La reconstitution (Anaparastasi) (Théo Angelopoulos / Grèce / 1970) ■■■□
Jours de 36 (Meres tou '36) (Théo Angelopoulos / Grèce / 1972) ■■■□
Le voyage des comédiens (O thiasos) (Théo Angelopoulos / Grèce / 1975) ■■■■
Les chasseurs (Oi Kynigoi) (Théo Angelopoulos / Grèce - France / 1977) ■■□□
Alexandre le Grand (O Megalexandros) (Théo Angelopoulos / Grèce - Italie - Allemagne / 1980) ■□□□
Athènes (Athina) (Théo Angelopoulos / Grèce - Italie / 1983) ■■■□
Voyage à Cythère (Taxidi sta Kythira) (Théo Angelopoulos / Grèce - Italie - Grande-Bretagne - Allemagne / 1984) ■■■□
La présente initiative de la maison Potemkine est à saluer comme il se doit. Elle procède à une nouvelle mise à jour de films devenus quasiment inaccessibles et permet de remettre en perspective une œuvre qui avait tendance à se figer, faute de renouvellement des regards portés sur elle. La découverte du Voyage des comédiens à Cannes en 1975 par la critique internationale fit soudainement de Théo Angelopoulos l'un des artisans majeurs de la modernité cinématographique. Aux jeunes cinéphiles français des années 2000, en revanche, il ne fut guère donnée l'occasion de suivre une quelconque "actualité Angelopoulos" : Eleni fut distribué négligemment en plein été 2004 et The dust of time, présenté au Festival de Berlin en 2009, est à ce jour encore relégué dans un tiroir. Entre les deux, une génération, la mienne, a pu suivre la carrière du cinéaste au moment où sa reconnaissance était à son sommet, durant les années 80/90. Si l'on partait alors du milieu de cette période, remonter en direction de la source, jusqu'à L'apiculteur (1986) ou Voyage à Cythère (1984), c'était plutôt voir confirmée la réputation du cinéaste, tandis que se laisser porter par le courant chronologique aboutissant provisoirement à L'éternité et un jour (1998), c'était certes apprécier son talent indéniable mais aussi assister à son couronnement en tant que poète officiel du cinéma européen - statut partagé par Wim Wenders et, un temps, par Krzysztof Kieslowski -, le voir traiter des maux d'un continent entier au risque d'endosser l'habit du sinistre professeur d'histoire contemporaine et, accessoirement, constater sa mauvaise humeur lorsqu'il n'obtenait pas une Palme d'or. Pour tous, ce coffret Potemkine, regroupant les sept premiers films, arrive donc à point nommé.
L'œuvre entière étant reconnue au moins pour sa cohérence, nous ne sommes guère étonnés de trouver dès La reconstitution, plus qu'ébauchées, les principales marques du style Angelopoulos. Il s'inspire ici d'un fait divers s'étant déroulé dans un village montagnard : le meurtre d'un homme, de retour d'Allemagne, par sa femme et son amant. La tragédie classique sous-tend déjà le récit mais l'approche est réaliste, presque documentaire avec quelques notations sociologiques sur le dépérissement des petits villages de Grèce, l'émigration des travailleurs, la dureté des conditions de vie. Le caractère prosaïque des scènes, la grisaille qui les enserre, les allers-retours géographiques et le manque évident de moyens provoquent la répétition et une certaine restriction, mais un principe fort est énoncé : il faut travailler la notion d'espace et de là (faire) réfléchir sur le temps qui s'y inscrit. Ainsi, le décor, toujours naturel, prend toute son importance, remarquablement photographié en noir et blanc et parcouru par la caméra et les protagonistes. Ces déplacements donnent leur rythme aux séquences, le modifie parfois en cours de route, en fonction des croisements et des changements de sujet qui peuvent se réaliser dans le plan lui-même.
Le fil narratif propose un va-et-vient entre plusieurs temps, plus exactement, entre plusieurs strates puisque nous sommes invités à suivre trois types de reconstitutions distincts mais que le cinéaste se plaît à entremêler : la reconstitution du crime par les enquêteurs, dans la maison et le jardin de la victime, celle qu'un groupe de journaliste effectue en interrogeant les villageois et enfin, celle que nous voyons sous forme de flash-backs retraçant le parcours des amants criminels une fois leur forfait commis. Déjà, Angelopoulos manie avec brio les niveaux de perception et de représentation. Et ce récit fait de couches successives nous place vite devant cette évidence : aucune reconstitution n'est à même de percer le secret des motifs. Le plan final l'assène avec force, ce morceau de bravoure reprenant l'action fondatrice du récit tout en la maintenant hors-champ. Une cour, des allées et venues et une porte qui reste fermée. La scène symbolise tout le film et son propos. Ce n'est pas la dernière fois qu'Angelopoulos usera du procédé...
Quittant les constructions de pierres humides et grisâtres de La reconstitution, le cinéaste réalise avec Jours de 36 un film en couleurs. Mieux, un film en pleine lumière (à l'exception d'une séquence primordiale, point de bascule du récit, visuellement superbe et inversant un fameux effet de Fritz Lang pour montrer un assassinat à l'aide d'un simple trou noir sur une surface blanche). Toutefois, si les décors sont illuminés par un soleil écrasant, le discours, lui, est opacifié, ou du moins, déplacé. En 1972, Théo Angelopoulos ne peut parler de la dictature que subit alors son pays. Il choisit donc d'exposer les prémisses de celle qui s'installa en 1936.
Comme il le dit lui-même, la dictature est inscrite dans le travail formel du film. Dans Jours de 36 se trouvent les premiers panoramiques à 360° de l'œuvre d'Angelopoulos et cette figure de style renvoie bien sûr ici au monde carcéral, de même qu'elle sert à pointer du doigt une société figée rendant possible par son inertie la prise en main militaire. Désemparés devant le geste de révolte d'un prisonnier, le directeur du bagne, les magistrats et les politiques entament autour de la cellule un ballet absurde et ridicule puis finissent par laisser la place au tireur d'élite de l'armée. L'ironie du cinéaste vise avec précision la classe au pouvoir.
La méthode utilisée pour le plan final de La reconstitution devient principe directeur. L'esthétique du plan long s'impose sans partage, tout en maintenant un refus, celui de donner une solution unique, celui de laisser penser qu'il n'existe qu'une vérité. Si son point de départ est une nouvelle fois de l'ordre du fait divers, Angelopoulos ne s'intéresse qu'à ses répercussions sur la société. Il refuse d’en élucider le mystère originel. Lorsque la porte sur laquelle notre regard aura longtemps buté s'ouvre enfin, seule la mort nous est donnée à voir, sans explication. De même que le gros plan n'existe pas, que les statuts et les rôles respectifs des protagonistes dans cette histoire ne sont éclairés que plusieurs secondes après leurs entrées en jeu, les dialogues importants sont escamotés par la mise à distance, le chuchotement ou l'ellipse pure et simple. Tout reste au stade de l'allusion, faisant de Jours de 36 le film du non-dit et du non-montré.
Lorsque Théo Angelopoulos commence le tournage du Voyage des comédiens, la dictature des colonels est encore en place, bien que finissante. L'aventure est donc chaotique. Le résultat d'autant plus impressionnant. Exigeant par sa longueur inusitée (près de 4 heures), ainsi que celle de ses plans qui, pour la plupart, se constituent en séquences entières, le film révèle une beauté empreinte de solennité. Nous est conté ici le destin des membres d'une troupe de comédiens itinérants au cours de la période 1939-1952, l'un des tours de force résidant dans le passage d'un temps de l'histoire à un autre, par delà les années, dans le même plan, sans aucune coupe. Passé et présent de la narration (1952, tel qu'il est posé par le début du film) sont donc liés jusqu'à opérer un paradoxal et admirable renversement final. Toutefois, une certaine linéarité est préservée, le récit progressant bien de l'avant à l'après-guerre, juste ponctué de quelques retours vers le futur. La passé est présent, travaillant souterrainement, surtout parce qu'on le raconte. La mémoire, individuelle et collective, est mise en scène.
De façon inattendue, le film apparaît finalement moins complexe dans sa construction et sur le plan historique (les signes permettant de se situer dans cette histoire de la Grèce sont infimes mais suffisants : un vêtement, une couleur, un slogan, un discours...) que dans les rapports qu'il interroge entre culture populaire, culture classique, théâtre, cinéma... Ce qu'il montre tout d'abord, c'est le conflit opposant l'Art et l'Histoire. Le spectacle joué par les comédiens est une pièce du répertoire classique grecque. Or, toutes les représentations se voient perturbées, par un bombardement, une arrestation... Les artistes qui semblent s'écarter de l'Histoire (un des premiers plans du film les montre bifurquer d'une artère principale alors que s'avance vers eux un groupe de soldats, puis y revenir une fois celui-ci passé) ne peuvent donc que s'y engouffrer ou être happés par son souffle.
Toutefois, du Voyage des comédiens, se retient surtout la série de distanciations que propose le cinéaste. Trois récits sont faits directement au spectateur, comme autant de témoignages, et certaines morts, certaines compositions plastiques, sont ouvertement théâtrales. Même lorsqu'elle ne prend pas comme sujet spécifique la représentation de la pièce jouée par les comédiens, la mise en scène d'Angelopoulos peut tirer le réel vers le théâtre. La composition qui soutient la séquence du peloton d'exécution ou le spectacle exigé sur la plage par les soldats anglais sont deux des multiples exemples de ce mouvement réflexif. Il n'est pas jusqu'au travelling circulaire qui ne tente de participer à cet effort, faisant entrer le monde dans un espace scénique. Tout s'organise pour faire sentir la frontière entre la scène et la salle, entre l'espace in et l'espace off. Le off, c'est nous, spectateurs. Notre place est désignée et Angelopoulos peut alors d'autant mieux nous titiller (les déshabillages), nous forcer (la scène de viol, difficilement soutenable puis magistralement "désamorcée") ou nous faire gamberger (l'arrestation hors-champ). Nous nous étonnons sans cesse de constater que ce cinéma-là produise un temps si résolument théâtral.
Ces remarques peuvent laisser croire à un film envahit par la théorie. Or, celui-ci ne se tient heureusement pas exclusivement à ce programme car, peu à peu, la caméra d'Angelopoulos se rapproche de ses sujets. Alors qu'il filmait essentiellement des groupes en marche, le cinéaste commence, à mi-chemin, à individualiser et ainsi à créer une émotion plus directe. Lorsque la troupe explose, ne restent que quelques personnages dont nous suivons de plus en plus intensément le parcours douloureux. S'explique alors la supériorité du Voyage des comédiens sur l'ensemble présenté ici : la distanciation voisine avec l'émotion.
Le succès obtenu a poussé le cinéaste à innover encore, à faire une nouvelle proposition forte, tout en poursuivant sur la piste ouverte par les deux premiers opus de sa "trilogie historique". Pour clore celle-ci et traiter des années 49 à 77, il choisit alors de radicaliser son usage du plan-séquence (une quarantaine de plans seulement, pour un film de 2h25), de traduire plus systématiquement la porosité entre les époques, et de tirer les comportements du nouveau groupe qu'il dépeint vers l'absurde et le grotesque. Avec Les chasseurs, il s'en prend à cette classe privilégiée toujours au pouvoir en 1977 malgré ses compromissions passées sous la dictature. Un panel représentatif est réuni dans un hôtel, à l'occasion du Nouvel An. C'est dans cet endroit que l'Histoire refait surface, sous la forme du cadavre inexplicablement "frais" d'un maquisard communiste. Les bourgeois, se sentant assaillis, se prêtent alors, chacun leur tour, sous le prétexte de dépositions pour la police locale, à une série d'aveux prenant valeur de justification des comportements de leur classe à plusieurs moments-clés de l'histoire grecque récente.
Bien évidemment, ce sont ces témoignages qui provoquent les glissements temporels chers à Angelopoulos. On note cependant qu'ils sont moins amples, moins précis historiquement (pour le non-connaisseur), mais aussi plus fréquents et plus voyants que dans Le voyage des comédiens. La répétition du procédé freine quelque peu l'adhésion et atténue le plaisir du récit dans son ensemble.
Chacune des dépositions des Chasseurs tourne au spectacle. L'ironie est reine, jusque dans l'utilisation des chants et des danses, moments primordiaux dans tous les films du cinéaste. La distanciation est donc, cette fois-ci, constante. Aucune scène n'y échappe dans ce petit théâtre de l'absurde qui fait naître une parenté, la tentation du fantastique et du surréalisme aidant, avec l'œuvre d'un Buñuel. A ceci près que les plans-séquences des Chasseurs accusent l'artifice théâtral alors que L'ange exterminateur et son découpage beaucoup plus serré accédait à une dimension toute autre, d'une certaine façon plus purement cinématographique.
Ce quatrième opus est un film d'après la dictature, un film sur la claustration, celle du pouvoir maintenant (après celle des opposants de Jours de 36). La situation de l'hôtel le démontre, placé qu'il est au bord de l'eau, comme sur une île. Un film d'après la dictature mais un film foncièrement pessimiste. Si le maquisard est un fantôme qui effraie la droite au pouvoir, celle-ci reste sûre d'elle et joue littéralement à se faire peur. Le dernier plan du film reprend le premier et efface tout.
Régulièrement déroutant, déceptif dans son déroulement mais parfois impressionnant à l'intérieur de ses différents segments (une partie de foot imaginaire, une danse royale se prolongeant en transe sexuelle...), le film n'est pas le plus attachant de son auteur mais, étant, selon ses propres dires, le plus étrange qu'il ait réalisé, il accompagne durablement le spectateur.
Alexandre le Grand, pourtant plastiquement très étudié, marque finalement moins l'esprit. Après sa trilogie sur l'histoire récente de son pays, Angelopoulos recule dans le temps, jusqu'en 1900, et évoque des événements moins situables et, en apparence, moins déterminants. Cette ambitieuse allégorie illustre la transformation d'un héros libérateur en tyran et se veut geste poétique.
Pour la première fois, on touche sans doute la principale limite du cinéma d'Angelopoulos. L'esthétique reste basée sur le plan-séquence éloigné, la durée est encore inhabituelle et si le fil narratif est linéaire, il est soumis à une progression par larges blocs. La monotonie n'est pas évitée mais il y a surtout cette poésie imposante - dans le sens où elle nous est effectivement imposée. Les premières minutes sont fabuleuses, proposant un enchaînement de plans magiques qui culmine avec l'élection divine de ce nouvel Alexandre. Mais se cantonnant ensuite dans un village de montagne et ses alentours pour décrire l'effondrement d'une utopie, le film accumule les compositions majestueuses et symboliques manquant de mystère et de tension.
La direction chorégraphique des masses encerclantes ou encerclées et la finalité des mouvements de caméra peuvent s'admirer mais deviennent prévisibles ou sur-signifiants. Les personnages, lestés du poids du mythe, manquent de nous émouvoir, bien qu'il n'y ait plus guère qu'un seul niveau de lecture, celui du poème politique. Si les répercussions existent, nous avons cette fois-ci tendance, sur la durée, à les négliger. Angelopoulos, militant de la liberté laissée au spectateur, se rend-il compte que, parfois, sa mise en scène peut contraindre ce dernier, tout au moins, l'intimider ?
Au moment où le ciel commence à devenir trop lourd, une éclaircie change le cours des choses. Avec le documentaire Athènes surgissent les premières images du présent d'Angelopoulos (celles de La reconstitution se donnaient aussi comme contemporaines mais étaient filtrées par le noir et blanc, la rigueur de la mise en scène et la distance intellectuelle qu'imposait le parti pris de départ) et l'idée de la maîtrise absolue du plan est bousculée. Des travellings automobiles sur les allées ou les façades, des panoramiques sur les paysages ou les monuments, servent de support documentaire, d'illustration ou de contrepoint à ce qu'énonce la voix-off. Angelopoulos y évoque lui-même, sous forme poétique et éclatée, quelques souvenirs de son enfance athénienne, entrecoupés de poèmes de George Seferis. L'enjeu est ici de rechercher les traces du passé de la ville antique, de se remémorer les événements historiques trop vite oubliés, y compris les plus récents, de déceler ce qui fut recouvert par les couches successives du temps.
"J'ai toujours eu l'impression d'habiter une ville factice, faite de décors en cartons." Angelopoulos réalise un film à la première personne, film qu'il montre en train de débuter et de se terminer, lui donnant la forme du journal intime. L'Histoire se trouve filtrée par une subjectivité affirmée, une mémoire personnelle. Angelopoulos prépare là, clairement, son film suivant. Court documentaire résultant d'une commande télévisuelle et occupant ainsi dans l'œuvre une place à part, ce bel essai est loin d'être négligeable.
Dernier titre du coffret, Voyage à Cythère prolonge ce mouvement vers l'intime, donne le sentiment que le cinéaste entre vraiment dans le cercle, qu'il se recentre et qu'il se rapproche. Sa caméra se tient plus près des visages, comme elle ne l'a jamais été auparavant, rendant l'individualisation précise et l'identification possible. Plutôt que de travailler la matière historique à travers l'étude d'un nouveau groupe, Angelopoulos met en scène le retour d'un homme âgé qui fut traversé par l'Histoire, qui en fut le jouet et non l'acteur. Cet ancien maquisard, la nouvelle société grecque refuse de l'accueillir et va jusqu'à le repousser vers la mer, sur un radeau fort symbolique. L'image est très puissante. Apparaissant allégorique à l'excès, elle peut en fait être vue de bien des façons.
Car si Angelopoulos se tourne ici plus volontiers vers l'intérieur, il ne se résigne pas pour autant à signer une œuvre unidimensionnelle. Les événements ne se laissent pas deviner et les rythmes de chacune des parties sont différents. Le film s'inscrit finalement dans un univers mental, non celui du vieux communiste, mais celui de son fils, cinéaste, qui l'accompagne partout au point de parfois raconter son histoire, de faire naître lui-même ces images de son père. La grande qualité du Voyage à Cythère est de laisser l'hypothèse de la mise en abyme, du film dans le film, en suspens. Elle ne fait qu'affleurer de temps à autre, à l'occasion d'une variation d'éclairage ou de l'utilisation d'un décor en apparence réaliste mais tendant à la pure représentation, tel ce bistrot portuaire, arpenté de long en large lors de la magnifique dernière partie. Ce resserrement autour de l’intime met à jour un état de crise au moins autant existentiel qu’historique et, par là, Angelopoulos se rapproche de l’un des ses modèles, Michelangelo Antonioni.
Voyage à Cythère, au moins dans sa première partie, possède une dimension concrète que n’ont pas les précédents. La ville d’aujourd’hui (de 1984) en arrière-plan, par ses couleurs, son frémissement continu et ses bruits, lui donne un ancrage réaliste et actuel. Les figures qui s’y meuvent sont donc moins hiératiques, l’image est moins enjolivée par la patine du passé, le plan est plus vivant. Certes, la lenteur caractérise encore les divers déplacements, mais elle se justifie par le choix d’un personnage principal avançant avec difficultés vers la fin de son existence. Dans l’ensemble, le découpage se fait d’ailleurs plus vif, les plans moins longs et les dialogues plus abondants. Si les ellipses ne sont pas rares, les transitions d’une séquence à l’autre sont plus sensibles, atténuant l’impression de blocs successifs. Il faut voir là, sans doute, une influence déterminante, celle du scénariste Tonino Guerra, qui collabore alors pour la première fois avec Angelopoulos. Le virage amorcé est important : ce travail en commun se fera de la même manière sur la quasi-totalité des films suivants du cinéaste grec. Mais ceci est une autre histoire, avec ou sans "H" majuscule.
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