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Nightswimming - Page 92

  • Les meilleurs films de la décennie vus de la blogosphère

    Résultats, bilan et commentaires

    *****

    films2000-2009.jpgFilms :

    1. Mulholland Dr. de David Lynch (35 voix)

    2. Elephantde Gus Van Sant (23 voix)

    3. Match pointde Woody Allen (18 voix)

    4. Lost in translationde Sofia Coppola (17 voix)

    5. A history of violence de David Cronenberg / Eternal sunshine of the spotless mind de Michel Gondry / In the mood for lovede Wong Kar-wai / Requiem for a dreamde Darren Aronofsky / There will be bloodde Paul Thomas Anderson / Two loversde James Gray (16 voix)

    11. No country for old men de Joel et Ethan Coen (14 voix)

    12. Mystic riverde Clint Eastwood / Parle avec ellede Pedro Almodovar (13 voix)

    14. Kill Bill (1&2)de Quentin Tarantino / Le voyage de Chihirod'Hayao Miyazaki (12 voix)

    16. Million Dollar Babyde Clint Eastwood / Le nouveau mondede Terrence Malick (11 voix)

    18. La graine et le muletd'Abdellatif Kechiche / Un conte de Noëld'Arnaud Desplechin (10 voix)

    20. The dark knightde Christopher Nolan / Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet / Memories of murder de Bong Joon-ho / Mysterious skinde Gregg Araki / Old boyde Park Chan-wook  (9 voix)

    25. American beautyde Sam Mendes / L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d'Andrew Dominik / De battre mon cœur s'est arrêtéde Jacques Audiard / Le seigneur des anneauxde Peter Jackson (8 voix)

    29. Donnie Darkode Richard Kelly / Les fils de l'hommed'Alfonso Cuaron / Gerryde Gus Van Sant / Gran Torinode Clint Eastwood / Inglourious basterdsde Quentin Tarantino / Loin du paradisde Todd Haynes / La nuit nous appartientde James Gray / Valse avec Bachird'Ari Folman / Le secret de Brokeback Mountain d'Ang Lee / La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck (7 voix)

    39. Les chansons d'amour de Christophe Honoré / Collateral de Michael Mann / 2046de Wong Kar-wai / Le labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro / Moulin Rouge ! de Baz Luhrmann / Un prophètede Jacques Audiard / 21 grammes d'Alejandro Gonzalez Iñarritu / Wall-Ed'Andrew Stanton (6 voix)

    47. The barberde Joel et Ethan Coen / La Cité de Dieu de Fernando Mereilles / Dancer in the dark de Lars Von Trier / Dogville de Lars Von Trier / Les infiltrés de Martin Scorsese / Into the wild de Sean Penn / Magnoliade Paul Thomas Anderson / Mementode Christopher Nolan / Le pianiste de Roman Polanski / Printemps, été, automne, hiver... et printemps de Kim Ki-duk / Virgin suicidesde Sofia Coppola / Volverde Pedro Almodovar / The yardsde James Gray / Yi-Yi d'Edward Yang (5 voix)

    61. A.I. de Steven Spielberg / Avatarde James Cameron / Blissfully yours d'Apichatpong Weerasethakul / Le château ambulantd'Hayao Miyazaki / Etreintes briséesde Pedro Almodovar / Ghost in the shell : Innocence de Mamoru Oshii / Head-on de Fatih Akin / Les herbes folles d'Alain Resnais / Incassable de M. Night Shyamalan / Irréversible de Gaspar Noé / Lady Chatterley de Pascale Ferran / Locataires de Kim Ki-duk / Les noces rebellesde Sam Mendes / Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana / Paranoid Parkde Gus Van Sant / Le ruban blanc de Michael Haneke / Sunshine de Danny Boyle / Sur mes lèvresde Jacques Audiard / Tokyo sonata de Kiyoshi Kurosawa / La 25ème heure de Spike Lee / Zodiacde David Fincher (4 voix)

    82. A bord du Darjeeling Ltdde Wes Anderson / Amours chiennes d'Alejandro Gonzalez Iñarritu / Apocalypto de Mel Gibson / Les autres d'Alejandro Amenabar / Aviator de Martin Scorsese / Big fish de Tim Burton / Les climats de Nuri Bilge Ceylan / Le dahlia noir de Brian De Palma / Election (1&2) de Johnnie To / L'enfant de Luc et Jean-Pierre Dardenne / Le fils de Luc et Jean-Pierre Dardenne / Flandres de Bruno Dumont / The fountainde Darren Aronofsky / Gangs of New York de Martin Scorsese / Goodbye Lenin de Wolfgang Becker / La guerre des mondes de Steven Spielberg / Les harmonies Werckmeister de Bela Tarr / High fidelity de Stephen Frears / The hostde Bong Joon-ho / Infernal affairs de Lau Wai-keung et Alan Mak / Je vais bien ne t'en fais pas de Philippe Lioret / Keane de Lodge Kerrigan / Last daysde Gus Van Sant / Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris / Les lois de l'attraction de Roger Avary / Man on the moon de Milos Forman / Morse de Tomas Alfredson / My summer of love de Pavel Pawlikowski / Nobody knows d'Hirozaku Kore-eda / O' Brotherde Joel et Ethan Coen / Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud / La pianiste de Michael Haneke / Presque célèbre de Cameron Crowe / Rois et reined'Arnaud Desplechin / Saraband d'Ingmar Bergman / Le soleil d'Alexandre Sokourov / Sweeney Todd de Tim Burton / The taste of tea de Katsuhito Ishii / Time and tide de Tsui Hark / La vierge des tueurs de Barbet Schroeder / 28 jours plus tard de Danny Boyle / Walk the line de James Mangold (3 voix)

    Cinéastes :

    1.David Lynch, Gus Van Sant (37 voix) / 3.Clint Eastwood (33 voix) / 4.James Gray (28 voix) / 5.Pedro Almodovar (24 voix) / 6.Sofia Coppola, Wong Kar-wai (23 voix) / 8.Paul Thomas Anderson, Joel et Ethan Coen (22 voix) / 10.Woody Allen, Darren Aronofsky (21 voix) / 12.David Cronenberg, Quentin Tarantino (20 voix) / 14.Hayao Miyazaki (19 voix) / 15.Jacques Audiard (18 voix) / 16.Michel Gondry (17 voix) / 17.Christopher Nolan (16 voix) / 18.Arnaud Desplechin, Lars Von Trier (14 voix) / 20.Bong Joon-ho, Sam Mendes (12 voix) / 22.Alejandro Gonzalez Iñarritu, Terrence Malick, Park Chan-wook, Martin Scorsese (11 voix) / 26.Michael Haneke, Peter Jackson, Jean-Pierre Jeunet, Abdellatif Kechiche, Michael Mann (10 voix) / 31.Gregg Araki, Danny Boyle, Tim Burton, Todd Haynes, Christophe Honoré, Kim Ki-duk, Ang Lee, Steven Spielberg (9 voix) / 39.Guillermo Del Toro, Andrew Dominik (8 voix) / 41.Alfonso Cuaron, Luc et Jean-Pierre Dardenne, Bruno Dumont, Ari Folman, Florian Henckel von Donnersmarck, Richard Kelly, M. Night Shyamalan, Sean Penn, Alexandre Sokourov (7 voix) / 50. Cameron Crowe, Brian De Palma, Spike Lee, Baz Luhrmann, Fernando Mereilles, Mamoru Oshii, Alain Resnais, Andrew Stanton, Apichatpong Weerasethakul (6 voix) / 59.Fatih Akin, Wes Anderson, Marco Bellocchio, Claire Denis, Takeshi Kitano, Kiyoshi Kurosawa, Roman Polanski, Jacques Rivette, Edward Yang (5 voix) / 68.James Cameron, Nuri Bilge Ceylan, Francis Ford Coppola, Pascale Ferran, David Fincher, Tsui Hark, Hirozaku Kore-eda, Hong Sang-soo, Hou Hsiao-hsien, Philippe Lioret, Gaspar Noé, Tarsem Singh, Johnnie To, Marco Tullio Giordana (4 voix)

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    Tentative de bilan objectif :

    zodiac.jpgEn me lançant dans le recensement des listes des meilleurs films de la décennie publiées par les blogueurs, j'espérais en trouver une vingtaine, voire une trentaine. Or, arrivé au terme de cet exercice, je compte 66 contributions (voir plus bas). J'ai été le premier à m'étonner de ce nombre élevé mais, bien que je doive avouer avoir écarté deux ou trois listes trouvées au hasard de mes recherches sur la toile (untel ayant découvert le cinéma il y a deux ans, un autre ne choisissant que des films de Peter Jackson ou des Harry Potter...), il me semble que chacune présente un intérêt particulier. J'en veux pour preuve le nombre total de titres cités qui est de 428, les contributions étant  très majoritairement des Top 10 ou des Top 20 (cependant, je rappelle au passage que, pour ce qui est des listes les plus longues, je me suis limité à la prise en compte des vingt premiers titres, lorsqu'ils étaient classés par ordre de préférence).

    Sans grande surprise, le film de la décennie, selon les blogueurs, est donc, de très loin, Mulholland Dr. Le titre revient dans plus d'une liste sur deux et il ne s'est jamais trouvé, depuis le début de ce recensement, aucun rival. Ce plébiscite parait logique car si le film de Lynch ne manque pas de détracteurs, ceux qui s'y sont abandonnés avec délices ont eu la sensation immédiate, dès sa sortie en 2001, de se trouver devant un classique, le seul, peut-être, de cette décennie.

    La suite du classement est assez claire. Elephant est un dauphin peu contesté, devançant un petit groupe de huit films, de Match Point à Two lovers. Parmi eux, Requiem for a dream apparaît comme le titre le plus "clivant", certains le plaçant au plus haut alors qu'il est cordialement détesté par d'autres. Mais c'est peut-être la troisième place obtenue par Match point qui interpelle le plus. Il semblerait bien que c'est lorsque son auteur se fait le moins allénien possible qu'il séduit le plus (trois autres titres de sa filmographie sont cités mais chacun une seule fois). Les spectateurs seraient-ils lassés par son train-train new yorkais ?

    Compte tenu du nombre élevé de contributions, les réelles surprises sont à chercher plus bas dans le classement, certains n'étant pas forcément attendus à pareille fête : L'assassinat de Jesse James, Donnie Darko, Les fils de l'homme, Moulin Rouge !, Yi-Yi, Blissfully yours, Ghost in the shell : Innocence, Head-on, Irréversible, Nos meilleures années, Sunshine... Quelques uns se plaindront sûrement qu'un cinéma plus exigeant ne soit pas mieux représenté mais Bergman, Oliveira, Rivette, Straub, Costa, Gallo, Garrel, Monteiro, Godard, Rohmer, Rivette, Reygadas, Tarr, Serra, Kiarostami ont récolté des voix et avec 66 blogueurs d'horizons si différents, le consensus ne pouvait se faire autour de ces noms-là. Il faut d'ailleurs noter que Dumont, Sokourov ou Weerasethakul accèdent à des places tout à fait honorables.

    Pour ce qui est de la question géographique (et économique), tout le monde se fera sans doute la même remarque : la domination américaine est écrasante. L'Asie est toutefois fort bien représentée, continuant sur sa lancée des années 80/90 en révélant constamment de nouveaux noms (derrière Wong Kar-wai se bousculent surtout les Coréens, Bong Joon-ho, Park Chan-wook, Kim Ki-duk, Hong Sang-soo...). En dehors des frontières de l'hexagone, l'Europe, en revanche, fait triste mine, seul Almodovar gardant sa place parmi les grands. Certes Haneke ou les Dardenne ne sont pas très loin, mais Fatih Akin a du chemin à faire avant de tutoyer Sofia Coppola et James Gray. La vigueur des cinémas israéliens et roumains ne se voit guère à travers ces résultats (Valse avec Bachir étant une exception à bien des égards). L'Amérique du Sud quant à elle est présente avant tout grâce à des cinéastes lorgnant vers le Nord (Mereilles, Iñarritu). Et ne parlons pas de l'Afrique...

    Finalement, le cinéma français ne s'en sort pas trop mal. Un conte de Noël, La graine et le mulet, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain et De battre mon cœur s'est arrêtése détachent du lot, Audiard récoltant le plus grand nombre de voix au total, grâce à ses deux autres films de la décennie. Et pour ceux d'entre nous qui ne le supportent pas, il faudra s'y faire : Christophe Honoré commence à compter.

    Si l'on remarque l'absence du documentaire, on peut se réjouir de l'accueil réservé aux belles propositions du (des) cinéma(s) d'animation, d'Ari Folman aux productions Pixar. Mais sur ce point-là, voir Hayao Miyazaki placé dans les quinze premiers cinéastes vaut tous les discours.

    gerry.jpgSi l'on se penche précisément sur ce classement des réalisateurs, on remarque plusieurs choses intéressantes. Voir Gus Van Sant finir aux côtés de David Lynch n'est que justice, compte tenu du fait que le second ne doit quasiment sa présence au sommet qu'à un seul titre (son autre film de la période, INLAND EMPIRE n'étant cité que deux fois). Il est donc plus tentant de faire du premier le véritable cinéaste de la décennie. Elephant n'est en effet que le point culminant et majestueux d'une série renversante de quatre films ayant redistribué bien des cartes, et pas seulement au niveau de l'esthétique personnelle du cinéaste. Last days, Paranoid Park et Gerry ont recueilli de trois à sept voix.

    Pas très loin derrière, Eastwood se tient bien droit. Mystic river, Million Dollar Baby, Gran Torino ont raflé bien des suffrages et l'on trouve également cités L'échange et Lettres d'Iwo Jima, Eastwood étant le seul cinéaste à placer cinq titres au total. Les polémiques incessantes qui ont agité la blogosphère depuis quelques années autour de chacun de ses films prouvent bien l'importance du bonhomme et de son œuvre.

    Pour ce qui est des ascensions fulgurantes, on reste impressionné par la dimension prise par James Gray en quelques années. Toujours parmi les révélations, les places occupées par Sofia Coppola, Paul Thomas Anderson et Darren Aronofsky ne sont guère contestables (d'autant moins que chacun place trois titres différents).

    Pour le reste, on notera la constance d'Almodovar, de Cronenberg, de Wong Kar-wai, de Tarantino ou des Coen, l'étonnante résistance de Lars Von Trier et les bonnes/moyennes places de Scorsese, de Spielberg, de Burton, d'Hou Hsiao-hsien. On s'inquiètera du peu de citations obtenues par Egoyan, Loach, Kaurismäki, Moretti, Kusturica, Chen Kaige ou Kitano, noms qui, lors de la décennie précédente, avaient mis bien des cinéphiles à genoux (alors que, du côté américain, ceux qui ont fait les années 90 sont encore là, à l'exception, peut-être, de Ferrara et Jarmusch). A ce dernier groupe, nous aurions pu ajouter Jane Campion... si Bright star n'avait changé la donne entre temps. Une belle place semble promise à ce film dans dix ans (certains n'ayant pas tenu compte pour leur bilan, au contraire de la majorité, des dates de sortie en France mais de celles de production, ce titre se trouve avoir été d'ores et déjà cité deux fois).

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    Remarques personnelles :

    nocountryforoldmen.jpg- Aronofsky 10e, Nolan 17e, Mendes 20e et Boyle 31e, n'est-ce pas un peu trop clinquant ?

    - Bien que je ne l'aime pas du tout, la présence d'Irréversible me fait plus plaisir que celle du Fabuleux destin d'Amélie Poulain, que je ne déteste pourtant pas. C'est que je crois plus en Gaspar Noé qu'en Jean-Pierre Jeunet...

    - Je suis heureux que Paul Thomas Anderson arrive largement devant Wes Anderson.

    - Au fil des publications, j'ai eu constamment peur que Le seigneur des anneaux ne se retrouve plus haut. Au moins, il n'y a aucun Star Wars.

    - La quatrième place de James Gray est, à mon sens, bien flatteuse.

    - Trois cinéastes majeurs des années 90 ont été relativement discrets durant la décennie : Tsai Ming-liang, Hou Hsiao-hisen et Abbas Kiarostami. Jia Zhang-ke semblait pouvoir reprendre le flambeau, il ne l'a finalement que très imparfaitement tenu.

    - Il faut donc que je me décide vraiment à regarder Requiem for a dream et The dark knight. En revanche, je n'ai toujours pas envie de voir Les chansons d'amour, ni Le secret de Brockeback Mountain, ni La Cité de Dieu, ni Into the wild.

    - Vu les ratages qu'il a accumulé depuis 2000, j'attendais Tim Burton plus bas.

    - La vie des autres, c'est quand même avant tout "Passeport pour Hollywood", non ?

    - La meilleure comédie musicale serait donc Moulin Rouge ! Cette décennie est aussi celle où l'on nous a inventé la Star'Ac. Tout ça se tient...

    - Olivier Assayas, qui n'a "rien contre les blogueurs" mais qui déplore "l'hypertrophie de la position de critique" (ici), n'est pas cité une seule fois.

    - Chez les Français, entre les "jeunes" ayant débuté dans les années 90 ou 2000 et les vieux maîtres, il n'y a plus personne...

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    Les 66 listes individuelles :

    In the mood for cinema / Céline Cinéma / Les objets gentils (via Critikat) / Coccy culture / De son cœur le vampire / Mr Arkadin / Le cinéma pour tous / Hopblog / Another shitty blog about flicks / Zoerama / Cinéma dans la lune / Seuil critique(s) / Keikuchi's blog / Geek me hard !! / 100% cinéma / Films vus / Le journal cinéma du Dr Orlof / Le cinéma asiatique c'est fantastique / Davideo / Avis sur des films (liste en commentaire ici) / Balloonatic / Goin' to the movies / Fenêtres sur cour / Cineflower / Kitsune movie mood / Rob Gordon a toujours raison / Laterna Magica / Nightswimming / Les nouveaux cinéphiles / Cinemonde / Filmosphere / Benjamin de La Kinopithèque (liste en commentaire ici) / Casaploum / Inisfree / FredMJG Blogue and Bulle / Albin Didon du Village des NRV / Fab's movies / Persistance rétinienne / Le ciné de Fred / Camille through the looking-glass / Mister Grenouille et Docteur Zélie / My planity / Plan-C / Nexus Six / Shangols / Tadah ! Blog / Préfère l'impair / Louise Imagine (liste en commentaire ici) / Once upon a time in cinéma / Sur la route du cinéma / Kinomax / Selenie / Eclats d'images / Eclats d'images (bis) / Le blog de Dasola / C'est la gêne / Axel de Kino Hundert (liste en commentaire ici) / Twitchaiev de En vrac (liste en commentaire ici) / Kaka-Kiri / La Cinémathèque de Phil Siné / IMtheRookie / Une semaine, un chapitre / 365 jours ouvrables, Eight dayz a week & Cinématique (via Kinok)

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    A vous de commenter...

  • Bright star

    (Jane Campion / Australie - Grande-Bretagne / 2009)

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    Beaucoup évoquent le très beau film de Jane Campion en insistant avant tout sur ce qu'il n'est pas (un biopic, un mélodrame flamboyant) réduisant ainsi ses mérites à l'évitement de divers écueils avant d'éventuellement lui reprocher un manque d'émotion. J'ai trouvé pour ma part des raisons plus positives d'admirer Bright star. Les voici, sous forme de notes éparses :

    * Bien que la cinéaste ait choisi une nouvelle fois de dessiner un portrait de femme, ce qui frappe dès les premières scènes, dès la rencontre entre Fanny Brawne et John Keats, c'est le pied d'égalité sur lequel sont placés les deux personnages. D'emblée, leur relation est donnée comme adulte, honnête et droite. Les obstacles à l'assouvissement de leur passion, d'abord sociaux et ensuite physiques, ne sont là que pour mettre en valeur leur admirable opiniatreté et ne prennent jamais la tournure d'une convention scénaristique destinée à provoquer l'apitoiement. Nulle trace de renoncement, pas plus de prise de position bravache ou provocante. Cette histoire tracée d'une ligne claire est celle de l'affirmation d'un amour sûr de son droit. *

    * Si cet amour touche autant, c'est qu'il est menacé. La ligne risque la brisure, sous les effets de l'éloignement, de la maladie ou de la mort (a-t-on déjà entendu propos aussi terriblement lucides que ceux sortant de la bouche de John Keats à la veille de son départ pour l'Italie ?). La poésie irriguant tout le film jusqu'à en devenir sa raison d'être, il est fatal que la cassure vienne mettre en péril la fluidité des vers récités par John et Fanny. Toux et sanglots fissurent les poèmes. *

    Brightstar2.jpeg

    * Que Bright star délaisse les torrents lacrymaux et musicaux alors qu'il est riche en événements dramatiques a semblé gêner. Le traitement du premier sommet émotionnel est significatif. S'attend-on à une course folle et à des trombes d'eau que l'on assiste à une marche soutenue sous une pluie fine. Jane Campion ne contourne pas les clichés romantiques, elle les épure, se débarrasse du décorum et du superflu, se concentre sur l'essentiel, soit, ici, des visages mouillés. La présentation telle quelle des articulations dramatiques laisse la poésie envahir l'espace du film comme il envahit celui de l'héroïne. Et c'est bien là qu'il faut chercher la plus grande réussite du film, qui tient dans la parfaite coïncidence de ces deux mouvements. La poésie s'entend toujours de façon justifiée, avec parcimonie, tout comme la musique qui ne vient que de loin en loin, mais de façon si marquante. Les flux progressent au même rythme. En résulte, de plus en plus au fil du récit et malgré un scénario serré, une impression de flottement en de nombreux endroits, une suspension, qui finit notamment par donner toute sa valeur, inestimable, aux derniers jours de Keats auprès de Fanny. *

    * Jane Campion reconstitue en évitant la surcharge intérieure. Il s'agit de faire vivre ce décor et que les personnages s'y fondent. La fameuse scène de communion à travers la cloison, louée à juste titre, a aussi cette utilité : pousser le lit contre le mur, caresser la paroi, s'approprier le lieu, et devenir autre chose qu'un acteur en visite au XIXe. *

    * Bright star touche à la beauté sans jamais paraître esthétisant. Si les plans, particulièrement ceux de nature, éblouissent, la vie ne manque pas d'y circuler, frémissante. La fluidité de la mise en scène nous laisse croire qu'il n'y a qu'à laisser faire le vent, à enregistrer le mouvement d'un rideau puis celui d'une jupe. L'art de la composition de Jane Campion a ceci de précieux, c'est qu'il ne semble jamais nous être imposé. *

    * "Qu'il est bon de suivre une aventure amoureuse si pudique en ces temps d'étalage de vulgarité !" se sont exclamés certains. Mais cette délicatesse serait bien ennuyeuse si elle ne laissait filtrer un émoi bien réel. Le glissement du vent sous les habits et les variations de la lumière sur les visages suffisent déjà à propager les sensations au-delà de l'écran. Mais encore : est-ce vraiment la pudeur qui caractérise les baisers échangés au bord du lac ? Le chamboulement intérieur n'est-il pas douloureusement trahit par la plainte d'une Fanny qui s'affaisse, "Mère, j'étouffe !" ? *

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    * Deux présences presque muettes impressionnent le spectateur, celle des enfants, jeunes sœur et frère de Fanny. Contrairement à l'usage, les plans de coupe qui leur sont consacrés ne cherchent pas à ponctuer, à souligner ou à attendrir. Il y a dans l'enfance, telle que la filme Campion, un mystère et une dignité. Deux instants admirables le démontre : la réaction à peine perceptible du garçon lorsque Fanny lui demande de jouer les messagers auprès de Keats au cours du bal, et celle de la petite fille qui s'écarte soudainement du bosquet dans lequel s'est écroulé le poète. Si les deux amants se retrouvent très souvent accompagnés d'un tiers, cette présence n'est pas source de conflit. Les deux jeunes et la mère sont observateurs et non juges. Il y a du Fanny en eux aussi. De même, l'ambiguïté qui caractérise la relation du couple avec Brown, l'ami fortuné, a finalement pour effet de consolider encore le lien amoureux. *

    * Les enfants suivent Fanny partout et semblent dessiner un cercle moins contraignant que protecteur. Les arrivées de Keats à la maison des Brawne sont d'abord signalées par la petite sœur. Les relations qui s'établissent entre les personnages sont ainsi subtilement inscrites dans l'organisation spatiale des séquences. Sans verbalisation, sans insistance visuelle, Campion nous montre comment son héroïne empiète sur le territoire de Brown jusqu'à l'expulser du champ afin de rester seule avec John. Nous n'avons donc, par la suite, aucun mal à comprendre que chaque éloignement imposé provoque une blessure profonde. *

    Jane Campion signe là son septième long-métrage. Tous sont passionnants.

     

    D'autres avis, très différents, à lire ailleurs : De son cœur le vampire, Eclats d'images, Fenêtres sur cour, Films vus, La Kinopithèque, Laterna Magica, Dasola, Dr Orlof, Plan C, Préfère l'impair, Rob Gordon, Une fameuse gorgée de poison

  • C'était mieux avant... (Février 1985)

    Janvier est déjà passé depuis un moment, non ? Alors il faudrait peut-être penser à poursuivre notre odyssée temporelle et voir ce qui se tramait dans les salles obscures de notre doux pays en Février 1985 :

    bodydouble.jpgLe film du mois ? Certains, que l'on qualifiera de De Palmophiles, vous diront à coup sûr qu'il s'agit de Body double. Malgré la craquante Melanie Griffith, ce titre de l'inégal barbu n'a jamais provoqué chez moi autre chose qu'un léger soupir, que ce soit au moment de sa sortie ou à la revoyure, une dizaine d'années plus tard. Bizarrement (ou pas), j'ai fini par le confondre avec le clip de Frankie Goes To Hollywood, Relax. Non, le film du mois, qui l'est resté pour moi de 1985 à aujourd'hui, est bien le Brazil de Terry Gilliam, aventure plus orwellienne encore que le 1984 de Michael Radford (sorti peu de temps auparavant) et pierre angulaire de ma cinéphilie. Pour la première fois, l'ex-Monty Python semblait trouver les moyens de concrétiser ses incroyables visions et proposait un phénoménal ballet futuriste noir et hilarant, dont l'hallucinant final allait longtemps faire mon bonheur de possesseur de magnétoscope.

    Dune aurait dû créer le même choc. A l'époque, j'étais plutôt attiré par la présence de Sting sur l'écran (de David Lynch, il me semble que je ne connaissais même pas encore Elephant Man) et me trouvais vaguement déçu. Revu au début des années 2000, le film m'a paru une catastrophe à peu près totale. Quelques fulgurances, un baron volant, un son très travaillé et c'est tout. Le reste n'est que charabia, forces invisibles, laideur généralisée, narration à la ramasse, musique abominable (Toto !). Tant que je suis au rayon SF, je dois mentionner quelques titres, laissés passer sans regret : L'aventure des Ewoks de John Korty (production LucasFilm dérivée du Retour du Jedi, à destination des enfants et dont même les fans hardcore de Star Wars semblent vouloir oublier), C.H.U.D. (Cannibale. Humanoïde. Usurpateur. Dévastateur.) de Douglas Cheek (tout est dans le sous-titre) et Star Trek III : A la recherche de Spock, signé par Leonard Nimoy en personne.

    purplerain.jpgOn était aussi, en ce temps-là, A la recherche de Garbo. Sans que cela paraisse ajouter à sa gloire, Sidney Lumet filmait Anne Bancroft qui se mourait d'un cancer et rêvait de rencontrer la Divine. Des États-Unis parvenaient également quelques produits plus indépendants comme Alphabet City (Amos Poe) et Variety (Bette Gordon), une sorte de bêtisier hollywoodien titré Hollywood Graffiti (Ron Blackman et Bruce Goldstein) et un retour classique sur la grande dépression avec Les saisons du cœur (de Robert Benton, avec Sally Field et Ed Harris). Mais n'oublions pas Purple rain d'Albert Magnoli, film supposé lancer le chanteur Prince au cinéma. Le but ne fut pas atteint, seule la B.O. restant dans les mémoires.

    Deux dessins animés sortaient sur les écrans en ce mois de février. Le Suédois Peter le chat, de Stig Lasseby et Jan Gissberg, n'a guère laissé de traces. En revanche, il semble qu'avec Gwen, le livre de sable, Jean-François Laguionie ait offert une belle réussite dans le genre SF.

    perilenlademeure.jpgSur notre lancée, abordons les films français. Découvert pour ma part bien après sa sortie, Péril en la demeure, le polar voyeuriste de Michel Deville (avec Christophe Malavoy, Nicole Garcia, Michel Piccoli, Anémone et Richard Bohringer) me séduisit. Il en va de même pour La vie de famille de Jacques Doillon, probablement le premier film de cet auteur que j'ai pu voir et qui me surprit alors totalement devant ma télévision avec ce fragile récit d'une relation père-fille. L'événement national était cependant à chercher plutôt du côté de L'amour braque. Andrzej Zulawski y faisait tournoyer Sophie Marceau entre Francis Huster et Tcheky Karyo, apparemment de manière plus ou moins scandaleuse (je n'ai malheureusement jamais vérifié). Parmi les autres sorties du mois battant pavillon français, on notera L'amour en douce d'Edouard Molinaro (comédie assez bien reçue, avec Jean-Pierre Marielle et Daniel Auteuil, et révélant Emmanuelle Béart), Les Nanas d'Annick Lanoë (avec Marie-France Pisier, Anémone, Dominique Lavanant, Macha Méril, Juliette Binoche... et pas un seul mec), La part des choses de Bernard Dartigues (un documentaire sur une famille d'agriculteurs), Le thé à la menthe d'Abdelkrim Bahloul (comédie dramatique entre France et Algérie), Tranches de vie de François Leterrier (film à sketches d'après Gérard Lauzier, de bien mauvaise réputation). Enfin, une convergence semble se faire entre trois œuvres, trois films-jeu aux trames relâchées et ludiques : Signé Charlotte de Caroline Huppert, Rouge-gorge de Pierre Zucca, et, le plus allêchant du lot, Les favoris de la lune, premier film français du Géorgien Otar Iosseliani.

    heimat.jpgLe film de kung-fu mensuel se nommait La conspiration de Shaolin (de Roc Tien), du Brésil, débarquait O amuleto de Ogum, un thriller de 1974 signé par l'ancienne gloire Nelson Perreira dos Santos et deux propositions ouest-allemandes étaient faites : comme son nom l'indique, Out of order... En dérangement (de Carl Schenkel, un huis-clos dans un ascenseur) et, d'un tout autre intérêt, Heimat, la chronique fort réputée d'Edgar Reitz initialement concue pour la télévision (affichant une durée totale de 15h). Enfin, il reste dans cette liste un titre, et non des moindres, vu le succès qu'il obtint à l'époque : La déchirure du Britannique Roland Joffé. Bien qu'elle ne soit probablement pas dépourvue de quelques qualités, je n'ai guère envie de revoir aujourd'hui cette œuvre édifiante sur les atrocités des Khmers Rouges. Il faut dire que son final est susceptible de dégoûter à jamais de la musique de John Lennon, tout le contraire de Gilliam et son Braaaaziiiiil....

    ecranfantastique53.jpgEn ce qui concerne les couvertures des revues et autres magazines cinéma, les choix étaient variés. Dune apparut "monumental" à L'Ecran Fantastique (53), La vie de famille fut mis en avant par La Revue du Cinéma (402), Les favoris de la lune eurent les honneurs des Cahiers du Cinéma (368), après avoir profité de ceux de Positif un mois plus tôt, lesquels prenaient un peu d'avance en saluant Théo Angelopoulos et son Voyage à Cythère (288). Deux films de janvier se retrouvaient par ailleurs à la une : The element of crime de Lars Von Trier sur celle de Cinéma 85 (314), et le Razorback de Mulcahy sur celle de Starfix (23). Enfin, Cinématographe (107) publiait un dossier sur "Les écrivains et le cinéma" tandis que Première (94) mettait en couverture Isabelle Adjani (pour l'imminent Subway).

    Voilà pour février 1985. La suite le mois prochain...

     

    Pour en savoir plus : C.H.U.D., Dune et Star Trek III vus par Mariaque, Heimat vu par Eeguab.

  • Marquis

    (Henri Xhonneux / Belgique - France / 1989)

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    marquis.jpgMarquisfaisait partie de ces quelques titres intrigants notés dans un coin depuis longtemps, sans que je ressente pour autant le besoin de courir après à tout prix. Le projet de Roland Topor et Henri Xhonneux était osé. Le film est l'évocation d'un épisode de la vie de Sade, embastillé au moment de la Révolution. Surtout, il se démarque par une particularité : tous les comédiens ont sur les épaules d'énormes têtes d'animaux dont les mouvements sont assurés par une technique "d'animatronic". Ainsi, le personnage principal, Marquis, a une tête de chien. Son geôlier est un rat, Justine, une vache... Cela ne les empêche nullement de parler normalement.

    Une fois la curiosité satisfaite, il apparaît très rapidement que ce choix est non seulement une fausse bonne idée, mais encore qu'il provoque plusieurs catastrophes. C'est d'abord la mise en scène qui s'en ressent. Elle semble diparaître entièrement, se transformant en simple enregistrement de spectacle de marionnettes à taille humaine, passant, engoncée, d'un tableau à un autre sans aucun ryhtme. Aucune progression sensorielle n'est proposée alors que le scénario lui-même n'offre qu'une succession informe de vignettes carcérales, entrecoupées de quelques échapées vers la bonne société de 1789. Dans une grande confusion, divers auteurs sont cités, entre deux calembours littéraires d'une grande platitude. Autant dire que l'on se contrefiche de ce qui peut advenir.

    Il est de toute façon impossible de s'attacher à qui que ce soit sur l'écran. La distanciation qui nous est imposée sert certainement à illustrer plus facilement les actes scabreux. Seulement, il en découle une absence totale des corps, les parties intimes, fesses, seins, sexes, étant elles aussi figurées par des postiches. L'érotisme manque donc forcément à l'appel. Les passages les plus dérangeants se trouvent désamorcés et la violence n'est présente que dans de brefs récits ou rêves du Marquis, illustrés en animation de pâte à modeler, seuls instants un peu troublants. Si l'on ajoute que la direction d'acteurs ne passe que par le prisme du grotesque et de la pantomime, on comprendra que cet objet plutôt attirant sur le papier est en fait totalement négligeable et anodin.

  • I'm losing my edge

    Ce blog ne deviendra jamais un blog musical. La musique y restera toujours à l'état de traces. Je crois bien que jamais je n'écrirai ici (ou ailleurs) la moindre chronique de disque. Le cinéma, je vois comment c'est fait. La musique, elle, m'échappe depuis toujours. Je suis par conséquent incapable d'en parler.

    A l'inverse de ce qui s'est passé pour les films, l'envie de proposer un top des meilleurs albums des années 2000 ne m'a guère titillé. Elle est même totalement passée lorsque j'ai jeté un œil sur la masse de disques qu'il m'aurait fallu soupeser et écarter.

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    Cependant, en balayant des yeux ma discothèque, j'en ai tiré cette série de noms qui m'ont accompagné durant ces dix dernières années, qui ont compté à un moment ou à un autre - que cet attachement tienne à un seul disque ou à la totalité de leur production-, et qui me tiennent toujours à cœur aujourd'hui :

    Dominique A - Arcade Fire - At the Drive-in - Badly Drawn Boy - Bonnie 'Prince' Billy - Camille - Cat Power - Manu Chao - The Dandy Warhols - Expérience - Franz Ferdinand - PJ Harvey [*] - Hot Hot Heat - Interpol - The Kills - Kings of Convenience - Lambchop - Sondre Lerche - Lift to Experience - The Little Rabbits - M83 - Mendelson - Mogwai - Stina Nordenstam - Programme - Radiohead - Hope Sandoval - Smog - Sonic Youth - Sufjan Stevens - The Strokes - Vampire Weekend - Vitesse - The White Stripes

    Et s'il ne fallait en garder qu'un ([*] à côté d'Elle), ce serait lui, ce James Murphy qui, entre l'enchaînement génial de morceaux imparables et l'affichage d'un "non-look" salutaire, représente un peu mes Pixies de l'an 2000 :


  • PTU

    (Johnnie To / Hong-Kong / 2003)

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    ptu.jpgPTU, c'est l'espace, la durée (le temps), la surprise (le contretemps).

    A l'arrière d'un véhicule blindé se font face deux rangées de policiers. Ensuite, se déroule sous nos yeux l'un de ces morceaux de bravoure dont Johnnie To est coutumier, morceaux qui ne s'annoncent pourtant pas d'entrée comme tels. Quatre marlous font la loi au restaurant, forçant l'un des clients à changer de table. Le jeu est classique, binaire, et pourrait s'arrêter là. Un troisième intervenant entre pourtant en scène, produisant un nouveau bouleversement jusqu'à ce qu'un équilibre triangulaire soit trouvé, ponctué visuellement par un plan d'ensemble. S'arrêter pour de bon, cette fois-ci ? Non, le triangle éclate à son tour, de manière totalement inattendue, en renversant les rapports de force instaurés jusque là.

    Il y a, dans le cinéma de Johnnie To, une jouissance de l'espace. PTU est tourné en format large (2,35:1) et l'horizontalité y est accentuée : marche le long des rues, trottoirs, files de voitures, panneaux publicitaires et duel final en position allongée. Néanmoins, les bords du cadre, sans qu'ils soient négligés, sont souvent plongés dans le noir et le regard se concentre sur les points lumineux du centre. L'œil est attiré par ce qui s'arrache à la pénombre : le téléphone portable sous film plastique, le pistolet au milieu des détritus, les torches dans l'escalier et bien sûr les visages.

    Le récit se concentrant sur quelques heures, PTU nous convie à une virée nocturne dans Hong-Kong. Et il s'agit vraiment de sentir la nuit. Le montage alterne plans très larges et plans serrés, la caméra collant aux personnages pour mieux s'en éloigner aussitôt et insister sur leur solitude et leur engloutissement. L'ambiance sonore qui envahit une ville la nuit est aussi magistralement retranscrite avec ces sauts d'intensité, ces bruits lointains de moteur, ces plages de silence, ces ronronnements derrière les portes des boîtes de nuit. Par le suivi des déplacements, une fascinante topographie de la ville est détaillée. Mais si Johnnie To enseigne la géographie, son cours n'a rien de barbant, sous-tendu qu'il est par un fil ludique. Ainsi, un passage à tabac se déroule dans une salle de jeux vidéos, redoublant les concours de bastons virtuelles. Plus tard, après que de la techno soit parvenu aux oreilles dans la rue, à peine en sourdine, l'un des thèmes musicaux du film déboule au moment où l'on lit le mot "Music" sur une enseigne.

    De nombreux personnages répartis en différents groupes se croisent. Du côté de l'ordre, ils font partie d'une unité de police mobile, de l'antigang ou de la brigade criminelle. De l'autre côté de la frontière de la loi, on distingue trois gangs. Entre les deux, des indics et des petites frappes locales. L'intrigue se résume en quelques mots : un inspecteur a perdu son arme de service et la recherche toute la nuit, avec l'aide du responsable d'une petite brigade. Des personnages principaux, nous saurons très peu de chose sinon quelles relations ils semblent entretenir entre eux. Ce qui nous est montré, avant tout, ce sont leurs trajectoires dans la nuit. De cette façon, Johnnie To débarasse le film choral de ses lourdeurs habituelles, n'en gardant que le squelette. L'écheveau est compliqué à souhait mais il tient grâce à des croisements très simples et toujours surprenants. Cet étonnement étant quasiment généré par chaque fin de séquence (la "résurrection" du voyou tabassé en est l'exemple le plus parlant), tous les brusques virages pris par le récit deviennent acceptables.

    Chose très caractéristique du cinéma de Johnnie To, la surprise peut aussi venir du report d'un événement narratif, au point que le cinéaste puisse parfois paraître se complaire dans l'étirement gratuit des séquences. Celles-ci (à l'image de celle où les policiers montent un à un les escaliers d'un immeuble) n'ont d'abord pour elles que leur attrait esthétique ou leur modulation rythmique. Elles ne servent à rien, pourrait-on dire... jusqu'à ce qu'en bout de course, l'intérêt du chemin parcouru pour arriver à telle composition ou telle ponctuation devienne évident.

    Tant de virtuosité, tant de jeux formels et narratifs : cela pourrait lasser. Or il n'en est rien (PTU est, pour moi, sur bien des points, un anti-Collateral). Le plaisir est intense, tenant aussi à l'idée de troupe d'acteurs (incarnant des personnages qui sont poussés à agir avant de discourir), à celle de retrouvailles de film en film. Même dans le désordre, il est assez jubilatoire de piocher dans la pléthorique filmographie de Johnnie To (24 longs-métrages rien que pour les dix dernières années). Personnellement, j'ai pu, entre l'ébouriffante découverte de The mission en 2001 et celle d'hier soir, cocher sur la liste Breaking news, Fulltime killer et les deux volets d'Election, avec le même enthousiasme.

  • Machorka-Muff & Non réconciliés

    (Jean-Marie Straub et Danièle Huillet / Allemagne / 1963 & 1965)

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    machorka.jpgMachorka-Muff est un court-métrage de 16 minutes, le premier film du couple Straub-Huillet. Il est présenté, par un carton, comme "un rêve symboliquement abstrait, pas une histoire". Ce rêve, c'est celui d'Oberst Erich von Machorka-Muff, un général allemand attendant avec impatience la reprise en main du pays par un pouvoir militaire lavé de l'affront de 39-45. Frappent déjà dans ce premier geste cinématographique un art du montage déconcertant, ainsi qu'une organisation extrêmement rigoureuse des plans (y compris pour ce qui est des scènes d'extérieurs, qui ne jurent absolument pas au milieu des autres).

    Plutôt qu'une violente provocation, Straub et Huillet lancent un défi ironique. Quand Godard, trois ans auparavant, fonce bille en tête, se moquant bien de perdre en route certains de ses spectateurs ("Allez vous faire foutre !"), eux semblent avoir au contraire une haute estime de ceux qui reçoivent leur discours. La confiance qu'ils ont dans la capacité de ces derniers à saisir tous les enjeux de leur récit est parfois excessive (certains éléments restent obscurs) mais gratifiante.

    Une absurdité, un humour grinçant et discret, jamais placé au premier plan mais souvent présent, enrobent cette présentation de la journée d'un militaire. Des coupures de journaux posent le contexte, celui d'un appel au réarmement de l'Allemagne, à la réintégration de ses cadres, à l'évacuation d'un passé dans lequel Hitler ferait à peine figure de malencontreux accident, tout cela avec la bénédiction de l'Eglise. Les cinéastes ont fait de leur général un homme parfaitement moderne : un séducteur entre deux âges portant impeccablement le costume et la cravate, se fondant avec aisance dans l'agitation de la rue, comme il évolue au milieu de l'architecture futuriste de son ministère. Le fantastique, voire la science-fiction, ne sont pas loin et Machorka-Muff sonne comme une vigoureuse mise en garde.

    nonreconcilies.jpgLes qualités du premier ouvrage des Straub se retrouvent dans le deuxième, rendues plus évidentes encore par l'élargissement du champ historique considéré et la plus grande durée (Non réconciliés va jusqu'à 49 minutes). Le soin apporté à la forme impressionne là aussi mais, à nouveau, une attention très soutenue est demandée. La compréhension du récit nécessite en effet, à la première vision, un effort certain.

    Les dialogues sont dits par des voix monocordes. Des propos de première importance sont enoncés mais sans émotion visible. En écho, la mise en scène vise l'épure visuelle tout en se rechargeant continuellement de significations. Chaque plan semble vibrer sous l'effet de quelque chose qui le dépasse. C'est la culture ou bien sûr l'Histoire, sujet premier du film. C'est la société qui vit dans le hors-champ du défilé ou qui est captée par un travelling circulaire au bas d'un immeuble.

    Les séquences s'empilent les unes sur les autres et l'on a tendance à oublier, à recouvrir en partie des noms, des images ou des visages. Nos raccords ne se font pas facilement. Cependant, chaque plan est riche de ce qui l'a précédé et malgré le brouillard relatif dans lequel se déroule le récit, l'intérêt ne s'évapore pas. Les personnages sont assez nombreux et, leurs apparitions se limitant parfois à quelques secondes, sont réduits à des figures. Leurs différences de statut n'implique pas une modulation de la mise en scène. Peu importe que leur rôle narratif soit décisif ou pas : du barman au général, tous se trouvent au centre de la représentation. Choix d'égalité, déstabilisant pour le spectateur mais permettant au film d'accéder à une ampleur insoupçonnée.

    S'attachant au parcours d'une famille allemande sur une cinquantaine d'années (des prémices de la première guerre mondiale aux années 60), Non réconciliés propose moins un va-et-vient temporel qu'une progression où se mêlent inextricablement le passé et le présent. La narration se déploie en flash-backs qui y ressemblent si peu, rien ne les distinguant vraiment du reste, du point de vue du style. Seuls un habit, un élément du décor ou une phrase signalent leur nature. Ainsi, le propos du film est idéalement relayé par la mise en scène : 1914 ou 1962, les mêmes peurs et les mêmes dangers guettent l'Allemagne.

    Devant Non réconciliés, on pense au Fritz Lang américain et aux fantômes du muet (cette étrange femme qui répète : "Quel imbécile cet Empereur"), tout en se disant que cet objet assez passionnant, ne serait-ce que dans sa réflexion sur l'Histoire, est éminemment personnel et cohérent. Sa complexité et sa brièveté incitent à le revoir.

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1981)

    Suite du flashback.

     

    C322.jpgPOS239.JPG1981 : Aux Cahiers, les regards se tournent vers l'Orient : Bonitzer écrit sur Mizoguchi, un dossier Inde et Chine(s) paraît en février, Lino Brocka est interviewé. Au cours de l'année, sont proposés des entretiens avec Kubrick, David Lynch (Eraserhead et Elephant man), Fassbinder (Lili Marleen et Berlin Alexanderplatz), Zulawski (Possession), Rivette, Oliveira, Bertolucci, et des hommages sont rendus à Glauber Rocha et Jean Eustache. A l'occasion des trente ans de la revue, deux numéros spéciaux sont consacrés au cinéma français. Assayas parle de Lucas et Spielberg. Serge Toubiana devient seul rédacteur en chef, Charles Tesson entre au comité de rédaction et la signature de Michel Chion apparaît.
    A Positif, comme dans les Cahiers, est salué le travail d'Helma Sanders-Brahms (Allemagne mère blafarde), ainsi que celui de Carlos Diegues (Bye bye Brasil), et sont mis en miroir la redécouverte de Michael Powell et l'avènement de Martin Scorsese (Raging Bull). Les cinémas indiens, japonais et polonais sont à l'honneur. Jean A. Gili fait parler Fellini de ses activités de scénariste, écrivain et dessinateur. L'étude de Shining se poursuit. La rédaction s'attriste de la disparition de Peter Sellers, propose un dossier Elia Kazan, rencontre Max Douy, Ray Harryhausen et Samuel Fuller et se déchire à propos de La porte du Paradis. Aux différents films que l'on retrouve en couverture, il convient d'ajouter Trois frères de Francesco Rosi, Le facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson, Garde à vue de Claude Miller.

    Janvier : Le salon de musique (Satyajit Ray, Cahiers du Cinéma n°319) /vs/ Eugenio (Luigi Comencini, Positif n°238)

    Février : Cinéma d'Asie (Le salon de musique de Satyajit Ray & Raining in the mountain de King Hu, C320) /vs/ Le voyeur (Michael Powell, P239)

    Mars : Raging Bull (Martin Scorsese, C321) /vs/ Un étrange voyage (Alain Cavalier, P240)

    Avril : La femme de l'aviateur (Eric Rohmer, C322) /vs/ Raging Bull (Martin Scorsese, P241)

    Mai : Situation du cinéma français (I) (C323-324) /vs/ Excalibur (John Boorman, P242)

    Juin : Situation du cinéma français (II) (C325) /vs/ Show bus (Jerry Schatzberg, P243)

    Eté : Haut les mains (Jerzy Skolimowski, C326) /vs/ Décor de Max Douy pour Marguerite de la nuit de Claude Autant-Lara (P244-245)

    Septembre : Le Pont du Nord (Jacques Rivette, C327) /vs/ La porte du Paradis (Michael Cimino, P246)

    Octobre : La femme d'à côté (François Truffaut, C328) /vs/ Stalker (Andreï Tarkovski, P247)

    Novembre : La tragédie d'un homme ridicule (Bernardo Bertolucci, C329) /vs/ La tragédie d'un homme ridicule (Bernardo Bertolucci, P248)

    Décembre : Francisca (Manoel de Oliveira, C330) /vs/ Popeye (Robert Altman, P249)

     

    cdc326.jpgPOS247.JPGQuitte à choisir : La pertinence des regards rétrospectifs, qu'ils portent sur Ray ou Powell, n'est guère discutable. Voir accompagnée la résurrection d'un Skolimowski censuré et salué le décorateur de Renoir et Grémillon est également appréciable. Pour ce qui est de l'actualité, significativement, on retrouve des deux côtés le Scorsese et le Bertolucci. Sur toute l'année, il est bien difficile de négliger l'un ou l'autre des titres proposés de part et d'autre (je suis très curieux de découvrir un jour Popeye, ainsi que, dans un autre genre, Le Pont du Nord ou Francisca). Le mois d'octobre donne une confrontation assez fascinante. Allez, pour 1981 : Match nul.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma