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Nightswimming - Page 99

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1974)

    Suite du flashback.

     

    cahiers249.jpgpositif158.JPG1974 : Sous l'impulsion de Daney et Toubiana, les Cahiers reviennent peu à peu aux films, même si cela passe beaucoup par des croisements avec d'autres disciplines (dossier sur le dramaturge Dario Fo, entretien avec Michel Foucault) et que les écrits les plus marquants consistent à s'attaquer au "rétro" (Lacombe Lucien et Portier de nuit dans le même sac). Dans une approche plus "positive", la revue s'attache à défendre René Allio et son Rude journée pour la reine ou le cinéma anti-impérialiste de l'Amérique latine, à travers les films de Jorge Sanjines, Helvio Soto et Miguel Littin.
    De son côté, Positif change d'éditeur et de maquette, remettant à jour, à cette occasion, son comité de rédaction (suite aux arrivées successives, entre autres, de Michael Henry, Alain Garsault, Hubert Niogret, Olivier Eyquem ou Frédéric Vitoux). Sur le fond, pas de bouleversement. Les forces vives du cinéma français sont bien représentées (entretiens avec Jean Eustache, Louis Malle, Maurice Pialat, Jacques Rivette, Claude Sautet et les débutants Tavernier et Corneau), tout comme les "auteurs-maison" (Rosi, Saura, Coppola, Boorman, Makavejev, Buñuel). Enfin, le numéro de décembre fournit un solide dossier "Amérique latine", décidément au centre des préoccupations politico-cinéphiles de l'époque.


    Janvier : ---/vs/ Lucky Luciano (Francesco Rosi, Positif n°155)

    Février : Cahiers du Cinéma n°249 (Helvio Soto, Rude journée pour la reine) /vs/ Casanova, un adolescent à Venise (Luigi Comencini, P156)

    Mars : ---/vs/ Zardoz (John Boorman, P157)

    Avril : ---/vs/ Dessin de Federico Fellini (P158)

    Mai : Cahiers du Cinéma n°250 (Dario Fo) /vs/ Ana et les loups (Carlos Saura, P159)

    Juin : ---/vs/ Sweet movie (Dusan Makavejev, P160)

    Eté : Cahiers du Cinéma n°251-252 (Histoire d'A, Miguel Littin) /vs/ La furie du désir (King Vidor, P161)

    Septembre : ---/vs/---

    Octobre : Cahiers du Cinéma n°253 (Jorge Sanjines, La terre promise) /vs/ Le fantôme de la liberté (Luis Buñuel, P162)

    Novembre : ---/vs/ Vincent, François, Paul et les autres (Claude Sautet, P163)

    Décembre : Cahiers du Cinéma n°254-255 (Chili, Proche-Orient, Kashima Paradise) /vs/ Les dieux et les morts (Ruy Guerra, P164)

     

    cahiers251.jpgpositif161.JPGQuitte à choisir : Petit retour des Cahiers dans la course avec des choix limités numériquement mais a priori assez pertinents (souvenir fort du documentaire de Yann Le Masson, Kashima Paradise, par ailleurs également défendu par Positif) et, malgré les grands noms, léger coup de moins bien chez la revue d'en-face. Le  Rosi, le Comencini, le Makavejev sont seulement, disons, "à voir" et le Boorman peut carrément être évité. Il reste tout même Fellini dessinateur, Vidor, Buñuel, Sautet (et probablement Guerra et Saura). Allez, pour 1974 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • C'était mieux avant... (Octobre 1984)

    Pas vu septembre passer. Rouvrons vite l'album-souvenir au chapitre Octobre 1984, afin de voir ce qui s'offrait alors aux regards des spectateurs sur les écrans français :

    Le cinéphile, qu'il appartienne à n'importe laquelle des chapelles, fut, en cette période, relativement gâté car en puisant dans les différents genres et styles, il était possible d'y trouver un ou plusieurs motifs de satisfaction. En octobre 84, comme le disait Jacques Martin, "tout le monde a gagné".

    troispantheres.jpgCeux qui aimaient la série B étaient peut-être les moins bien lotis. Trois produits de Hong-Kong, pas franchement attirants, sortaient en salles : Kung fu lama contre boxeur chinois (de N.G. See Yuen), Poings d'acier contre les griffes du tigre (Yeh Yung Chou) et Les quatre forcenés de Shaolin (Liu Chia Fei). Dans le même esprit, Trois panthères au combat, signé par Cirio H. Santiago, battait pavillon philippin. Côté occidental, la moisson n'était pas plus emballante : USA : Profession tueur, un polar espagnol, comme son nom ne l'indique pas, de José-Luis Merino, Sévices à la prison des femmes, dont le sujet tient dans le titre, de Sergio Garrone, Le baroudeur un post-Rambo anglais de Philip Chalong et Catherine chérie un film érotique soft hispano-allemand de Hubert Frank.

    Ceux qui aimaient les comédies avaient déjà plus de chance. Oh certes pas avec le Bébel de saison ! Dans Joyeuses Pâques ("mis en scène" par Georges Lautner) Monsieur "Toc-Toc-Badaboum" se vautrait dans le pire boulevard en compagnie de Sophie Marceau. Pierre Richard n'était pas non plus au mieux de sa forme (Le jumeau d'Yves Robert). Et que dire d'Aldo Maccione (La classe de Juan Bosch) ? En revanche, La tête dans le sac, de Gérard Lauzier, avec Guy Marchand et Marisa Berenson, a peut-être quelques mérites. Toutefois, la grande affaire dans le domaine, ce fut la sortie de Marche à l'ombre, première réalisation de Michel Blanc (devancé dans l'exercice de quelques mois par Gérard Jugnot). Gros succès public, confirmé ensuite par les multiples rediffusions télévisées (assurant ainsi la cultisation de certains dialogues), le film sentait bon la comédie socialement bien observée, presque "à l'Italienne". Un peu trop vu en nos jeunes années, nous préférons attendre encore avant de nous repencher dessus...

    thehit.jpgCeux qui aimaient les polars avaient le choix entre le singulier sérieux et le singulier déconnant. The hit, deuxième long-métrage cinéma de Stephen Frears, est un polar écrasé par le soleil espagnol et dont la distribution fait saliver : Terence Stamp, John Hurt, Laura del Sol, Tim Roth. Je ne l'ai malheureusement toujours pas vu. Les trottoirs de Bangkok non plus (franchement, il me tarde moins). C'est apparemment une parodie d'espionnage, un peu olé-olé, filmée par Jean Rollin.

    Ceux qui aimaient les films populaires ont-ils apprécié le Rive droite, rive gauche de Philippe Labro (Depardieu, Baye et C. Bouquet à l'affiche) ? Pour le grand public (et pour nous, les ados) le véritable évènement c'était plutôt Greystoke, la légende de Tarzan, seigneur des singes. Hugh Hudson réalisait là l'adaptation la plus fidèle du récit original d'Edgar Rice Burroughs et Christophe Lambert était une star internationale.

    Ceux qui aimaient aller au cinéma en famille se sentaient très bien devant Splash de Ron Howard avec le jeune Tom Hanks en amoureux de la sirène Daryl Hannah. A survoler quelques critiques d'époque, assez bienveillantes, nous n'avons pas vraiment envie de ricaner en repensant à notre intérêt d'alors. En ce qui concerne Supergirl, par contre, si. Jeannot Szwarc dirigeait Helen Slater (qui ça ?) et Faye Dunaway en méchante (mais aussi Peter O'Toole et Mia Farrow !).

    Ceux qui aimaient les documentaires pouvaient regarder passer Les nuages américains (un épisode du "journal filmé" de Joseph Morder), s'installer devant le Cinématon (concept de Gérard Courant : faire des portraits cinématographiques en Super-8 de personnes connues ou pas) et réflechir à Euskadi hors d'état (Arthur Mac Caig).

    Ceux qui aimaient les découvertes pouvaient voir Le montreur d'ours, fable régionaliste tournée en occitan par Jean Fléchet et deux chroniques soviétiques (Amoureux volontaires de Sergueï Mikaelian et Vols entre rêve et réalité de Roman Balaian).

    Ceux qui aimaient le cinéma français du milieu n'avaient pas de grands noms à retrouver mais s'essayaient à l'Ave Maria de Jacques Richard, au Côté coeur, côté jardin de Bertrand Van Effenterre et aux Fausses confidences de Daniel Moosmann (et de Marivaux).

    amadeus.jpgCeux qui aimaient les grands auteurs affichaient un large sourire. Broadway Danny Rose est en effet l'un des meilleurs Woody Allen, hommage drôlatique et en noir et blanc à tous les artistes de seconde zone (Woody lui-même en impresario inoubliable). Milos Forman, lui, frappait très fort avec Amadeus, film rieur et funèbre, bien plus passionnant que les films-opéras de prestige réalisés à l'époque. Revue il y a quelques années, l'oeuvre tient diablement le coup. Maria's lovers, le mélodrame d'Andreï Konchalovsky, avec John Savage et Nastassja Kinski, est l'un des titres-phares du soviétique expatrié (mais mon souvenir est bien trop brumeux). Les yeux la bouche est un étrange projet de Marco Bellocchio, une mise en abyme, avec la complicité de Lou Castel, à partir de leur coup d'essai-coup de maître de 1966, Les poings dans les poches. Enfin, Souleymane Cissé voyait distribué son film de 1978, Baara.

    Ceux qui aimaient les artistes exigeants pouvaient compter sur Jacques Rivette (L'amour par terre avec Géraldine Chaplin, Jane Birkin, André Dussolier et Jean-Pierre Kalfon, pour un jeu autour du théâtre qui n'est, à mon sens, pas le plus enthousiasmant de l'auteur), sur Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (Amerika/Rapports de classe, adaptation de Kafka) et sur Philippe Garrel (Liberté, la nuit ou Paris pendant la guerre d'Algérie, avec Emmanuelle Riva, Maurice Garrel, Christine Boisson et Laszlo Szabo).

    ecran49.jpgCeux qui aimaient lire les revues pouvaient prolonger leurs réflexions sur L'amour à mort d'Alain Resnais, sorti le mois précédent, grâce à Positif (284) et à La revue du Cinéma (398) et sur Le futur est femme de Marco Ferreri, également à l'affiche depuis septembre, grâce à Cinéma 84 (310). Ils pouvaient aussi regarder dans les yeux Christophe Lambert sur les couvertures de Première (91), de Starfix (19) et de L'Écran Fantastique (49), lire un dossier "Méthodes de tournage" dans les Cahiers du Cinéma (364, photo d'Eric Rohmer tournant Les nuits de la pleine lune) et s'attacher au cinéma documentaire par l'intermédiaire de Jeune Cinéma (161, en couve : The good flight de Noel Buckner, Mary Dore et Sam Sills).

    Voilà pour octobre 1984. La suite le mois prochain...

  • Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?

    (Pedro Almodovar / Espagne / 1984)

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    questcequejaifait.jpgSeul long-métrage cinéma d'Almodovar qui manquait jusqu'à présent à mon tableau de chasse, Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? (Qué he hecho yo para merecer hesto !!) trouve parfaitement sa place en tant qu'oeuvre de transition entre la première période du cinéaste (ses trois premiers films "officiels", provocateurs, foutraques, débraillés et très underground) et la deuxième (celle qui le voit accéder au statut d'auteur européen d'envergure, à partir de la deuxième moitié de la décennie 80).

    Ici, l'histoire est celle d'une famille de la banlieue de Madrid : la mère tient la baraque grâce à ses ménages, s'aidant de calmants et autres colles, le mari fait le taxi et semble avoir le don d'imiter toute écriture (dont celle d'Hitler), la grand-mère collectionne les bouts de bois et apprivoise un beau lézard vert (qu'elle nomme "Dollar"), le fils aîné deale pour tout le quartier et le cadet, à peine entré dans l'adolescence, se fait régulièrement "adopter" et héberger par quelques notables pédophiles. Nous nous en tiendrons-là pour la description, mais il faut savoir que les figures secondaires gravitant autour de l'appartement familial sont toutes aussi gratinées. Les comportements sont donc ahurissants mais passent pour naturels aux yeux de chacun, source d'un comique qui atteint souvent sa cible. Almodovar enregistre cependant ces excès de manière relativement sobre et les situe dans un environnement désespérant, celui d'une zone délabrée de la ceinture madrilène.

    Entre la noirceur, le kitsch et la tendresse, l'esthétique peut rebuter légèrement, durant les premières minutes. Les cadrages sont souvent frontaux, donnant à voir de manière rigoureuse des décors intérieurs très chargés. Surtout, ils participent d'une réflexion sur la représentation, rendue évidente par la convocation de tous les arts : le fils et la grand-mère vont voir La fièvre dans le sangau cinéma, un écrivain évoque Truman Capote, le mari s'est entiché d'un air d'opéra allemand, l'adolescent veut suivre des cours de peinture... Les surcadrages théâtralisent les jeux érotiques de la voisine prostituée et certains plans ouvertement artificiels (pris de l'intérieur de la machine à laver ou de la penderie) échappent à la gratuité s'ils sont mis en rapport avec l'influence de la publicité télévisuelle.

    Les sous-intrigues et les croisements abondent, Almodovar étant, déjà à l'époque, plutôt à l'aise dans la construction narrative. Quelques épisodes sont certes un peu faibles (la mère de famille sévère et sa fille aux étranges pouvoirs, le couple d'écrivains alcooliques) mais certains détails accrochent plaisamment (la bourgeoise ne peut s'empêcher de faire les poches de tout le monde, y compris de la bonne) et l'ensemble est suffisamment bien structuré pour intéresser de plus en plus au fil du temps.

    Pour la première fois, Almodovar trouve son équilibre entre distanciation et incarnation, provocation et émotion. Les personnages (et les comédiens) masculins ne sont pas les plus remarquables. En revanche, les figures féminines de la grand-mère et de la prostituée, sont croquées avec une tendresse touchante, y compris lorsqu'elles agissent de façon irréflechie. Et il y a surtout une formidable Carmen Maura dans le rôle principal de la mère, à laquelle on s'attache dès qu'on la voit se défouler seule dans la salle des arts martiaux, en criant et en mimant les attaques, après un rapport sexuel écourté dans les douches avec l'un des sportifs. Jouant juste tout du long, elle se voit offrir par son metteur en scène un final magnifique dans lequel la caméra l'accompagne en long travelling arrière depuis l'arrêt de bus jusqu'à son immeuble, puis dans son appartement maintenant vidé de ses occupants. Son visage apparaît, dans cette soudaine proximité, à la fois triste et lumineux.

    Avec le recul du temps, je me suis plu à voir dans les dernières séquences de Qu'est-ce que j'ai fait...la trace concrète d'un changement de statut du cinéma d'Almodovar, sentant là qu'il était tout à coup près pour Matador et tout le reste...

  • Les deux orphelines

    (David W. Griffith / Etats-Unis / 1921 & Maurice Tourneur / France / 1933)

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    A l'époque où se font entendre les premiers grondements révolutionnaires, deux jeunes femmes arrivent à Paris. Henriette et Louise, qui est aveugle et a été abandonnée enfant par sa véritable mère, ont été élevées comme des soeurs. Dans la capitale, livrées à elles-mêmes, elles sont brutalement séparées. Henriette tombe sous la coupe d'un aristocrate pervers et Louise sous celle d'une mendiante brutale.

    orphans.jpgJ'ai découvert il y a cinq ans de cela la version de Griffith des Deux orphelines (Orphans of the storm). Quelques notes griffonées alors me permettent de me la remémorer, au moment d'écrire sur celle de Tourneur.

    Ce qui impressionne d'abord chez Griffith est l'ampleur de la narration. La présentation des divers personnages laisse d'abord craindre d'avoir à feuilleter un simple catalogue de la reconstitution historique mais très vite, le cinéaste déploie les panneaux de son récit, multiplie les parallèles, développe les relations entre les nombreux protagonistes et éclaire leurs motivations par de courts flash-backs.

    La première partie culmine avec une longue et magnifique séquence de retrouvailles avortées entre Louise et Henriette. Cette dernière croit divaguer en entendant sa soeur chanter dans la rue, en contrebas et tarde à aller à sa fenêtre. L'écoulement du temps provoque le déchirement et la scène devient l'une des plus belles du cinéma muet.

    La deuxième partie est peut-être légèrement inférieure, plus linéaire et plus marquée par l'idéologie. En effet, Griffith a greffé à l'argument original l'Histoire avec un(e) grand(e) H(ache). Les figures les plus connues de la Révolution française apparaissent. Le peuple est dépeint comme une entité manipulable à l'envi et se lançant aveuglément dans l'expérience de la Terreur. Le péril bolchévique est là. Au final, les deux tyrannies, celle du peuple et celle du Roi, sont renvoyées dos à dos, à la faveur d'un éloge de l'individualisme et de la famille.

    Les deux "soeurs" sont interprétées par Dorothy et Lilian Gish, ce qui suffit déjà à faire naître une émotion. Lilian, dont le visage illumine comme toujours le moindre plan, joue d'ailleurs ici pour la dernière fois sous la direction de son mentor.

    Le film de Griffith est parfois négligé par rapport à ses oeuvres antérieures, certains lui reprochant la répétition stérile de certains effets (comme le sauvetage de dernière minute). Il s'en dégage, selon moi, une telle impression de "cinéma total" (mêlant l'histoire, le mélodrame, le comique, le politique et l'intime) que les quelques réserves qu'il peut susciter sont vite balayées.

    orphelines.jpgDouze ans plus tard, Maurice Tourneur réalise à son tour Les Deux orphelines pour un résultat qui n'est point trop indigne du précédent (il existe plusieurs autres versions, dont une de Riccardo Freda, datant des années 60). Nous n'y trouvons certes pas les mêmes fulgurantes inspirations et Rosine Déréan et Renée Saint-Cyr n'ont pas l'aura des soeurs Gish. Toutefois, le plaisir du récit mélodramatique est toujours présent. Le développement narratif est moins complexe mais assez rigoureux. Tourneur est resté fidèle au roman d'Eugène Cormon et Adolphe d'Ennery : de la Révolution, nous ne sentons qu'à peine les frémissements, là où Griffith faisait intervenir dans son scénario Danton et Robespierre.

    Le film a parfois du mal à se libérer totalement des pesanteurs inhérentes aux débuts du parlant et se voit, par endroits, coincé entre deux tendances du cinéma français, la volonté du réalisme et la tentation du théâtre. Cette double tension se ressent dans le jeu des comédiens : certains peuvent paraître cabotins avant d'accéder à une expressivité assez forte.

    Le soin apporté aux décors est notable et Tourneur arrive le plus souvent à faire vivre les scènes à plusieurs personnages (en revanche, les bagarres sont assez médiocrement filmées, sans doute tributaires des difficultés techniques liés au son). Quelques passages atteignent une réelle beauté. Ils concernent essentiellement les malheurs de Louise, réduite à la mendicité et dont l'histoire est plus poignante que celle de sa soeur. Sa cécité, que Tourneur utilise fort bien, ajoute à l'émotion, bien qu'il y ait, tout le long du film, de ce point de vue, une retenue de notre part. Le plus beau moment est sans conteste le dialogue et l'échange de pardessus entre Louise et le "bon" fils de la famille la séquestrant, filmés en plan-séquence fixe, enrobé de neige. Le dénouement est plus intime que chez Griffith, plus contraint par le cadre et plus théâtral par le positionnement des acteurs dans l'espace réduit.

  • Le grand sommeil

    (Howard Hawks / Etats-Unis / 1946)

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    Du fameux échange entre Lauren Bacall et Humphrey Bogart qui clôt la première partie du Grand sommeil (The big sleep), celle qui voit se résoudre l'énigme posée au départ, avant qu'une autre, sous-jacente, ne soit démêlée par la suite, de cet échange, donc, il a souvent été tiré tout le sel érotique. Il est vrai qu'il est fondé sur une métaphore transparente, celle de la course hippique. De plus, le film ne se contente pas de ce seul dialogue à double-sens, organisant une valse des désirs infinie autour du privé Marlowe. Dès la première scène, la fille de son client lui tombe littéralement dans les bras. Peu après, une belle bibliothécaire le renseigne sans se faire prier sur le voisin d'en face et veut bien l'aider à faire passer le temps en attendant le retour du suspect, enlève ses lunettes, dénoue ses cheveux, baisse le store et ferme la porte de son magasin. On ne saurait être plus clair. Qu'il soit synonyme de dépravation (la jeune Carmen Sternwood et sa vie dissolue) ou vécu de manière plus "saine" (Marlowe), le désir sexuel est partout, à l'origine de tout, de l'histoire criminelle (les ennuis de la famille) et de l'histoire d'amour (entre Marlowe et Vivian).

    grandsommeil1.jpg

    Mais revenons à nos chevaux. Le dialogue-pivot du film a un autre sens, plus évident encore car plusieurs fois repris par la suite : la nécessité, dans cette affaire, de prendre part à une course. Et en effet, se précise au fur et à mesure (alors que l'intrigue elle-même s'obscurcit) la règle du jeu. Tout simplement, il faut être le premier à investir un lieu. Logiquement, Marlowe commence par être convoqué (il est attendu par le patriarche Sternwood), puis son enquête le porte d'un lieu à l'autre, débarquant en cours d'une action ou s'avisant qu'il a été précédé par quelqu'un, évaporé ou caché dans le décor. Son parcours l'oblige également à repasser régulièrement par certains endroits (la maison louée par Geiger) comme l'on accumulerait les tours de terrain. Pour parvenir à ses fins, il doit combler son retard et il prend définitivement l'avantage lorsqu'il tend un piège à Eddie Mars en le devançant, l'attendant sur son terrain, dans sa propriété.

    Chacun le sait, la trame du Grand sommeil est extrèmement difficile à suivre, surtout dans la deuxième moitié du film. Les personnages, eux, ne paraissent en revanche jamais perdus. Si Marlowe est parfois perplexe, il comprend tout très vite, le récit le plaçant toujours en avance par rapport à un spectateur qui prend chacune de ses explications généreusement dispensées pour une bouée de sauvetage. Ces petits récapitulatifs laissent l'illusion de saisir au moins quelques détails et les grandes lignes de l'imbroglio. C'est l'une des manières que trouve Hawks pour ne pas laisser verser son récit dans l'arbitraire mais ce n'est pas la seule.

    Étrangement, l'impression de vitesse est moins donnée par les mouvements de caméra et les déplacements que par le tempo imposé aux mots (Le grand sommeil est un film d'intérieur qui va vite...). Le rythme effréné des répliques concerne aussi bien les propos visant à la séduction que ceux purement investigateurs. Cet emballement est source de plaisir lorsqu'il s'agit d'observer la guerre des sexes, pourquoi devrait-il se calmer dans les moments réservés à l'enquête ? Il faut toutefois préciser que c'est bel et bien l'enchaînement des questions et des réponses et non l'élocution de chacun qui est rapide, cela à une seule exception près, parfaitement cohérente : dans le final, Marlowe débite ses phrases à toute vitesse, pour la première fois à ce point, étant toujours dans cette logique de la course et touchant enfin au but.

    grandsommeil2.jpg

    La vitesse, c'est aussi la sêcheresse des coups et le magnifique réalisme gestuel. C'est le passage à tabac du détective dans une impasse, en deux ou trois mouvements fulgurants, et c'est Marlowe qui suspend son coup de fil pour faire deux pas vers la serveuse du bar afin que celle-ci lui allume sa cigarette. A l'art du geste et des postures s'ajoute enfin celui de l'organisation spatiale. Le caractère arbitraire des changements de lieux est gommé par la mise en scène : merveilleux raccords dans le mouvement pour passer d'une séquence à l'autre, illustration des relations entre les personnages par leur position (le jeu de regards et de gestes, lorsque Marlowe retrouve Vivian chez Mars, en train de chanter), musique de Steiner qui accompagne sans surligner, légères variations lors des approches successives d'un même décor. Tout cela est d'une grande simplicité et d'une fluidité admirable et prouve que, décidément, atteindre la "transparence" demande du travail.

    Photos : dvdbeaver
  • Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages & Le grand bazar

    (Michel Audiard / France / 1968 & Claude Zidi / France / 1973)

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    Jeudi soir dernier, sur une chaîne de la TNT (celle du grand journaliste J.M. Morandini), c'était soirée thématique "comédies françaises cultes". Entendez : "gros navets". J'ai testé pour vous.

    fautpasprendre.jpgFaut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages est la première réalisation de Michel Audiard. Cela démarre sur un monologue de Marlène Jobert, préfigurant les apostrophes au spectateur qu'affectionnera un peu plus tard Bertrand Blier, en plus long et en moins saillant. En fait, pratiquement le quart du métrage est encombré par ce procédé (Jobert laissant parfois la parole à André Pousse, Mario David ou Bernard Blier) faisant ainsi patiner un récit qui n'est déjà pas particulièrement stimulant car ressassant toujours les mêmes histoires de règlements de comptes rigolards entre truands. Pour faire cinéaste, Audiard brise le rythme, façonne des gags cartoonesques (minables), insère des textes décalés en guise de débuts de chapitres. Les dialogues n'offrent aucune progression narrative, Audiard étant trop occupé à coller ses formules les unes aux autres. Même sortant de la bouche de Bernard Blier, ce déluge provoque vite la saturation. Marlène Jobert est supportable à condition de se boucher les oreilles en reluquant son joli corps régulièrement dénudé (et c'est encore la meilleure façon d'illustrer cette note). Au milieu de cette sinistre comédie, nous avons droit à une pitoyable parodie de comédie musicale à la Jacques Demy. On se moque aussi des hippies, du pop-art, de tout ce qui représente la jeunesse et on idolâtre ces vieilles flingueuses et ces vieux gangsters qui savent vivre, eux. Un film de gérontophile. Un film très con, pour parler comme son auteur.

    legrandbazar.jpgPar rapport à la connerie, la crétinerie peut apparaître parfois plus sympathique. Le grand bazar est réputé pour être le "meilleur" film des Charlots. C'est peut-être vrai : c'est nul mais pas foncièrement déplaisant. Pendant une demie-heure, on relève quelques gags réussis, disons un sur quatre ou cinq, les autres étant affligeants. Le film bénéficie de l'abattage de Michel Galabru et de Michel Serrault. La sûreté de leur jeu, même dans un registre extrèmement limité comme celui qui leur est imposé, contraste avec l'amateurisme désespérant de celui des Charlots. Contrairement au titre précédemment évoqué, Le grand bazar capte (mal, mais il capte quand même) un certain air du temps avec son scénario anti-consumériste (la bataille que mène un petit commerçant contre un gérant de supermarché) et sa vision d'une banlieue peu attrayante. Comme Audiard avec Demy, Zidi fait lui aussi un renvoi cinéphilique en filmant Galabru partant à l'assaut de son concurrent au son du thème à l'harmonica créé par Morricone pour Il était une fois dans l'Ouest. L'écart, par son gigantisme, provoque un sourire bienveillant, loin du sentiment de mépris que véhicule la parodie d'Audiard. Cela dit, à la mi-parcours (à peu près à la coupure de pub !), ma relative indulgence s'est évaporée devant l'essoufflement du récit, la débilité continue des gags, l'étirement insupportable de certaines séquences comme celles du pillage du magasin et de la virée en boîte et la nullité du dénouement, totalement inoffensif, montrant les Charlots heureux de leur renoncement.

    Bon, là, j'ai comme une envie de me faire un Tarkovski...

  • Cahiers du Cinéma vs Positif (1973)

    Suite du flashback.

     

    cahiers244.JPGpositif149.JPG1973 : Les Cahiers du Cinéma s'appuient sur la "plate-forme politique" marxiste-léniniste établie par l'un de ses rédacteurs, Philippe Pakradouni, pour agir, à travers différents groupes de travail, sur le "front culturel révolutionnaire". Le point d'orgue des actions initiées devait être un stage au festival d'Avignon organisé par la revue mais celui-ci se soldera finalement par un échec. Fin 73, Serge Daney prône un retour aux films.
    Le dernier tango à Paris est l'un des très rares titres évoqués (négativement) par les Cahiers au cours de l'année. A Positif, il divise la rédaction mais Michel Ciment et Gérard Legrand rencontrent Bertolucci. De nombreux autres entretiens sont publiés (avec Raoul Walsh, Robert Altman, Monte Hellman, Robert Mulligan, Jerry Schatzberg, Blake Edwards, Alain Jessua, Michel Deville). L'excellente forme des "anciens" (Buñuel, Huston, Mankiewicz, Cukor, Wilder) est saluée, les Polonais Zulawski et Zanussi sont présentés et, en été, un épais dossier est consacré à Chaplin.


    Janvier : ---/vs/ Le charme discret de la bourgeoisie (Luis Buñuel, Positif n°146)

    Février : Cahiers du Cinéma n°244 (groupes de travail sur le front culturel) /vs/ La grande évasion (Raoul Walsh, P147)

    Mars : ---/vs/ Loving (Irvin Kershner, P148)

    Avril : Cahiers du Cinéma n°245-246 (action culturelle, cinéma militant) /vs/ Le limier (Joseph L. Mankiewicz, P149)

    Mai : ---/vs/ La troisième partie de la nuit (Andrzej Zulawski, P150)

    Juin : ---/vs/ L'épouvantail (Jerry Schatzberg, P151)

    Eté : Cahiers du Cinéma n°247 (action culturelle) /vs/ Le cirque (Charles Chaplin, P152-153)

    Septembre : ---/vs/ Cris et chuchotements (Ingmar Bergman, P154)

    Octobre : ---/vs/---

    Novembre : ---/vs/---

    Décembre : Cahiers du Cinéma n°248 (résistance palestinienne) /vs/---

     

    cahiers245.jpgpositif154.JPGQuitte à choisir : Les Cahiers n'étant encore revenus ni à la photo en couverture ni au cinéma (autre que militant), il n'y a qu'à trier du côté de Positif. On se retrouve alors avec un film inégal mais bouillonnant (Zulawski), un autre méconnu (Loving) et six chef-d'oeuvres (ou peu s'en faut). Allez, pour 1973 : Avantage Positif.

     

    A suivre...

    Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma

  • Le grand silence

    (Sergio Corbucci / Italie - France / 1968)

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    grandsilence.jpgMalgré le fait qu'il soit loin d'être détestable, j'ai quelques problèmes avec Le grand silence (Il grande silenzio), western italien qui ne manque ni d'admiratrices ni d'admirateurs.

    Les montagnes de l'Utah à la fin du XIXe. Des bandits s'y cachent, des chasseurs de primes les traquent, un étranger vengeur les protège et un sheriff leur promet une amnistie. Certes, la préférence ayant été donnée pour une fois à la neige et non à la poussière, le cadre est original mais Corbucci en tire parti de manière assez inégale, plus efficace dans les détails (les fusils enrayés, les corps gelés, la diligence comme recouverte de glace) que dans les plans d'ensemble (l'abus des chevauchées dans la neige, l'imprécision de la topographie - où se réfugient les bandits ? de quel côté se trouve la ville ?). Le cinéaste a un sens de l'espace très relatif et ses séquences d'intérieur reposent essentiellement sur les dialogues (par exemple, l'ultime séquence au saloon n'est mémorable que pour sa violence). Le film est d'ailleurs plus bavard que ne l'annonce son titre et le choix d'un héros muet. Les évènements nous sont la plupart du temps expliqués par les protagonistes. De même, les deux flash-backs éclairant les motifs de la vengeance de Silenzio n'apportent pas grand chose d'autre qu'une illustration.

    Corbucci, surtout dans la première moitié, filme vraiment à la va-comme-j'te-pousse : zooms acrobatiques, recadrages incessants sur des éléments du décor ou sur les personnages, cadre tremblé et images floues. La grossièreté du style rejoint celle du langage, tirant le tout, régulièrement, aux portes de la caricature. Les barbes, la crasse, le froid, les cicatrices trahissent moins une volonté de démythification des figures du western qu'ils ne s'érigent en simple signe de reconnaissance du genre à l'Italienne. Plus gênant encore, de mon point de vue, est l'évaporation de la vérité des gestes, notamment pendant les fusillades. La séquence de l'entraînement au tir sur des patates par Silenzio et le sheriff vire à la parodie. Dans les différents face-à face, la rapidité du découpage annule les gestes, ne donnant à voir que les prémisses et le résultat. En privilégiant la vitesse, Corbucci nous prive de la lecture du trajet des balles. Devant ces confrontations si ouvertement irréalistes, il n'est finalement même plus question d'adresse.

    L'éloignement permet encore une fois de porter un regard original et critique sur l'histoire de l'Amérique, le carton final rappelant la véracité du contexte. Malheureusement, le sujet, méconnu, est traîté sans trop de nuances : les bandits pourchassés sont les "bons", les chasseurs de primes les "méchants", les notables sont "les corrompus". Les représentations sont trop claires et les causes trop obscures par défaut d'approfondissement.

    Ce qui semble rester longtemps dans les têtes cinéphiles est le final du Grand silence. Assumée par Corbucci de manière bravache, sa noirceur surprend et accroche indéniablement. Le hic est toutefois que, passé l'effet de surprise, la séquence ne se voit lestée que d'une valeur de provocation. Dans les cent minutes précédentes, rien n'annonçait ce changement de ton puisque tout, y compris les disparations des personnages les moins antipathiques et les violences à l'encontre des plus faibles, se trouvait mis à distance par un point de vue ironique, voire farceur.

     

    Merci à Jocelyn

  • La Ciénaga

    (Lucrecia Martel / Argentine - France - Espagne / 2001)

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    cienaga.jpgPremier film de Lucrecia Martel, La Ciénaga est une chronique familiale grinçante, tendre et terrible à la fois. Dès les premiers plans sont dévoilés les corps avachis du couple formé par Mecha et Gregorio et de ceux de leurs invités, corps titubant sous les effets de l'alcool, affligés par la moiteur et comme paralysés sous le poids de leur classe. Quand Mecha tombe et se coupe avec son verre, personne ne lève le petit doigt et chacun attend que la domestique vienne faire son travail. Inertes, les propriétaires de cette maison ne savent que se traîner de la piscine à l'eau croupie jusqu'à leur lit, cela en médisant constamment sur leurs bonnes et les Indiens en général, ces "barbares".

    Du côté des adolescents, tout espoir n'est pas perdu mais la sclérose guette (au final, les deux filles prendront place sur les transats). Si leur circulation à l'intérieur de la maison se fait également, essentiellement, d'un lit à l'autre, au moins, les échanges avec l'extérieur sont plus soutenus. Ce sont d'ailleurs eux qui sont chargés de faire le lien, conduisant la voiture à la place des parents, alors qu'ils n'ont pas l'âge de le faire. Le jeune Joaquin, trop conditionné, peut lâcher quelques remarques méprisantes envers les jeunes du villages au retour de la pêche, mais il n'empêche qu'il les côtoie sans heurt au cours d'une activité "égalitaire". Momi, elle, suit Isabel, la jeune domestique jusque dans ses escapades amoureuses. Le désir est la principale raison de son ouverture aux autres. On le voit, le faible espoir encore véhiculé par les personnages d'adolescents n'a rien d'angélique.

    Sans doute faut-il se tourner vers les enfants pour trouver une pulsion plus optimiste, bien que l'enfance ne soit pas non plus un long fleuve tranquille et charrie son lot de terreurs. Est-il raisonnable de laisser les plus jeunes s'amuser à chasser dans la fôret, armés de fusils ? Une dent poussant anormalement et une légende horrifique de rat d'Afrique dévorant les chats suffit à faire basculer l'un des gamins dans une dimension inquiétante. C'est en fait tout le récit qui baigne dans une ambiance fantastique. L'architecture de la maison principale semble fuyante, le spectateur ayant du mal à visualiser l'emplacement exact des pièces. Le moindre détail peut être porteur de menace : l'évocation d'un dangereux voyage en Bolivie, l'interdiction de grimper à une échelle. Distiller l'angoisse : la plupart du temps, la bande-son s'enquiert de la tâche. Les tirs entendus au loin, la télévision vidant son discours pseudo-religieux, le téléphone n'arrêtant pas de sonner, les cris d'enfants joueurs et les aboiements des chiens tissent une trame sonore oppressante. C'est ainsi et en s'appuyant sur le travail de la lumière, sur l'agitation et le surgissement dans le décor de nombreux protagonistes, que Lucrecia Martel charge d'énergie tous ses plans.

    Imposée dès le début, la présence des corps ne cesse de s'affirmer. Ils sont porteurs de stigmates de plus en plus nombreux : une poitrine lacérée, un nez cassé, une dent gênante, un oeil ayant perdu sa vision. Ils sont également objets du désir mais ce qui frappe, c'est le parfum incestueux se dégageant de ces rapports. La communauté est une source de vie et un soutien mais, dans le même temps, peut entraîner vers l'autarcie. Les liens, y compris ceux non-familiaux, sont si forts et tous ces nombreux protagonistes se connaissent si bien que l'attirance incestueuse semble ne pas concerner uniquement le frère et la soeur mais tous les personnages. Malgré un dénouement glaçant, la vitalité parcourant La Ciénaga repousse l'abattement mais la métaphore sur la société argentine inquiète sérieusement.