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Nightswimming - Page 111

  • Les meilleurs films de l'année... 1983

    Puisque mes notes vont s'écrire en pointillés pendant les fêtes, je vous propose d'établir la liste récapitulative des meilleurs films de l'année... 1983 (en attendant celle de 2008, que vous attendez sans doute tous très fébrilement). L'année 83 donc, bien sûr, celle dont nous avons parlé ici-même chaque mois depuis septembre (dernière évocation : ici). Pour ce faire, je reprends sans vergogne le modèle déposé par le bon Dr Orlof, qui, en début d'année, nous avait invité à dresser nos listes des années 93 à 2001.

    Voici donc mes préférences, aujourd'hui (car est-il utile de préciser que cette liste ne reflète en rien les films que j'ai pu aller voir en salles à l'époque, à l'âge de 12 ans ?) :

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    1- Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman)

    2- L'argent (Robert Bresson)

    3- A nos amours (Maurice Pialat)

    4- Pauline à la plage (Eric Rohmer)

    5- Furyo (Nagisa Oshima)

    6- A la poursuite de l'étoile (Ermanno Olmi)

    7- Honkytonk man (Clint Eastwood)

    8- Faits divers (Raymond Depardon)

    9- La valse des pantins (Martin Scorsese)

    10- Mortelle randonnée (Claude Miller)

     

    Si le coeur vous en dit, n'hésitez pas à y aller de votre liste personnelle. En plus de mes dix premiers titres, pour vous rafraîchir la mémoire, je récapitule ci-dessous, de manière évidemment non-exhaustive mais, je l'espère, sans trop d'oublis, les principales sorties françaises de l'année 1983 (Sources : CNC et IMDb).

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    Pas loin des 10 premiers : Sans soleil (Marker), Le sens de la vie (Jones & Gilliam), Vivement dimanche ! (Truffaut), Chaleur et poussière (Ivory), La ballade de Narayama (Imamura).

    Le verre à moitié plein : Danton (Wajda), Tootsie (Pollack), Atomic Cafe (Loader & Rafferty), Zombie (Romero), Outsiders (Coppola), Rue Cases Nègres (Palcy), Zelig (Allen), Papy fait de la résistance (Poiré), Garçon ! (Sautet), Boat people (Hui).

    Le verre à moitié vide : A la recherche de la Panthère rose (Edwards), Erendira (Guerra), La vie est un roman (Resnais), L'homme blessé (Chéreau), Evil dead (Raimi), La femme de mon pote (Blier), Le retour du jedi (Marquand), Les compères (Veber).

    Vus et oubliés (volontairement ou pas) : Le prix du danger (Boisset), Rocky 3 (Stallone), Le verdict (Lumet), Sans retour (Hill), Y'a-t-il enfin un pilote dans l'avion ? (Finkleman), Le dernier combat (Besson), Rambo (Kotcheff), Banzaï (Zidi), Gandhi (Attenborough), Circulez y'a rien à voir (Leconte), L'été meurtrier (Becker), Les prédateurs (Scott), 48 heures (Hill), Tonnerre de feu (Badham), Superman 3 (Lester), Flashdance (Lyne), Octopussy (Glen), Le Marginal (Deray), Jamais plus jamais (Kershner), Un fauteuil pour deux (Landis), Wargames (Badham), Le bal (Scola), Tchao Pantin (Berri).

    Et tous les autres, dont je n'ai encore jamais croisé la route : Travail au noir (Skolimowski), Officier et gentleman (Hackford), Antonieta (Saura), La belle captive (Robbe-Grillet), J'ai épousé une ombre (Davis), Le jour des idiots (Schroeter), L'imposteur (Comencini), L'emprise (Furie), La Traviata (Zeffirelli), L'Africain (De Broca), My dinner with André (Malle), L'écran magique (Mingozzi), La petite bande (Deville), Dark crystal (Henson & Oz), Le démon dans l'île (Leroy), Le choix de Sophie (Pakula), Coup de foudre (Kurys), Merry-go-round (Rivette), Cinq jours ce printemps-là (Zinnemann), T'es fou Jerry (Lewis), Le monde selon Garp (Roy Hill), Edith et Marcel (Lelouch), Dans la ville blanche (Tanner), Ténèbres (Argento), Le mur (Güney), Les trois couronnes du matelot (Ruiz), La lune dans le caniveau (Beineix), Histoire de Pierra (Ferreri), La mort de Mario Ricci (Goretta), L'année de tous les dangers (Weir), Jeu de famille (Morita), La palombière (Denis), A bout de souffle made in USA (McBride), Creepshow (Romero), Le justicier de minuit (Thompson), Mon curé chez les Thaïlandaises (Thomas), Equateur (Gainsbourg), Frances (Clifford), Un jeu brutal (Brisseau), Liberty Belle (Kané), Benvenuta (Delvaux), L'ami de Vincent (Granier Deferre), Hanna K. (Costa-Gravas), Vive la sociale ! (Mordillat), Poussière d'empire (Lam Le), En haut des marches (Vecchiali), Un amour en Allemagne (Wajda), La tragédie de Carmen (Brook), Surexposé (Toback), Les Princes (Gatlif), Les cœurs captifs (Radford), Faux fuyants (Bergala & Limosin), La trace (Favre), Vassa (Panfilov).

     

    Les habitués se sont peut-être fait la remarque : le Dr Orlof cité plus haut donnait, lui, deux listes à chaque fois, l'une correspondant à ses goûts actuels, l'autre à ceux de l'époque. Je n'ai pour ma part aucun cahier pour m'aider à m'y retrouver mais je veux bien m'exposer et tenter d'établir un classement qui pourrait ressembler à celui que j'aurai pu faire il y a 25 ans. Accrochez-vous, car comme disent les présentatrices de clips R'n'B sur les chaînes musicales : c'est du lourd.

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    1. Outsiders / 2. Le retour du jedi / 3. Rocky 3 / 4. Octopussy / 5. Wargames / 6. Le Marginal / 7. Tonnerre de feu / 8. Les compères / 9. Flashdance / 10. Papy fait de la résistance

    Je vous avais prévenu.

    A vous de jouer...

  • Two lovers

    (James Gray / Etats-Unis / 2008)

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    twolovers.jpgA propos de Two lovers, les admirateurs de James Gray n'ont pas manqué de relever la constance des thèmes (la famille, le choix qui engage toute une vie) et de l'ambiance (nocturne, épaisse). Je me suis réjouis pour ma part de voir le cinéaste cette fois-ci s'éloigner de son genre de prédilection, à savoir le film noir, qui, s'il lui avait permis d'effectuer de fracassants débuts (Little Odessa), l'avait ensuite vu quelque peu encombré (The yards, La nuit nous appartient).

    La trame de son nouveau film n'a rien de novateur, reprenant le dilemme, vieux comme le monde, de l'homme hésitant entre la blonde et la brune, l'aventure et la tranquilité. Mais la convention s'accepte mieux ici que dans les deux polars précédents, grâce à l'approche terre à terre et quotidienne, qui ne grandit pas éxagéremment les personnages par rapport au récit. Comme son héros Leonard, qui ne peut s'empêcher de faire sonner ses quelques mensonges comme autant d'aveux (voir, en réponse, les contrechamps silencieux sur la mère ou la fiancée), Gray est un artiste foncièrement honnête, ne cherchant jamais à jouer au plus malin, assumant son sujet et son traitement sans prendre tout cela de haut.

    Tout au long de cette série de scènes attendues, il se sort du piège d'abord par son sens du tempo qui lui permet de les laisser durer exactement le temps qu'il faut, celui nécessaire à une modulation des états d'âme de chacun. L'homme a également un don pour poser un décor, faire vivre un lieu, qu'il soit intime (la chambre) ou public (la discothèque). Il excelle enfin dans l'approche physique des personnages, sans esbroufe ni effet-choc de proximité sensorielle, mais en faisant ressentir la présence des corps avec une grande sensibilité (plans magnifiques de baisers et de mains caressant les visages).

    La grâce et la finesse des deux interprètes féminines, Gwyneth Paltrow et Vinessa Shaw, permettent de balayer tous les clichés que pourraient véhiculer leurs personnages antagonistes. Joaquin Phoenix est, lui, dans la peau d'un homme étrange. Insister sur ses troubles psychologiques n'est sans doute pas la meilleure idée, à moins que James Gray n'ait pas trouvé mieux pour faire accepter ses petites gamineries et le fait que son acteur paraisse parfois un peu trop âgé pour le rôle. Phoenix est toutefois assez passionnant à voir jouer : son "travail" peut se faire visible mais c'est probablement le prix à payer pour atteindre l'émotion des ultimes séquences.

    Dans Two lovers, tout est affaire d'équilibre. Lors d'une scène d'amour, on remarque tout juste que les stores de la chambre ne sont pas baissés, Gray ne nous imposant aucun plan insistant sur la fenêtre, alors que le détail est primordial (non pas dramatiquement, puisqu'il ne provoque rien, mais psychologiquement). De même, le film en appelle bien d'autres mais on parlera de réminiscences et non d'hommages. Bien que (ou en raison du fait que) l'action se déroule à New York, ces réminiscences sont d'ailleurs essentiellement européennes, et particulièrement italiennes.

    Pas aussi bouleversant que l'on pourrait le souhaiter, Two lovers est toutefois un beau film triste, qui semble de bon augure pour la suite du parcours de son auteur et qui vieillira, je pense, assez bien. C'est déjà pas mal en cette année cinéma 2008 qui n'aura pas été extraordinaire (à une exception près...).

  • Vingt femmes, vingt visages, vingt actrices...

    C'est l'ami Vincent qui vient de proposer cette nouvelle liste sur son blog Inisfree. En léger ralentissement à l'approche de la fin de l'année, j'en profite donc pour vous donner la mienne. L'exercice est si difficile que je me suis imposé de m'arrêter de chercher dès que le nombre de vingt était atteint. Il ne s'agit donc pas d'une liste des plus grandes actrices mais plutôt d'éclairs, de flashes.
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    Claudette Colbert (Cléopâtre)
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    Dita Parlo (L'Atalante)
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    Loretta Young (La blonde platine)
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    Gene Tierney (The Shanghai gesture)
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    Dorothy Malone (Ecrit sur du vent)
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    Rossana Podesta (La red)
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    Barbara Steele (Le masque du démon)
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    Silvia Pinal (Viridiana)
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    Marilyn Monroe (Les désaxés)
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    Claudia Cardinale (Sandra)
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    Corinne Marchand (Cléo de 5 à 7)
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    Diane Lane (Rusty James)
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    Andie MacDowell (Sexe, mensonges et vidéo)
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    Annette Benning (Les arnaqueurs)
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    Julianne Moore (Magnolia)
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    Naomi Watts & Laura Elena Harring (Mulholland Drive)
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    Scarlett Johansson (Lost in translation)
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    Anapola Mushkadiz (Bataille dans le ciel)
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    A la mémoire d'Adrienne Shelly (1966-2006) (Trust me)

    P.S. : J'ai délibérément écarté quatre actrices déja louées en cet endroit : Louise B., Romy S., Isabelle C. et Juliette B.

  • Hunger

    (Steve McQueen / Irlande / 2008)

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    hunger.jpgDès le début de Hunger, quelque chose ne va pas. Cette façon de suivre ce gardien de prison, ces contre-plongées dans le couloir, ces gestes quotidiens qui en disent long...

    Dans Hunger, on m'a montré comme jamais la réalité de l'incarcération, les sévices, la survie, la démerde. Je le savais, maintenant j'ai l'illustration. Je le visualise mieux. Merci.

    Hunger est un film à sensations, dans tous les sens du terme. Les excréments des prisonniers de l'IRA recouvrent les murs. J'ai pensé au film, bancal mais intéressant, de Philip Kaufman sur Sade (Quills, la plume et le sang).

    Hunger accumule les scènes de bastonnades dans les couloirs de cette prison anglaise qui devient le symbole de tous les lieux où l'on bafoue les plus élémentaires des droits. Steve McQueen s'intéresse aux corps, déploie une mise en scène exclusivement physique et repousse les limites de la représentation en jouant sur la répétition et la durée.

    En plein milieu de ce film aux dialogues rares, un plan séquence fixe de vingt minutes enregistrant une conversation entre Bobby Sands et un prêtre nous signale qu'il est temps de réfléchir après avoir pris tant de coups. Plutôt : il est temps d'écouter l'exposé. La lutte doit-elle être poursuivie de façon radicale ou la négociation doit-elle prendre le pas ? Le rythme des réparties est rapide, les partitions antagonistes coulent parfaitement, sans une butée sur un mot, sans une hésitation. Je suis au théâtre.

    Séquence suivante : un employé nettoie le sol du couloir, inondé de pisse. Tout le couloir. McQueen laisse tourner la caméra indéfiniment (le temps de repenser aux discours précédents ?). Gage de radicalité. Bruno Dumont ne s'y est pas trompé, allez : Caméra d'or !

    Dernière partie de Hunger : le martyr de Bobby Sands, gréviste de la faim. Description clinique mais recherche esthétique. Vomi et caméra aérienne en même temps. Le corps de l'acteur Michael Fassbender se transforme sous nos yeux. Performance.

    Je peux voir toutes les horreurs possibles au cinéma. Je déteste en revanche voir la mort en direct, ou du moins enregistrée. Celle que l'on peut se repasser en boucle sur le net. Je regarde Hunger comme je regarde la vidéo d'un pauvre américain se faire sauter la cervelle devant une caméra de télé.

    J'aime, au cinéma, être libre de mes mouvements et de mes pensées. Je me suis vu, devant Hunger, dans la peau d'Alex :

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  • Les amants réguliers

    (Philippe Garrel / France / 2005)

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    amantsreguliers.jpgC'est certain, un Garrel, ça ne se donne pas comme ça. Tellement Auteur, tellement centré (sur une certaine ville, sur un certain milieu social). Le long des 175 minutes que dure Les amants réguliers, il faut passer par quelques moments de flottement pour récolter ici ou là de réelles beautés et pour profiter d'une dernière heure magique.

    Dans un noir et blanc épais comme une peinture ou un muet, est décrite la constitution, en mai 68, d'une petite communauté d'artistes-étudiants-révolutionnaires-petits-bourgeois, puis son délittement au fil des mois. Devant la caméra économe du cinéaste, le joli mai se fait nocturne et les échaufourées autour des barricades sont perçues, depuis la deuxième ligne, dans la longueur et l'attente, comme par l'oeil du cinéma direct. Garrel aime étirer ses plans plus que de raison. Il y manque alors parfois une tension, un but, un décalage ou une révélation, si infime soit-elle, qui justifierait en bout de course cet écoulement. Mais l'insatisfaction peut être retournée si l'on veut bien admettre que l'on partage ici comme rarement les états des personnages (au risque donc de se sentir nous aussi, de temps à autre, avachi, la pipe d'opium au bec).

    Contrairement à l'idée reçue, Garrel n'est-il pas à son meilleur dans la forme courte et vive ? Dans l'insert musical ou visuel (les numéros des maisons qui annoncent l'année en cours : 68, 69) ? Dans le court récit oral (untel racontant une anecdote, souvent liée à ses déboires avec les flics) ? Je tendrai à le penser, préférant ces flashes aux plans-séquences de groupes, où la caméra va d'un visage à l'autre, de manière plutôt répétitive. Mieux et plus passionnant encore : ce qui se passe entre les plans. Le montage est elliptique, la coupe abrupte et le raccord déstabilisant. Il en va ainsi du tournant émotionnel du film, à l'arrivée du dernier tiers : coupe pour un changement de lieu / dans l'atelier, plan très court sur le peintre (Marc Barbé) qui propose à Lilie de changer de vie / coupe / long gros plan sur Lilie qui pleure en silence.

    Philippe Garrel tarde à faire de son couple d'amants réguliers (Clotilde Hesme et Louis Garrel) le pivot du récit. Si l'on s'attache assez vite à eux, il faut laisser les autres personnages sortir de leurs poses, gagner en épaisseur et se consolider (au fur et à mesure qu'ils se fissurent). Si le sujet du film nous touche, c'est que cette désillusion post-68 passe par la désintégration d'un groupe en suivant un chemin moins politique ou sociétal (la drogue) que profondément intime.

    Dans l'une des dernières scènes, Lilie et François se retrouvent dans la rue. La lumière du jour éclate et pour la première fois, les bruits ambiants semblent envahir l'espace sonore de tout leur poids de réalité. Les deux amants sortent de leur rêve. Mais François, lui, y retournera in fine, se condamnant. Il est intéressant de voir que Garrel aborde la période 68 sous le même angle que son collègue Bernardo Bertolucci (cité dans le film à propos de son Prima della rivoluzione) dans Innocents : l'opposition entre l'intérieur et l'extérieur, l'hésitation entre le repli et l'ouverture sur le monde.

  • Crainquebille

    (Jacques Feyder / France - Belgique / 1922)

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    crainquebille.jpgCrainquebille est un vieux maraîcher des Halles, tirant chaque matin sa charrette dans les petites rues parisiennes. A la suite d'un quiproquo, il est arrêté par un agent de police pour outrage, celui-ci ayant mal compris une parole du vieil homme. Crainquebille passe trois jours en prison avant d'être traduit en justice, au cours d'un procès qui le dépasse totalement. Après avoir purgé une peine de réclusion complémentaire, il reprend son activité mais voit ses clients habituels se détourner de lui. Il tombe dans la déchéance.

    Par son regard documentaire et la modestie de son argument, ce film de 1922 peut passer pour l'un des ancêtres du néo-réalisme (et Crainquebille pour une sorte d'Umberto D.). Si la première caractéristique donne son intérêt à l'oeuvre (images comme prises à la volée, tournage dans la rue pour la majorité des scènes), la deuxième se révèle être sa limite. Les auteurs voudraient que la banalité du cas prenne valeur d'exemple. Il m'a été cependant bien difficile de m'intéresser à cette histoire d'injustice, cela d'autant moins qu'elle ne paraît apporter dans un premier temps que peu de désagrément à la victime, qui se trouve particulièrement à l'aise en prison (confort de la cellule et visite médicale). De plus, la simplicité apparente n'empêche pas la leçon de morale, passant essentiellement dans les inter-titres, sous forme d'abord plaisamment ironique (les maraîchers qui traversent les beaux quartiers à l'heure où les noctambules de la classe supérieure vont se coucher) mais sur la fin beaucoup plus lourde.

    Crainquebille est une dénonciation de "l'injustice de la justice", cette justice opaque qui écrase les petites gens. Le long procès du héros est vu comme un cirque, impression accentuée par une partition musicale guillerette. Ce qui devrait être poignant dans le parcours de cet homme est rendu finalement plutôt comique et bon enfant. Quand ensuite la chute du personnage nous est contée, il est trop tard pour nous émouvoir.

    La mise en scène de Feyder est cependant assez alerte pour nous maintenir en éveil.

  • L'échange

    (Clint Eastwood / Etats-Unis / 2008)

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    echange.jpgJ'ai trouvé la première partie de L'échange (Changeling) remarquable. J'ai cru à ce Los Angeles de la fin des années 20 recréé par Eastwood. Certains ont rechigné devant une "reconstitution trop soignée". Rappelons-leur qu'une reconstitution soignée hollywoodienne vaudra toujours cent fois mieux qu'une reconstitution soignée à la Française, sentant bon la brocante et les messages radiophoniques d'époque (voir l'effroyable Un secret de l'an dernier). Dans L'échange, les hommes et les femmes que l'on croise s'intègrent parfaitement à leur environnement et évoluent dans des décors photographiés magistralement par Tom Stern.

    Dans ce milieu ouaté et pourtant rongé par les ténèbres, Christine Collins est soudain confrontée au terrible drame de la disparition de son fils Walter et de la restitution par la police d'un enfant qui n'est pas le sien. Les scènes où l'incroyable se produit, celles où cette mère se retrouve avec un inconnu devant elle, ont laissé insatisfaits plusieurs critiques ("Dans ce cas-là, on ne réagit pas comme ça...", ce genre de réflexions très pertinentes). J'y ai pour ma part trouvé une véritable sensation de trouble, le vacillement d'un esprit déjà pour le moins déstabilisé. Seul petit bémol sur ce point : le caractère et la psychologie du garçon de substitution ne sont guère développés, alors qu'ils intriguent forcément. Adoptant une belle retenue sous ces chapeaux qui l'enserrent, portant joliment sa main gantée vers le bas de son visage lorsqu'elle défaille, l'interprète de Christine Collins est une agréable découverte (on me signale en régie qu'il s'agit en fait d'une certaine Angelina Jolie, star internationale, femme de star international et mère, probablement, de futures stars internationales).

    Pour obéir à la fois aux canons du mélodrame et à ceux de la fresque sociale dénonciatrice, le film va prendre successivement plusieurs chemins. Il va ainsi s'arrêter un moment à la case asile pour femmes et malheureusement tomber sur un faux-plat dont il aura du mal à se sortir. Le récit se fait en effet beucoup plus convenu et le discours très appuyé : des dialogues sur-signifiants et des situations extrèmes veulent servir la cause des femmes, le tout vu à travers les exactions policières et l'arbitraire de l'enfermement psychiatrique. C'est dans cet hopital où atterrit Miss Collins qu'a lieu une altercation au cours de laquelle une co-détenue et amie de celle-ci assène un fulgurant coup de poing au salaud de médecin en chef. "Bien fait pour sa gueule !" ne manque pas de crier le spectateur remonté. Ce n'est pas la première fois qu'Eastwood tombe dans ce travers désagréable, mais il le fait ici à deux ou trois reprises.

    Malgré cette traversée du ventre mou du film, je n'ai pas décroché totalement grâce au second récit qui s'ouvre parallèlement : une enquète anodine débouchant sur une affreuse découverte. Le cinéaste s'y connaît pour faire monter la tension en envoyant un agent inspecter une ferme désertée. Il faut dire aussi qu'Eastwood et le cinéma américain en général n'en finissent plus de nous terroriser avec les violences subies par les enfants.

    Les scènes de procès qui suivent restent des scènes de procès (donc pas forcément palpitantes et ici bizarrement redoublées d'une affaire à l'autre, dans les mêmes lieux et au même moment, au mépris de tout réalisme). Au terme de l'une d'elles, un rebondissement, le premier d'une longue série, nous fait replonger avec plaisir dans les eaux les plus troubles. Cependant, en collant si étroitement aux divagations d'un psychotique et en usant de manière si efficace de flash-backs traumatisants, Eastwood nous fait moins partager le vertige dont est prise l'héroïne, prête à se vouer à n'importe quel saint, voire au diable lui-même, qu'il ne nous manipule sans ménagement aucun. Plus loin, l'insistance que met Christine Collins à accompagner le coupable jusqu'à son dernier souffle, jusqu'au moment où il ne pourra plus rien dire, pendu à sa corde, se comprend aisément et peut expliquer la longueur de la séquence consacrée à l'exécution. Là aussi cependant, affleure un sentiment de gêne. Eastwood s'est-il dit que l'on ne pouvait plus filmer une mise à mort de façon désinvolte ? N'a-til pas fait mine de jouer sur deux tableaux : un châtiment atroce mais un châtiment juste ? A priori similaire à celle que l'on trouve dans le film magistral de Richard Brooks, De sang froid (1967), cette scène n'a, dans L'échange, ni la même clarté, ni la même portée, ni les mêmes prolongements dans l'esprit du spectateur.

    A la suite de Million dollar baby, qui restera probablement son plus beau film (ou disons, à égalité avec Impitoyable), les derniers opus de Clint Eastwood sont, je dirai, "à voir" mais avec plus (Mémoires de nos pèresL'échange) ou moins (Lettres d'Iwo Jima) de réserves.

     

    P.S. 1 : Vous aurez remarqué, je l'espère, l'absence totale, dans ce texte des mots classicisme, réactionnaire et crépusculaire.

    P.S. 2 : Arrivant alors que le débat (virulent) autour de L'échange est largement entamé, je vous invite à lire différents points de vue, dans un ordre qui irait peu ou prou des plus énervés aux mieux contentés : chez Dr OrlofCinématique, Dasola, Rob Gordon, ShangolsLa lanterne.

  • The grandmother

    (David Lynch / Etats-Unis / 1970)

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    grandmother.jpgThe grandmotherest le premier ouvrage conséquent de David Lynch, un film de 34 minutes réalisé en 1970, après deux très courts métrages (Six figures, 1967, 1', animation et The alphabet, 1968, 4', animation et prises de vues réelles) et avant l'entrée dans l'aventure du tournage de Eraserhead.

    J'ai essayé de voir ce coup d'essai avec les yeux de l'innocence, en tentant de faire abstraction de ma connaissance de la suite du parcours de l'Américain. Autant l'avouer tout de suite, c'est mission impossible. Tout d'abord, l'univers de Lynch est si singulier, son imaginaire tellement fort, que le moindre signe renvoie fatalement à l'ensemble de l'oeuvre. Ensuite, The grandmother pose clairement les bases de la plupart des figures, des thèmes et des obsessions lynchiennes.

    Mike est un petit garçon né "végétalement" d'un couple perturbé. Maltraité par son père et mal aimé par sa mère, il aime se réfugier dans son grenier, là où il a découvert un sac de graines. L'une d'elles, suite à ses soins, a germé, grandi en prenant une forme indéfinissable, pour finalement donner naissance à une vieille dame. Auprès de cette grand-mère, Mike apprend la tendresse et parvient à s'émanciper, du moins par l'imaginaire, de ses parents. Cette femme mourra, probablement, mais laissera le garçon définitivement changé.

    David Lynch crée pour la première fois l'un de ses étonnants monde parallèle à l'intérieur même de la maison familiale. Toutes les pièces baignent dans le noir, seuls quelques éléments du décor et les visages pâles des personnages se détachent du fond obscur. Des touches plus colorées dénotent ici ou là. Ce film est-il en noir et blanc ou en couleurs ? A l'instar de la lumière, Lynch triture également les vitesses de défilement et multiplie les gros plans déformants, faisant sentir ainsi toute la monstruosité de ces êtres et ajoutant encore une couche d'angoisse. Il alterne aussi, comme dans The alphabet, prises de vues réelles et séquences d'animation primitives, entre schémas scientifiques enfantins et peintures de théâtre grand-guignol.

    L'expérimentation porte également sur la texture sonore. Les coupes brutales dans la bande-son déstabilisent d'autant plus qu'elles ne coïncident pas forcément avec un changement de plan. Entre les personnages, pas un mot n'est échangé. Les parents se contentent d'aboyer "Mike ! Mike !". A la musique originale (signée d'un certain groupe (?) Tractor) ne manque même pas, vers la fin, le moment d'apaisement apporté par une ballade chantée d'une voix féminine éthérée à la Julee Cruise.

    Avec trois fois rien, Lynch nous fait basculer dans son cerveau brousailleux, là où la distinction entre végétal et animal n'a plus lieu d'être, là où la surface de la cellule familiale semble toujours prête à se fissurer et laisser remonter les pires horreurs. Sur-évaluation et sur-interprétation que tout cela ? En tous cas, vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévénu dès le début...

  • Parade & Forza Bastia 78

    (Jacques Tati / Suède - France / 1974 & Jacques Tati et Sophie Tatischeff / France / 1978-2000)

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    Pour finir notre mini-cycle Tati, jetons un coup d'oeil sur les deux points de suspension qui clôturent l'oeuvre après Trafic (1971).

    parade.jpgBien que le dernier long-métrage de Jacques Tati ait été distribué dans les salles françaises à la fin de l'année 1974, Parade n'est pas un film de cinéma. Il s'agit d'une commande passée par la télévision publique suédoise, consistant à capter en vidéo un spectacle de cirque.

    Il y a deux façons de juger l'oeuvre. Si l'on opte pour la plus bienveillante, on insistera sur la singularité du projet. Tati, filmant avec quatre caméras pendant trois jours, rend hommage aux spectacles vivants (cirque, music-hall, concerts). A la représentation classique, il intègre pleinement le public, abolissant les frontières entre gradins, scène et coulisses et montrant que des spectateurs ou des ouvriers peuvent devenir tout naturellement des artistes, magiciens ou acrobates. Plusieurs plans sont d'ailleurs cadrés depuis le fond du décor, de manière à avoir le public à l'image. A côté de cette perméabilité des univers qui permet un spectacle total, on retrouve un autre thème récurrent : l'enfance. Une petit garçon et une petite fille dans le public sont deux des "héros" du film. Après le spectacle, une fois les gradins et la piste  désertés, Tati les laisse prendre possession des lieux, assurant ainsi le passage de témoin. Voilà pour la politique de l'auteur.

    Si l'on s'attache maintenant à ce qui se passe réellement sur l'écran pendant 1h25, le résultat n'est pas très captivant. Tati-acteur est dans la peau du Monsieur Loyal. Il n'est cependant au centre que d'une poignée de séquences, toutes de mime sportif (gardien de but, tennisman, boxeur...), exercice qui fit sa réputation à ses débuts au music-hall. La succession des numéros des autres artistes n'échappe pas à la règle du genre : l'inégalité. De jongles impressionnants, on passe à un pénible rodéo avec une mule et avant un savoureux concerto burlesque par trois vieux musiciens, on supporte un languissant intermède musical.

    Dans l'esprit du cinéaste, ce spectacle se veut démocratique, au sens où tout le monde peut en être l'un des acteurs. Louable intention, contredite cependant par plusieurs choses. D'une part c'est bien lui Tati, le metteur en scène, le Mr Loyal et la star du show, que l'on vient voir. D'autre part, les intervenants descendant des gradins sont de manière bien trop évidente des professionnels. Que l'on ne s'y trompe pas, même avec tous ces jeunes spectateurs suédois peace and love, Parade n'est pas un happening.

    Pressé par le temps et serré par son budget, Tati ne peut pas peaufiner tous les gags comme à son habitude et certains sont mal mis en valeur par le cadre et la photo. Le son, si important ailleurs, se réduit le plus souvent à quelques bruitages et au vacarme de l'audience. Le film n'est donc ni très rigoureux, ni très naturel.

    Parade était sans doute en 1974 une bonne émission de télévision. Mais même à l'époque, cela ne suffisait certainement pas à en faire un bon film.

    forzabastia.jpgPlus intéressant est le documentaire tourné en 1978, à la demande de Gilbert Trigano. Celui-ci proposa à Tati d'immortaliser la journée du 26 avril où Bastia affrontait les Hollandais du PSV Eindhoven, en match aller de la finale de coupe de l'UEFA. Oubliées dans une cave pendant des années, les bobines du film furent restaurées et montées par Sophie Tatischeff, fille du réalisateur, en 2000, pour aboutir à ce Forza Bastia de 26 minutes.

    On suit d'abord les préparatifs de la fête, les déambulations des supporters et la transformation de toute une ville en blanc et bleu. Les images d'une population en liesse sont des plus classiques mais elles sont rendues assez touchantes par le passage du temps et réhaussées par le regard légèrement décalé de Tati qui, de façon impressionniste, aime s'attarder sur une vieille dame, une petite fille ou un chien. Pour que le film décolle véritablement, il faut un coup de pouce du destin. Il arrive sous la forme d'un violent orage. Un déluge s'abat sur Bastia, douchant l'enthousiasme des supporters dans le stade et rendant le terrain impraticable.

    Tout le film semble alors suivre les hauts et les bas par lesquels passe le public : l'inquiétude, les encouragements et les silences. Armé de balais, de seaux ou de sacs de sable, on tente désespérément de redonner à la mare aux canards l'allure d'un terrain de foot. Après de longues discussions entre officiels, le coup d'envoi peut finalement être donné (la télévision, déjà en 1978, semble dicter ses impératifs), mais la fête commence à avoir un drôle de goût. Du match, nous ne voyons que des jambes pataugeant dans la boue. Tati préfère braquer ses caméras sur les supporters, filmer les réactions d'un public de plus en plus stressé. Au bout de 90 minutes dantesques, les locaux ne pourront faire mieux qu'un frustrant 0-0.

    De la matinée joyeuse et ensoleillée, nous sommes passé à la tristesse d'une nuit humide. Le film n'a pas besoin de dire la suite : quinze jours plus tard, Eindhoven gagnait le match retour 3-0 et brisait les espoirs français de sacre européen.

     

    P.S. 1 : Merci beaucoup à Michèle et à Joachim pour les prêts de dvd.

    P.S. 2 : Après avoir vu les quatre longs-métrages avec lui (j'ai volontairement évité, je le rappelle, Playtime et Trafic), voici les préférences de mon fiston de 6 ans, "du plus rigolo au moins drôle" : 1- Jour de fête, 2- Les vacances de Mr Hulot, 3- Parade, 4- Mon oncle. Si vous êtes parents, vous savez maintenant ce qu'il vous reste à faire...

  • C'était mieux avant... (Décembre 1983)

    Maintenant que Novembre est derrière nous, passons à la quatrième étape de notre voyage dans le passé. Retour donc vers le mois de Décembre 1983, pour voir ce que nous pouvions trouver alors dans nos salles obscures :

    Lebal.jpgBien que je sois incapable d'émettre un jugement sur Le bald'Ettore Scola, compte tenu de l'éloignement, ce film m'est cher pour deux raisons. Tout d'abord, lorsque je vois cette affiche, je la vois au mur du cinéma que je fréquentais alors, celui de Nontron (24300, sous-préfecture de la Dordogne, 3400 habitants). C'est dans cette salle, la plus près de mon chez moi d'adolescent, dans la campagne périgourdine, que j'ai réellement découvert le cinéma. L'année de mes 12 ans, Le baly avait été programmé (peut-être même deux fois, la seconde, début 1984, à l'occasion d'une sortie post-Césars d'où Scola était reparti avec les prix du Meilleur réalisateur et du Meilleur film, ex-aequo avec A nos amours) et je revois très bien ce film annoncé dans le dépliant-programme. La deuxième raison est qu'il s'agit de l'un des films préférés de mon père qui, bien que n'étant pas cinéphile, pouvait s'enticher à l'époque de quelques oeuvres à la fois populaires et suffisamment originales, comme Apocalypse now ou Il était une fois en Amérique (rappelons que Scola balayait ici cinquante ans d'histoire sans sortir d'une salle de bal et sans laisser prononcer un seul mot pas ses personnages).

    Pour ce qui est des autres sorties de ce mois, disons-le tout de suite, c'est assez triste. Deux événements médiatiques nationaux : Coluche égale au moins Raimu et Gabin, tout à la fois, dans son premier rôle sérieux (Tchao Pantinde Claude Berri) et Alexandre Arcady se paye une nouvelle fresque coppolesque (Le grand carnaval). Je n'ai jamais eu envie de voir le second et j'ai trop vu le premier à la télévision durant toutes les années 80 (les rouflaquettes du susnommé, la mobylette de Richard Anconina, la poitrine d'Agnès Soral). En comparaison, on aurait presque envie de se replonger dans les Wargamesde John Badham, histoire de voir si le divertissement est toujours agréable.

    megavixens.jpgCombat de poids lourds au rayon érotisme : Walerian Borowczyk, lâché film après film par ses défenseurs, proposait un Art d'aimerqui ne semblât pas regarnir ses troupes et Russ Meyer qui, lui, connaissait plutôt une apothéose critique et publique avant de décliner par la suite (l'évolution de sa carrière dessinant ainsi une courbe logiquement mammaire), nous mettait sous le nez ses Megavixens.

    Get crazyd'Allan Arkush, titille la curiosité, par son sujet (une comédie sur le milieu du rock) et son casting (Malcolm MacDowell et Lou Reed). La trace(franco-suisse de Bernard Favre, avec Richard Berry) reçut un bon accueil critique et Jean-Claude Brialy revenait derrière la caméra pour Un bon petit diable.

    Pas fôlichon, tout ça ? Attendez, il en reste : Les dents de la mer 3(suite en relief signée Joe Alves, noté 3.3 sur 10 sur l'IMDb), Thor le guerrier(Tonino Ricci, noté 2.5), L'éclosion des monstres (Los nuevos extraterrestres, suite officieuse du E.T.de Spielberg, par Juan Piquer Simon, noté 2.6), Le sadique à la tronçonneuse (Mil gritos tiene la noche, film hispano-américano-portoricain du même Juan Piquer Simon, mieux noté : 5.2). N'en jetons plus, la cour est pleine.

    jamaisplusjamais.jpgMieux vaut finir ce panorama avec quelques oublis des mois précédents. En Octobre était sorti l'un des films les plus réputés du grand Raoul Ruiz (voir plus bas), Les trois couronnes du matelot. En novembre, la guerre des Bond battait son plein : quelques semaines après Roger Moore dans Octopussy, Sean Connery retrouvait le costume de 007 dans Jamais plus jamais(pratiquement pas de souvenir de cet épisode-là, mais le nom de son réalisateur, Irvin Kershner, auteur de quelques films personnels et solide artisan au service de la grosse machine hollywoodienne comme avec le deuxième et le meilleur Star wars, est généralement gage de qualité). J'ai également oublié de mentionner le mois dernier les sorties de Erendira(fable sud-américaine qui m'a passablement ennuyé il y a quelques années, pourtant signée Ruy Guerra), de Vassa(de Gleb Panfilov, cinéaste russe, auteur notamment du très beau Thème) et de Quand faut y aller, faut y aller, énième ânerie troussée pour Terence Hill et Bud Spencer, que j'avais adoré à l'époque.

    positif274.jpgLorsque le mois arrivant n'annonce rien de très palpitant, les revues de cinéma ont le choix entre trois solutions (seule Cinéma 83(300) met en vedette Jean-Claude Brialy). Possibilité n°1 : se plonger dans un passé méconnu. Ainsi, pour les Cahiers du Cinéma (354), le meilleur film du mois est Les anges du boulevard, classique du cinéma chinois des années 30, réalisé par Yuan Muzhi et resté inédit en France jusqu'alors. Possibilité n°2 : revenir sur des films déjà à l'affiche. La Revue du cinéma(389) parle de Pialat et de Sautet, en mettant Garçon ! en couverture. Starfix(10) fête le retour de Sean Connery. Possibilité n°3 : se projeter vers l'avenir. Cinématographe(95) titre joliment "En attendant Godard" (puisque Dieu allait redescendre parmi nous en janvier 84 et nous offrir Prénom Carmen). Dans un autre registre, Premiere (81) va voir les stars en plein désert, sur le tournage de Fort Saganne. Comme Depardieu vient de faire leur dernière une (avec Les compères), c'est Sophie Marceau qui s'y colle. Il y a en fait une autre possibilité : choisir un cinéaste qui fait toujours l'actualité, un cinéaste avec qui l'on s'entretient en ayant à chaque fois deux films de retard sur lui. Par exemple, Raoul Ruiz. Profitant de la sortie récente des Trois couronnes du matelot, de celle imminente de La ville des pirates et de bien d'autres projets en cours, Positif (274) propose un entretien fleuve avec le réalisateur chilien exilé en France, agrémenté de plusieurs études, six mois à peine après un numéro spécial des Cahiers du Cinéma déja imposant.

    Voilà pour Décembre 1983. La suite le mois prochain...