justement été louée un peu partout. Moins fêté, Lluis Homar est tout aussi remarquable en double émouvant d'Almodovar. Il compose un personnage d'aveugle parmi les plus forts (et les plus crédibles) du cinéma. Les seconds rôles sont bien moins intéressants, hormis le lynchien José Luis Gomez (Ernesto Martel).
Lynchien car filmé comme les hommes de l'ombre hollywoodiens le sont par le collègue et ami américain d'Almodovar. Finalement, ce dernier n'a-t-il pas voulu réaliser là, en quelque sorte, son Inland Empire à lui ? Ayant offert à la même période leur chef d'oeuvre respectif (Mulholland drive et Parle avec elle, accomplissements formels et émotionnels), Lynch et Almodovar ont sans doute eu l'envie partagée d'ausculter plus avant le monde du cinéma et de creuser leur sillon dans un geste plus radical et plus personnel, une démarche qui les engagerait entièrement. D'un côté, nous avons donc un Almodovar au carré mais comme dévitalisé par trop de réflexion : quelques plans très beaux (Mateo arrivant à l'hôpital, Lena après l'amour, les deux regardant à la télévision le Voyage en Italie de Rossellini) mais pas de flux. De l'autre, nous avions eu un Lynch au carré mais fourmillant, incontrôlé, inégal, monstrueux, répétitif et traversé d'éclairs sublimes. Trop de concentration contre trop de liberté ? Peut-être, mais c'est bien chez le second que naissaient la plus grande beauté et la plus intense émotion...
 De nombreux autres points de vue : Fenêtres sur cour, Inisfree, Dasola, Dr Orlof, Rob Gordon, Une fameuse gorgée de poison.
 Under fire de Roger Spottiswoode est l'un des films de reporters les plus solides (un genre assez prisé à l'époque, de L'année de tous les dangers à Salvador), qui doit beaucoup à son scénario et ses interprètes : Nick Nolte, Gene Hackman, Joanna Cassidy et Jean-Louis Trintignant en grand manipulateur. Un léger mais bon souvenir enrobe le documentaire (découvert plus tard à la télévision) co-signé par Bertrand Tavernier et Robert Parrish, Mississippi blues, une ballade musicale dans le sud des Etats-Unis, à la rencontre de populations délaissées. Et c'est à peu près tout pour les films connus de mes services... Je pense seulement avoir vu (à la faveur d'une diffusion TV ?), sans émotion particulière, le Pinot simple flic de Jugnot (première réalisation de l'ex-Splendid, avec une Fanny Bastien qui bouleversait alors nos sens de pré-ados).
Under fire de Roger Spottiswoode est l'un des films de reporters les plus solides (un genre assez prisé à l'époque, de L'année de tous les dangers à Salvador), qui doit beaucoup à son scénario et ses interprètes : Nick Nolte, Gene Hackman, Joanna Cassidy et Jean-Louis Trintignant en grand manipulateur. Un léger mais bon souvenir enrobe le documentaire (découvert plus tard à la télévision) co-signé par Bertrand Tavernier et Robert Parrish, Mississippi blues, une ballade musicale dans le sud des Etats-Unis, à la rencontre de populations délaissées. Et c'est à peu près tout pour les films connus de mes services... Je pense seulement avoir vu (à la faveur d'une diffusion TV ?), sans émotion particulière, le Pinot simple flic de Jugnot (première réalisation de l'ex-Splendid, avec une Fanny Bastien qui bouleversait alors nos sens de pré-ados). Qu'ai-je raté ? A priori, pas grand chose, si ce n'est quelques propositions italiennes. Il n'était bien évidemment pas question, à l'époque, d'aller voir l'interdit aux moins de 18 ans La clé, du sulfureux Tinto Brass (avec Stefania Sandrelli) mais aujourd'hui que je suis un peu plus mûr, j'irai bien jeter un coup d'oeil à travers la serrure. Mes chers amis N°2, toujours avec Philippe Noiret et Ugo Tognazzi, se fit moins remarqué que le premier volet (sorti en 1975) mais Mario Monicelli semblait y distiller encore quelques plaisirs. Quartetto Basileus (film sur la musique de Fabio Carpi) avait plusieurs défenseurs dans la presse, Rosa (vaudeville olé-olé de Salvatore Samperi, avec Laura Antonelli et Fernando Rey) beaucoup moins. Rattachons à ce groupe Gabriela (brésilien, de Bruno Barreto, avec Marcello Mastroianni et Sonia Braga).
Qu'ai-je raté ? A priori, pas grand chose, si ce n'est quelques propositions italiennes. Il n'était bien évidemment pas question, à l'époque, d'aller voir l'interdit aux moins de 18 ans La clé, du sulfureux Tinto Brass (avec Stefania Sandrelli) mais aujourd'hui que je suis un peu plus mûr, j'irai bien jeter un coup d'oeil à travers la serrure. Mes chers amis N°2, toujours avec Philippe Noiret et Ugo Tognazzi, se fit moins remarqué que le premier volet (sorti en 1975) mais Mario Monicelli semblait y distiller encore quelques plaisirs. Quartetto Basileus (film sur la musique de Fabio Carpi) avait plusieurs défenseurs dans la presse, Rosa (vaudeville olé-olé de Salvatore Samperi, avec Laura Antonelli et Fernando Rey) beaucoup moins. Rattachons à ce groupe Gabriela (brésilien, de Bruno Barreto, avec Marcello Mastroianni et Sonia Braga).


 Initié par Cantona (*), le projet Looking for Eric a permis à Ken Loach, non pas d'alléger son cinéma, comme l'ont assuré quelques journalistes incompétents se pressant à Cannes pour rencontrer la star du foot (**), mais de proposer une variation sur le thème de la passion et sur le rapport entre l'amateur et le modèle. De ce point de vue, le film est réussi. Loach est un passionné de football, de musique : cela se sait et cela se sent sur l'écran, au fil de séquences qui coulent de source. La passion qui anime Eric Bishop (formidable Steve Evets), le héros mal en point, n'est pas présentée comme dévorante mais vivifiante et aidant à supporter bien des aléas (Loach prend d'ailleurs soin de caractériser le personnage sans aborder ce sujet tout de suite, commençant par le situer socialement).
Initié par Cantona (*), le projet Looking for Eric a permis à Ken Loach, non pas d'alléger son cinéma, comme l'ont assuré quelques journalistes incompétents se pressant à Cannes pour rencontrer la star du foot (**), mais de proposer une variation sur le thème de la passion et sur le rapport entre l'amateur et le modèle. De ce point de vue, le film est réussi. Loach est un passionné de football, de musique : cela se sait et cela se sent sur l'écran, au fil de séquences qui coulent de source. La passion qui anime Eric Bishop (formidable Steve Evets), le héros mal en point, n'est pas présentée comme dévorante mais vivifiante et aidant à supporter bien des aléas (Loach prend d'ailleurs soin de caractériser le personnage sans aborder ce sujet tout de suite, commençant par le situer socialement). Isabelle, la directrice : " - Ooohhh, le joli dessin que vous nous avez fait là, Monsieur Resnais ! Cette lumière, ces couleurs, cette composition... Cela me rappelle vos anciens tableaux... Écoutez, nous n'allons pas vous laisser partir comme ça. Infirmiers !!! Infirmiers !!! Est-ce qu'il nous reste un porte-clef pour Monsieur Resnais ? Non ? Ou alors un pin's ? Ah, voilà, celui-là est très joli... Bien, bien... Il me reste à vous dire au revoir. L'infirmier va vous reconduire... Non, non... C'est que, voyez-vous, il ne faut pas rester là, Monsieur, nous avons une compétition, ici, d'accord ? J'ai rendez-vous avec le Dr Mendoza et je suis déjà affreusement en retard... Allez, portez-vous bien... Amitiés à Sabine..."
Isabelle, la directrice : " - Ooohhh, le joli dessin que vous nous avez fait là, Monsieur Resnais ! Cette lumière, ces couleurs, cette composition... Cela me rappelle vos anciens tableaux... Écoutez, nous n'allons pas vous laisser partir comme ça. Infirmiers !!! Infirmiers !!! Est-ce qu'il nous reste un porte-clef pour Monsieur Resnais ? Non ? Ou alors un pin's ? Ah, voilà, celui-là est très joli... Bien, bien... Il me reste à vous dire au revoir. L'infirmier va vous reconduire... Non, non... C'est que, voyez-vous, il ne faut pas rester là, Monsieur, nous avons une compétition, ici, d'accord ? J'ai rendez-vous avec le Dr Mendoza et je suis déjà affreusement en retard... Allez, portez-vous bien... Amitiés à Sabine..."
 Troisième long-métrage de Rabah Ameur-Zaïmeche après les remarqués Wesh wesh, qu'est-ce qui se passe ? et Bled Number One, Dernier maquis est une drôle de fable politique née d'un double désir de cinéaste : réaliser une œuvre à la fois engagée et plastiquement marquante. Abordant frontalement des problématiques religieuses et sociétales, le filme relate un conflit opposant un groupe de manœuvres musulmans à leur patron, ce dernier tentant d'acheter la paix sociale avec la mise à disposition d'un lieu de prière. L'ambition politique est explicite mais nuancée, notamment dans le portrait complexe qui est fait du patron de cette entreprise de rénovation de palettes. En cantonnant son récit dans un lieu quasi-unique, Ameur-Zaïmeche élude le rapport à la société extérieure et l'éventuelle confrontation qui pourrait en découler, posant ainsi la situation comme étant naturelle, ici et maintenant. Il est donc difficile de parler de film social, au sens où nous l'entendons habituellement, Dernier maquis ne se pliant pas aux codes du genre.
Troisième long-métrage de Rabah Ameur-Zaïmeche après les remarqués Wesh wesh, qu'est-ce qui se passe ? et Bled Number One, Dernier maquis est une drôle de fable politique née d'un double désir de cinéaste : réaliser une œuvre à la fois engagée et plastiquement marquante. Abordant frontalement des problématiques religieuses et sociétales, le filme relate un conflit opposant un groupe de manœuvres musulmans à leur patron, ce dernier tentant d'acheter la paix sociale avec la mise à disposition d'un lieu de prière. L'ambition politique est explicite mais nuancée, notamment dans le portrait complexe qui est fait du patron de cette entreprise de rénovation de palettes. En cantonnant son récit dans un lieu quasi-unique, Ameur-Zaïmeche élude le rapport à la société extérieure et l'éventuelle confrontation qui pourrait en découler, posant ainsi la situation comme étant naturelle, ici et maintenant. Il est donc difficile de parler de film social, au sens où nous l'entendons habituellement, Dernier maquis ne se pliant pas aux codes du genre. C'est calme en ce moment, non ? Tiens, si l'on parlait de Tavernier ?
C'est calme en ce moment, non ? Tiens, si l'on parlait de Tavernier ?
